Christophe Fauré coordonne un accompagnement en ligne pour traverser le deuil

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Seul le lien peut nous aider à rester créatif et solidaire face à la crise que nous traversons actuellement dans la lutte contre le coronavirus. L’aventure de mieux-traverser-le-deuil.fr vient encore illustrer ce constat. La plate-forme existait depuis un et demi, offrant aux personnes endeuillées de nombreux outils d’accompagnement : vidéos en ligne, forums, articles… Mais c’est en fédérant leurs énergies et leurs savoirs faire que toute l’équipe a rendu possible, en un temps record, la création de deux services spécifiques pour accompagner les décès en nombre liés au Covid-19.


Réalisateur, développeurs informatiques, journalistes, sociologue, médecin… en tout une quinzaine de personnes se sont mobilisées pour répondre à la souffrance du moment. « Ce sont pour la plupart de jeunes quadras », rapporte le psychiatre Christophe Fauré, qui les accompagne depuis le début et a mis à disposition toute son expertise sur l’accompagnement du deuil. « Tous des gens de cœur qui s’étaient déjà fédérés pour la réalisation du film “Et je choisis de vivre” autour de Damien Boyer, et qui, cette fois encore, touchés par l’importance de la question, ont donné leurs compétences et tout leur temps pour créer deux services de soutien, associant un savoir-faire technologique avec des expertises psychologique et spirituelle ».


Une coordination des associations existantes


Premier dispositif d’urgence mis en place : une ligne d’écoute et de soutien pour les personnes en deuil, qui vient en complément des initiatives gouvernementale face au COVID 19. En quelques jours, mieux-traverser-le-deuil.fr a réussi à mobiliser les nombreuses associations d’aide existantes sur le terrain et à fédérer, pour la première fois face à l’urgence, leurs ressources humaines.


Plus de 500 bénévoles formés à l’accompagnement des souffrances spécifiques du deuil et de la fin de vie ont ainsi répondu présents pour accompagner, par chat, visio-conférences ou téléphone, les Français confrontés à la mort de leur proche. « Chaque association, chacun selon sa spécificité et ses convictions, garde son identité », précise le psychiatre. « Mais en associant les forces, on crée un mouvement d’une efficacité remarquable et nous faisons connaître le formidable réseau associatif d’aide au deuil et de la fin de vie qui existe déjà à travers la France ».


Aider les personnes face au deuil


Les obsèques retransmises en direct


Une réalité quotidienne qui, en temps normal, passe pour la plupart d’entre nous inaperçue. « Les Français ouvrent les yeux sur une réalité, observe Christophe Fauré. Il faut savoir qu’il y a d’ordinaire, chaque année dans notre pays, 600 000 décès, soient 50 000 par mois. Quand on sait que trois à six proches sont en moyenne impactés directement par cette perte, cela fait environ 150 000 à 3,5 millions de personnes qui, chaque mois, vivent le deuil et ne rencontrent ni l’écho ni toujours le soutien dont ils auraient besoin. »


Deuxième service offert par la plate-forme mieux-traverser-le-deuil.fr – où tout est en accès libre et gratuit – la possibilité de s’inscrire pour créer un espace personnalisé et retransmettre des obsèques en direct. « Un seul smartphone suffit pour filmer la cérémonie et ensuite donner, par un lien sur le site la possibilité à toute la famille ou les amis concernés de s’associer en direct ou en différé, malgré le confinement, à la cérémonie. La cérémonie reste en ligne pendant une semaine et peut être téléchargée. Cela constitue ainsi un support visuel qui pourra plus tard s’intégrer à l’hommage que l’on rendra à l’issue de la crise ».


Rester en communion


« Cela permet de rester en communion d’une autre manière », estime le médecin qui souligne la dynamique d’une initiative qui réunit le meilleur de la technologie et de l’humain et repose sur des personnalités engagées comme le réalisateur Damien Boyer ou le sociologue Tanguy Châtel, expert en soins palliatifs, fort de ses missions à l’Observatoire national de fin de vie ou au Comité national d’éthique du funéraire.


