Le gouvernement maintient son opposition à l’exploitation du gaz de schiste

Standard
La technologie de fracturation hydraulique défigure le paysage (Ph. Simon Fraser University)

La technologie de fracturation hydraulique défigure le paysage (Ph. Simon Fraser University)

« Il n’y aura pas de gaz de schiste et pas d’investigation sur le gaz de schiste » en France a affirmé le 28 septembre la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, Ségolène Royal (Le Grand Rendez-vous sur iTele). Ces propos sont venus en réaction aux déclarations de jeudi dernier de Nicolas Sarkozy dans un discours à Lambersart (Nord) s’émouvant que « la France ne puisse pas profiter de cette nouvelle énergie. » Mais ce lundi, dans une interview au Figaro, son ancienne ministre de l’Écologie (2010 – 2012), Nathalie Kosciusko-Morizet s’est démarquée de l’ancien président en marquant son opposition « à l’exploitation du gaz de schiste dans les conditions et avec les technologies qui ont été employées aux États-Unis. » Le débat sur cette nouvelle source d’énergie reprend donc alors que la France a déclaré un moratoire en 2013.

La controverse sur le gaz de schiste, qui est en fait du gaz naturel (méthane) emprisonné dans des micro-anfractuosités des roches sédimentaires, semble ainsi transcender les clivages politiques car les enjeux sont de taille : la meilleure étude prospective sur les réserves mondiales de gaz de schiste, effectuée par l’Agence gouvernementale américaine de l’énergie (E.I.A), situe la France en tête des pays européens derrière la Pologne. Nos réserves, de 3 870 milliards de mètres-cube, représenteraient 77 ans de consommation de gaz à l’échelle nationale. De quoi garantir une belle indépendance énergétique… Mais à quel prix écologique et environnemental ? Telle est la question.

 L’exploitation du gaz de schiste pose de grands défis environnementaux

Contrairement au gaz naturel traditionnel, qui forme d’immenses poches dans le sous-sol, le gaz de schiste est amalgamé aux roches si bien qu’il faut les broyer pour laisser échapper le méthane. Pionniers en la matière depuis une dizaine d’années, les exploitants américains se servent de la fracturation hydraulique consistant à injecter dans la roche des solvants à très haute pression. La technique requiert le creusement de cavités (puits) horizontales sur plusieurs centaines de mètres à 2 ou 3 km de profondeur par lesquelles s’effectue l’injection. 50 000 de ces puits jonchent aujourd’hui le sol américain, au grand dam des associations de préservation de l’environnement qui ont tiré la sonnette d’alarme sur les risques afférents : pollution profonde des sols et des nappes phréatiques, déstabilisation du manteau rocheux pouvant engendrer des séismes, défiguration des paysages et mise en danger des écosystèmes.

Il faut dire que l’extraction du gaz de schiste est une activité très récente encore dans sa phase « sauvage », à l’instar de ce que fut l’exploitation pétrolière à la fin du XIXe siècle. Grâce au travail des défenseur de l’environnement, il est aujourd’hui admis que cette nouvelle source d’énergie fossile, non renouvelable, doit faire l’objet d’études scientifiques approfondies sur l’impact global et à long terme de son exploitation. Les techniques actuelles semblent inadaptées, et peut-être qu’une mutation technologique sera nécessaire pour allier production de gaz et préservation écologique. Un travail demandant un temps de réflexion et d’expérimentation opposé à la raison économique et industrielle, qui vise des résultats rapides. D’où l’intérêt de maintenir le moratoire… mais aussi de poursuivre la recherche scientifique car c’est seulement en connaissance de cause que l’on est apte à prendre les bonnes décisions. Aussi, le débat sur le gaz de schiste tel qu’il se tient aujourd’hui en France est parfaitement légitime, mais il est plus politique et idéologique que scientifique.

R.I.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • Gaz de schiste, le dossier vérité – A l’heure où se profile la transition énergétique, le gaz de schiste représente une ressource miracle pour les uns, un cauchemar pour les autres. Qu’en est-il vraiment? Les réponses de la science.  – S&V n°1148.

