Une nuit dans l’antre de l’église Saint-Sulpice

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Il est 18 heures, ce mardi soir, quand j’ai rendez-vous à l’église Saint-Sulpice de Paris. C’est en ses murs, que Dan Brown a choisi de camper en 2003 une partie de l’action de son best-seller mondial, Da Vinci Code. Si son intrigue a, depuis, conduit plusieurs milliers de lecteurs en pèlerinage sous ses voûtes, ce soir-là c’est Danielle Randria qui se propose de nous mener à la découverte des trésors cachés de l’édifice, en empruntant des passages insoupçonnés, exceptionnellement accessibles. Danielle connaît bien ces lieux ; elle a beau être guide bénévole depuis 15 ans à Saint-Sulpice, l’histoire foisonnante du monument ne cesse de la surprendre.

Nous montons les 222 marches d’un étroit escalier en…

Quand un parent ou un proche est (trop) souffrant 

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On comprend la lourdeur de ce type d’expérience seulement quand on la vit. S’apercevoir qu’un proche souffre psychiquement et que cette souffrance se révèle au-delà de ce qu’il est commun de connaître. Ne pas savoir non plus ce qu’il en est, parce que l’on n’est pas « spécialiste ». D’où l’interrogation incessante dans le but d’être bien sûr de ce qui se passe, de comprendre, d’identifier le mal. On va chercher sur Internet. On se renseigne auprès de psys, mais cela semble flou. À la limite, une « maladie » psychiatrique identifiée, et traitée, serait plus « simple », parce que socialement dicible (dans une certaine mesure). 


Mais là, c’est plus subtil, et plus ça dure, moins on sait quoi faire. Tel frère est « mal » depuis des années et s’enfonce dans une sorte de solitude. Il avance sur une ligne de crête, tenant à son travail et son travail le tenant, mais sans aucune autre relation de proximité en dehors de son emploi. Complètement seul, marinant dans ses sombres pensées. Telle mère vieillit mal, et s’est refermée sur elle-même depuis son divorce. Sa fille, plutôt heureuse dans sa simple vie familiale n’ose plus la voir tant c’est douloureux d’être témoin de sa manière de s’enfoncer dans l’amertume, dans les récriminations, dans sa haine de ceux qui vont plutôt bien.


Leur souffrance nous met en souffrance.


Le rapport que nous avons avec ces proches en souffrance est étrange. Leur souffrance nous met en souffrance. Cette souffrance qu’ils génèrent en nous est celle de l’impuissance, et d’une forme de violence, par laquelle ils en rajoutent parfois pour nous montrer combien nous avons de la chance d’être ce que nous sommes, d’avoir la vie que nous avons. Alors que faire ? Sans doute, accepter un certain inconfort. Le volontarisme, nous le savons, ne suffira pas. 


On a beau conseiller, il faut se rendre compte combien les conseils sont souvent donnés à bon compte. Et le « bon compte » ne leur suffit pas. Il s’agit surtout d’être là, mais pas trop, pour ne pas être atteint quand celui qui fut si proche est, sans le savoir, envieux de notre existence et qu’il nous le fait sentir dans son attitude, parfois par une hostilité à peine contenue. Rester en lien aussi parce qu’il peut, à un moment ou un autre, s’ouvrir une fenêtre d’écoute et d’échange par laquelle quelque chose pourra être dit, échangé qui aidera notre proche souffrant à avancer.


Un minimum d’inconfort est alors utile pour acquérir une sorte de finesse dans l’écoute.


Il s’agit aussi de garder une certaine modestie. On ne sait pas très bien, au fond, pourquoi notre vie n’est pas si mal que cela, et pourquoi nous ne nous sentons pas séparés du mouvement de la vie et de ce qui nous relie les uns aux autres. Sans doute avons-nous fait des bons choix. Mais, pour le reste, il y aussi une part de chance. Cette chance insolente qui fait le bonheur – certes relatif – qui est le nôtre. Ce frère en souffrance dont je perçois les entêtements et les errements, dont je sais que – pour une part et une part seulement – il s’est forgé sa propre prison, j’ai en quelque sorte une solidarité de destin avec lui. Son enfermement n’est pas le mien, mais me raconte quelque chose de moi-même, et de pentes d’incertitudes ou de fuites qui sont en moi et auxquelles je n’ai pas cédé. 


Je ne sais pas si cet inconfort est salutaire, et même s’il est utile à celui, si proche, qui m’interpelle, et fait souvent pression. Il m’aide en tous cas à ne pas être propriétaire de mes recettes ou de mes conseils, et à ne pas me protéger par mes certitudes. Un minimum d’inconfort est alors utile pour acquérir une sorte de finesse dans l’écoute et le discernement. Il n’y a pas grand-chose à « faire », mais surtout à habiter cette incertitude qui aide parfois à entendre ou accompagner, sans complaisance, mais aussi sans leçon à donner.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?

