Eta Carinae, ou comment assister à la mort d’une étoile en direct

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Les astronomes ont découvert dans d'autres galaxies cinq étoiles supergéantes identiques à l'étoile Eta Carinae, située dans la Voie lactée. Ces astres sont susceptibles d'exploser en supernova d'un moment à l'autre... Photos Nasa/ESA/STSCI.

Les astronomes ont découvert dans d’autres galaxies cinq étoiles supergéantes identiques à l’étoile Eta Carinae, située dans la Voie lactée. Ces astres sont susceptibles d’exploser en supernova d’un moment à l’autre… Photos Nasa/ESA/STSCI.

C’est un rêve d’astronome. Un rêve jadis considéré comme fou, mais qui désormais n’est plus un fantasme. Prédire l’explosion d’une étoile, et l’observer en direct… Jamais un tel événement n’a été vu par les astronomes, car la fin brutale par explosion des étoiles – un phénomène appelé supernova par les spécialistes – est un phénomène rarissime, et lorsque les astronomes découvrent dans le ciel une supernova, il est déjà trop tard : la phase catastrophique qui précède l’explosion et celle-ci – fulgurante – est déjà passée, n’est plus visible que la gigantesque et aveuglante boule de feu qui suit l’événement…
Si la prédiction et l’observation en direct d’une supernova semblaient jusqu’ici utopiques, c’est que, d’abord, les explosions d’étoiles sont rares, et ensuite, l’évolution des étoiles étant extraordinairement longue, qu’il est quasiment impossible de savoir, à l’échelle humaine, quand le phénomène aura lieu.
Seules les étoiles massives explosent. Les petites étoiles, comme le Soleil, évoluent lentement, la fin de leur existence durant des centaines de milliers d’années, pendant lesquelles elles soufflent une partie de leur masse, avant de s’éteindre progressivement.
Mais si les petites étoiles, comme le Soleil, peuvent briller durant 10, 20, 100 milliards d’années, les étoiles dix à cent fois plus massives que Soleil, quant à elles, brûlent leurs combustibles nucléaires mille fois plus vite : après avoir illuminé le cosmos durant quelques millions d’années, faute d’énergie pour les maintenir en équilibre, elles s’effondrent sur elles-mêmes et explosent. Pour les astres les plus massifs, le phénomène est spectaculaire : l’effondrement de l’astre, cent fois plus grand que le Soleil, ne dure que quelques minutes, comme rien ne peut l’arrêter, la gravitation demeurant seule en lice, un trou noir se forme instantanément, et, autour de lui, la matière brûlante en chute libre rebondit brutalement en une gigantesque explosion : en quelques secondes, la supernova s’allume, brillant comme un ou dix milliards de soleils…

La distance à laquelle les astronomes sont capables d'identifier et étudier les étoiles augmente d'année en année. Les étoiles supergéantes de type Eta Carinae détectées par Hubble sont situées dans les galaxies M 51, M 83, M 101, NGC 6946, distantes de 15 à 26 millions d'années-lumière... Photos Nasa/ESA/STSCI.

La distance à laquelle les astronomes sont capables d’identifier et étudier les étoiles augmente d’année en année. Les étoiles supergéantes de type Eta Carinae détectées par Hubble sont situées dans les galaxies M 51, M 83, M 101, NGC 6946, distantes de 15 à 26 millions d’années-lumière… Photos Nasa/ESA/STSCI.

