Un vaccin prometteur contre Ebola démarre la phase d’essai

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La phase de test a débuté pour le vaccin de Janssen (ici, un contrôle visuel des éprouvettes) / Ph. © Janssen

La phase de test a débuté pour le vaccin de Janssen (ici, un contrôle visuel des éprouvettes) / Ph. © Janssen

Les essais ont déjà commencé : le nouveau candidat vaccin contre Ebola, élaboré par la société pharmaceutique Janssen, sera testé sur 72 volontaires sains au Royaume-Uni.  Très vite, d’autres essais débuteront aux États-Unis, puis, aussitôt qu’ils donneront des résultats, le vaccin pourra être testé à grande échelle en Afrique de l’Est. Cette première phase clinique (phase 1 dans le jargon des pharmaceutiques) est destinée à vérifier, d’une part, si le produit est bien toléré et d’autre part le niveau de réponse immunitaire qu’il provoque.

Confiante du bon fonctionnement de son vaccin, Janssen se prépare à conduire des essais de grande envergure au Ghana, au Kenya et en Tanzanie le plus rapidement possible : plus de 400 000 doses de vaccin auront été produites en avril pour les assurer. Mais les essais pourraient débuter dès février-mars si tout se passe bien. Pour cela, il faudra d’abord que les premiers résultats obtenus en Europe soient bons, et que les autorités sanitaires locales donnent leur feu vert. Ces trois pays ne sont pas touchés par l’épidémie actuelle, mais l’ont été par le passé et pourraient l’être à l’avenir : la population gagnerait donc à être immunisée contre le redoutable virus.

L’action de ce vaccin repose sur un fonctionnement à double tir, dit « prime-boost »

A la pointe des biotechnologies vaccinales, le nouveau candidat vaccin est une combinaison de deux substances, fonctionnant sur le mode du « prime-boost » (amorce-stimulation) : « une première dose de vaccin amorce une réaction par le système immunitaire, puis une deuxième dose stimule une réponse soutenue au fil du temps, comme un coup de fouet qui rend plus robuste et durable la protection immunitaire », explique Benoît Callendret, responsable du développement du vaccin chez Crucell, filiale de Jannsen.

Ce mécanisme d’immunisation à double tir est utilisé de plus en plus fréquemment dans la recherche vaccinale de solutions aux maladies très difficiles à combattre, telles le sida/VIH ou le paludisme. Son atout majeur ? Elle permet d’agir sur plusieurs fronts immunitaires, afin d’enclencher la réponse immunitaire la plus complète possible.

Comment ça marche ? Dans le vaccin en cours de test, la première substance est en fait un virus de la famille des Adénovirus, modifié génétiquement pour être inoffensif pour l’homme, mais capable de s’introduire dans les cellules du patient. Là, il se met à produire un fragment du virus Ebola, la glycoprotéine. En réponse, les défenses immunitaires innées de l’oranisme s’activent et des anticorps sont produits contre le virus Ebola.

Un mois ou deux plus tard, le patient reçoit une deuxième substance, un autre virus modifié génétiquement, le MAV, de la famille des Poxvirus (parmi lesquels, la variole). Celui-ci marche sur le même principe, produisant également la glycoprotéine du virus Ebola, mais il agit sur d’autres tissus corporels que le premier. « Au final, le double vaccin permet d’atteindre le plus grand nombre possible de cellules corporelles afin de réaliser la plus grande protection possible contre la maladie », résume Benoît Callendret.

Fin novembre dernier, l’annonce avait été donnée qu’un autre vaccin, produit par GlaxoSmithKline, avait réussi la première phase de tests. Les chances se multiplient donc de pouvoir enfin enrayer l’épidémie qui sévit depuis près d’un an en Afrique de l’Ouest.

Fiorenza Gracci

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Le télescope spatial Hubble photographie le ciel… d’une autre galaxie

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Ces myriades d'étoiles n'appartiennent pas à la Voie lactée, notre galaxie, mais à la galaxie d'Andromède, située à 2.5 millions d'années-lumière de la Terre. Ce gros plan montre une minuscule partie de la photographie prise par le télescope spatial Hubble. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Ces myriades d’étoiles n’appartiennent pas à la Voie lactée, notre galaxie, mais à la galaxie d’Andromède, située à 2.5 millions d’années-lumière de la Terre. Ce gros plan montre une minuscule partie de la photographie prise par le télescope spatial Hubble. Photo Nasa/ESA/STSCI.