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Le bac, et après ? L’orientation professionnelle se joue souvent plus tard, au fil des expériences que l’on vit. Il y a cinq ans, Séverine voulait devenir esthéticienne, Guillaume, lui, informaticien. Estelle aspirait à voyager. Quant à Charlie, il désirait mieux se connaître. Tous les quatre avaient répondu en 2013 à une enquête sur le but de leurs études. Ils se confient à nouveau, cinq ans plus tard. Leurs objectifs ont bien changé, mais, plus encore, c’est le regard qu’ils portent sur leur avenir professionnel qui a été modifié. Le travail est devenu une donnée trop instable pour que notre projet de vie ne se résume à lui. La profession est toujours importante pour les jeunes d’aujourd’hui. Cependant, la quête de sens se fait ailleurs, sur le terrain familial, ou le développement personnel. Non, les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas plus fainéants que leurs parents. Ils se sont juste adaptés à leur temps. Et ce temps-là ne peut plus mettre la valeur travail sur un piédestal.


Je me questionne sur mon travail et mon temps 


Guillaume Medale, 24 ans, développeur informatique


« Dès le bac, je savais ce que je voulais faire comme métier. Plutôt qu’une formation théorique qui n’aboutirait que tardivement au métier, j’ai préféré un DUT informatique, plus professionnalisant. Je pouvais tenter de grandes écoles d’ingénieurs, mais j’ai préféré me diriger vers une école privée de niveau bac +5 où l’on effectue beaucoup de stages. Actuellement, je suis en CDI dans l’entreprise où j’ai réalisé mon stage de fin d’études, à Toulouse. J’y suis resté pour le travail. Les études privées, c’est un luxe. On ne nous apprend pas les choses, on nous donne les moyens d’apprendre par nous-mêmes. Cela m’a offert une vraie liberté dans mon travail. J’étais compétent, alors je pliais rapidement les cours, et je me donnais à fond sur les projets. Pouvoir étudier par moi-même, à mon rythme et avec mes méthodes à la fin de mes études m’a été très bénéfique.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Je ne vois pas mon travail dans l’informatique comme une fin, davantage comme une place confortable : j’ai du travail, je gagne de l’argent. Et le monde de l’entreprise est toxique. On fait de plus en plus mal les choses pour plus de profit. On se sent dépossédé de son travail. On devient des employés de bureau. Mon métier a déjà perdu de sa substance : le développement à la main va se raréfier, on nous demande de plus en plus de management, de gestion de projets. Faire ce métier toute sa vie, c’est du stress permanent, l’impossibilité de déconnecter, même en vacances, les semaines avec des nuits de quatre heures pour tenir la gestion du projet. Donc je me questionne beaucoup sur le sens et les valeurs de mon travail et de mon temps. Heureusement, il y a la philosophie. C’est une passion qui m’aide. ça reste primordial d’en faire, même en informatique. La philosophie me paraît plus urgente que n’importe quel progrès technologique. Je pense de plus en plus à une reconversion, peut-être me spécialiser sur les questions d’éthique de l’informatique. J’ai déjà beaucoup de mal à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pour l’instant, j’épargne de l’argent, ce qui va me donner de la liberté, dans un avenir totalement incertain où tout le mode de vie de notre civilisation va être remis en question par l’impératif écologique. »


Il y a cinq ans, je ne connaissais pas la valeur des choses 


Estelle Fray, 23 ans, responsable dans l’hôtellerie de luxe


« À 18 ans, j’étais très ambitieuse. Pourtant, j’ai choisi une formation en gestion et management, plutôt par pragmatisme que par envie. J’étais bien trop immature pour avoir un projet abouti. J’étais douée en langues, et je voulais partir au plus vite à l’étranger, faire des stages. Je voulais tout quitter et me construire ailleurs. Mes stages ont révélé ma vocation : l’hôtellerie de luxe. J’ai décroché un job à Tenerife, dans les îles Canaries, où j’ai compris que j’aimais ce métier. Je trouvais cela magique de pouvoir créer des souvenirs pour les autres. Le credo de l’hôtel où je travaillais, c’était « rendre les séjours de nos clients uniques et mémorables ». J’ai organisé un pique-nique romantique sur un volcan, un baptême de plongée, des demandes en mariage les plus folles. L’entreprise me donnait les moyens de le faire. Grâce à moi, les gens obtenaient ce qu’ils désiraient.

Un an plus tard, tout a changé. Des problèmes personnels m’ont mise au plus bas. Je me suis rendu compte que le travail que j’aimais tant, que j’idéalisais et qui me comblait quand tout allait bien ne pouvait pas être un réconfort quand tout allait mal. J’ai pris conscience qu’on n’a qu’une seule vie, et que dans les moments les plus durs, c’est ta famille, et elle seule, qui te soutiendra jusqu’au bout. J’ai dû rentrer en France. J’ai travaillé dans le Var, puis à Bordeaux. En février dernier, je suis rentrée dans mon département d’origine, le Lot-et-Garonne. Aujourd’hui, j’habite à côté de mes grands-parents, à quelques kilomètres de mes parents et pas très loin de ma nièce. Je suis retournée habiter dans la maison de mon enfance. Pour moi, elle représente les meilleures années de ma vie. C’était l’époque où ma famille était encore unie. Y habiter, c’est ma façon de dire à ma famille à quel point elle est importante pour moi.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Il y a cinq ans, je ne connaissais pas la valeur des choses. J’ai compris depuis que c’est par les épreuves que l’on avance, pas forcément par les succès. Ma vision du travail reste inchangée : travailler, c’est se mettre au service de l’entreprise pour la faire fructifier. Mais ma vision de la vie a évolué. Il y a une seule chose dont je suis sûre : je ne sais pas de quoi demain sera fait. »