« Notre objectif est de montrer aussi aux politiques que nous pouvons, nous les accompagnants de la fin de vie ou du deuil, parler d’une seule voix pour mobiliser nos contemporains face à ces questions et nous fédérer pour être présents, d’une façon plus large et et plus humaine à cette réalité de la mort des proches qui touche tout le monde ».


Ne pas pouvoir dire “au revoir” est une épreuve supplémentaire


Pour le psychiatre, qui accompagne depuis plus de trente ans les souffrances spécifiques liées au processus de deuil et constitue l’un des référents les plus aguerris sur la question, le constat est clair : « Des centaines de milliers de personnes sont aujourd’hui à cause du confinement sanitaire dans l’incapacité formelle d’accompagner, par un rituel collectif, leurs proches décédés. Or on sait que la cérémonie est d’une aide considérable pour initier le processus de deuil. Même si on peut affirmer que celui-ci se fera de toutes façons (car c’est un processus psychologique inconscient), ne pas pouvoir dire “au revoir” à ceux qu’on aime est un élément de souffrance supplémentaire. Cette épreuve s’apparente à ce qu’ont vécu les proches des personnes décédées d’accident d’avion et dont on n’a pas retrouvé les corps, comme par exemple ceux du vol Paris-Rio. C’est pourquoi certains, parmi les plus fragilisés, auront besoin d’être accompagnés psychologiquement ensuite ».


Faire le deuil d’un proche sans rite funéraire


Et Christophe Fauré d’insister : « Je veux rappeler la nécessité, pour tous, de faire une deuxième cérémonie plus tard après le confinement, en réunissant les proches exactement comme dans une “vraie” cérémonie d’obsèques avec des hommages, à l’église pour les uns, dans un lieu symbolique pour les autres. L’être humain est créatif et on a vu naître, dans des circonstances dramatiques, de magnifiques cérémonies de commémoration qui permettent la réunion, le partage, la communion humaine et spirituelle dans la peine. C’est à partir de là que pourra s’initier ou se poursuivre, de façon harmonieuse, un vrai processus de deuil »


Le rituel funéraire permet d’accepter le scandale de la mort

Le confinement augmente le risque de violences sur les enfants

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Les pires craintes des professionnels semblent se confirmer. La ligne téléphonique « Allô enfance en danger » joignable en composant le 119 a reçu 20% d’appels supplémentaires depuis le début du confinement, a déclaré le secrétaire d’État à la Protection de l’enfance, Adrien Taquet le 8 avril. Les appels considérés comme urgents, eux, ont bondi, accusant une hausse de 60% selon des données issues d’une comparaison entre les trois premières semaines du confinement et une période équivalente en février, précise le secrétaire d’État. En outre, plus le temps passe plus les signalements recueillis sur ce numéro vert sont nombreux, 53% des appels étant concentrés sur la troisième semaine. « On se maintient à un haut niveau depuis », assure un conseiller auprès d’Adrien Taquet.


Ce sont des situations sociales connues qui flambent avec le confinement.

- Martine Balençon, Société française de pédiatrie médico-légale


Bien qu’ils coïncident avec la montée en puissance des campagnes d’informations diffusées à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux, ces chiffres ont de quoi inquiéter. « Je suis convaincue que ce confinement va être terrible pour les enfants maltraités. Ce qu’on voit arriver, ce sont des situations sociales connues qui flambent avec le confinement ainsi que de soudain pétages de plomb », assure Martine Balençon, présidente de la Société française de pédiatrie médico-légale. Que l’obligation faite aux familles de rester enfermées du matin au soir conduise à exacerber les tensions n’aurait rien de surprenant. À l’évidence, le confinement joue sur les nerfs. « Tout professionnel est inquiet des jours qui passent, car la tension va monter. On a beau vivre les fenêtres ouvertes, il n’en reste pas moins que quatre murs c’est quatre murs et qu’un enfant reste un enfant avec ses besoins, ses réactions… » , ajoute Martine Brousse, présidente de l’association La Voix de l’enfant.


