Première mondiale : atterrissage réussi pour le lanceur de fusée SpaceX (en vidéo)

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Atterrissage du lanceur de Space X - Ph. © SpaceX

Atterrissage du lanceur de Space X – Ph. © SpaceX

Ce lundi, une opération jamais réussie auparavant a été couronnée de succès par la société d’astronautique américaine SpaceX. Une fusée Falcon 9 a propulsé vers l’orbite terrestre 11 satellites de télécommunication pour la société Orbcomm. Jusqu’ici, rien de plus habituel dans l’industrie des vols spatiaux… Avec une différence de taille : le premier étage du lanceur, au terme de 11 minutes de vol jusqu’à 200 kilomètres d’altitude, a regagné, intact, le sol terrestre !

A Cap Canaveral (Floride), l’évènement, retransmis en direct dans une vidéo digne d’un film hollywoodien, a déclenché un tonnerre d’applaudissements. Elon Musk, propriétaire milliardaire de la société Space X, n’a pas hésité à le qualifier de “révolutionnaire”, tandis que la NASA faisait parvenir ses félicitations.

 

L’objectif de SpaceX est de réutiliser son lanceur pour d’autres décollages

Quel est l’intérêt de faire revenir sur terre le lanceur d’une fusée ? Pouvoir le réutiliser pour d’autres lancements, avec un gain considérable de ressources pour la société productrice. Les lanceurs orbitaux sont en effet très lourds, puisque destinés à embarquer de très grandes charges (comme les satellites), et donc onéreux à fabriquer.

Elon Musk promet de révolutionner le transport spatial à l’aide de ses lanceurs réutilisables… Actuellement, un tir de gros lanceur, tel Ariane 5 ou le Falcon 9, coûte environ 50 millions de dollars. Pour Musk “la part du carburant dans le tir avoisine 200 000 dollars, cela signifie que la réduction des coûts, à long terme, sur nos lanceurs, est probablement d’un facteur 100″.

On peut comprendre  l’enthousiasme débridé du milliardaire américain après ce succès technique, succès qu’il faut, peut-être, aussi, relativiser à l’aune de l’histoire de l’astronautique… La concurrence européenne, qui propose à la vente ses lanceurs Vega et Ariane 5, en attendant Ariane 6, ne semble pas pressée de suivre SpaceX dans sa révolution techno-scientifique.

La NASA a déjà tenté de miser sur un engin réutilisable, les navettes spatiales : ce fut un naufrage économique

Sans doute les Européens se souviennent-ils que les mêmes arguments économiques avaient été développés par la NASA il y a près d’un demi siècle, quand l’agence spatiale américaine rêvait de milliers d’allers-retours pour ses futures navettes spatiales… On connaît la suite : le naufrage économique et technique du beau vaisseau de science-fiction, dont chaque tir coûtait un milliard de dollars. Et la success story de l’aventure spatiale européenne, qui a développé un lanceur “jetable”, Ariane, lequel faisait sourire les ingénieurs américains, et lequel a raflé la moitié du marché spatial mondial…

Pour réaliser son rêve, Elon Musk devra d’abord rendre l’ensemble de son système Falcon réutilisable et fiable, pas seulement le premier étage, maîtriser les coûts de la remise en ordre de marche de ses lanceurs après chaque tir, etc… Un exploit technique que les ingénieurs américains n’ont jamais réussi avec la navette.

En attendant cet avenir plein de promesses, SpaceX n’a pas encore défini la prochaine date de décollage du lanceur fraîchement atterri.

—Fiorenza Gracci et Serge Brunier

 

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  • Space Launch System, la fusée ultimeS&V n°1165 (2014). La NASA parie sur une fusée de 3000 tonnes, la plus puissante de tous les temps (et aussi la plus coûteuse). Elle devrait être prête pour 2017.

S&V 1165 Space Launch System

  • Juillet 1914 : Robert Goddard invente la fusée moderneS&V n°1162 (2014). La fusée a 100 ans ! On doit sa forme actuelle à un jeune physicien américain, qui déposa un brevet d’une fusée transportant une deuxième fusée, allégée et plus rapide… qui permettra aux ingénieurs après lui d’envoyer des hommes dans l’espace.

S&V 1162 fusée Goddard

  •  La NASA met le cap sur Mars S&V n°1113 (2010).  Même s’il n’y a pas d’agenda officiel, les États-Unis visent une mission habitée vers Mars, peut-être vers la fin de la décennie 2030. La société SpaceX devrait participer en fournissant les capsules Dragon comme ravitailleurs et “taxis” pour astronautes.

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Planète Mars : de l’eau et des coulées de glace carbonique…

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Pour Cédric Pilorget et François Forget, ce n'est pas l'eau qui creuse la plupart des ravines martiennes, mais la glace carbonique. Photo Nasa.

Pour les chercheurs Cédric Pilorget et François Forget, ce n’est pas l’eau qui creuse la plupart des ravines martiennes, mais la glace carbonique. Photo Nasa.