J’ai envie de voyager, rencontrer d’autres cultures


Charlie Grenier, 24 ans, licencié en littérature


« J’ai enchaîné cinq années à la faculté. À la sortie du bac, je n’avais pas de projet bien défini, je voulais apprendre de nouvelles choses et surtout mieux me connaître. Alors j’ai décidé de faire deux années en faculté de psychologie. En troisième année, je me suis réorienté en anthropologie. En master 1, j’ai écrit un mémoire sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui m’a conduit à me mettre en route. Durant le pèlerinage, je me suis blessé. J’ai rendu mon mémoire trop tard, je n’ai pas validé le master. Considérant alors que l’anthropologie n’allait pas me donner du travail, j’ai quitté Toulouse pour Lille, pour rejoindre des amis chers dans une colocation. Je voulais vivre ailleurs, me mettre en difficulté. Mon goût pour l’écrit m’a fait me réorienter en licence de littérature. Je faisais un service civique en parallèle dans l’événementiel culturel, histoire de me professionnaliser, mais ça n’a pas été concluant. Cette année-là, j’ai appris énormément sur moi, sur la vie en communauté, j’ai beaucoup mûri. J’ai mené une vie plus adulte, je suis devenu responsable. Aujourd’hui, je compte revenir dans mon Sud-Ouest, pour respirer, faire des économies. Ce sera un tremplin pour découvrir encore de nouveaux horizons. Avec ma licence de littérature, je peux devenir professeur vacataire ou surveillant, pour gagner des sous et pouvoir voyager. J’aimerais rencontrer d’autres cultures, pourquoi pas enseigner le français à l’étranger. Avant, être professeur me faisait peur. Maintenant, il est temps que j’entre dans la vie active.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Le système des études supérieures est un gros gâchis : il y a un problème avec les enseignants-chercheurs, qui ne sont pas formés à la pédagogie. À la place des cours magistraux, on pourrait étudier chez soi, avec des livres. Des étudiants décrochent et ne trouvent pas leur voie.

Personnellement, je serais incapable de travailler dans un domaine qui me déplaît, mais le travail en lui-même ne suffit pas à combler ma vie. Je veux vivre en harmonie avec mes opinions, nuire le moins possible aux autres et à la nature, tout en étant libre, ne jamais être dépendant. Enseigner me paraît un métier idéal : être utile à des jeunes, leur faire découvrir et aimer de nouvelles choses. »


Mon enfant a donné du sens à ma vie


Séverine Hardouin, 23 ans, bac pro, employée dans un cinéma


« Il y a cinq ans, j’étais vraiment très intéressée par mon bac pro esthétique. Ce qui m’animait particulièrement, c’était les modelages, les massages. Après mon diplôme, je n’avais absolument pas envie de faire d’études. Ce qui comptait pour moi, c’était l’action, la pratique. Mais je n’ai pas trouvé de travail. Il fallait à chaque fois au moins un an d’expérience, ou poursuivre ses études. Je suis partie à Bordeaux, pour suivre mon copain, sans avoir de projet professionnel. Mais quand je ne travaille pas, je déprime. J’ai donc accepté un emploi de poissonnière sur un marché. J’ai tout de suite apprécié le rythme – c’est très physique, on est tout le temps dans l’action. J’étais tellement motivée que j’ai fini par devenir responsable. Sauf que je n’ai aucune autorité, et ça a été un échec. J’ai appris à ce moment-là que dans le monde professionnel il y a deux sortes d’employé : ceux qui s’investissent entièrement dans leur travail et ceux qui ne viennent que pour gagner de l’argent, qui ne font pas beaucoup d’efforts. Beaucoup de jeunes sont dans cette deuxième catégorie, hélas.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Mon copain a trouvé un autre travail, dans le Lot-et-Garonne, et j’ai décidé de le suivre. J’ai travaillé comme employée dans un cinéma à mi-temps. Je me suis beaucoup ennuyée. Je suis tombée enceinte il y a deux ans, et ma vie a changé. Désormais, je ne travaille pas pour passer le temps, mais pour subvenir aux besoins de ma fille, surtout depuis que j’ai quitté son père et que je l’élève seule. Mon enfant a donné du sens à ma vie : je ne vis que pour elle. Elle me permet d’être sûre que je ne vaux pas rien. J’ai repris un poste en poissonnerie dans un supermarché, mais je l’ai finalement abandonné pour retourner travailler au cinéma, parce que ça me rapporte plus et que c’est plus tranquille. Aujourd’hui, je fais mes choix en fonction de ma vie familiale. Je me suis rapprochée géographiquement de la crèche et de ma mère.

Clairement, il y a eu un avant et un après la naissance de ma fille. Avant, je considérais ma vie sous l’angle du travail, aujourd’hui, c’est ma fille qui a tout remplacé. Elle m’a tout simplement donné un but. »

Une année pour partir à la reconquête de soi 

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18-25 ans : Comment choisir sa voie ?


