Cinq raisons de ne pas rater l’éclipse du 20 mars

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Le 20 mars, une éclipse du soleil se produira, qui sera totale par endroits dans l'hémisphère nord. / Ph. © M. Kontente - S&V

Le 20 mars, une éclipse du soleil se produira, qui sera totale par endroits dans l’hémisphère nord. / Ph. © M. Kontente – S&V

A la fois défi technologique, énigme physique et opportunité rare pour les astrophysiciens, cette éclipse s’annonce comme un exceptionnel rendez-vous scientifique. La preuve par 5.

1 – Elle va rejouer le mystère des ombres volantes

C’est le dernier mystère qui continue de planer au-dessus des éclipses. Quelques secondes avant et après l’obscurité, d’étranges bandes de clair-obscur de quelques centimètres d’épaisseur se mettent parfois à onduler sur le sol. Ce phénomène au nom évocateur d’ombres volantes a été maintes fois photographiées, filmé et mesuré… Et pourtant, on ne sait toujours pas l’expliquer.

Compte tenu de la vitesse de ces ombres – proche de celle des vents – les astronomes penchent vers un phénomène atmosphérique plutôt que céleste. Mais lequel ? Ce pourrait être lié à des inhomogénéités de densité, à de la turbulence, voire à la baisse de température due à l’ombre…

Approfondissant une théorie ébauchée au début du XXe siècle, Barrie Jones, physicien britannique à l’Open University, défend que les ombres volantes seraient dues à la présence de petites zones agitées de tourbillons dans l’atmosphère. Ces “cellules de convection” auraient des densités variées, donc des indices de réfraction différents, et pourraient ainsi jouer le rôle de lentilles, focalisant ou dispersant la lumière du croissant solaire, qui serait redistribuée sur des régions plus ou moins brillantes.

A moins que la lumière des éclipses ne soit déformée par… des sons ! C’est l’idée proposée en 2008 par Stuart Eves, astrophysicien britannique pour l’entreprise Surrey Satellite Technology Ltd. La baisse brutale de température causée par le passage de l’ombre, associée à sa vitesse énorme, pourrait provoquer des ondes de choc et perturber l’atmosphère localement.

Pour trancher, il faudra rassembler toutes les mesures et les comparer avec les prédictions théoriques.

De curieuses bandes d'ombre se mettent à onduler sur le sol juste avant que le Soleil réapparaisse. Ici, le 11 juillet 2010 en Polynésie /P. © S. Schneider - S&V

De curieuses bandes d’ombre se mettent à onduler juste avant que le Soleil réapparaisse. Elles sont projetées sur le sol. Ici, le 11 juillet 2010 en Polynésie / Ph. © S. Schneider – S&V

2 – Elle va mettre l’énergie solaire au défi

Et si l’éclipse du 20 mars déclenchait un black-out électrique ? Ce sera en tout cas la première à perturber le réseau électrique européen.

Et pour cause, la luminosité du ciel européen chutera brutalement de 80 %, alors que l’électricité photovoltaïque représente près de 10 % de la puissance installée sur le continent. Résultat : une baisse soudaine de puissance – jusqu’à 30 GW, l’équivalent de 25 à 30 réacteurs nucléaires mis d’un coup à l’arrêt !

Certes, en cas de couverture nuageuse, les panneaux solaires voient leur production diminuer de 90 %. Mais la décroissance ne se fait jamais simultanément dans toute l’Europe.

Pour gérer cette situation inédite, RTE et ses homologues européens ont mené une série de simulations numériques à partir de toutes les situations possibles. Un arrêt anticipé et graduel des moyens photo­voltaïques a même été envisagé, sans finalement avoir été retenu.

Une inconnue demeure : quel sera le comportement des consommateurs ? Allumerons-nous tous la lumière afin de compenser la perte de luminosité ou, au contraire, une baisse de la consommation sera-t-elle enregistrée, comme lors de l’éclipse de 1999, lorsque la France entière avait les yeux rivés vers le ciel ? Ce serait encore la meilleure façon d’aider le réseau à éviter tout black-out !

3 – Elle va défier les modèles

Les astronomes savent depuis des centaines d’années que l’éclipse se produira le 20 mars. Ils peuvent déterminer pour chaque lieu l’heure à laquelle la Lune va toucher pour la première fois le Soleil… au dixième de seconde près. Mais ils ne peuvent être plus précis.

