Les pneus, les freins et l’usure des routes émettent presque autant de microparticules que le diesel

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Le Périphérique parisien est un des grands émetteurs de particules fines (Ph. Vincent Desjardins via Flickr CC BY 2.0)

Le Périphérique parisien est un des grands émetteurs de particules fines (Ph. Vincent Desjardins via Flickr CC BY 2.0)

41 % des particules polluantes émises par le trafic routier en Ile-de-France proviennent des pneus, des plaquettes de frein et de l’abrasion des routes – juste après le diesel (qui compte pour 55 %) ! Tel est l’enseignement principal du dernier rapport de l’association Airparif de surveillance de la qualité de l’air en région Ile-de-France (qui prend en compte l’année 2012). A l’heure où Paris est une fois de plus victime d’un sévère pic de pollution, ces trois nouveaux venus dans le club des pollueurs ont surpris plus d’un spécialiste.

Si les voitures diesel sont depuis longtemps montrées du doigt pour leur nocivité, la mise en évidence de ces trois nouvelles sources de pollution aux particules fines – engendrées par tous les véhicules, voitures électriques compris – devrait modifier la stratégie classique de la lutte contre la pollution dans les centres urbains.

Une pollution qui alarme

Certes, les particules fines, dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres (0,01 mm), ne sont pas les seuls vecteurs de pollution : il y a 7 autres catégories de polluants relevées dans l’étude, comme les oxydes d’azote (NOx), le dioxyde de soufre (SO2), l’ammoniac (NH3), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (benzène et dérivés), les gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O), etc. Mais ces particules sont particulièrement néfastes pour la santé, responsables en grande partie des maladies respiratoires, cardiovasculaires et cancers qui touchent particulièrement les habitants des grandes villes.

Il y a donc de quoi s’alarmer, mais en gardant la tête froide. Car d’une part, la mesure concerne le plus grand centre urbain du pays (l’Ile-de-France) et non pas une moyenne sur toute la France. D’autre part, il s’agit d’une seule classe de particules fines, celles dont le diamètre est compris entre 10 et 2,5 micromètres (nommées PM10) – les PM2.5 (inférieures à 2,5 micromètres) et les PM1 (inférieures à 1 micromètre) ne seraient pas concernées.

L’effet paradoxal de la baisse de la pollution depuis l’an 2000

Enfin, l’importance du ratio de ces nouveaux générateurs de particules fines PM10 résulte… de la diminution des autres sources : comme l’indique le rapport d’Airparif, entre les années 2000 et 2012, les émissions de PM10 du trafic routier ont diminué de 55%. Autrement dit, c’est parce que l’émission des PM10 liés à la combustion de l’essence et du diesel ont beaucoup diminué en 12 ans, que la part liée à l’usure des pneus, des plaquettes de frein et des routes ont, en pourcentage, augmenté.

De plus, le trafic routier n’est pas le seul producteur de PM10 : l’agriculture, les chantiers et carrières, et le secteur tertiaire et résidentiel notamment sont de grands émetteurs de ces particules. Sur les 15 000 tonnes de PM10 émises en 2012 en Ile-de-France, elles comptent respectivement pour 18%, 18% et 26% du total des émissions de PM10 – le trafic routier comptant, lui, pour 28 %. Si 41% des émissions de PM10 du trafic routier est dû aux freins, pneus et routes, dans le total de toutes les émissions de PM10, ce chiffre tombe à 11%.

De nouvelles normes pour bientôt ?

Il n’empêche, la mise en évidence de l’importance prise par cette source de pollution aux PM10, lié au phénomène général d’abrasion, devrait déboucher sur de nouvelles normes antipollution requérant une modification des produits utilisés dans la fabrication de ces matériaux ou la conception de systèmes pour les absorber à la source. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Union européenne y travaillent.

Román Ikonicoff

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1124 particules fines

Pourquoi la toxicité des substances chimiques nous échappe - S&V 1140

S&V1135

 

A quoi est dû le fait d’avoir ou non le sens de l’orientation ?