Alyssa faisait une thèse en biologie. Elle se destine désormais à être professeure des écoles. Magdelaine a trouvé : elle sera psychomotricienne. Quant à Félicie, c’est la menuiserie qui lui tend les bras. Audrey, elle, s’est inscrite à une école d’informatique. Cette année, elles sont six filles à avoir tenté « l’année Théophile ». Elles ont ainsi rejoint le centre d’accueil de l’Hermitage de la communauté du Chemin neuf, à Chamalières, au-dessus de Clermont-Ferrand. L’endroit est propice à la méditation. Ici, les prairies, la végétation et les moutons remplacent goudron, béton et voitures. L’objectif : vivre pendant neuf mois loin du bruit, de ses proches et de toute pression. 


Âgées de 19 à 28 ans, elles ne se connaissaient pas en septembre…

18-25 ans : Comment choisir sa voie ? 

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« C’est la première fois en cinq ans que je réussis » , se réjouit Pierre, 21 ans, qui vient de valider sa première année de licence d’histoire. Après son bac S obtenu en 2013, il a enchaîné deux échecs dans un IUT de génie biologique, puis en école d’ingénieurs. « J’avais des facilités, mais pas vraiment appris à travailler, à persévérer. Plusieurs domaines m’attiraient, je ne savais pas quel métier choisir. » Démotivé, il devient accro aux jeux vidéo, sèche les cours et finit par décrocher. « J’avais totalement perdu confiance en moi. »


Comme lui, d’autres peinent à trouver leur voie. « Il n’y a jamais eu autant de possibilités, et les jeunes sont perdus » , confirme Anne Blandin Rabiller, directrice de Zest’Développement, qui accompagne des élèves dès la 4e. « On leur demande de choisir une filière alors qu’ils ignorent ce qu’ils veulent faire plus tard ! »

“La sortie de la protection de l’enfance rime trop souvent avec précarité“

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Le constat est sans appel : presque un tiers des sans-abri recensés de moins de 30 ans ont été en foyer ou famille d’accueil. C’est avec ce chiffre qu’Antoine Dulin, vice-président du Cese, compte alerter le Parlement. Comme le Premier ministre le désirait, le Cese a particulièrement planché sur les jeunes sortants de l’aide sociale à l’enfance. « La situation des jeunes en ASE est paradoxale », souligne le rapporteur au nom de la section des affaires sociales et de la santé : « À 18 ans, il leur est demandé plus d’autonomie qu’aux autres jeunes de leur âge, alors qu’elles et ils ont moins de ressources, notamment familiales, financières et sociales. »


La législation protège les enfants jusqu’à leur majorité, mais n’oblige en rien les départements (qui ont à l’heure du jour la compétence ASE) à poursuivre cette aide. « Au vu des études et des témoignages que nous avons recueillis, il nous paraît primordial de généraliser le contrat jeune majeur, et cela jusqu’à 21 ans », expose Antoine Dulin. Cette aide financière et d’accompagnement prévue pour les 18-21 ans qui sortent d’un cycle d’ASE leur est rarement attribuée. Lorsqu’elle l’est, la durée du contrat dépasse rarement les 6 mois ; « un pansement », estime le rapporteur du texte. « Cette défaillance entraine un non-sens éducatif et social, puisqu’elle ne mène pas jusqu’au bout la réinsertion des jeunes en difficulté et isolés. » Le vice-président du Cese souligne le « gâchis économique de cette situation » : environ 10 milliards d’euros sont investi pour la protection de l’enfance.


« Des relations intéressées »


Laurent* a eu de la chance. Placé en pouponnière à l’âge de 15 mois, puis en famille d’accueil à 2 ans, le jeune homme de 26 ans fait des études de commerce, et « a eu un parcours plutôt sans encombre… m ais ce n’est pas le cas de tout le monde ». Pour lui, « l’accompagnement après les 18 ans devrait être un droit pour tous. » « J’ai eu de la chance d’avoir la même famille d’accueil de mes 2 à 18 ans. Cette stabilité m’a permis de réussir à l’école, d’avoir une bourse d’excellence après le Bac et de faire des études supérieures, mais très peu le font. » Laurent a réussi à obtenir un contrat jeune majeur. « Sauf que l’administration est très rigide, lorsque j’ai voulu partir à l’étranger pour une année en Erasmus, on a rompu mon contrat jeune. Ça a été compliqué de rebondir ! »


Pour Laurent, ce qui manque principalement, c’est un « soutien désintéressé ». « Lorsque tu vis avec tes parents, tu sais que si tu doutes une fois adulte, ils seront là pour te soutenir. En famille d’accueil, c’est différent. Il y a un manque de confiance, du fait qu’ils gagnent de l’argent. Lorsqu’on est adolescent, déjà, on souffre de cette relation. La famille d’accueil ne va prendre aucun risque, par exemple, ne va pas nous laisser sortir en ville boire un verre avec des copains. Pour la moindre sortie, il faut une autorisation écrite, du supérieur de l’ASE. Cet aspect administratif est pour moi incompatible avec l’équilibre d’un adolescent en recherche de liberté. »


Lorsque tu vis avec tes parents, tu sais que si tu doutes une fois adulte, ils seront là pour te soutenir. En famille d’accueil, c’est différent. 