Cela, les astronomes l’observent désormais tous les jours. Chaque jour ou presque, une supernova est découverte dans l’Univers, généralement dans une galaxie située à des milliards d’années-lumière d’ici. Prédire statistiquement une explosion de supernova, les astronomes savent donc déjà faire : il suffit de pointer un télescope géant quelque part dans le ciel et d’attendre. Sachant qu’une supernova explose par galaxie chaque siècle environ, il suffit, pour être à peu près sûr de découvrir une supernova chaque nuit, de surveiller cent mille galaxies en même temps… Le chiffre peut paraître fou, mais les télescopes géants et leurs caméras qui comptent des centaines de millions de pixels peuvent déjà relever un tel défi…
Mais les supernovae découvertes sont lointaines, donc déjà très brillantes, les astronomes les détectent des jours, des semaines après l’explosion elle-même…
Leur rêve, encore une fois, serait de prédire l’explosion d’une étoile donnée, de la surveiller, et de contempler cet événement extraordinaire en direct…
Impossible ? En apparence, oui. Comment prédire un événement qui ne prend que quelques secondes, quand l’évolution de l’étoile dure des millions d’années ?
La solution existe : il suffirait de surveiller un très grand nombre d’étoiles susceptibles d’exploser, et d’attendre. Aujourd’hui, un tel programme est impossible, en effet, les étoiles supergéantes ou les couples d’étoiles susceptibles d’entrer en collision et d’exploser en supernovae, sont rarissimes. Dans une galaxie comme la nôtre, la Voie lactée, quelques milliers d’étoiles seulement sont susceptibles d’exploser… dans les milliers ou les millions d’années qui viennent…
La plupart, cachées par les nuées interstellaires, sont encore inconnues, pour d’autres, leurs caractéristiques n’ont pas encore permis de les découvrir… Seules, aujourd’hui, une poignée de candidates sont observées par les astronomes : Eta Carinae, la plus célèbre, Bételgeuse d’Orion, et quelques autres. Du point de vue astronomique, ces monstres stellaires, sont près à exploser. Mais quand ?
Nous ignorons où et quand explosera la prochaine supernova dans notre galaxie, ou dans une galaxie proche, les Nuages de Magellan, ou les galaxies du Triangle et d’Andromède, par exemple. Mais les centaines de milliards d’étoiles qui peuplent toutes ces galaxies sont de mieux en mieux connues. Le recensement, à défaut d’être complet, de la Voie lactée, va connaître un progrès prodigieux d’ici 2020, quand plus d’un milliard de ses étoiles seront identifiées et caractérisées précisément par la mission européenne Gaia. Les populations stellaires des galaxies voisines commencent elles aussi à être identifiées et classées…
Parmi ces étoiles, il y a probablement quelques supergéantes en pleine phase d’instabilité, qu’il faudrait trouver, et suivre nuit après nuit…
Cela ne semble plus utopique : en 2021, un télescope extraordinaire va être mis en service, le LSST (Large Synoptic Survey Telescope). Cet instrument unique, doté d’un miroir de 8,4 m de diamètre et d’une caméra de 3 milliards de pixels, sera capable de scanner le ciel entier du Chili, depuis l’observatoire de Cerro Pachon, en une seule nuit.
Une telle capacité, inédite, permettra peut-être de trouver la prochaine supernova… avant qu’elle n’explose…
Les chercheurs savent déjà ce qu’ils cherchent : une étoile supergéante instable, montrant des signes précurseurs d’une explosion imminente… Dans notre galaxie, c’est Eta Carinae qui répond le mieux à cette définition :

Eta Carinae se trouve à près de 8000 années-lumière de la Terre. Elle est surveillée quotidiennement par les astronomes amateurs et professionnels, car cette supergéante est sujette à des variations d'éclat impressionnants. Ce monstre stellaire, cent fois plus massif que le Soleil, a déjà expulsé une partie de sa masse, qui forme deux gros lobes en expansion autour d'elle. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Eta Carinae se trouve à près de 8000 années-lumière de la Terre. Elle est surveillée quotidiennement par les astronomes amateurs et professionnels, car cette supergéante est sujette à des variations d’éclat impressionnants. Ce monstre stellaire, cent fois plus massif que le Soleil, a déjà expulsé une partie de sa masse, qui forme deux gros lobes en expansion autour d’elle. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Eta Carinae se trouve à près de 8000 années-lumière, c’est une étoile environ cent fois plus massive, mille fois plus grande et un million de fois plus lumineuse que le Soleil… Un monstre rarissime, tel qu’il n’en existe que quelques dizaines par galaxie… Très instable, elle connaît des sautes d’humeur impressionnante. En 1843, elle est devenue, quelques jours durant, la plus brillante étoile du ciel, aujourd’hui, elle est à peine visible à l’œil nu… Cette étoile supergéante et instable est proche de l’explosion, à l’échelle astronomique, celle-ci se produira demain, mais à l’échelle humaine, ce pourrait-être dans dix, cent, mille, cent mille ans…
Lorsque les astronomes auront sous les yeux plusieurs centaines ou milliers de tels monstres stellaires, l’un d’entre eux explosera forcément sous leurs yeux…
Eta Carinae est tellement brillante que l’on peut chercher ses sœurs dans d’autres galaxies : les astronomes viennent d’en détecter cinq dans des galaxies situées entre 15 et 26 millions d’années-lumière ! Les candidates à l’explosion, dans les années à venir, vont donc devenir de plus en plus nombreuses.
Les astronomes savent que la prochaine supernova galactique est imminente. Si certaines d’entre elles demeurent inconnues, car elles explosent de l’autre côté du disque galactique, où elles sont cachées par des milliers d’années-lumière de gaz et de poussière, les dernières supernovae visibles à l’œil nu ont explosé en 1006, 1054, 1181, 1572 et 1604. Depuis, plus rien…
Beaucoup plus récemment, SN 1987 A a explosé dans le Grand Nuage de Magellan, en février 1987, et est demeurée visible à l’œil nu des mois durant…

