Des choix individuels cohérents pour « agir globalement »

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« Tout est lié. » Facile à retenir, le mantra de Laudato si’ vire au casse-tête chinois si l’on songe à sa mise en pratique. Car il pointe à la fois le problème et la solution : chacune de nos actions a des répercussions multiples, pour la plupart cachées, qu’il nous faut apprendre à repérer en renouvelant notre regard. Travail, déplacements, logement, alimentation… Pas une dimension de notre vie n’y échappe. Et l’incohérence nous guette à chaque coin de rue. Malgré tout, il faut bien commencer par quelque chose.


La démarche « zéro déchet » est peut-être l’une des meilleures entrées en la matière. « Le déchet est le symptôme de notre société de consommation, estime Jérémie Pichon, auteur avec sa femme, Bénédicte Moret, de Famille (presque) zéro déchet puis de Famille en transition écologique (Thierry Souccar). S’attaquer au déchet, c’est s’attaquer au système. » En trois ans, avec sa femme et ses deux enfants, il est passé d’une poubelle de 30 litres par semaine (un peu moins de la moyenne française) à un bocal par an (1 litre) ! « Quand on regarde dans notre poubelle, on voit la partie immergée de l’iceberg de notre vie, explique-t-il. Souvent, notre consommation a des effets à l’autre bout du monde, ce qui complique la responsabilisation des individus. »


Témoignage : tenir le cap du zéro déchet


Si l’on remonte de la conséquence à la cause, c’est toute l’alimentation et la consommation familiales qui sont chamboulées. Adieu grandes surfaces et produits suremballés, bonjour circuits courts, magasins de vrac et achats d’occasion ! Le partage des outils de bricolage et de certains appareils électroménagers avec les voisins est aussi un vecteur puissant. « Rien ne sert d’avoir un appareil à raclette par famille, sauf peut-être en Savoie », ajoute Jérémie Pichon. La voiture subira le même sort. À la clé, le foyer aura réalisé 30% d’économies sur son budget habituel, ce qui peut permettre de réduire son temps de travail pour se consacrer à sa famille ou à des activités bénévoles.


Réduire ses déchets…et son budget.


Le travail, justement, auquel nous consacrons tant de temps, est un autre secteur clé à passer au crible du « tout est lié ». Multiplier les petits gestes à la ­maison tout en faisant quotidiennement tourner une entreprise à l’impact social et environnemental néfaste manque de cohérence. « Pour des problèmes de logements mal isolés, nous vendions des poêles à pétrole de mauvaise qualité. J’avais le sentiment d’être dans la rustine et pas dans la solution la plus globale », raconte Geoffroy Auzou, ancien cadre commercial dans un magasin Leroy Merlin de Seine-Saint-Denis. Après avoir pris une « claque » à la lecture de Laudato si’ et rencontré sa femme, fervente écologiste, il s’est reconverti dans le domaine du bâtiment écologique grâce à des formations en partie financées par la région.


Les entreprises doivent avoir une finalité écologique et sociale.


Mais une telle prise de conscience n’est pas aisée, car les entreprises les plus polluantes entretiennent souvent le flou sur leur impact réel, prévient Pierre-Louis Choquet, chercheur en sciences sociales et auteur avec Anne Guillard et Jean-Victor Élie de ­Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien (Éditions de l’Atelier). « Ces questions sont très complexes, et on ne peut pas exiger de chacun qu’il instruise les exigences du dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) », nuance-t-il. Une complexité redoublée pour ceux qui travaillent dans les bureaux des grandes multinationales, qui ne voient pas aisément l’effet concret de leur action. « Soit cela crée un mal-être chez les employés qui veulent changer, soit cela favorise une forme de complicité passive. »


Investir dans l’épargne solidaire


Autre poste à fort impact global : l’argent. C’est le nerf de la guerre et, pourtant, une fois qu’il est placé à la banque, nous n’avons que très peu de prise sur ce qu’il financera réellement. Pour reprendre la main, Enora ­Fillatre, habitante de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), a investi son épargne dans un projet éolien local par le biais d’un Cigales (Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire), né dans les années 1980. Il s’agit d’une mise en commun de son épargne, avec 5 à 20 personnes, pour investir dans des projets « d’utilité sociale, environnementale ou culturelle ». Le recrutement des investisseurs fonctionne surtout grâce au bouche à oreille, localement. « Nous nous sommes lancés avec quelques copains du coin. Au moins, je sais que l’argent que j’ai investi part sur ce…