La faute, d’abord, aux paramètres physiques qu’ils doivent intégrer au calcul. La prévision de l’instant du contact entre Lune et Soleil dépend de nombreuses mesures qui ne sont connues qu’avec un certain degré d’exactitude comme le rayon moyen de la Lune, la distance entre son centre de masse et son centre apparent, son altimétrie…

A ceci s’ajoutent les imperfections du modèle prédisant le mouvement des astres. Car les équations qui décrivent la grande horlogerie cosmique n’admettent pas de solutions exactes. Tout le travail des spécialistes de mécanique céleste consiste donc à s’assurer que le niveau de développement de calcul qu’ils choisissent d’atteindre ne prédit pas des erreurs qui pourraient se répercuter sur l’instant du contact lors de l’éclipse. Ils tiennent déjà compte de l’influence de 300 astéroïdes, des effets des planètes effets dus à la relativité générale, la non-sphéricité de la Terre, de la Lune… Et pourtant, ils trouvent une erreur de 2,8 cm par rapport aux mesures effectuées par laser. Cela veut dire qu’il manque quelque chose dans le modèle, qu’un effet physique a été négligé. Enquête en cours…

La carte des reliefs lunaires / Ph. © NASA Goddard space flight center - DLR - ASU

La carte des reliefs lunaires / Ph. © NASA Goddard space flight center – DLR – ASU

4 – Elle en dira long sur la couronne solaire

Les spécialistes du Soleil continuent de régler leur pas sur ces rendez-vous célestes. Car les éclipses sont le seul moyen d’observer la base de la couronne solaire, cette atmosphère de gaz ionisés qui entoure notre étoile.

Cette basse couronne est l’endroit clé pour comprendre la physique solaire. C’est à cet endroit précis que se nouent les liens entre les phénomènes de surface (les taches, les éruptions…) et la machinerie interne de l’étoile. Or sans la Lune pour écran, les instruments sont trop éblouis par la lumière du Soleil pour y distinguer quoi que ce soit. Quant aux coronographes, ces télescopes qui intègrent un disque opaque pour se prémunir de l’insolation, ils cachent une zone de 0,4 rayon solaire au-dessus de la surface de l’étoile.

Lors de l’éclipse du 21 juin 2001, en Zambie, la mesure du spectre de la couronne a permis de déterminer la vitesse des flux d’électrons dans le vent solaire. Lors de celle du 1er août 2008, en Sibérie, des mesures de polarisation ont permis de séparer les différents composants coronaux…

Plusieurs missions ont été prévues pour le rendez-vous du 20 mars. Dean Hines et son équipe du Space Telescope Science Institute de Baltimore (Etats-Unis) ont par exemple affrété un Boeing 737 pour mesurer la polarisation de la lumière reflétée par les poussières qui gravitent entre la Terre et la Lune, et ainsi étudier leur composition.

La couronne solaire telle qu'observée lors de l'éclipse totale de 2008. / Ph. © Miroslav Druckmüller, Peter Aniol, Martin Dietzel, Vojtech Rušin

La couronne solaire telle qu’observée lors de l’éclipse totale de 2008. / Ph. © Miroslav Druckmüller, Peter Aniol, Martin Dietzel, Vojtech Rušin

5 – Elle sera suivie d’une marée record

Une éclipse le 20 mars, jour de l’équinoxe de printemps ? Voilà une configuration astronomique qui devrait ravir les amateurs de pêche à pied. De fait, le lendemain, la marée affichera un coefficient record de 119, à une unité du maximum possible ! La différence de hauteur d’eau entre la basse mer et la haute mer dépassera par exemple les 14 m dans la baie du Mont-Saint-Michel – contre 10 m lors d’une marée déjà sérieuse.

Ce sera la première des « marées du siècle ». Il n’y en aura que sept autres, dont une, le 25 mars 2073, dont le coefficient atteindra carrément 120 !

Et ce n’est pas un hasard. Car les conditions astronomiques qui président à une éclipse à proximité de l’équinoxe sont aussi celles qui font les grandes marées. Comme pour une éclipse, une grande marée se produit lorsque Lune et Soleil sont alignés : ils conjuguent alors leurs efforts gravitationnels pour déplacer les masses d’eaux océaniques. Et cette marée devient exceptionnelle si la Lune est au plus proche de la Terre, et que Soleil et Lune traversent de concert le plan équatorial (ce qui arrive lors des équinoxes pour le premier cas de figure, et environ deux fois tous les vingt-huit jours pour le second).

Autrement dit, si vous observez une éclipse proche de l’équinoxe, c’est sûr, la plage sera à vous !

M.F. et M.G.

D’après S&V n°1170

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Eclipse de soleil du 11 août 99 – S&V n°985 – 1999. Revivez en photos l’éclipse totale de Soleil du 11 août 1999 qui avait plongé un grande partie de la France dans une nuit étoilée en plein jour.

