A quoi nous sert-il de rêver ?

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Un Eros endormi qu'on dirait plongé en plein rêve (environ IIe siècle av. J.-C.), Metropolitan Museum of Art) - Ph. "shooting_brooklyn" / Wikipedia Loves Art participant / Wikimedia Commons / CC BY-SA 2.5

Un Eros endormi qu’on dirait plongé en plein rêve (environ IIe siècle av. J.-C., Metropolitan Museum of Art) – Ph. “shooting_brooklyn” / Wikipedia Loves Art participant / Wikimedia Commons / CC BY-SA 2.5

Freud voyait dans nos songes une échappatoire aux tensions psychiques néfastes accumulées pendant la journée. Dès les années 1980, Francis Crick, Prix Nobel de médecine, formulait une hypothèse qui aurait sans doute plu au père de la psychanalyse. Selon lui, les rêves permettraient d’éliminer le flot d’informations superflues captées durant la journée, qui, en surchargeant le cerveau, risqueraient de lui être nocives.

Comme on soulage la mémoire vive d’un ordinateur en supprimant les données inutiles, nous rêverions pour oublier les pensées parasites en les “rangeant” en vrac dans des petites histoires : les rêves. Ce qui expliquerait pourquoi leur contenu n’a souvent aucun sens. Crick avoue que tant que les substances chimiques responsables de ce mécanisme n’ont pas été identifiées, sa théorie doit être considérée comme spéculative.

Le rêve utile

Mais l’idée du “rêve utile” n’est pas près de disparaître. De nombreuses recherches la confortent, lui attribuant même un rôle bénéfique sur nos émotions. Selon une étude américaine réalisée dans les années 1990, les femmes qui surmontent le mieux la dépression causée par un divorce sont aussi celles qui en avaient le plus rêvé ! Comme si leurs songes contribuaient à moduler leurs émotions.

Matthew Walker, neuroscientifique de Berkeley, va plus loin. Selon lui, les rêves agissent tel un baume pour adoucir l’amertume des expériences vécues dans la journée précédente.

Rêver pour prévenir les situations stressantes…

Dans la même veine, en 2000, le psychologue finlandais Antti Revonsuo élabore une théorie selon laquelle, à l’instar des simulateurs de pilotage, nos rêves nous plongent parfois dans des scénarios catastrophe pour mieux nous préparer à réagir aux situations stressantes dans la réalité.

Nos rêves nous protégeraient-ils ? Théorie séduisante mais totalement fantasmagorique selon certains chercheurs, pour qui le rêve n’est qu’un sous-produit du sommeil et de la pensée, sans fonction particulière. Le neuropsychiatre Allan Hobson les résume même à un épiphénomène du sommeil et un pur produit du hasard. En l’absence de stimuli pendant le sommeil, l’activité aléatoire de nos neurones générerait ces chimères et leurs bizarreries.

…ou pour occuper le cerveau

Affaire classée ? Pas encore. Le neuropsychanalyste sud-africain Mark Solms défend depuis dix ans une autre théorie : les images produites lors de nos songes serviraient à satisfaire l’énorme besoin d’activité de notre cerveau, tout en permettant à ses composants de “souffler”. Un peu comme les parents installent leurs enfants remuants devant un DVD pour avoir la paix… À suivre.

—S.B.

D’après Science&Vie Questions-Réponses n°17

 

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  • On pense tous quantique S&V n°1177 (2015). Plusieurs recherches le montrent : notre pensée a un fonctionnement quantique (comme les objets physiques infiniment petits). Et les rêves ? La question reste ouverte…

S&V 1177 - pensee quantique

S&V 1162 - cauchemars

 

 

Voici un microprocesseur qui fonctionne à l’énergie cellulaire

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Les cellules des organismes vivants sont chargées d'énergie. Des chercheurs ont réussi à la capter pour alimenter un circuit intégré (ici, cellules du cerveau). Ph. NIH Image Gallery via Flicr CC BY 2.0

Les cellules des organismes vivants sont chargées d’énergie. Des chercheurs ont réussi à la capter pour alimenter un circuit intégré (ici, cellules du cerveau). Ph. NIH Image Gallery via Flicr CC BY 2.0

Pour la première fois, des chercheurs ont créé un microprocesseur qui s’alimente en énergie de la même manière que le font nos cellules. Soit, à partir des molécules d’ATP (ou adénosine-triphosphate) baignant le milieu cellulaire, qui sont les piles nous permettant de vivre et de perdurer.