Gaz de schiste - S&V1148

Gaz de schiste - S&V1134

Le ciel du mois d’octobre 2014

Standard
L'automne astronomique, ou la plongée dans le grand bleu extragalactique...

L’automne astronomique, ou la plongée dans le grand bleu extragalactique…

Printemps et automne, les deux saisons des galaxies… Si, en hiver et en été, la Terre, dans son périple autour du Soleil, présente sa face nocturne au plan galactique, au printemps et en automne, la Voie lactée se fait progressivement plus discrète, et le ciel s’ouvre au cosmos lointain… Des galaxies, des galaxies par dizaines, par centaines, par milliers s’offrent alors aux contemplateurs du ciel… Galaxies d’Andromède, du Triangle, de Pégase, du Bélier et d’ailleurs…
Dans le numéro d’octobre de Science et Vie, je décris le magnifique système de galaxies NGC 7317, 7318 a et b, 7319 et 7320, plus célèbre sous le nom de Quintette de Stephan. Ce groupe de galaxies, en apparence extraordinairement compact, a longtemps fasciné les astronomes, et fait fantasmer certains d’entre eux, sous la houlette de l’Américain Halton Arp… Dans les années 1970, en effet, la théorie du big bang en particulier et l’expansion de l’Univers en général, étaient encore discutées âprement par les astronomes qui ne croyaient pas à l’historicité et à l’évolution de l’Univers. D’où le « grand boum » dédaigneux et ironique du rugueux et très britannique Fred Hoyle, grand boum qui est devenu, paradoxalement, le nom de la théorie qu’il cherchait à tourner en ridicule.

Le Quintette de Stephan, photographié par le télescope spatial Hubble. En haut et à droite, la petite galaxie spirale NGC 7320 n'appartient pas réellement au groupe : elle se trouve à seulement 40 millions d'années-lumière de distance, quand NGC 7317, NGC 7318 a et b et NGC 7319 sont éloignées de plus de 300 millions d'années-lumière. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Le Quintette de Stephan, photographié par le télescope spatial Hubble. En haut et à droite, la petite galaxie spirale NGC 7320 n’appartient pas réellement au groupe : elle se trouve à seulement 40 millions d’années-lumière de distance, quand NGC 7317, NGC 7318 a et b et NGC 7319 sont éloignées de plus de 300 millions d’années-lumière. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Et donc ces opposants au big bang cherchaient dans le ciel le grain de poussière interstellaire qui ferait trembler puis s’effondrer l’édifice cosmologique honni. Alors, en pointant son télescope du mont Palomar vers le Quintette de Stephan, le très américain et rugueux Halton Arp crut faire une découverte décisive… En effet, les cinq galaxies, en apparence serrées les unes contre les autres dans le même amas, exhibaient des redshifts, ou décalages spectraux, en principe signature de l’expansion de l’Univers, discordants, absurdes. NGC 7320 s’éloignait à 800 kilomètres par seconde, alors que NGC 7317, 7318 a et b et NGC 7319 nous fuyaient à la vitesse de 6600 kilomètres par seconde ! Impossible, dans le cadre de la cosmologie du big bang ; donc, déclarèrent nos opposants, la théorie était fausse, d’autant que nombre d’autres groupes galactiques présentaient des distorsions apparentes semblables.
Les tenants de la théorie du big bang ne portèrent qu’une attention distante et polie à ces observations, arguant que dans un ciel comptant quelques dizaines de milliards de galaxies sur une surface d’une quarantaine de milliers de degrés-carrés, forcément, des alignements fortuits entre galaxies situées à des distances fort différentes devaient être courants.
A l’époque de Hoyle et Arp, les photographies de galaxies étaient assez floues… La turbulence atmosphérique, qui dégrade les images reçues par les télescopes, ne permettait pas d’obtenir des images nettes. Alors, le Quintette de Stephan pouvait faire illusion, c’est vrai… Aujourd’hui, avec les images prises par le télescope spatial Hubble ou les grands instruments astronomiques, on réalise ce qui a pu tromper Hoyle, Arp et leurs disciples. Effectivement, la galaxie NGC 7320 était en avant-plan des quatre autres galaxies, mais par un malheureux hasard, elle était aussi beaucoup plus petite ! D’où cet effet de perspective faussé et cette apparente proximité du groupe… En réalité, la petite spirale se trouve à 40 millions d’années-lumière, les quatre autres grandes galaxies, à 300 millions d’années-lumière, près de dix fois plus loin.
Serge Brunier

Le diesel taxé davantage pour financer les infrastructures de transport ?

