Gravity : le Very Large Telescope passe au format XXL

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Le Very Large Telescope européen, au sommet du Cerro Paranal, est devenu une véritable icône de l'astronomie contemporaine. Il n'existe pas d'autre instrument équivalent dans le monde : quatre télescopes géants de 8,2 m de diamètre, plus quatre petits télescopes mobiles de 1,8 m de diamètre. Sous la plate forme de ce réseau se trouve le laboratoire interférométrique et l'instrument Gravity, capable d'associer les quatre petits télescopes, ou les quatre géants, pour synthétiser un immense télescope virtuel. Photo S.Brunier.

Le Very Large Telescope européen, au sommet du Cerro Paranal, est devenu une véritable icône de l’astronomie contemporaine. Il n’existe pas d’autre instrument équivalent dans le monde : quatre télescopes géants de 8,2 m de diamètre, plus quatre petits télescopes mobiles de 1,8 m de diamètre. Sous la plate forme de ce réseau se trouve le laboratoire interférométrique et l’instrument Gravity, capable d’associer les quatre petits télescopes, ou les quatre géants, pour synthétiser un immense télescope virtuel. Photo S.Brunier.

Au sommet du Cerro Paranal, en plein désert d’Atacama, le Very Large Telescope européen (VLT) observe les étoiles depuis le début du XXI e siècle : la photo est connue : sur l’immense plate forme qui a été aménagée au sommet de cette montagne de 2550 m d’altitude, quatre bâtiments presque cubiques, hauts comme des immeubles de 12 étages, abritent quatre des plus puissants télescopes du monde, chacun d’entre eux étant équipé d’un miroir de 8,2 m de diamètre. Et devant ces bâtiments impressionnants, surtout quand ils se mettent à tourner sans crier gare, quatre petites coupoles mobiles sur des rails, abritant des télescopes de 1,8 m de diamètre.
Si les quatre grands télescopes sont généralement utilisés indépendamment pour observer les astres, les quatre petits forment le VLTI : Very Large Telescope Interferometer, un interféromètre, comme son nom l’indique, c’est à dire un télescope virtuel, dessiné par les quatre petits télescopes qui le constituent et observent la même cible céleste. Le VLTI est donc un télescope géant, équipé d’un miroir virtuel dont le diamètre équivaut à la distance séparant les télescopes entre eux. Comme les petits télescopes sont mobiles, ils peuvent synthétiser, selon les besoins, un télescope de 20, 50, 100, 200 mètres de diamètre. Seul inconvénient par rapport à un miroir réel, la luminosité de l’interféromètre est limitée par la surface de ses miroirs, bien sûr, et ne peut donc pas observer des astres très faibles.
Enfin, l’interférométrie est une technique très complexe et précise, difficile et longue à mettre en œuvre…

Le nouvel instrument Gravity, installé dans le réseau sous terrain se trouvant sous les huit télescopes du système VLT. Des dizaines de miroirs et de fibres optiques amènent la lumière des étoiles, via quatre télescopes, vers Gravity, qui fusionne les quatre faisceaux lumineux. Gravity, associé au réseau VLT, peut synthétiser un télescope de 100 à 200 mètres de diamètre, capable d'offrir des images 25 fois plus précises que celles offertes par le télescope spatial Hubble. Photo ESO.

Le nouvel instrument Gravity, installé dans le réseau sous terrain se trouvant sous les huit télescopes du système VLT. Des dizaines de miroirs et de fibres optiques amènent la lumière des étoiles, via quatre télescopes, vers Gravity, qui fusionne les quatre faisceaux lumineux. Gravity, associé au réseau VLT, peut synthétiser un télescope de 100 à 200 mètres de diamètre, capable d’offrir des images 20 fois plus précises que celles offertes par le télescope spatial Hubble. Photo ESO.

Mais avec le nouvel instrument Gravity, que l’Observatoire européen austral (ESO) est en train de tester, nous allons sans doute entrer dans une nouvelle ère de l’observation astronomique. En effet, pour la première fois, en plus des quatre petits télescopes du VLTI, les astronomes vont pouvoir coupler les quatre télescopes géants ensemble !
Gravity va permettre d’observer, avec une précision jamais vue – celle offerte par un télescope de 100 à 200 mètres de diamètre ! – la surface de certaines étoiles, les jets de matière qui jaillissent des étoiles naissantes ou de certaines galaxies, et surtout, c’est sa vocation première, mesurer avec une extraordinaire précision le mouvement des astres : mouvement des étoiles au sein des couples stellaires, mouvements de certaines exoplanètes, et enfin, et surtout, mouvement des étoiles… autour du trou noir qui trône au cœur de la Voie lactée… Pour les spécialistes, la résolution du VLTI équipé de Gravity avoisinera 0.004 seconde d’arc,  soit un détail de 15 mètres à la surface de la Lune !

Première cible pour Gravity : l'étoile Théta Orionis F, située dans le Trapèze d'Orion, un célèbre groupe d'étoiles supergéantes qui illuminent la grande nébuleuse d'Orion. L'image prise par Gravity – un simple test – a permis de découvrir que l'étoile supergéante était en réalité double. La résolution, c'est à dire la capacité à discerner des détails, du Very Large Telescope équipé de Gravity est environ 25 fois meilleure que celle du télescope spatial Hubble. L'image du Trapèze d'Orion, noyé dans la nébuleuse, a été prise par le télescope Hubble. Le zoom montre l'image de l'étoile double Théta Orionis F. Photos ESO/ESA/Nasa.