Cette photographie de SN 1987 A a été prise 23 ans après l'explosion de l'étoile Sanduleak -69202. L'étoile morte a disparu, seule demeure la coquille de gaz en expansion, dernier vestige de l'explosion. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Cette photographie de SN 1987 A a été prise 23 ans après l’explosion de l’étoile Sanduleak -69202. L’étoile morte a disparu, seule demeure la coquille de gaz en expansion, dernier vestige de l’explosion. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Cette supernova a une importance cruciale dans l’histoire de l’astronomie parce que, pour la toute première fois, l’étoile ayant explosé était connue des astronomes avant l’explosion ! Si ils avaient su l’imminence de l’explosion, ils auraient pu la suivre en direct… L’astre, une supergéante bleue, s’appelait Sanduleak -69202, était vingt fois plus massive que le Soleil et était âgée de dix millions d’années environ.
En 1987, pas de télescopes spatiaux X, Gamma, infrarouge comme aujourd’hui, pas de télescope spatial Hubble, pas de caméras CCD ultrasensibles, pas de télescopes géants, pas de « scan » quotidien du ciel…
Les astronomes ont découvert SN 1987 A le 24 février 1987 à 1 h 30 du matin, temps universel. Les grands télescopes de l’époque ont braqué vers elle leurs miroirs de 3 à 4 mètres de diamètre la nuit suivante…
Mais l’explosion, quand a t-elle eu lieu ? On le sait ! Le 23 février à 7 h 36 minutes, soit près de dix huit heures avant la découverte… En fait, sans le savoir, les scientifiques ont observé l’effondrement de l’étoile et le déclenchement de l’explosion… au fond d’une mine, au Japon ! Là, à 7 h 36, le 23 février, le détecteur de neutrinos Kamiokande a détecté une bouffée anormale de neutrinos : le tout premier signe de l’explosion de Sanduleak -69202 !
On le voit, les astronomes ne sont probablement pas si loin de pouvoir réaliser leur rêve…
C’est lorsque les étoiles supergéantes explosent que les trous noirs stellaires se forment. A court de combustible – la fusion du silicium donne du fer, lequel, trop stable, ne peut à son tour fusionner – l’astre, qui mesure plus de un milliard de kilomètres de diamètre, s’effondre, la gravitation n’étant plus contrebalancée par la pression de radiation du cœur de l’étoile qui s’éteint… Au centre de l’étoile, rien ne peut empêcher l’effondrement du noyau, porté à une température de l’ordre de trois milliards de degrés. Le cœur nucléaire, qui mesurait plusieurs millions de kilomètres, chute à plusieurs milliers de kilomètres par seconde, il atteint un stade où les particules élémentaires se touchent littéralement, la densité de l’astre, qui ne mesure plus que quelques kilomètres de diamètre, pendant quelques millièmes de seconde, atteint un milliard de tonnes par centimètre-cube, puis, plus rien : c’est le trou noir et son horizon du connaissable. A l’extérieur, la chute des couches supérieures de l’étoile sur le noyau hyperdense réduit à un point provoque un gigantesque rebond, et la grande majorité de l’étoile devient une bombe thermonucléaire, qui explose en éclairant la Galaxie entière…
Bientôt, dans un, dix, vingt, trente ans, une étoile va exploser dans notre petit coin de cosmos. Quelque part dans la galaxie d’Andromède, comme en 1885, ou dans le Grand Nuage de Magellan, comme en 1987, ou dans Orion, ou bien le Cygne, la Lyre, ou Ophiuchus, comme en 1604, ou dans l’Aigle ou la Carène.
Personne ne le sait encore, mais bientôt, sans doute, les astronomes pourront prédire où et quand cela arrivera, contempler les derniers feux d’une étoile, assister en direct à sa disparition, et à la naissance d’un trou noir.
Serge Brunier