Standard
Les moteurs diesel polluent plus que les moteurs à essence (Ph.  Doron Derek Laor via Flickr CC by 2.0)

Les moteurs diesel polluent plus que les moteurs à essence (Ph. Doron Derek Laor via Flickr CC by 2.0)

L’État prévoirait d’augmenter de deux centimes les taxes sur le diesel pour financer les infrastructures de transport, comme l’a déclaré le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert. Cette nouvelle taxe, qui rapprocherait encore le prix du diesel (gazole) de celui de l’essence, est la piste la plus sérieuse pour compenser une partie du manque à gagner par l’abandon de la taxe poids lourds – l’ »écotaxe » – suite à la fronde des transporteurs et des « bonnets rouges ». La hausse devrait intervenir au 1er janvier prochain, après le vote du Parlement sur le budget de l’État pour 2015.

En effet, avec l’abandon de l’écotaxe en juin dernier, le gouvernement s’est retrouvé avec une équation difficile à résoudre : comment compenser les 800 millions d’euros par an qu’elle devait rapporter ? Une somme qui doit permettre de réaliser plus de cent projets de rénovation des infrastructures de transport dont celle de notre réseau ferroviaire dont on sait aujourd’hui qu’il est vétuste. Le gouvernement doit ainsi remplacer l’écotaxe par un ensemble de mesures. La plus importante est  le péage de transit poids lourds qui devrait s’étendre sur 4000 km de routes nationales et rapporter quelque 550 millions d’euros. Mais il manque 250 millions d’euros pour clore ce budget. Une partie de cette somme viendra de l’augmentation mécanique de la contribution Climat-Energie (taxe carbone), déjà prévue et votée en 2013. Le reste devrait être apportée par cette nouvelle taxe de 1 ou 2 centimes sur le diesel.

Les moteurs diesel, alimentés par du gazole, ne sont pas viables écologiquement

Mais cette dernière mesure n’a pas été pensée dans une pure vision comptable : elle s’inscrit plus globalement dans la « descente aux enfers » du diesel, une technologie qui a eu le vent en poupe en France dans les décennies 1990 et 2000… en dépit du bon sens écologique. Si aujourd’hui le gazole représente approximativement 80% des volumes vendus par les stations-service et si plus de 70% des voitures vendues en France sont équipées d’un moteur diesel (une véritable exception française), cette technologie est clairement une impasse du point de vue de la santé publique et de celui de la lutte contre la pollution. Au point que la France a été assignée en justice par la Commission européenne en mai 2011 pour infraction à la qualité de l’air !

Car le taux de dioxyde de carbone (gaz à effet de serre) émis par la combustion du gazole a beau être inférieur à celui de l’essence, la motorisation diesel n’a pas son pareil pour émettre des nanoparticules de suie, de l’ozone, du dioxyde d’azote, toutes des substances qui contribuent aux maladies respiratoires empoisonnant nos villes. Ce malgré la mise au point des pots d’échappements catalytiques, mais qui ont du mal à suivre le renforcement constant des normes anti-pollution. Aussi, si le prix du gazole était auparavant inférieur de quelque 0,25 euro à celui du super (grâce à une fiscalité favorable datant des années 1970) et si un moteur diesel consomme moins qu’un moteur à essence (de 14% à 20%), la tendance est depuis quelques années à un rapprochement des prix, ce que la nouvelle taxe renforcera. Une manière d’enterrer en douceur ce qui fut un engouement des constructeurs français et qui se révèle finalement une véritable fausse bonne idée.

R.I.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V1135

S&V 1086

  • Comment dépolluer le moteur diesel - En 1997 déjà le problème de la pollution apportée par la technologie diesel posait question. A l’époque l’on pensait que la mise au point du filtre à particules PSAPeugeot-Citroën serait la solution – S&V n°963

S&V963