 Laurent, 26 ans


Pour remédier à cela, Laurent, qui a témoigné pour le rapport du Cese, a une solution : le parrainage. « Je suis certain qu’il y a beaucoup de personnes qui auraient envie de parrainer un jeune en difficulté, de le soutenir moralement et d’établir un lien de confiance. Ce ne sont pas les psychologues qui peuvent permettre cela. Personnellement, je n’ai jamais rien dit à ma psychologue. » C’est dans cette perspective que Laurent a rejoint l’association Repairs !, un réseau d’entraide créé par et pour les jeunes sortant de l’ASE qui entend éviter l’isolement des jeunes et leur proposer des solutions de financement de permis de conduire ou d’études.


Le rapport du Cese pointe une autre formule : le développement du statut de semi-autonomie. Pour un jeune, être semi-autonome permet d’avoir un logement sans pour autant vivre en foyer ou en famille d’accueil. « Cela donne plus de liberté pour le jeune, tout en maintenant un suivi. On ne l’abandonne pas pour autant, explique Antoine Dulin. C ela permet de faire l’économie d’un éducateur qui serait là non-stop, donc un coût moindre pour les départements. Il faut développer des solutions moins coûteuses, et plus humaines. »


*Le prénom a été modifié


Pour aller plus loin

Le rapport : www.lecese.fr

L’espérance, un cap pour les retraités

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« C’était mieux avant. » L’expression serait-elle bannie au sein du Mouvement chrétien des retraités (MCR) ? Depuis un an, les 35 000 adhérents qui se réunissent en équipe une fois par mois, travaillent sur le thème de l’espérance. Leurs réflexions ont été nourries par la lecture de textes d’Évangiles, d’apports de témoignages et de partages sur les petites ou grandes choses de la vie, comme les y invite le parcours d’année proposé par le mouvement. 


« Il faut vivre le moment présent sans trop regarder en arrière et éviter de faire du catastrophisme. Être avec d’autres me stimule pour aiguiser mon regard, j’apprends à voir ce qui est positif, et à savoir apprécier les belles choses », confie Yolande de -Beauchêne. Avec son mari François, un ancien militaire, elle a rejoint il y a deux ans une équipe du MCR de Locmariaquer (Morbihan), commune où ils ont posé leurs valises après 11 ans passés à l’étranger.


S’ouvrir…

“Père et époux, j’ai peur que notre fragile équilibre familial ne se brise“

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« Je vous écris pour vous expliquer ma situation qui est pour moi très angoissante. Voilà, je suis marié et papa d’une petite fille de 4 ans et demie que j’aime plus que tout, et qui est au quotidien une boule de bonheur pour moi. A l’arrivée de notre enfant, notre couple a subi une tornade, ça a été très difficile, ma femme a un caractère très fort et pendant les moments difficiles de l’enfant (nuits difficiles ou autres…) les propositions que je faisais à ma femme pour aider à passer le cap (comme par exemple permettre à chacun d’aller passer une nuit seul(e) à l’étage de la maison afin de pouvoir au moins dormir une nuit complète), était vécue de sa part comme de “l’égoïsme” de ma part.

Nous avons très difficilement passé cette étape au point d’en arriver à une pause de deux semaines qui à ce moment-là nous a fait du bien et permis de repartir tout doucement.

Pourtant les problèmes de fond restaient. Il y a deux ans, ma femme m’annonce qu’elle est enceinte (elle avait arrêté la pilule et n’avait pas repris d’autres moyens de contraception sans vraiment m’en parler… Tout juste je savais en ayant entendu une conversation avec sa maman que le gynéco lui avait demandé d’arrêter la pilule) et tout cela, alors que nous avions, lors d’une énième dispute, décidé de nous séparer quelques temps avant.

Je lui ai alors fait part de ma volonté de ne pas accueillir un enfant dans ces conditions et l’IVG avait alors été décidé (elle ayant pris conseil aussi auprès de sa maman).

Seulement cela a été traumatisant pour elle, et je dois avouer que pour moi aussi cela a été difficile aussi.

Mais voilà, hier alors que je parlais avec elle dans un moment de calme pour mettre les choses à plat sur les conditions pour accueillir un enfant (je sentais son envie d’en avoir un à nouveau assez présente), elle me dit qu’elle est certainement enceinte car elle ressent des nausées. Et autres symptômes (elle ne prend toujours pas de contraceptif mais je mettais un préservatif, sauf une fois…).

Alors voilà je viens de passer une nuit assez terrible avec des réveils dans l’angoisse, le cœur battant la chamade… des suées… en résumé j’angoisse terriblement.

J’ai peur que le fragile équilibre retrouvé ne se brise, et surtout j’ai peur de revivre la même situation qui m’a plongé quasiment dans une déprime qui a duré (avec des hauts et des bas) quasiment un an.

Je suis perdu ! »


> La réponse de Jacques Arènes : 


Vous m’écrivez en effet pendant une séquence dramatique où un enfant peut s’annoncer alors que votre couple ne va pas si bien. Répéter une IVG, ce serait recommencer le traumatisme que vous avez vécus tous les deux il n’y a pas si longtemps. Et ce serait une forme de « passage à l’acte » puisque vous vous seriez mis tous les deux, sans le vouloir consciemment, dans les mêmes conditions de crise qu’il y a quelques années : une forme de connivence et d’accord mutuel sur la manière d’accueillir un bébé n’est semble-t-il pas encore acquis. Ceci dit, votre épouse a seulement évoqué certains « symptômes », et le terme que vous employez est bien le signe que cette éventuelle grossesse – présentée comme une maladie – ne serait pas la bienvenue pour vous. Il est possible que ce qu’elle vous annonce, qui est loin d’être sûr, ait aussi une valeur de test par lequel elle jauge plus ou moins consciemment votre désir d’enfant et le sien.