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Se représenter correctement l’espace et son orientation n’est pas donné à tout le monde (Ph. Raphaël Labbé via Flickr CC BY 2.0)

Les variations du sens de l’orientation selon les individus ne sont pas encore claires. Mais une chose est sûre : il existe des inégalités flagrantes dans notre capacité à construire et manipuler une carte mentale de notre environnement. C’est ce qu’a montré une expérience, menée en 2006 par des géographes américains : dix fois de suite, ils ont amené 24 étudiants dans un environnement qu’ils ne connaissaient pas, avant de tester en laboratoire leur appréciation des distances et des directions parcourues. Certaines réponses furent très précises ; d’autres totalement fantaisistes.

Ce qu’on appelle communément “le sens de l’orientation” repose sur la capacité à traiter des informations multiples : celles issues de l’environnement extérieur (repères visuels ou tactiles dans le noir…) et celles données par notre propre corps (dans quel sens je me déplace, à quelle vitesse…). Ces informations s’adressent à trois types de neurones, spécialisés dans la localisation : les cellules de lieu (dans l’hippocampe), de direction et de grille (dans des structures directement liées à l’hippocampe). L’intégration des informations enregistrées par ces cellules construit une carte mentale qui est mémorisée et à laquelle on recourt.

Le sens de l’orientation : inné ou acquis ?

Si les scientifiques commencent à bien comprendre les supports physiologiques du sens de l’orientation, déterminer les causes de ses fluctuations reste difficile. Le sens de l’orientation est-il fonction des capacités d’observation, du nombre de neurones impliqués, de la capacité à construire une carte mentale, de la mémoire spatiale, de l’habileté à manipuler mentalement des objets géométriques ? Seules quelques pistes émergent.

Une part de l’inégalité semble liée à l’apprentissage. En 2006, une expérience a en effet montré que les chauffeurs de taxi londoniens ont un hippocampe plus développé que les chauffeurs de bus, dont le chemin est tracé d’avance. Un nombre plus élevé de neurones et éventuellement de connexions entre eux est donc acquis par un exercice quotidien.

Un « trouble de désorientation topographique »

Qu’en est-il de ceux qui n’ont pas le sens de l’orien­tation ? En 2010, une étude s’est penchée sur un véritable handicap : le “trouble de désorientation topographique”. Incapables de se repérer dans leur propre quartier ou de prendre un raccourci sans se perdre, la centaine de personnes étudiées ont l’impression de se réveiller chaque matin dans une maison dont on aurait changé la disposition. Elles sont le plus souvent incapables de construire une carte mentale de leur environnement.

Une incapacité qui pourrait avoir une origine génétique, car un tiers d’entre elles signalent qu’un membre proche de leur famille présente les mêmes symptômes. Autre indice : 85 % des personnes de l’étude sont des femmes. Le sujet est polémique, mais en compilant d’autres études, cette inégalité apparaît manifeste. Si les performances d’orientation dans un environnement nouveau sont les mêmes quand hommes et femmes lisent une carte, elles sont meilleures chez les hommes quand l’environnement est expérimenté directement sur le terrain. Et, curieusement, celles des femmes varient avec leur cycle menstruel : quand le taux d’œstrogène est bas, leur sens de l’orientation égale celui des hommes. Désorientant.…

A. D.

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Nous avons bien un sixième sens magnétique ! – S&V n°1136 – 2012 – Si aujourd’hui nous nous orientons grâce à la vue et parfois à d’autres de nos sens, nous aurions également hérité d’une sensibilité aux champs magnétiques, tels les oiseaux migrateurs… Mais nous en avons perdu l’usage.

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  • La vie serait quantique ! – S&V n°1123 – 2011 – Nous sommes, avec tous les autres êtres vivants, faits de matière. Aussi, il n’est pas étonnant que les lois de la physique fondamentale agissent sur nous, en particulier celles, étranges, de la mécanique quantique. Elles seraient même à l’origine du sens de l’odorat et de l’orientation.

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  • Oiseaux migrateurs et cartes génétiques – S&V n°887 – 1991 – Retour sur la découverte des bases génétiques du sens de l’orientation : de véritables cartes mémorisées dans les gènes au cours de l’évolution, surtout sur les espèces migratrices.

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