Combien de temps peut-on survivre dans une eau glacée ?

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Si on vient à tomber dans une eau glacées (ici, en Alaska), la perte de chaleur est très rapide. - Ph. Paxson Woelber / Flickr / CC BY 2.0

Si on vient à tomber dans une eau glacées (ici, en Alaska), la perte de chaleur est très rapide. – Ph. Paxson Woelber / Flickr / CC BY 2.0

Pas plus de 45 minutes dans une eau à 3 °C quand le corps est nu, 30 minutes dans une eau à 0 °C, et seulement 10 minutes dans une eau gelée en surface (−3 °C), comme dans les eaux arctiques.

Cette faible résistance est due à notre homéothermie. L’homme doit en effet conserver sa température interne à peu près stable, autour de 37 °C. Comme l’eau est un milieu très conducteur, l’échange thermique entre elle et le corps est considérable : environ 25 fois supérieur à celui de l’air.

L’eau glacée absorbe notre chaleur à la fois par conduction et convection

A cette conduction s’ajoutent des pertes calorifiques par convection. Une partie de la chaleur corporelle est ainsi transférée à l’eau. Mieux vaut donc rester immobile pour éviter que la couche d’eau en contact avec le corps ne se renouvelle et accentue davantage les pertes.

En outre, plus la couche de graisse sous-cutanée est épaisse et moins la surface corporelle est grande, plus les pertes par convection sont réduites. En clair, pour résister dans une eau très froide, mieux vaut être petit et enrobé !

Mais dans tous les cas, l’entrée dans l’eau glaciale provoque un choc thermique qui bloque la respiration : on parle de souffle coupé. Parallèlement, les artères se compriment pour maintenir la chaleur autour des organes vitaux. Le cœur doit alors battre plus vite pour pomper la même quantité de sang. L’organisme lutte et tente de se réchauffer en frissonnant.

Risque de noyade et d’hypothermie

Au bout de 5 à 15 minutes, les extrémités, qui ne sont plus correctement irriguées, se refroidissent et s’engourdissent, l’activité des muscles étant considérablement ralentie par le froid. La noyade menace…

Au bout de 30 minutes dans l’eau glaciale, la température interne tombe sous les 35 °C et le corps est en hypothermie. C’est ici le seuil critique. Dès lors, l’eau froide peut tuer en endormant l’organisme. Car peu à peu, le rythme cardiaque ralentit.

Des troubles de la conscience surviennent en deçà de 32 °C et les pupilles se contractent. Sous les 30 °C, le corps plonge dans le coma, la respiration est lente et la tension très faible. Sous les 28 °C, c’est l’arrêt cardiaque.

–K.J.

D’après S&V Questions-Réponses n°14

 

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  • Vive les cellules graisseuses !S&V n°1165 (2014). De la régulation de l’appétit à celle de la température, en passant par les défenses immunitaires, le tissu adipeux est bien plus qu’une simple réserve d’énergie.

S&V 1165 - graisse

  • Quand l’homme dépasse ses limites S&V n°929 (1995). A travers les océans et les Pôles, certains réalisent des exploits d’endurance en repoussant les limites de l’organisme. Face au froid, à la faim, à la mer… comment réagit le corps humain ?

S&V 929 - limites froid