Il n’empêche, l’équilibre que vous avez trouvé tous les deux est bien fragile, et s’avère menacé par un éventuel événement que l’on qualifie habituellement d’heureux. C’est tellement peu le cas que l’idée même qu’elle soit enceinte vous empêche de dormir. Cela pose évidemment la question de votre couple : qu’est-ce qui vous fait encore « tenir » tous les deux ensemble ? Est-ce seulement la petite fille que vous avez tous les deux désirée ? Vous narrez votre histoire commune en indiquant clairement que les choses sont allées plus mal quand elle est arrivée. Cela n’est, en effet, pas rare que la venue d’un enfant soit un facteur séparateur. Cette venue mobilise en effet un désir, et une angoisse, de responsabilité très profonds qui se traduisent souvent par des attentes fortes vis-à-vis du conjoint, attentes qui ne sont évidemment pas remplies quand elles sont trop idéales. Votre femme attendait beaucoup de vous et vous auriez « failli ». Vous avez, quant à vous, été meurtri de ne pas avoir été consulté dans la « gestion » de la contraception de la part de votre épouse. Vous avez d’ailleurs appris fortuitement qu’elle avait arrêté la pilule, sans avoir essayé apparemment de lui poser des questions sur la raison d’un tel arrêt, et sans avoir tenté de prendre en charge avec elle la question. La crise a au moins permis que vous vous impliquiez plus dans le processus, et que vous soyez donc moins passif.


Tout cela est néanmoins très douloureux, ces enfants, présents ou à venir, qui vous séparent, la seule décision (plus ou moins) commune étant celle de l’IVG. Alors qu’on souhaiterait que ce soit la mise en en route d’un enfant qui soit réellement décidée ensemble. Apparemment c’est loin d’être le cas. Ce qui est nouveau est, comme je l’écris plus haut, que vous semblez plus impliqué actuellement. Nous revenons alors à ma question, à mon avis essentielle. Qu’est-ce qui vous fait « tenir » ensemble, après ces drames ? Revenez-y pour vous-même et, si c’est possible, avec elle. Vous ne pouvez continuer à vous épuiser tous les deux en cherchant un équilibre à coups d’éloignements réguliers pour apaiser la tension. Repartez donc de ce qui vous a uni avant que votre fille, cette « boule de bonheur », s’insinue entre vous. Et essayez de le faire vivre, si cela existe encore. Avez-vous mis sur la table, par ailleurs, ces conceptions différentes qui sont les vôtres concernant la manière d’investir la petite, le partage des tâches et surtout, la place qui est alors laissée à la vie conjugale ? C’est sûrement en ces différences, qui sont devenues un différend, que le fossé conjugal s’est creusé. Si vous restez ensemble, une psychothérapie de couple pourrait vous aider à aborder tout cela d’une manière dépassionnée.

“Père et époux, j’ai peur que notre fragile équilibre familial ne se brise“

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« Je vous écris pour vous expliquer ma situation qui est pour moi très angoissante. Voilà, je suis marié et papa d’une petite fille de 4 ans et demie que j’aime plus que tout, et qui est au quotidien une boule de bonheur pour moi. A l’arrivée de notre enfant, notre couple a subi une tornade, ça a été très difficile, ma femme a un caractère très fort et pendant les moments difficiles de l’enfant (nuits difficiles ou autres…) les propositions que je faisais à ma femme pour aider à passer le cap (comme par exemple permettre à chacun d’aller passer une nuit seul(e) à l’étage de la maison afin de pouvoir au moins dormir une nuit complète), était vécue de sa part comme de “l’égoïsme” de ma part.

Nous avons très difficilement passé cette étape au point d’en arriver à une pause de deux semaines qui à ce moment-là nous a fait du bien et permis de repartir tout doucement.

Pourtant les problèmes de fond restaient. Il y a deux ans, ma femme m’annonce qu’elle est enceinte (elle avait arrêté la pilule et n’avait pas repris d’autres moyens de contraception sans vraiment m’en parler… Tout juste je savais en ayant entendu une conversation avec sa maman que le gynéco lui avait demandé d’arrêter la pilule) et tout cela, alors que nous avions, lors d’une énième dispute, décidé de nous séparer quelques temps avant.

Je lui ai alors fait part de ma volonté de ne pas accueillir un enfant dans ces conditions et l’IVG avait alors été décidé (elle ayant pris conseil aussi auprès de sa maman).

Seulement cela a été traumatisant pour elle, et je dois avouer que pour moi aussi cela a été difficile aussi.

Mais voilà, hier alors que je parlais avec elle dans un moment de calme pour mettre les choses à plat sur les conditions pour accueillir un enfant (je sentais son envie d’en avoir un à nouveau assez présente), elle me dit qu’elle est certainement enceinte car elle ressent des nausées. Et autres symptômes (elle ne prend toujours pas de contraceptif mais je mettais un préservatif, sauf une fois…).