Certes, la manip a été faite in vitro, c’est-à-dire dans des conditions artificielles loin de tout système biologique vivant. Il n’empêche ! Cette invention réalise un vieux rêve de la bio-ingénierie qui unifie les sources d’énergie de l’électronique et de la biologie avec, à la clé, des applications inédites aussi bien pour les êtres vivants que pour les engins électroniques.

L’ATP, réserve d’énergie de tous les êtres vivants

Le cœur du système repose donc sur l’utilisation des molécules d’ATP pour générer du voltage électrique transmis au microprocesseur. De fait, dans nos cellules, cette molécule est produite par des “organites” nommés mitochondries (ou par les chloroplastes des cellules végétales) à partir d’une longue chaîne de transformations débutant, très loin de là, par notre respiration et alimentation.

Membrane cellulaire. Illustration de la manière dont l'ATP fournit de l'énergie aux "pompes à ions" de la membrane pour filtrer certaines molécules chargées (ions).

Membrane cellulaire. Illustration de la manière dont l’ATP fournit de l’énergie aux “pompes à ions” de la membrane pour filtrer certaines molécules chargées (ions).

Une fois produite, l’ATP est une réserve d’énergie pour la cellule : sa structure moléculaire est telle que si on la coupe (hydrolyse), elle libère un surplus d’énergie lequel est utilisé pour déclencher des réactions chimiques (conduisant par exemple à la contraction des muscles).

Capter artificiellement l’énergie de l’ATP

Si la coupure de l’ATP est opérée par des enzymes intracellulaires, les ATPase, elles-mêmes consommatrices d’énergie, le bilan global demeure positif. C’est ainsi que tous les êtres de la Planète vivent.

Molécule d'ATP avec ses deux parties (qui sont séparées par l'action des enzymes ATPase (Ph. ALoopingIcon via Wikicommons CC BY 2.5).

Molécule d’ATP avec ses deux parties (qui sont séparées par l’action des enzymes ATPase (Ph. ALoopingIcon via Wikicommons CC BY 2.5).

Or le système mis au point par les chercheurs réussit à opérer l’hydrolyse de l’ATP, à capter l’énergie ainsi libérée, à la transformer en voltage (différence de potentiel) et à transmettre celui-ci au circuit intégré. Voici comment…

Imitation du fonctionnement des membranes cellulaires

Sur un circuit intégré de quelque 5 mm de large – un composant nommé CMOS qui, miniaturisé, sert de transistor  dans la plupart des puces actuelles – les chercheurs ont disposé un petit dispositif de leur fabrication (20 mm de diamètre, voir figure) contenant un fluide riche en ATP ainsi que des enzymes ATPase et une membrane artificielle imitant les membranes cellulaires (avec des pompes à ions).

Des pompes à ions pour extraire l’énergie

Les enzymes cassent les molécules d’ATP et l’énergie récupérée active des “pompes à ion”, sortes de pores filtrants ne laissant passer qu’un type d’ion. Cela crée un déséquilibre entre le nombre de charges électriques situées de part et d’autre de la membrane, soit une différence de potentiel électrique d’un voltage de l’ordre de 78 mV.

Enfin, par le biais d’électrodes conductrices, ce voltage est transmis au circuit intégré, lequel est donc mis “sous tension” et peut accomplir son traitement élémentaire de l’information.

Le but visé dans l’avenir : réduire la taille du dispositif

Bien sûr, cette manip se déroule à une échelle “macroscopique” : le dispositif devrait être réduit d’un facteur 1 000 (micromètre) voire 1 000 000 (nanomètre) pour pouvoir être intégré dans une puce ou, carrément, dans un milieu biologique naturel. C’est la prochaine étape visée par les chercheurs.

Pour l’heure, ceux-ci ont simplement montré la faisabilité d’un couplage énergétique entre l’électronique et le biologique, ce que nul n’avait fait auparavant. Pour quelles applications ?

Un nouveau genre de système artificiel

Les chercheurs parlent de nouveaux systèmes artificiels contenant simultanément des composants biologiques et électroniques, telles des puces implantées (et alimentées) dans les corps.

Également, en se servant des membranes à pompes ioniques auto-alimentées en énergie, des dispositifs capables de détecter et identifier dans un liquide ou dans l’air la présence d’infimes quantités de substances particulières (nez électroniques, détection de la pollution, de la présence d’explosifs, etc.). Mais tout cela, c’est pour plus tard…

–Román Ikonicoff

 

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S&V 1113 - ADN construction