Bien sûr, tout le monde n’est pas égal devant le confinement. « Vivre dans une chambre de 12 mètres carrés sous les toits avec deux enfants, c’est insupportable. Il faut aider les familles qui manquent de tout à retrouver une dignité, pour leur permettre de s’occuper de leur enfant », souligne Martine Brousse. Mais personne n’est à l’abri : « N’importe quel parent peut déraper ! Certains travaillent tellement qu’ils n’ont jamais le temps de s’occuper de leurs enfants. Du coup, ils ne savent pas comment s’y prendre. Cela peut générer des réactions inattendues. Quoiqu’il en soit, il faut savoir demander de l’aide », conclut-elle.


À l’effet « cocotte-minute » s’ajoute la fragilisation des relais traditionnels amenés à alerter. À commencer par les personnels de l’Éducation nationale qui ne sont plus au contact physique des enfants, mais aussi les services sociaux que la fermeture des Unités territoriales d’action sociales met à rude épreuve, même s’ils restent joignables au téléphone et sont prêts à se déplacer en cas d’urgence. « Des adaptations de l’activité sont faites et malgré certaines difficultés par endroit la continuité des dispositifs reste assurée », indique-t-on au cabinet d’Adrien Taquet.


Ce sont les voisins qui appellent pour dire qu’ils ont entendu des cris, des bruits.

- Martine Brousse, de l’association La Voix de l’enfant


Du côté des médecins de ville, la chute de fréquentation des cabinets au profit de téléconsultations complique l’établissement d’un diagnostic de traumatisme infligé. Avec à la clé le risque que des violences commises à l’abri des regards, dans le huis-clos familial, passent sous les radars. « Tous nos repères sont chamboulés. La maltraitance est déjà compliquée à repérer d’habitude, car les signes peuvent être minimes. C’est par exemple une ecchymose sur une joue, une fracture des côtes. Alors quand en plus il faut changer de paires de lunettes… », souffle Martine Balençon.


Autre obstacle : dans un contexte où tous les regards sont tournés vers le Covid-19, les médecins peuvent passer à côté de certains signaux faibles : « Ce n’est pas parce que Coronavirus nous occupe, que tout le reste doit devenir secondaire. Les délais de prise en charge des infarctus du myocarde sont quatre fois plus long et je crains qu’on assiste au même phénomène s’agissant de la maltraitance. Les médecins doivent continuer à être attentifs à ce volet », insiste la pédiatre. Bonne nouvelle, les voisins le sont. « Ce sont eux qui aujourd’hui appellent le 119 ou des associations comme La Voix de l’enfant ou L’Enfant bleu, pour dire qu’ils ont entendu des cris, des bruits… », indique Martine Brousse. La preuve que l’heure n’est pas à l’indifférence.


Pour émettre un signalement


Par téléphone : 119

Sur Internet : allo119.gouv.fr


Pour être orienté vers des associations d’aide à la parentalité :

Composer le 0800130000

Visioconférences, apéros Skype : “L’écran n’est pas la présence”

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Comment expliquez-vous l’accroissement très net de l’utilisation de moyens de communication vidéo « en live », tels Skype, WhatsApp video, Facetime, Zoom ?


Actuellement, l’extérieur est perçu comme agressif et le moindre contact avec les autres comme potentiellement dangereux. Vivre confiné est également anxiogène, non pas parce que vivre seul le serait, mais parce qu’il s’agit d’une situation qu’on n’a pas choisie. Or, nous avons naturellement tendance à essayer de contourner la contrainte. C’est en effet une façon de reprendre le pouvoir sur sa vie. Ainsi, continuer à voir les autres alors que c’est interdit est une façon de reprendre du pouvoir sur ce que nous avons à traverser. Pour lutter contre le stress, nous avons besoin d’avoir une vie qui soit la plus normale possible. C’est un système de défense. Regardez les gens qui se sont précipités pour faire des courses. Il y avait certes la peur d’avoir faim, de manquer, etc. Mais je…