Vaut-il mieux manger cru ou cuit ?

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Quels sont les avantages et inconvénients d'un régime à base d'aliments crus ? (Ph.  Evan Blaser via Flickr CC BY 2.0)

Quels sont les avantages et inconvénients d’un régime à base d’aliments crus ? (Ph. Evan Blaser via Flickr CC BY 2.0)

La “raw food diet” (“régime à base de nourriture crue”), a beau être une tendance actuelle, son origine remonte à plus d’un siècle et demi. Aux États-Unis, Sylvester Graham, puis, en Suisse Maximilien Bircher-Benner – l’inventeur du müesli – mettent au point des régimes sans cuisson. Dans les années 1970-1980, la “raw food” refait son apparition aux États-Unis, remise au goût du jour par les adeptes d’une nourriture plus saine et plus proche de nos origines. Leurs arguments ? D’abord, le fait que la cuisson détruit les vitamines des fruits et légumes.

“ Si certaines vitamines sont effectivement thermolabiles, la plupart sont hydrosolubles. Lorsqu’on cuit un aliment dans l’eau bouillante, ses vitamines sont éliminées dans l’eau de cuisson. Mais la cuisson à la vapeur en préserve une grande partie ”, explique Irène Margaritis, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Les avantages du « manger cru »

Pour les adeptes de la “raw food”, la cuisson, même à la vapeur, détruirait également les enzymes des aliments, qui leur permettraient de s’auto-digérer, facilitant ainsi la tâche de notre propre organisme. “ Notre organisme possède les enzymes nécessaires à la digestion et, de ce fait, rien ne s’oppose à ce qu’on mange des aliments cuits ”, rétorque Irène Margaritis.

Alors bien sûr, en bannissant les produits transformés saturés en sucres, graisses et sel pour faire la part belle aux fruits et légumes, la “raw food diet” peut lutter contre l’épidémie d’obésité mondiale. De façon plus étonnante, quelques rares études ont montré qu’un régime à base de nourriture crue pouvait améliorer la santé de patients souffrant de fibromyalgie.

Les inconvénients du « manger cru »

Oui, mais manger cru n’est pas non plus sans risque. D’abord, parce qu’il conduit à éliminer certains aliments qui ne peuvent être mangés que cuits. Adieu pommes de terre, riz et autres céréales. “ Un régime cru exclusif conduit forcément à un déséquilibre nutritionnel ”, indique Irène Margaritis. Ensuite parce que, comme le rappelle Jean Dupouy-Camet, professeur de parasitologie à l’hôpital Cochin de Paris, “ la cuisson constitue la meilleure prophylaxie contre les virus, bactéries et parasites que peuvent contenir les aliments ”.

En 2011, la bactérie E. coli retrouvée dans des graines germées faisait plus d’une trentaine de morts à travers l’Europe. Dans les années 1980-1990, ce sont des épidémies de trichinellose liées à l’ingestion de viande de cheval crue ou mal cuite qui avaient défrayé la chronique. En raison du risque de toxoplasmose congénitale, on conseille aux femmes enceintes non protégées contre le parasite de ne pas consommer de viande crue. Les aliments crus sont également déconseillés aux personnes immunodéprimées.

C.H.

  • Alimentation : enquête sur les nouveaux interdits – S&V n°1158 – 2014. Avec les progrès de la recherche médicale, de plus en plus d’études démontrent les bienfaits ou les inconvénients d’aliments pour lesquels jusqu’à récemment on ne se posait pas de questions. Un point sur ces nouveaux dogmes et interdits alimentaires.

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  • Cinq sports sur ordonnance – S&V n°1152 – 2013. Manger sain n’est pas, loin s’en faut, la seule façon de garder la forme. Toutes les études montrent que le sport est l’un des facteurs essentiels de l’amélioration de la santé.

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  • Graisses, le retour en grâce ? – S&V n°1125 – 2011. Si la lutte contre l’ingestion excessive de graisses est de mise dans une société d’opulence où croient les risques d’obésité, tout n’est pas mauvais dans la graisse…

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Désormais, l’intelligence artificielle apprend toute seule à jouer

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Capture d'écan de la vidéo montrant le système DQN en train de jouer à Space Invaders (Video courtesy of Atari Inc. and Mnih et al. ).

Capture d’écan de la vidéo montrant le système DQN en train de jouer à Space Invaders (Video courtesy of Atari Inc. and Mnih et al. ).

