Organisez les plus incroyables voyages en voiture autour de la Planète grâce aux mathématiques

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Comment transformer un problème mathématique en un voyage en voiture (Ph. abhisawa via flickr CC BY 2.0)

Comment transformer un problème mathématique en un voyage en voiture (Ph. abhisawa via flickr CC BY 2.0)

Quelles sont les villes les plus éloignées sur notre Terre qu’on puisse relier en voiture exclusivement ? Cette question on ne peut plus terre-à-terre n’intéresse pas qu’une poignée d’aventuriers extrêmes de la route : une foule de mathématiciens experts en Théorie de la complexité s’y sont essayé sans succès – jusqu’ici – tant elle s’enracine dans l’un des problèmes les plus rétif au calcul jamais posés.

Or une équipe de chercheurs de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) vient de résoudre le problème en rusant avec les limites des mathématiques et de l’informatique, offrant une flopée de résultats aussi intéressants pour les scientifiques qu’utiles pour les grands voyageurs et autres routards.

Le plus long trajet en voiture fait 25 206 km

D’abord, pour répondre à la question posée ci-dessus, sachez que, selon les chercheurs, le “roadtrip” le plus long de la Planète faisable de bout en bout en voiture (sans emprunter de ferry ni d’autres transports) fait 25 206 km : il part de la ville du Cap en Afrique du Sud et se termine du coté du village de Vankarem, à l’extrême nord-est de la Russie près de la mer des Tchouktches, juste en face du continent américain (Alaska). Vous ne trouverez pas des villes plus éloignées joignables en voiture…

Carte interactive avec, en rouge, le plus long trajet faisable exclusivement en voiture (INRIA/OpenStreetMap)

Carte interactive avec, en rouge, le plus long trajet faisable exclusivement en voiture (INRIA/OpenStreetMap)

Ce voyage vous prendrait exactement 10 jours, 8 heures et 23 minutes, si vous respectiez à la lettre les limitations de vitesse et ne faisiez aucune pose – vous en déduirez le temps réel de votre voyage en y ajoutant les heures de sommeil au motel ou sous la tente, les pauses-pipi, etc. De fait, comme pour les vacanciers, c’est le temps qui compte avant tout, les auteurs de cette étude ont  effectué leurs calculs non pas sur la distance à parcourir mais sur le temps de trajet, un paramètre qui intègre simultanément la distance à parcourir et les limitations de vitesse imposées.

Des cartes interactives pour organiser ses voyages

Voilà pour le plus long trajet sur la Planète. Mais les chercheurs ont également calculé le plus long trajet pour chacun des continents, le plus long par pays…

Les plus longs trajets par continent (INRIA/OpenStreetMap).

Les plus longs trajets par continent (INRIA/OpenStreetMap).

Les plus longs trajets par paus - il faut zoomer (INRIA/OpenStreetMap).

Les plus longs trajets par pays – il faut zoomer (INRIA/OpenStreetMap).

Et ils ont aussi calculé les lieux  “centraux” de ces trajets c’est-à-dire ceux depuis lesquels ils est possible d’atteindre les autres villes du réseau routier de la manière la plus économique. Par exemple, à la frontière entre l’Iran et le Turkmenistan, le village de Shurak-e Maleki est celui à partir duquel toute ville d’Afrique, d’Asie ou d’Europe peut être atteinte en moins de 5 jours et 5 heures… Le plan interactif mis à disposition par les chercheurs vous permet d’explorer toutes ces possibilités.

 

Le point central du plus long trajet (et quelques autres). INRIA/OpenStreetMap.

Le point central du plus long trajet (et quelques autres). INRIA/OpenStreetMap.

 

Parlons mathématiques…

Pour ceux que les mathématiques sous-jacentes intéressent, il faut savoir que ce problème de réseau router, intégrant 80 millions de “nœuds” (villes, échangeurs autoroutier, etc.) et 200 millions d’arêtes (routes) extraits de la base de donnée OpenStreetMap, s’inscrit dans le célèbre “problème du voyageur de commerce” âprement discuté en Théorie de la complexité.

Voici ce qui défie les mathématiciens : prenons le “cas de laboratoire” où 71 villes sont reliées par un réseau routier les joignant toutes deux à deux (réseau dense), et posons-nous la simple question : quel est le trajet le plus court nous permettant de passer une fois et une seule par chacune des villes?

La réponse à cette question demande de calculer, par algorithme, quelque 10^100 trajets possibles – soit un nombre de trajets plus grand que le total d’atomes de l’Univers ! C’est infaisable en un temps raisonnable, même si tous les ordinateurs d’internet s’y mettaient.

Le voyageur de commerce subit une explosion combinatoire

Pour ce type de problème, on parle d’explosion combinatoire. Et cette explosion bride la possibilité de mettre au point des algorithmes de logistique efficaces dans l’industrie, tel le cas des grandes entreprises de transport routier, ce qui se traduit par des pertes de temps, de la surconsommation d’essence, etc., ou des industries devant gérer de longues chaînes de production…

Elle bride aussi tout un pan de recherche fondamentale, par exemple en biologie moléculaire, quand veut déterminer sous quelle forme se repliera une protéine une fois synthétisée par l’ARN, question essentielle dans la recherche sur les maladies génétiques et autres – ici, le “plus court chemin” est remplacé par “le repliement ayant la plus basse énergie libre”.