Alors voilà je viens de passer une nuit assez terrible avec des réveils dans l’angoisse, le cœur battant la chamade… des suées… en résumé j’angoisse terriblement.

J’ai peur que le fragile équilibre retrouvé ne se brise, et surtout j’ai peur de revivre la même situation qui m’a plongé quasiment dans une déprime qui a duré (avec des hauts et des bas) quasiment un an.

Je suis perdu ! »


> La réponse de Jacques Arènes : 


Vous m’écrivez en effet pendant une séquence dramatique où un enfant peut s’annoncer alors que votre couple ne va pas si bien. Répéter une IVG, ce serait recommencer le traumatisme que vous avez vécus tous les deux il n’y a pas si longtemps. Et ce serait une forme de « passage à l’acte » puisque vous vous seriez mis tous les deux, sans le vouloir consciemment, dans les mêmes conditions de crise qu’il y a quelques années : une forme de connivence et d’accord mutuel sur la manière d’accueillir un bébé n’est semble-t-il pas encore acquis. Ceci dit, votre épouse a seulement évoqué certains « symptômes », et le terme que vous employez est bien le signe que cette éventuelle grossesse – présentée comme une maladie – ne serait pas la bienvenue pour vous. Il est possible que ce qu’elle vous annonce, qui est loin d’être sûr, ait aussi une valeur de test par lequel elle jauge plus ou moins consciemment votre désir d’enfant et le sien.


Il n’empêche, l’équilibre que vous avez trouvé tous les deux est bien fragile, et s’avère menacé par un éventuel événement que l’on qualifie habituellement d’heureux. C’est tellement peu le cas que l’idée même qu’elle soit enceinte vous empêche de dormir. Cela pose évidemment la question de votre couple : qu’est-ce qui vous fait encore « tenir » tous les deux ensemble ? Est-ce seulement la petite fille que vous avez tous les deux désirée ? Vous narrez votre histoire commune en indiquant clairement que les choses sont allées plus mal quand elle est arrivée. Cela n’est, en effet, pas rare que la venue d’un enfant soit un facteur séparateur. Cette venue mobilise en effet un désir, et une angoisse, de responsabilité très profonds qui se traduisent souvent par des attentes fortes vis-à-vis du conjoint, attentes qui ne sont évidemment pas remplies quand elles sont trop idéales. Votre femme attendait beaucoup de vous et vous auriez « failli ». Vous avez, quant à vous, été meurtri de ne pas avoir été consulté dans la « gestion » de la contraception de la part de votre épouse. Vous avez d’ailleurs appris fortuitement qu’elle avait arrêté la pilule, sans avoir essayé apparemment de lui poser des questions sur la raison d’un tel arrêt, et sans avoir tenté de prendre en charge avec elle la question. La crise a au moins permis que vous vous impliquiez plus dans le processus, et que vous soyez donc moins passif.


Tout cela est néanmoins très douloureux, ces enfants, présents ou à venir, qui vous séparent, la seule décision (plus ou moins) commune étant celle de l’IVG. Alors qu’on souhaiterait que ce soit la mise en en route d’un enfant qui soit réellement décidée ensemble. Apparemment c’est loin d’être le cas. Ce qui est nouveau est, comme je l’écris plus haut, que vous semblez plus impliqué actuellement. Nous revenons alors à ma question, à mon avis essentielle. Qu’est-ce qui vous fait « tenir » ensemble, après ces drames ? Revenez-y pour vous-même et, si c’est possible, avec elle. Vous ne pouvez continuer à vous épuiser tous les deux en cherchant un équilibre à coups d’éloignements réguliers pour apaiser la tension. Repartez donc de ce qui vous a uni avant que votre fille, cette « boule de bonheur », s’insinue entre vous. Et essayez de le faire vivre, si cela existe encore. Avez-vous mis sur la table, par ailleurs, ces conceptions différentes qui sont les vôtres concernant la manière d’investir la petite, le partage des tâches et surtout, la place qui est alors laissée à la vie conjugale ? C’est sûrement en ces différences, qui sont devenues un différend, que le fossé conjugal s’est creusé. Si vous restez ensemble, une psychothérapie de couple pourrait vous aider à aborder tout cela d’une manière dépassionnée.

“Père et époux, j’ai peur que notre fragile équilibre familial ne se brise“

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« Je vous écris pour vous expliquer ma situation qui est pour moi très angoissante. Voilà, je suis marié et papa d’une petite fille de 4 ans et demie que j’aime plus que tout, et qui est au quotidien une boule de bonheur pour moi. A l’arrivée de notre enfant, notre couple a subi une tornade, ça a été très difficile, ma femme a un caractère très fort et pendant les moments difficiles de l’enfant (nuits difficiles ou autres…) les propositions que je faisais à ma femme pour aider à passer le cap (comme par exemple permettre à chacun d’aller passer une nuit seul(e) à l’étage de la maison afin de pouvoir au moins dormir une nuit complète), était vécue de sa part comme de “l’égoïsme” de ma part.

Nous avons très difficilement passé cette étape au point d’en arriver à une pause de deux semaines qui à ce moment-là nous a fait du bien et permis de repartir tout doucement.