L’annonce, voici trois mois, avait fait le tour de la Terre à la vitesse de la lumière : oui, il y a bien de l’eau liquide qui coule sur Mars aujourd’hui…
Aujourd’hui, sans remettre en cause la découverte américaine, deux chercheurs du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), François Forget et Cédric Pilorget, la relativisent beaucoup… Les deux Français, en effet, affirment que la plupart des ravines récentes ou contemporaines observées sur la planète Mars n’ont pas été creusées par de l’eau, mais par des coulées de CO2, le dioxyde de carbone…
Les « gullies » martiennes, ont fait couler… beaucoup d’encre depuis leur découverte, voici une quinzaine d’années. Le satellite américain Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) a photographié des milliers de ravines profondes, mesurant parfois des centaines de mètres de hauteur, dessinant de véritables chenaux et s’achevant par des cônes d’éboulis évoquant irrésistiblement le travail de l’érosion par… de l’eau…
De l’eau, sur Mars, par -40 °C de température, et dans une atmosphère sèche et raréfiée, est-ce bien sérieux ? ont immédiatement demandé certains chercheurs et commentateurs. « Oui, c’est sérieux » ont rétorqué d’autres planétologues, « si cette eau est fortement salée »… Ce sont donc des saumures, une boue saturée de sel, qui ont été invoquées par les chercheurs pour expliquer les « gullies ».
La présence actuelle d’eau liquide sur Mars fait forcément fantasmer, tant il est vrai que la présence d’eau fait irrésistiblement rêver à celle de formes de vie…
Mais le comportement de ces ravines au fil du temps a fait assez vite prendre l’eau aux modèles géologiques qui les expliquaient par sa présence sur Mars : dès 2014, des chercheurs américains ont fait remarquer que les ravines, sous les caméras de MRO, se creusaient en plein hiver, à des périodes où, même sous forme de saumure, la présence d’eau à l’état liquide sur Mars était un défi ou une injure aux lois de la physique…
Alors pour remplacer l’eau, Colin Dundas, Serina Diniega et Alfred Mc Ewen ont proposé du CO2, c’est à dire du dioxyde de carbone, appelé communément gaz carbonique. Dans les conditions atmosphériques martiennes, l’hiver, une partie du CO2 atmosphérique se condense sous forme de glace, sur le sol, et dans le sol. Mais par quel mécanisme ce CO2 pouvait il couler sous forme de véritables torrents sur Mars ?

Les planétologues observent désormais les changements de morphologie des terrains martiens en direct, grâce au satellite Mars Reconnaissance Orbiter, capable de discerner des détails de moins d'un mètre à la surface de Mars. Ici, à quelques mois d'intervalle, une ravine martienne est apparue sur le flanc d'un cratère. Photo Nasa.

Les planétologues observent désormais les changements de morphologie des terrains martiens en direct, grâce au satellite Mars Reconnaissance Orbiter, capable de discerner des détails de moins d’un mètre à la surface de Mars. Ici, à quelques mois d’intervalle, une ravine martienne est apparue sur le flanc d’un cratère. Photo Nasa.

Les chercheurs ont d’abord constaté que les ravines semblaient se creuser lorsqu’il avait « neigé » de la glace carbonique sur Mars : l’atmosphère martienne étant constituée à 96 % de CO2, lorsque la température, l’hiver, est suffisamment basse, c’est littéralement une partie de l’atmosphère qui se solidifie ainsi au sol sous forme de glace carbonique !
Pour comprendre la formation des « gullies », Cédric Pilorget, chercheur à l’Institut d’Astrophysique Spatiale (CNRS/Université Paris-Sud) et François Forget, chercheur CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique (UPMC/ENS Paris/CNRS/Ecole polytechnique), ont créé un simulateur numérique de l’environnement martien. Du sous-sol à l’atmosphère, ce modèle prend en compte les échanges thermiques par rayonnement, par conduction, ou induits par les changements de phase du CO2. Ceci permet de simuler l’évolution du CO2 sous toutes ses phases au cours d’une année martienne, notamment sur et sous la surface.
Puis leur simulateur a fait le reste : à la fin de l’hiver et au printemps, lorsque le Soleil frappe la couche de glace superficielle, son rayonnement réchauffe le sous-sol, et le CO2 sous forme solide se sublime. Piégé par la couche de glace superficielle, ce gaz exerce une pression qui augmente, augmente, jusqu’à faire éclater la couche de glace qui recouvre le sol martien. Cette fracturation de la surface libère le gaz du sous-sol, et c’est une avalanche de poussières, de glace et de gaz mêlés qui dévale alors les pentes…
Pas une goutte d’eau ne coule dans ce processus… Pour les chercheurs français, la plupart des ravines martiennes sont donc creusées par ces coulées sèches.

Les "Recurring slope linae" ou RSL, plus discrètes que les "gullies" sous l'oeil du satellite américain MRO, seraient bien des coulées de boue, contenant de l'eau très salée, de la saumure. Cette eau serait captée directement dans l'atmosphère de Mars par le sol saturé de sels. Photo Nasa.

Les “Recurring slope linae” ou RSL, plus discrètes que les “gullies” sous l’oeil du satellite américain MRO, seraient bien des coulées de boue, contenant de l’eau très salée, de la saumure. Cette eau serait captée directement dans l’atmosphère de Mars par le sol saturé de sels. Photo Nasa.

Mais alors, quid de l’annonce par la Nasa de coulées d’eau liquide actuelle sur Mars ? « Nous ne mettons pas en cause les travaux de Luju Ojha et ses collaborateurs, publiés au mois de septembre sur les « Recurring Slope Linae (RSL) », explique François Forget. Les ravines que nous étudions se forment quand il fait très froid. Les RSL sont très différentes géologiquement et se forment au contraire quand il fait très chaud ».
Sur Mars, il y aurait donc bien deux processus qui érodent aujourd’hui les pentes des cratères et des montagnes. Les plus spectaculaires et les plus importantes ravines seraient creusées par le CO2, mais les RSL, les « lignes de pente récurrentes », en français, seraient quant à elles bien dues à des coulées de boue salée… L’eau contenue dans cette saumure proviendrait de l’atmosphère martienne, de la rosée martienne, en quelque sorte…
Serge Brunier