“La sortie de la protection de l’enfance rime trop souvent avec précarité“

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Le constat est sans appel : presque un tiers des sans-abri recensés de moins de 30 ans ont été en foyer ou famille d’accueil. C’est avec ce chiffre qu’Antoine Dulin, vice-président du Cese, compte alerter le Parlement. Comme le Premier ministre le désirait, le Cese a particulièrement planché sur les jeunes sortants de l’aide sociale à l’enfance. « La situation des jeunes en ASE est paradoxale », souligne le rapporteur au nom de la section des affaires sociales et de la santé : « À 18 ans, il leur est demandé plus d’autonomie qu’aux autres jeunes de leur âge, alors qu’elles et ils ont moins de ressources, notamment familiales, financières et sociales. »


La législation protège les enfants jusqu’à leur majorité, mais n’oblige en rien les départements (qui ont à l’heure du jour la compétence ASE) à poursuivre cette aide. « Au vu des études et des témoignages que nous avons recueillis, il nous paraît primordial de généraliser le contrat jeune majeur, et cela jusqu’à 21 ans », expose Antoine Dulin. Cette aide financière et d’accompagnement prévue pour les 18-21 ans qui sortent d’un cycle d’ASE leur est rarement attribuée. Lorsqu’elle l’est, la durée du contrat dépasse rarement les 6 mois ; « un pansement », estime le rapporteur du texte. « Cette défaillance entraine un non-sens éducatif et social, puisqu’elle ne mène pas jusqu’au bout la réinsertion des jeunes en difficulté et isolés. » Le vice-président du Cese souligne le « gâchis économique de cette situation » : environ 10 milliards d’euros sont investi pour la protection de l’enfance.


« Des relations intéressées »


Laurent* a eu de la chance. Placé en pouponnière à l’âge de 15 mois, puis en famille d’accueil à 2 ans, le jeune homme de 26 ans fait des études de commerce, et « a eu un parcours plutôt sans encombre… m ais ce n’est pas le cas de tout le monde ». Pour lui, « l’accompagnement après les 18 ans devrait être un droit pour tous. » « J’ai eu de la chance d’avoir la même famille d’accueil de mes 2 à 18 ans. Cette stabilité m’a permis de réussir à l’école, d’avoir une bourse d’excellence après le Bac et de faire des études supérieures, mais très peu le font. » Laurent a réussi à obtenir un contrat jeune majeur. « Sauf que l’administration est très rigide, lorsque j’ai voulu partir à l’étranger pour une année en Erasmus, on a rompu mon contrat jeune. Ça a été compliqué de rebondir ! »


Pour Laurent, ce qui manque principalement, c’est un « soutien désintéressé ». « Lorsque tu vis avec tes parents, tu sais que si tu doutes une fois adulte, ils seront là pour te soutenir. En famille d’accueil, c’est différent. Il y a un manque de confiance, du fait qu’ils gagnent de l’argent. Lorsqu’on est adolescent, déjà, on souffre de cette relation. La famille d’accueil ne va prendre aucun risque, par exemple, ne va pas nous laisser sortir en ville boire un verre avec des copains. Pour la moindre sortie, il faut une autorisation écrite, du supérieur de l’ASE. Cet aspect administratif est pour moi incompatible avec l’équilibre d’un adolescent en recherche de liberté. »


Lorsque tu vis avec tes parents, tu sais que si tu doutes une fois adulte, ils seront là pour te soutenir. En famille d’accueil, c’est différent. 

 Laurent, 26 ans


Pour remédier à cela, Laurent, qui a témoigné pour le rapport du Cese, a une solution : le parrainage. « Je suis certain qu’il y a beaucoup de personnes qui auraient envie de parrainer un jeune en difficulté, de le soutenir moralement et d’établir un lien de confiance. Ce ne sont pas les psychologues qui peuvent permettre cela. Personnellement, je n’ai jamais rien dit à ma psychologue. » C’est dans cette perspective que Laurent a rejoint l’association Repairs !, un réseau d’entraide créé par et pour les jeunes sortant de l’ASE qui entend éviter l’isolement des jeunes et leur proposer des solutions de financement de permis de conduire ou d’études.


Le rapport du Cese pointe une autre formule : le développement du statut de semi-autonomie. Pour un jeune, être semi-autonome permet d’avoir un logement sans pour autant vivre en foyer ou en famille d’accueil. « Cela donne plus de liberté pour le jeune, tout en maintenant un suivi. On ne l’abandonne pas pour autant, explique Antoine Dulin. C ela permet de faire l’économie d’un éducateur qui serait là non-stop, donc un coût moindre pour les départements. Il faut développer des solutions moins coûteuses, et plus humaines. »


*Le prénom a été modifié


Pour aller plus loin

Le rapport : www.lecese.fr

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