985

  • La Terre a deux lunes ! – S&V n°1136 – 2012. Mars à deux lunes, Phobos et Déimos, Jupiter en a au moins 67… Jalouse peut-être de cette inflation, la Terre s’en est découverte une deuxième : un astéroïde géocroiseur qu’elle a capturée dans son champs gravitationnel.

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  • On a retrouvé la Lune ! – S&V n°1154 – 2013. Si proche, si loin… La Lune nous accompagne depuis 4,56 milliards d’années, et toutes les civilisations l’ont adorée, craint et étudiée. Mais malgré les moyens techniques dont nous disposons aujourd’hui et les visites in situ, elle conserve des secrets… qu’on perce progressivement.

1154

  • Lune : son cœur a été mis à nu – S&V n°1123 – 2011. Parmi les inconnues entourant la Lune, son noyau : est-il solide et inerte ? Liquide et fluctuant ? Ce n’est qu’en 2011 que le profil en coupe de notre satellite a pu être complété : une graine solide en fer, un noyau externe liquide et une couche de roches fondues…

1123

 

En maison de retraite, respirer l’air intérieur rend malade

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Une maison de retraite en France / Ph. Mariusz Kubik via Wikimedia Commons - CC BY SA 3.0

Une maison de retraite en France / Ph. Mariusz Kubik via Wikimedia Commons – CC BY SA 3.0

Pour la première fois en Europe, des chercheurs se sont intéressés à la qualité de l’air dans les maisons de retraite. Un groupe international de pneumologues a examiné le lien entre l’air respiré par les personnes âgées qui y habitent et leur santé respiratoire. Et leurs conclusions sont préoccupantes : même à des niveaux en dessous des normes, les polluants de l’air intérieur minent le bon fonctionnement des poumons de ces personnes !

Dans 50 maisons de retraite réparties sur 7 pays européens (France, Belgique, Italie, Grèce, Pologne, Danemark et Suède), 600 personnes âgées ont passé un examen médical pour évaluer leur capacité respiratoire. Parallèlement, l’air intérieur de la salle commune de chaque maison (la pièce où les résidents passent le plus de temps) a été analysé. Les chercheurs y ont mesuré les concentrations de divers polluants : dioxyde d’azote (NO2), ozone (O3), dioxyde de carbone (CO2), formaldéhyde, particules fines de moins de 10 micromètres (PM10), particules ultrafines (ayant un diamètre inférieur à 0,1 micromètre, abrégé en PM0,1).

Toutes ces substances toxiques sont émises dans l’air intérieur, que ce soit par les matériaux de construction, le chauffage, la climatisation, les meubles ou encore les produits d’entretien. Or, dans leur article paru dans le European respiratory journal, les chercheurs rapportent qu’ils n’ont pas trouvé des niveaux particulièrement élevés de ces substances. En d’autres termes, l’air des maisons de retraite n’est pas plus pollué que celui d’une quelconque habitation…

Même en-dessous des limites de sécurité, les substances toxiques abîment les poumons des personnes âgées

Et pourtant, même sans être particulièrement concentrées, toutes ces substances affectent la santé des personnes âgées qui les respirent au quotidien ! Il en est ainsi des PM10, du NO2 et du CO2, qui contribuent à l’essoufflement et à la toux. Ou des particules ultrafines, qui provoquent des sifflements pulmonaires. Ou encore du formaldéhyde, un composé organique volatil responsable de broncopneumopathies chroniques obstructives. Ces effets étaient encore plus graves passés les 80 ans, et diminuaient en cas de bonne ventilation.

Pourquoi de tels dégâts sur les poumons des personnes âgées ? C’est que ceux-ci sont déjà rendus vulnérables par l’âge, expliquent les auteurs de l’étude. En vieillissant, ils ont perdu la capacité de se débarrasser efficacement des substances toxiques. Pis, nombre de résidents en maison de retraite ne sortent que très peu à l’air libre, voire sont totalement alités, alors que s’oxygéner est nécessaire pour une bonne santé respiratoire.

De plus, le personnel soignant fait un usage abondant de produits ménagers et désinfectants, afin d’éviter la propagation des infections. Cependant, ces produits ne sont pas tous inoffensifs pour ceux qui les respirent, ils peuvent même être la source de substances toxiques, notent les auteurs. C’est pourquoi ces derniers préconisent l’instauration d’un label européen qui garantirait l’innocuité des produits d’entretien d’usage courant.

Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1157 - air interieur

S&V 1136 - air interieur

  • Polluants domestiques, la chasse est ouverte — S&V n°1032 – 2003. C’est le début de la prise de conscience : l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur lance une campagne partout en France pour mesurer les polluants dans les logements.

S&V 1032 - air interieur