Première cible pour Gravity : l’étoile Théta Orionis F, située dans le Trapèze d’Orion, un célèbre groupe d’étoiles supergéantes qui illuminent la grande nébuleuse d’Orion. L’image prise par Gravity – un simple test – a permis de découvrir que l’étoile supergéante était en réalité double. La résolution, c’est à dire la capacité à discerner des détails, du Very Large Telescope équipé de Gravity est environ 20 fois meilleure que celle du télescope spatial Hubble. L’image du Trapèze d’Orion, noyé dans la nébuleuse, a été prise par le télescope Hubble. Le zoom montre l’image de l’étoile double Théta Orionis F. Photos ESO/ESA/Nasa.

Gravity a été conçu pour cela. A 26 000 années-lumière d’ici, au cœur de notre galaxie, un trou noir géant, d’une masse égale à environ quatre millions de masses solaires, imprime par sa masse et sa densité énormes, un mouvement ultra rapide aux étoiles qui l’entourent… L’espace-temps est tellement courbé par la masse du trou noir galactique que la théorie de la relativité générale d’Einstein peut être testée directement et précisément en observant le mouvement des étoiles qui tournent follement autour de lui. L’étoile S2, par exemple, tourne en quinze ans autour du trou noir, et, lorsque son orbite elliptique approche l’astre au plus près de l’abîme, sa vitesse atteint 3000 kilomètres par seconde, soit 1 % environ de la vitesse de la lumière !
Tester la validité de la relativité générale, observer les effets de cet astre aux propriétés encore inconnues, mesurer ses caractéristiques exactes, tel est le défi de Gravity…
Gravity devrait entrer en service cette année, les premiers essais de l’instrument sont prometteurs : ils ont permis, en observant les étoiles supergéantes qui illuminent la nébuleuse d’Orion, de découvrir que l’une d’entre elles est double…

Serge Brunier

Une météorite plus âgée que la Terre récupérée en Australie

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Cette pierre de 1,7 kg, récupérée dans la vase d’un lac salé du désert australien, est une météorite aussi ancienne que le Système solaire. – Ph. Curtin University

Quatre milliards d’années et demi, voilà un âge qui impose le respect. C’est environ l’âge de la Terre, mais le géologue planétaire australien Phil Bland et ses collègues pensent avoir entre les mains un objet encore plus vieux ! Il s’agit d’un fragment d’une météorite tombée le 27 novembre dernier dans l’intérieur désertique de l’Australie, que l’équipe a récupérée le 31 décembre.

En apparence, il n’a rien de spécial. Pesant 1,7 kilogramme, c’est une chondrite, soit une météorite composée principalement de pierre (le métal ne comptant que pour moins de 35 % de son poids).

La particularité de ce caillou est ailleurs : d’après la trajectoire que le bolide a empruntée lorsqu’il a traversé l’atmosphère terrestre, et que les chercheurs ont pu suivre, ils en déduisent qu’il date rien de moins que de l’époque de la formation du Système solaire lui-même ! Soit plus de 4,5 milliards d’années avant nos jours.

Un réseau de caméras placées dans le désert a permis de retrouver la météorite

L’autre particularité de ce morceau de météorite, c’est la manière à la fois scientifique et rocambolesque dont il a été retrouvé.

Dans le désert du sud australien, un réseau de 32 caméras-observatoires a été installé par le Desert Fireball Network (DFN), une collaboration réunissant l’université Curtin, les musées d’Australie du Sud et de l’Ouest. Grâce à ce quadrillage, les “chasseurs de bolides” espèrent traquer les objets tombant du ciel afin de repérer leur point de chute et ainsi pouvoir les récupérer : la météorite du 27 novembre est leur première prise.

Lorsque le bolide a traversé le ciel du sud de l’Australie fin novembre, il a été détecté par quatre stations d’observation du DFN, tandis que les habitants de William Creek et de Marree ont pu admirer sa chute à l’œil nu.

La spectaculaire chute de la météorite telle que filmée par une caméra d'observation sur le sol australien - Ph. Curtin University / Desert Fireball Network.

La spectaculaire chute de la météorite telle que filmée par une caméra d’observation sur le sol australien – Ph. Curtin University / Desert Fireball Network.

Après maints analyses d’images, triangulations et calculs, l’équipe du Desert Fireball Network a pu localiser le point d’impact dans le lac salé Kati Thanda – Lake Eyre, le point le plus bas de l’Australie.

Le repérage sur le terrain pouvait commencer : à l’aide de survols par drone et par avion, l’équipe de Phil Bland et Robert Howie a exploré cette zone reculée, à 6 kilomètres du bord du lac. Une tâche compliquée par les pluies, tombées depuis, qui avaient déjà commencé à recouvrir le site d’une boue épaisse, rendant le terrain meuble et encore plus difficile d’accès.

Elle a été extraite de la boue à la main

C’est finalement en creusant à la main, au point d’impact calculé, un trou de 42 centimètres que Phil Bland a extrait la précieuse météorite. De justesse : de lourdes pluies allaient tomber le jour suivant, qui auraient fait échouer tout espoir de la retrouver !

A présent, l’examen de la chondrite et de sa trajectoire devraient fournir des informations importantes aux géologues planétaires, qui tentent de mieux cerner comment les planètes orbitant autour du Soleil, la Terre et ses voisines, ont vu le jour.

—Fiorenza Gracci

 

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