C’est le ciel… Le ciel, oui, mais le ciel d’une autre galaxie… Cette image à couper le souffle, que vient de nous offrir le télescope spatial Hubble, va faire date dans l’histoire de l’astronomie. Depuis quelques années, le télescope spatial n’est plus beaucoup utilisé pour des projets d’observations unitaires et décisives scientifiquement. Le télescope spatial, en orbite depuis vingt cinq ans, est moins sollicité pour ses prouesses optiques, que certains télescopes au sol, désormais, peuvent atteindre, voire dépasser. Alors le comité scientifique qui gère l’instrument a décidé, pour ses toutes dernières années d’observation, d’utiliser le télescope spatial à contre emploi, comme un télescope de « sondage », à très grand champ. Cette technique d’observation, consistant à réaliser d’immenses mosaïques célestes, en multipliant les images, est énormément consommatrice en temps d’observation pour Hubble, ses caméras ayant, justement, un champ de vision minuscule, inévitable corollaire de sa très haute résolution, c’est à dire sa capacité à détecter de très fins détails sur les astres observés.

La galaxie d'Andromède est visible à l’œil nu et aux jumelles. C'est la galaxie spirale géante la plus proche de notre propre galaxie, la Voie lactée. Photo NAOJ/Robert Gendler.

La galaxie d’Andromède est visible à l’œil nu et aux jumelles. C’est la galaxie spirale géante la plus proche de notre propre galaxie, la Voie lactée. Photo NAOJ/Robert Gendler.

Alors Hubble se lance dans de grandes chevauchées cosmiques, filant à 28 000 km/h autour de la Terre, son miroir obstinément pointé vers le même coin de ciel, qu’il scanne méthodiquement, usant de temps de pose totalement déraisonnables…

Le télescope spatial Hubble a réalisé une image mosaïque de la galaxie d'Andromède comptant 1.5 milliard de pixels et couvrant le quart environ de la surface de la galaxie. Plus de 100 millions d'étoiles sont visibles sur l'image originale. Ces étoiles ne sont pas perceptibles sur cette image en basse définition. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Le télescope spatial Hubble a réalisé une image mosaïque de la galaxie d’Andromède comptant 1.5 milliard de pixels et couvrant le quart environ de la surface de la galaxie. Plus de 100 millions d’étoiles sont visibles sur l’image originale. Ces étoiles ne sont pas perceptibles sur cette image en basse définition. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Ici, piloté par l’équipe d’une vingtaine de chercheurs du PHAT (Panchromatic Hubble Andromeda Treasury) le télescope spatial est resté deux semaines – 394 heures de pose – pointé dans la direction de la belle galaxie d’Andromède, cousine de notre propre galaxie, la Voie lactée. Distante d’environ 2,5 millions d’années-lumière, cette galaxie spirale géante est visible à l’œil nu ou dans de simples jumelles. Le télescope spatial ne peut couvrir la galaxie toute entière, d’ailleurs, une telle couverture totale de la grande et diaphane elfe céleste n’intéressait pas vraiment les astronomes, qui ambitionnent plutôt de dresser un catalogue des populations stellaires d’Andromède. Le champ de l’image prise par Hubble couvre donc environ la moitié du bulbe et du disque de la galaxie d’Andromède, brossant un immense panorama d’une soixantaine de milliers d’années-lumière… Six filtres ont été utilisés par les chercheurs, depuis l’ultraviolet jusqu’à l’infrarouge en passant par la lumière visible.
La radicalité de cette extraordinaire image qui compte un milliard et demi de pixels tient dans la combinaison inédite d’un très grand champ et d’une résolution spatiale surréaliste : Hubble détecte des détails de 0,05 seconde d’arc environ, ce qui, à la distance de la galaxie d’Andromède, représente seulement 0,6 année-lumière ! Ce n’est pas tout. Cette image montre des étoiles de magnitude apparente 28, ce qui, à la distance d’Andromède correspond à une magnitude absolue de + 3,6. Un tel éclat correspond à des étoiles de type solaire, les étoiles les plus pâles visibles sur cette image étant environ trois fois plus brillantes que le Soleil…

Lorsque l'on compare l'image de la galaxie d'Andromède prise par Hubble, en bas, à la même définition que celles prises par les plus puissants télescopes terrestres - ici, le télescope géant Subaru, à Hawaii, en haut - les images semblent identiques... Photos NAOJ/Robert Gendler/Nasa/ESA/STSCI.

Lorsque l’on compare l’image de la galaxie d’Andromède prise par Hubble, en bas, à la même définition que celles prises par les plus puissants télescopes terrestres – ici, le télescope géant Subaru, à Hawaii, en haut – les images semblent identiques… Photos NAOJ/Robert Gendler/Nasa/ESA/STSCI.

Le projet PHAT vise à étudier les populations stellaires de la galaxie d’Andromède, comme le projet européen Gaia vise à étudier celles de la Voie lactée. Dans le cas du télescope spatial Gaia, ce sont environ un milliard d’étoiles qui seront très précisément identifiées et caractérisées. Le PHAT a commencé le recensement de la galaxie d’Andromède, en caractérisant quelques dizaines de milliers d’étoiles.
Mais la photographie prise par Hubble en compte… plus de cent dix millions sur le milliard et demi de pixels qu’elle contient ! Jamais on n’avait contemplé une galaxie d’aussi près, jamais on n’avait vu les étoiles d’une autre galaxie aussi bien. C’est une image monde. Trop grande, trop riche pour être appréhendée du regard. Un immense panorama cosmique que l’on pourrait, une vie entière, explorer, sans jamais l’épuiser.

