La démocratisation des données scientifiques, atout ou frein face au Covid-19 ?

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Elles accompagnent aujourd’hui les insomnies des scientifiques du monde entier. Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses, aux États-Unis, a confié dans une interview les lire jusque très tard dans la nuit… Même le grand public et les journalistes se sont pris de passion pour les prépublications, ces articles déposés avant leur parution dans les revues scientifiques internationales par les chercheurs sur des sites de preprint.


L’un d’entre eux, Biorxiv (prononcer bio-archaïve, comme « archive » en anglais) est même devenu célèbre. Fondé en 2013 par John Inglis et Richard Sever, du prestigieux laboratoire de biologie Cold Spring Harbor, à New York, Biorxiv croule aujourd’hui sous les articles traitant du coronavirus. Le site en recevrait des dizaines par jour !


Voilà déjà quelques années que les sites de prépublication bouleversent la façon de communiquer des chercheurs. Habituellement, les scientifiques soumettent leurs résultats à une revue dite « à comité de lecture », comme les grands Nature ou The Lancet. Les articles sont discutés longuement par des experts, avant d’être publiés… ou refusés. Désormais, les chercheurs peuvent rendre publics directement leurs résultats sur les sites de preprint. Cela a pour eux de nombreux avantages, dont revendiquer le plus tôt possible la paternité d’une découverte ou bien engager des débats avec d’autres experts.


La « science ouverte »


Mais ces plateformes sont surtout de formidables accélérateurs de découvertes. Celles-ci s’inscrivent dans un mouvement général, véritable révolution copernicienne dans le monde de la science, qui a pour nom la « science ouverte » : l’idée que les articles, méthodes scientifiques ou bien données issues de la recherche doivent désormais être accessibles à tous. Dans certaines limites, bien sûr : pas question de divulguer les données secret-défense. Le but : permettre à qui le souhaite de les exploiter.


Tout a commencé en 1991 avec la création aux États-Unis du site de prépublication Arxiv pour les chercheurs en mathématiques, physique et informatique. Peu à peu, l’idée d’un accès ouvert au savoir – le mouvement open access – convainc de plus en plus de monde.


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Confinement et inégalités scolaires : la double fracture sociale

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« Au début, ça m’a fait peur », témoigne Pascale, mère solo d’une petite Lilou de 6 ans en grande section. « Je ne comprends pas toujours le langage des maîtresses… » À force de recherches sur Internet, elle a fini par saisir leur jargon : écriture cursive ou script, numération, phonèmes… En faisant ses courses, elle a aussi rencontré l’enseignante de sa fille, qui lui a montré comment identifier les syllabes en tapant dans les mains. « J’ai pris de l’assurance. J’ai le numéro de téléphone de l’école, mais je n’aurais jamais osé les appeler. Je ne voulais pas les embêter. »


Pascale a planifié les repas et les activités de l’après-midi : cuisine, pâte à sel, bricolage… En réalité, l’école à la maison n’est pas sa seule préoccupation. Elle n’a pas encore reçu le revenu de solidarité active (RSA), ni l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Faute de pouvoir payer par carte bancaire, elle a dû changer ses habitudes et se rendre à l’épicerie, non sans incidence sur son budget : « J’y fais un plein pour 150€, alors qu’en grande surface, avec ma carte de fidélité, je remplis mon frigo pour 60€. »


Relation dissymétrique


En France, en 2018, plus de 3,1 millions de mineurs vivaient sous le seuil de pauvreté selon l’Insee. « Les parents de milieux défavorisés, qui souvent n’ont pas fait de grandes études, se sentent illégitimes pour accompagner leurs enfants », souligne Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, nommée au conseil scientifique mis en place par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Et combien plus démunis avec cette continuité pédagogique, qui donne du fil à retordre à tous : « Certains professeurs se sont montrés très investis, d’autres moins… Beaucoup d’enfants auront passé des journées entières derrière les écrans. »


Certaines entreprises privées de soutien scolaire ont vu les demandes augmenter de 300%.


Certains enseignants n’hésitent pas à décrocher leur téléphone pour maintenir le lien. « Sur 25 familles, je n’ai pas réussi à en joindre cinq, résume Nadia Dubois, professeure des écoles en réseau d’éducation prioritaire REP+ au Mans (72). Et deux autres seulement par boîtes vocales interposées, jamais en direct. » Parents et enfants apprécient cet appel. Environ un tiers sont allophones, arrivés l’été dernier de Tchétchénie, d’Afrique ou de Mayotte, parlant peu voire pas français, et sans emploi. Adresse courriel non valide, numéro de téléphone non attribué, répondeur… « Certaines ne répondent pas, sans doute parce qu’elles craignent l’intrusion ; elles ont peur d’être surveillées ou que nous déclenchions une procédure des services sociaux. » 


Le confinement augmente le risque de violences sur les enfants


La relation est par trop dissymétrique, observe Clarisse Dupart, psychologue à Clisson (44) : « Qui voudrait risquer de passer pour un parent “démissionnaire”, qui ne s’investit pas pour son enfant, ne sait pas s’y prendre, ne fait pas autorité ? » Alors, à la maison, les parents se mettent la pression et les tensions s’accumulent. « Ils peuvent apparaître défaillants aux yeux de leurs enfants, poursuit-elle. Des conflits surgissent et la violence risque de pointer : psychologique, verbale et parfois physique. »


Maintenir le lien


Néanmoins, la situation est loin d’être uniforme. « Certains parents sont très cadrants, nuance Caroline Pointe, qui enseigne en REP à Aubervillliers (93). Ils mettent leurs enfants au travail tous les matins. Parfois, faute d’imprimante, ils recopient eux-mêmes les exercices. Je suis admirative ! » De son côté, elle appelle chacun des 13 élèves de sa classe dédoublée une ou deux fois par semaine, durant trois quarts d’heure à une heure. 


À ceux qui maîtrisent mal le français, elle envoie un enregistrement audio. Mais tous les parents ne sont pas disponibles… « Souvent, ils ont un emploi dans des secteurs qui assurent le confort de nos vies, où le télétravail est peu répandu : caissiers, livreurs, conducteurs… », ajoute Paul Devin, inspecteur de l’Éducation nationale et secrétaire général du SNPI-FSU, syndicat national des personnels d’inspection. Et eux ne pourront pallier leur absence en recourant à des entreprises privées de soutien scolaire, dont certaines ont vu les demandes augmenter de… 300% depuis le début du confinement.


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