Peut-on rester anonyme quand on surfe sur Internet ?

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Le réseau internet, avec ses sous-réseaux, tel qu'il était en 2004 (Ph.  Steve Jurvetson via Flickr CC BY 2.0)

Le réseau internet, avec ses sous-réseaux, tel qu’il était en 2004 (Ph. Steve Jurvetson via Flickr CC BY 2.0)

Oui… mais les techniques efficaces exigent des compétences et des moyens hors de portée du grand public. Cela étant, chacun peut prendre certaines précautions afin d’empêcher autant que faire se peut les sites de vous suivre ou de vous “espionner”, sachant que dès que vous vous connectez, ils récupèrent des informations précises sur votre connexion. Vous pourrez l’observer en faisant l’expérience ­proposée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Première mesure à prendre : régler les options de son navigateur web (Firefox, Internet Explorer…) pour supprimer les cookies, ces petits fichiers que les sites consultés inscrivent dans votre ordinateur. Revers de la médaille : en n’étant plus reconnu par les sites que vous fréquentez régulièrement, ceux-ci n’afficheront plus de pages personnalisées présentant diverses informations qu’il vous faudra ressaisir. Pour éviter ce désagrément, vous pouvez conserver certains cookies… et éliminer les autres.

Pour rester anonyme, allez dans un cybercafé

La seconde solution permet de ne pas être “espionné” sur un réseau public. Elle consiste à installer l’extension “HTTPS everywhere” compatible avec Firefox et Chrome. Dès que vous vous connectez à l’un des 1500 sites répertoriés dans la liste de ce ­module (Google, Twitter, Wikipédia…), il vous redirige vers sa version “htpps”, une liaison sécurisée (un petit cadenas s’affiche dans la barre d’adresse). Cette option est utile lorsque vous vous connectez à une borne wi-fi publique.

Troisième technique : masquer son adresse IP (Internet Protocol), c’est-à-dire la plaque d’immatriculation de tout appareil raccordé à un réseau, grâce à un proxy (un ordinateur qui sert d’intermédiaire entre votre connexion et le site que vous visitez). Vous pouvez passer par des services spécialisés comme (www.anonymizer.com, megaproxy.com) ou utiliser un logiciel qui se ­connectera, via votre navigateur, à des proxy (comme ­Ultrasurf). Cette solution présente trois limites.

Premièrement, c’est le proxy qui stocke votre adresse IP et vos mots de passe ; il faut donc faire confiance à cet intermédiaire. Deuxièmement, le paramétrage depuis le navigateur n’est pas évident pour le grand public (si ce n’est Ultrasurf qui est automatique, mais avec Internet Explorer seulement). Enfin, la navigation devient plus lente puisque la connexion transite par le proxy. Finalement, pour rester anonyme, le plus simple est d’utiliser les machines d’un cybercafé.

P.R.

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie

  • L’heure du cryptage quantique a sonné – S&V n°1155 – 2013 – L’affaire Snowden a ébranlé le monde du renseignement, et la confiance entre de supposés pays alliés qui, finalement, n’ont pas cessé de s’espionner comme dans les pires cauchemars paranoïaques de la guerre froide… La recherche de nouvelles solutions techniques, comme la cryptographie quantique, vise à résoudre ce problème.

1155

  • Web : bien protéger sa vie privée - S&V 1126, juillet 2011 – Comment rester maître de ses données personnelles, si prisées par les firmes du Net ? Un petit guide pour améliorer sa sécurité quand on surfe sur le Web.

S&V 1126 - piratage

  • Les virus ont-ils gagné ? – S&V n°1141 – 2012 – Tout a commencé en 1982, quand un informaticien a conçu un programme se propageant tout seul aux ordinateurs connectés au sien, pour impressionner ses amis… Quel est l’état du monde des virus et autres « malwares » 30 ans plus tard ?

S&V1141

Exploration spatiale : les promesses de 2015

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6 décembre 2014, 17 h 40, à Kourou, en Guyane. La fusée Ariane 5 s'élance pour l'espace. C'est son 63 e succès d'affilée. Photo S.Brunier/Point du Jour.

6 décembre 2014, 17 h 40, à Kourou, en Guyane. La fusée Ariane 5 s’élance pour l’espace. C’est son 63 e succès d’affilée. Photo S.Brunier/Point du Jour.