Pourtant les problèmes de fond restaient. Il y a deux ans, ma femme m’annonce qu’elle est enceinte (elle avait arrêté la pilule et n’avait pas repris d’autres moyens de contraception sans vraiment m’en parler… Tout juste je savais en ayant entendu une conversation avec sa maman que le gynéco lui avait demandé d’arrêter la pilule) et tout cela, alors que nous avions, lors d’une énième dispute, décidé de nous séparer quelques temps avant.

Je lui ai alors fait part de ma volonté de ne pas accueillir un enfant dans ces conditions et l’IVG avait alors été décidé (elle ayant pris conseil aussi auprès de sa maman).

Seulement cela a été traumatisant pour elle, et je dois avouer que pour moi aussi cela a été difficile aussi.

Mais voilà, hier alors que je parlais avec elle dans un moment de calme pour mettre les choses à plat sur les conditions pour accueillir un enfant (je sentais son envie d’en avoir un à nouveau assez présente), elle me dit qu’elle est certainement enceinte car elle ressent des nausées. Et autres symptômes (elle ne prend toujours pas de contraceptif mais je mettais un préservatif, sauf une fois…).

Alors voilà je viens de passer une nuit assez terrible avec des réveils dans l’angoisse, le cœur battant la chamade… des suées… en résumé j’angoisse terriblement.

J’ai peur que le fragile équilibre retrouvé ne se brise, et surtout j’ai peur de revivre la même situation qui m’a plongé quasiment dans une déprime qui a duré (avec des hauts et des bas) quasiment un an.

Je suis perdu ! »


> La réponse de Jacques Arènes : 


Vous m’écrivez en effet pendant une séquence dramatique où un enfant peut s’annoncer alors que votre couple ne va pas si bien. Répéter une IVG, ce serait recommencer le traumatisme que vous avez vécus tous les deux il n’y a pas si longtemps. Et ce serait une forme de « passage à l’acte » puisque vous vous seriez mis tous les deux, sans le vouloir consciemment, dans les mêmes conditions de crise qu’il y a quelques années : une forme de connivence et d’accord mutuel sur la manière d’accueillir un bébé n’est semble-t-il pas encore acquis. Ceci dit, votre épouse a seulement évoqué certains « symptômes », et le terme que vous employez est bien le signe que cette éventuelle grossesse – présentée comme une maladie – ne serait pas la bienvenue pour vous. Il est possible que ce qu’elle vous annonce, qui est loin d’être sûr, ait aussi une valeur de test par lequel elle jauge plus ou moins consciemment votre désir d’enfant et le sien.


Il n’empêche, l’équilibre que vous avez trouvé tous les deux est bien fragile, et s’avère menacé par un éventuel événement que l’on qualifie habituellement d’heureux. C’est tellement peu le cas que l’idée même qu’elle soit enceinte vous empêche de dormir. Cela pose évidemment la question de votre couple : qu’est-ce qui vous fait encore « tenir » tous les deux ensemble ? Est-ce seulement la petite fille que vous avez tous les deux désirée ? Vous narrez votre histoire commune en indiquant clairement que les choses sont allées plus mal quand elle est arrivée. Cela n’est, en effet, pas rare que la venue d’un enfant soit un facteur séparateur. Cette venue mobilise en effet un désir, et une angoisse, de responsabilité très profonds qui se traduisent souvent par des attentes fortes vis-à-vis du conjoint, attentes qui ne sont évidemment pas remplies quand elles sont trop idéales. Votre femme attendait beaucoup de vous et vous auriez « failli ». Vous avez, quant à vous, été meurtri de ne pas avoir été consulté dans la « gestion » de la contraception de la part de votre épouse. Vous avez d’ailleurs appris fortuitement qu’elle avait arrêté la pilule, sans avoir essayé apparemment de lui poser des questions sur la raison d’un tel arrêt, et sans avoir tenté de prendre en charge avec elle la question. La crise a au moins permis que vous vous impliquiez plus dans le processus, et que vous soyez donc moins passif.


Tout cela est néanmoins très douloureux, ces enfants, présents ou à venir, qui vous séparent, la seule décision (plus ou moins) commune étant celle de l’IVG. Alors qu’on souhaiterait que ce soit la mise en en route d’un enfant qui soit réellement décidée ensemble. Apparemment c’est loin d’être le cas. Ce qui est nouveau est, comme je l’écris plus haut, que vous semblez plus impliqué actuellement. Nous revenons alors à ma question, à mon avis essentielle. Qu’est-ce qui vous fait « tenir » ensemble, après ces drames ? Revenez-y pour vous-même et, si c’est possible, avec elle. Vous ne pouvez continuer à vous épuiser tous les deux en cherchant un équilibre à coups d’éloignements réguliers pour apaiser la tension. Repartez donc de ce qui vous a uni avant que votre fille, cette « boule de bonheur », s’insinue entre vous. Et essayez de le faire vivre, si cela existe encore. Avez-vous mis sur la table, par ailleurs, ces conceptions différentes qui sont les vôtres concernant la manière d’investir la petite, le partage des tâches et surtout, la place qui est alors laissée à la vie conjugale ? C’est sûrement en ces différences, qui sont devenues un différend, que le fossé conjugal s’est creusé. Si vous restez ensemble, une psychothérapie de couple pourrait vous aider à aborder tout cela d’une manière dépassionnée.