... Mais si l'on présente les images à la résolution obtenue par le télescope spatial Hubble, un vertigineux poudroiement d'étoiles apparaît. L'image de Hubble montre cent fois plus de détails que les photographies obtenues jusqu'ici par les télescopes terrestres. PhotoNAOJ/Robert Gendler/Nasa/ESA/STSCI.

… Mais si l’on présente les images à la résolution obtenue par le télescope spatial Hubble, un vertigineux poudroiement d’étoiles apparaît. L’image de Hubble montre cent fois plus de détails que les photographies obtenues jusqu’ici par les télescopes terrestres. Pour vraiment réaliser ce qu’a fait Hubble, clickez sur l’image et regardez-la dans sa définition native… PhotoNAOJ/Robert Gendler/Nasa/ESA/STSCI.

Et pourtant… Pourtant, malgré sa richesse, malgré l’indescriptible brouillard d’étoiles que cette image nous révèle, elle ne montre rien, ou presque, de la galaxie d’Andromède… En effet, cent dix millions d’étoiles, c’est bien peu, à l’échelle de cette fantastique agglomération stellaire. La spirale géante doit compter, en tout, peut-être, quelque quatre cent milliards d’étoiles. En contemplant cette image, songez que pour chaque étoile que vous percevez, mille demeurent invisibles…
Serge Brunier

Les mécanismes du rhume s’éclairent

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Le virus du rhume infecte les cellules les plus exposées au froid. / Ph. Tina Franklin via Flickr CC BY 2.0

Le virus du rhume infecte les cellules les plus exposées au froid. / Ph. Tina Franklin via Flickr CC BY 2.0

Comment le virus du rhume infecte-t-il notre organisme ? Aussi banale soit-elle, la maladie du nez qui coule – chacun de nous l’attrape environ 3 fois par an, 8 fois pour les enfants –  est pourtant encore mal comprise par la science.

C’est dans un laboratoire d’immunobiologie de l’université Yalta (États-Unis) qu’un pas de plus a été franchi dans la connaissance des mécanismes qui permettent aux quelques 100 types de rhinovirus (virus du rhume) de s’emparer de nos voies respiratoires, provoquant éternuements, mal de gorge et surtout le très fastidieux écoulement nasal.

Une chose était établie : ces rhinovirus, qui pullulent autour de nous, se reproduisent d’autant mieux que la température est fraîche. Pour preuve, ils n’attaquent que les voies respiratoires hautes (nez, gorge), et pas les basses (bronches, poumons) beaucoup plus chaudes par temps froid (environ 4°C de plus). Est-ce donc le froid qui provoque les rhumes ? Et l’expression populaire « couvre-toi, tu vas attraper froid » trouverait ainsi son fondement scientifique ? Ou bien, à l’inverse, est-ce une défaillance du système immunitaire qui permet à ces virus de s’insinuer dans notre organisme ?

Le froid affaiblit la réponse immunitaire

En réalité, ce que viennent de mettre en lumière Ellen Foxman et ses collaborateurs, c’est plutôt l’existence d’une interaction entre le froid et la réponse immunitaire.

Pour départager l’effet du froid de l’action du système immunitaire, ils ont observé, sur des cellules des voies aériennes de souris, comment un rhinovirus attaque des cellules saines et des cellules à l’immunité bloquée (par modification génétique), et ce, à deux températures différentes, 37 °C et 33 °C. Cette dernière est la température à laquelle se trouvent les cellules de notre nez exposées aux frimas de l’hiver, tandis que les cellules des poumons, à l’intérieur du corps, restent bien au chaud à 37 °C.

Résultat des observations : à la température corporelle normale (37 °C), la réponse immunitaire contre le virus est marquée : elle active une cascade de gènes et de molécules de défense, à commencer par une molécule appelée interféron, ce qui empêche au virus de s’y multiplier. Par contre, à la température du nez refroidi, cette réponse immunitaire est fortement freinée, ouvrant la voie à la multiplication du virus. En revanche, même à la température corporelle normale, les cellules à l’immunité déficiente ne sont pas capables de se défendre du virus. Celui-ci s’y multiplie à des taux tout autant élevés qu’à 33 °C.

Les chercheurs voient là la preuve que le froid n’agit pas sur le virus du rhume lui-même, mais sur la capacité du système immunitaire à s’en défendre. Autrement dit, un nez froid est une porte ouverte au rhume parce que les défenses de ses cellules sont… figées par le froid.

Ainsi, un conseil de science pour se prémunir contre le rhume est bel et bien de se couvrir le nez ! Il est aussi efficace de pratiquer régulièrement une activité physique… et de s’adonner aux câlins, deux activités dont il a été récemment prouvé qu’elles renforcent la résistance de l’organisme.

Fiorenza Gracci

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