2014 restera dans l’histoire de l’exploration spatiale comme « l’année de la comète ». L’Agence spatiale européenne (ESA), en menant à bien la mission Rosetta auprès de la comète Churyumov-Gerasimenko, a réalisé une véritable prouesse technique qui a fasciné le monde entier, ou presque. Jamais on n’avait approché d’aussi près une comète, et jamais on n’avait – d’accord, pas de manière très académique – posé un module sur un tel astre… L’exploit européen à cinq cents millions de kilomètres d’ici, sur un astre à la géométrie et au champ de gravité complexes, relativise quelque peu la mission chinoise Chang’ 3 qui a consisté… à poser, voici un an et un demi siècle après Soviétiques et Américains, un module sur la Lune.

La comète Churyumov-Gerasimenko, photographiée par la sonde européenne Rosetta en décembre 2014. Dans la vallée qui sépare les deux régions principales de la comète, du gaz et de la poussière commence à s'échapper dans l'espace. En s'approchant du Soleil, l'activité de la comète augmente... Photo ESA.

La comète Churyumov-Gerasimenko, photographiée par la sonde européenne Rosetta en décembre 2014. Dans la vallée qui sépare les deux régions principales de la comète, du gaz et de la poussière commence à s’échapper dans l’espace. En s’approchant du Soleil, l’activité de la comète augmente… Photo ESA.

L’Europe spatiale se souviendra de 2014, aussi, car c’est l’année où elle a enfin décider de lancer le programme Ariane 6… L’aventure Ariane a commencé voici une quarantaine d’années, sous le regard amusé et vaguement méprisant de la Nasa, qui s’imaginait alors lancer une navette spatiale toutes les semaines vers le cosmos ; mais la dynastie des fusées européennes, Ariane 1, 2, 3, 4, 5, s’est progressivement imposée sur le marché du lancement des satellites. Avec ses lanceurs Vega, Ariane 6 et Ariane 5 pour les satellites les plus lourds, l’Europe restera probablement leader du lancement spatial sur la planète Terre quelques décennies encore… La décision de lancer le programme Ariane 6 a fait, en revanche, une victime collatérale : les Russes, qui s’étaient implantés sur le site de lancement de Kourou, avec leur Soyouz, quitteront probablement la Guyane dans moins de dix ans…
Enfin, l’espace en 2014, c’est, aussi, des échecs, parfois dramatiques… Côté vols habités, rien de neuf : les astronautes continuent à tourner en rond dans la Station spatiale internationale. La Nasa a testé pour la première fois avec succès sa nouvelle capsule Orion destinée à prendre place au sommet du SLS, le futur lanceur géant américain. Ce lanceur, d’une capacité semblable aux fameuses fusées Saturn V du programme Apollo, est construit par la Nasa sans le budget de Guerre froide des années 1960 : l’engin est donc retardé, il volera peut-être en 2018, et emportera peut-être ses premiers occupants en 2022. Vers où ? On ne sait pas. Cette fusée puissante est capable d’envoyer satellites et astronautes n’importe où dans le système solaire, mais rien n’est prévu, encore, pour des voyages au long cours, et trop coûteux le SLS (Space Launch System) ne volera probablement qu’une fois par an… Alors chaque administration repasse la patate chaude à l’administration suivante, et la Nasa multiplie les annonces plus ou moins loufoques : un jour on retourne sur la Lune, le lendemain on part coloniser Mars, puis on visite un astéroïde ou, mieux encore, on joue au ballon sur Vénus…

Le désert martien, exploré par le robot mobile américaine Curiosity. Photo JPL/Nasa.

Le désert martien, exploré par le robot mobile américaine Curiosity. Photo JPL/Nasa.

Pendant ce temps-là, les robots, projection virtuelle de l’humanité dans le ciel, explorent réellement le système solaire. Et en 2015, nous vivrons de ce point de vue une véritable apothéose… Mais avant cette année spatiale d’une richesse exceptionnelle, soldons 2014. L’année qui s’achève, avec l’explosion au décollage de la fusée Antarès en octobre, nous rappelle qu’on ne lance pas un engin – pour 90 % constitué de carburant – vers l’espace comme on prend le train ou l’avion… L’espace reste, et demeurera longtemps, une activité à haut risque. En témoigne, encore le drame survenu en octobre dernier, quand le prototype de vaisseau spatial « touristique » SpaceShipTwo s’est brisé en vol, tuant l’un de ses deux pilotes d’essai, blessant l’autre grièvement… L’aventure SpaceShipTwo, conçue par le milliardaire Richard Branson, a déjà coûté la vie à quatre personnes, après un premier accident, au sol, en 2007. Dans ses délires, qui lui assuraient une visibilité médiatique mondiale et les fonds d’investisseurs baroques, Branson envisageait une flotte de cinq ou six engins spatiaux, emportant dans les années qui viennent des dizaines de milliers de touristes pour un saut de puce à deux cent mille dollars et à cent kilomètres de la surface terrestre, en attendant plus tard de boire du champagne dans un hôtel orbital 1000 étoiles ou de faire une virée sur la Lune. Les candidats, qui patientent depuis des années, attendront encore quelques années ou décennies : SpaceShipTwo, mal né, mal motorisé, va probablement être abandonné au profit d’un autre engin, qui ne sera pas forcément américain… Pendant ce temps, au Nouveau-Mexique, les contribuables qui ont payé pour construire « Spaceport America » au profit de Virgin Galactic, la société intersidérale de Richard Branson, commencent à trouver la note salée. Leur « port spatial » installé en plein désert n’est pas près de connaître les embouteillages provoqués par des touristes en tongs, casque à la main, en partance pour la Lune, Mars et au delà…