Ruser et contourner les interdictions : le cœur de la pratique mathématique

Bref, le problème du voyageur de commerce est loin d’être anecdotique, et il est impossible à résoudre quand le nombre de paramètres (réseau routier, protéines, etc.) dépasse une quantité assez modeste…  Par exemple, dans le cas présent, il faudrait pour chacun des 80 millions de nœuds (villes), calculer tous les trajets le reliant à tous les autres nœuds, puis pour une paire de nœuds (trajet fixé) calculer tous les trajets la reliant aux autres, puis pour trois nœuds, etc., ce qui est infaisable en temps raisonnable.

Mais grâce à un raisonnement théorique portant sur les propriétés des “graphes” (réseau abstraits de nœuds et d’arêtes), les chercheurs ont pu mettre au point une stratégie de calcul (dont on trouvera quelque détail dans ce texte en anglais, et un descriptif complet dans cet article) consistant à ne faire porter les calculs que sur quelques nœuds choisis de manière très particulière, un choix permettant de se rapprocher peu à peu de la solution en faisant l’économie du calcul brut sur l’ensemble des nœuds-arêtes. Une manière de rappeler qu’en mathématiques, les impossibilités ne sont là que pour inciter les esprits à contourner les obstacles.

– Román Ikonicoff

 

 > Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • La formule qui décrypte le monde – S&V n°1142 – 2012. La formule de Bayes, énoncée voici trois siècles, est devenue omniprésente dans l’Intelligence artificielle : elle permet aux algorithmes de trouver par le calcul la cause de phénomènes observés. Cette formule agirait même à l’échelle du cerveau et de son fonctionnement.

1142

  • Mathématiques : vers un langage universel – S&V n°1000 – 2001 – Le programme de Langlands vise notamment à unifier les mathématiques sous un seul langage, le plus abstrait possible. Et propose de résoudre un certain nombre de problèmes mathématiques restés jusque-là sans solution. Un million de dollars à celui qui y parviendra…

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  • Le monde est Turbulent ! – S&V n°1155 – 2013. Les équations mathématiques permettent parfois d’entrevoir une certaine réalité du monde sous un angle inespéré. Comme le cas de l’équation de Navier-Stokes qui décrit les processus turbulents et permet de simuler aussi bien les processus à la base des battements de cœur que ceux liés au gaz des étoiles…

1155

 

Les mondes de Star Wars sont bien réels !

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La planète Naboo, théâtre des deux premiers épisodes de la saga, possède une jumelle bien réelle... - Ph. © Lucasfilm

La planète Naboo, théâtre des deux premiers épisodes de la saga, possède une jumelle bien réelle… – Ph. © Lucasfilm

Qui aurait cru que la réalité rejoindrait à ce point la fiction ? Car les astrophysiciens ont trouvé la trace d’exoplanètes sembla­bles à celles imaginées dans Star Wars, dont le dernier épisode —”Le Réveil de la Force”— sort en salles aujourd’hui.

C’est ce qui frappe d’abord lorsqu’on regarde la saga : l’incroyable diversité des mondes. Les douces Naboo et Aldorande, la lune Endor et sa végétation luxuriante. La désespérément sèche Tatooine, avec ses deux soleils. L’enfer de lave de Mustafar ; l’océan infini de Kamino, la ville flottant dans les gaz de Bespin…

Star Wars regorge de bizarreries exoplanétaires

Des lunes habitables ? Des planètes-océan ? Des planètes-lave ? Autant de mondes nés de l’imagination de Georges Lucas au début des années 1970, qui ont pu, alors, sembler fantaisistes. Et pourtant ! Quarante-cinq ans après leur conception et vingt ans après la découverte de la première exoplanète, les voici devenus d’authentiques concepts scientifiques !

Rappelez-vous : à la sortie du premier opus de la saga, en 1977, les exoplanètes n’étaient qu’une idée. Dont certes aucun astrophysicien ne doutait. Mais tout restait encore à découvrir.

Tatooine, désertique, est la planète natale de la famille Skywalker - Ph. © Lucasfilms

Tatooine, désertique, est la planète natale de la famille Skywalker – Ph. © Lucasfilms

Puis les choses se sont accélérées. En 1992, les astronomes Aleksander Wolszczan et Dale Frail découvrent deux planètes autour d’une étoile morte. Surtout, en 1995, Michel Mayor et Didier Queloz, de l’Observatoire de Genève, dévoilent la première exoplanète autour d’un soleil, 51 Pegasi b.