Un nouveau système d’intelligence artificielle est capable d’égaler voire de battre les meilleurs joueurs dans une cinquantaine de jeux d’arcade (jeu sur écran) grâce à des stratégies originales. Ce résultat, publié par des chercheurs de la firme Google dans la revue Nature, donne un nouvel aperçu du niveau atteint par l’IA depuis quelques années, et pourrait trouver des applications plus utiles dans la vie quotidienne.

Le système est ce qu’on appelle un « réseau neuronal profond à apprentissage par renforcement« , en réalité constitué de deux technologies IA distinctes : celle du réseau de neurones profonds (ou Deep Neural Network, DNN) et celle de l’apprentissage par renforcement (Reinforcement Learning ou Q-Learning). D’où son nom pas sexy : DQN. Mais c’est un sacré joueur : sur un total de 49 jeux testés, il est meilleur qu’un joueur humain expérimenté dans 20 d’entre eux (parfois plus de dix fois meilleur)… mais peut aussi se faire battre à plate couture dans 20 autres – pour les 9 restants, il est d’une force comparable à nous (voir graphique ci-dessous).

Une intelligence artificielle très branchée années 1980

Son secret ? Un apprentissage de deux semaines (pour l’ensemble des 49 jeux) durant lequel DQN découvre le jeu, s’y essaye et met peu à peu en place ses propres stratégies… à l’instar de ce que nous faisons habituellement. Bien sûr, DQN est placé devant l’écran et peut contrôler la manette, mais il n’a pas accès au logiciel du jeu – ce serait trop facile ! Bref, il apprend réellement. Mais il ne s’agit pas de jeux récents du genre Grand Theft Auto (GTA) dernière version, DQN gagne aux jeux d’arcade des années 1980 ou 1990, tels Space Invaders, Breakout (le mur qu’on détruit par une balle), Pong, Kung-Fu Master, etc.

Classement de DQN par rapport à d'autres systèmes IA de jeu (barres grises) et par rapport aux humains (pourcentages). Crédit : Mnih et al. “Human-level control through deep reinforcement learning”, Nature 26 Feb. 2015

Classement de DQN par rapport à d’autres systèmes IA de jeu (barres grises) et par rapport aux humains (pourcentages). Crédit : Mnih et al. “Human-level control through deep reinforcement learning”, Nature 26 Feb. 2015

Des jeux assez simples donc mais qui nécessitent quand même de mettre en place une stratégie, du moins si l’on veut se mesurer aux meilleurs humains. Par exemple sur Breakout, DQN a compris qu’en creusant un « tunnel » dans le mur, il fait passer la balle de l’autre coté, ce qui lui assure que celle-ci va le détruire en grande partie grâce à de multiples rebonds entre le mur et le haut de l’écran (voir vidéo).

Vidéo de DQN en train de jouer à Breakout (Video courtesy of Atari Inc. and Mnih et al. “Human-level control through deep reinforcement learning”, Nature 26 Feb. 2015)

 

Le premier intérêt d’un tel système – outre d’humilier l’adversaire humain – est son aspect innovant dans la recherche en IA : si les chercheurs connaissent bien les Réseaux profonds et les systèmes d’apprentissage automatique (Reinforcement learning), il n’y avait pas jusque-là de système efficace alliant les deux – ce que Google a pu réaliser grâce à ses ressources informatiques quasiment illimitées car de tels systèmes sollicitent énormément de calcul.

De fait Google est devenu omniprésent dans la recherche en IA en particulier lorsqu’il s’agit d’additionner plusieurs technologies déjà éprouvées individuellement : il l’a prouvé récemment en reconnaissance faciale et en reconnaissance des images. Compétence d’autant plus forte que le géant du Net a tendance à « absorber » les plus grands chercheurs du domaine (et les startup innovantes).

DQN en train de jouer à Space Invaders (Video courtesy of Atari Inc. and Mnih et al. “Human-level control through deep reinforcement learning”, Nature 26 Feb. 2015)

 

Dans le cas présent, DQN exploite la capacité des réseaux profonds à reconnaitre une image, c’est-à-dire à transformer un ensemble de signaux lumineux vus (les pixels de l’écran) en une scène cohérente (mur, balle, raquette). Ensuite, DQN exploite l’aptitude des systèmes d’apprentissage à chercher de manière libre comment améliorer sa « récompense » – ici, marquer le plus de points à l’écran (score). Ces deux types de technologies passant nécessairement par une phase d’apprentissage surveillée par un opérateur.

En termes d’applications, un tel système pourrait rendre de grands services dans la gestion automatique de taches relativement complexes et fluctuantes nécessitant des stratégies d’optimisation, comme la conduite automatique ou l’organisation logistique et industrielle.

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

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  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

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