La meilleure image de Pluton a été prise par le télescope spatial Hubble. Pluton a été découverte en 1930, en 2015, elle sera visitée par la sonde New Horizons. Photo JPL/Nasa.

La meilleure image de Pluton a été prise par le télescope spatial Hubble. Pluton a été découverte en 1930, en 2015, elle sera visitée par la sonde New Horizons. Photo JPL/Nasa.

Alors, 2015 ? Eh bien, cette année va connaître un véritable achèvement symbolique. Cet été, le système solaire entier, aura, symboliquement, été exploré par l’humanité… C’est en effet en juillet 2015 que la sonde américaine New Horizons va, après neuf ans de voyage, traverser le système de Pluton et ses satellites. Pluton, pendant près d’un siècle et avant son déclassement par l’Union astronomique internationale (UAI) a fait office de borne, de frontière – symbolique, encore une fois – du système solaire. Pluton, à six milliards de kilomètres de la Terre, était « la dernière planète du système solaire », et donc, après Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, cette « dernière planète » va enfin être visitée par un robot spatial. Un événement historique, qui va bouleverser les astronomes, qui attendaient de découvrir cet astre lointain et mystérieux, dont on ne sait rien ou presque, depuis des décennies… Pluton, en effet, est tout à la fois lointaine et minuscule : même le télescope spatial Hubble ne perçoit quasiment rien de sa surface. Avant que New Horizons ne frôle la petite planète naine – c’est aujourd’hui son appellation officielle, à bon droit, Pluton n’est plus considérée comme une vraie planète – la sonde, en mai, prendra une première image d’une qualité supérieure à celles obtenues par Hubble, un événement, déjà.

Titan passe devant le globe et les anneaux de Saturne, sur cette image prise par la sonde Cassini. Photo Ciclops/JPL/Nasa.

Titan passe devant le globe et les anneaux de Saturne, sur cette image prise par la sonde Cassini. Photo Ciclops/JPL/Nasa.

2015, année de Pluton ? Oui, mais pas seulement : d’abord, à la fin du mois de janvier, la Nasa fêtera un anniversaire presque incroyable : cela fera onze ans que son robot Opportunity explore la planète Mars… Opportunity aura alors parcouru pratiquement 42 kilomètres dans la rocaille et le sable martiens. Sept engins, deux à la surface, cinq en orbite, continueront d’étudier la planète rouge, et l’on continuera à suivre les pérégrinations de Curiosity au pied du mont Aeolis. Beaucoup plus loin, la sonde Cassini continuera à nous transmettre des images de Saturne, ses anneaux et ses satellites. La longévité de Cassini force l’admiration : la sonde de la Nasa a quitté la Terre voici plus de dix sept ans et tourne autour de la planètes aux anneaux depuis onze ans…

L'astéroïde Vesta, photographié en 2012 par la sonde Dawn. Photo JPL/Nasa.

L’astéroïde Vesta, photographié en 2012 par la sonde Dawn. Photo JPL/Nasa.

L’année 2015 verra la Nasa, encore, réaliser un exploit inédit dans l’histoire de l’exploration spatiale : sa sonde Dawn, après s’être satellisée autour de l’astéroïde Vesta, en 2011, s’approche actuellement de la planète naine Cérès, autour de la laquelle elle se satellisera au mois de mars, nous offrant probablement des images étonnantes de ce corps céleste, mi astéroïde, mi planète.
Enfin, nous allons continuer à suivre, tout au long de l’année, la mission Rosetta, qui pourrait nous réserver quelques belles surprises. En effet, en s’approchant du Soleil, la comète Churyumov-Gerasimenko va devenir de plus en plus active, la sonde, en orbite autour de la comète va prendre des images inédites, probablement parmi les plus belles de l’histoire de la conquête spatiale.
2015, l’année où le système solaire entier aura été visité par l’humanité.
Serge Brunier