Des objets astronomiques imaginés avant d’être réellement observés

Rodant leurs méthodes de détection, les astronomes vont peu à peu collectionner les exoplanètes – ils en comptent aujourd’hui 1 970 – et révéler leur incroyable diversité. Au-delà des plus audacieuses créations fictives. “On ne compte plus les types d’objets qui ont été décrits avant d’avoir été découverts dans la réalité”, confirme Jérémy Leconte, spécialiste du climat des exoplanètes au CNRS, à l’Institut d’astrophysique de Bordeaux.

Les exomondes ont ouvert un nouveau champ de recherche : avec le peu d’informations dont ils disposent (masse, taille, orbite, type d’étoile), les astrophysiciens commencent à modéliser la géophysique et le climat de ces mondes exotiques. Obligeant la planétologie à intégrer toutes les bizarreries exoplanétaires.

Et voici que sortent des ordinateurs des planètes hybrides, mi-gazeuses, mi-telluriques, couvertes d’océans ; surchauffées par un effet de serre, ou au contraire totalement gelées ; des rocheuses excentriques au climat instable… Bref : des Naboo et des Tatooine, des Mustafar et des Kamino…

Lucas avait vu juste : la machinerie planétaire se décline à l’infini. Et il a planté les décors d’astres bien réels. Nous en avions l’intuition. Nous avons vérifié. Chacune des planètes les plus emblématiques de Star Wars a son équivalent quelque part dans notre galaxie. La preuve en images…

Naboo_Cygne - ©NASA

Kepler 452b est la jumelle de Naboo © T. Pyle / JPL – Caltech / NASA

  • Naboo : sa jumelle se trouve dans la constellation du Cygne. La planète de la reine Amidala, sur laquelle sont centrées les deux premiers épisodes de la saga, se situe dans la Bordure médiane, dans le secteur de Chommel. Repérée il y a quelque mois, en juillet 2015, Kepler 452b se situe à 1400 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Cygne.

 

 

 

Kepler 453b ressemble à la désertique Tatooine © T. Pyle / JPL - Caltech / NASA

Kepler 453b ressemble à la désertique Tatooine © T. Pyle / JPL – Caltech / NASA

  • Tatooine : une planète à deux soleils a été découverte dans la Lyre. La désertique planète natale de la famille Skywalker est sans doute la plus emblématique de la saga. Elle apparaît dans tous les épisodes sauf le V et se situe dans la Bordure extérieure. Kepler 453b a été découverte en août dernier dans la constellation de la Lyre, à 1 400 al de la Terre. Elle gravite dans la zone habitable d’un couple stellaire formé d’une naine rouge et d’un soleil.
  • Et aussi Bespin, Mustafar, Kamino, Hoth

 

—Mathilde Fontez

D’après S&V n°1179 – en kiosques

 

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> Lire aussi :

 

Réussir les fêtes loin de ses proches

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Apprenti en chocolaterie, Thomas travaillera les 24 et 25 décembre, à 400 km de la maison familiale. Célia sera chez ses beaux-parents cette année, loin de ses parents et de sa soeur. Audrey, elle, devra choisir entre son père et sa mère, tout juste divorcés. Comment traverser ces temps de rassemblement et de réjouissances loin des siens ? Chaque situation a ses particularités, mais voici quelques pistes pour vivre Noël à distance aussi sereinement que possible.

Cultiver la souplesse

Isabelle est canadienne, mais vit en Europe. À 41 ans, elle s’apprête à passer Noël avec ses parents pour la première fois depuis neuf ans. « Il m’est souvent arrivé, raconte-t-elle, de le célébrer en avance ou en retard, de m’échapper de Paris le jour J avec d’autres expatriés ou d’être accueillie avec d’autres…

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Quand les monuments s’animent pour Noël

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Déscotcher ses bambins des écrans pour les attirer dans les abbayes, palais et autres grottes ? La mission exige une bonne dose de force de persuasion. Pour transmettre le goût de la culture et du patrimoine aux plus jeunes, le Centre des monuments nationaux (CMN) organise du 19 décembre au 3 janvier, en Île-de-France, la 11e édition de l’opération Contes et histoires. Au placard les visites pédagogiques classiques !

Une invitation à créer

« L’idée, c’est de proposer des animations ludiques, festives et féeriques, 100 % gratuites pour les juniors », explique Benjamin Gestin, adjoint au directeur général du CMN. Chacun des 11 sites participants a carte blanche pour concocter son programme. Le Panthéon, à Paris, prévoit une initiation…

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Les trois règles pour finir l’année 2015 en beauté

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Entre le surcroît de travail au bureau, la course aux cadeaux et la logistique du menu de réveillon, arriver à Noël en pleine forme relève de l’exploit. « D’autant qu’avec le froid, le manque de lumière et les virus qui traînent, nos organismes sont déjà mis à mal », constate le Dr Jérôme Lefrançois, médecin généraliste, membre de la Société de recherche et de médecine du sommeil et coauteur de Comment mieux dormir ? (Alpen éditions). D’où l’importance de se ménager avant les fêtes.

Préparation

« Comme vous allez grignoter sur votre temps de sommeil lors du…

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