2013-2018 : que sont-ils devenus ?

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Le bac, et après ? L’orientation professionnelle se joue souvent plus tard, au fil des expériences que l’on vit. Il y a cinq ans, Séverine voulait devenir esthéticienne, Guillaume, lui, informaticien. Estelle aspirait à voyager. Quant à Charlie, il désirait mieux se connaître. Tous les quatre avaient répondu en 2013 à une enquête sur le but de leurs études. Ils se confient à nouveau, cinq ans plus tard. Leurs objectifs ont bien changé, mais, plus encore, c’est le regard qu’ils portent sur leur avenir professionnel qui a été modifié. Le travail est devenu une donnée trop instable pour que notre projet de vie ne se résume à lui. La profession est toujours importante pour les jeunes d’aujourd’hui. Cependant, la quête de sens se fait ailleurs, sur le terrain familial, ou le développement personnel. Non, les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas plus fainéants que leurs parents. Ils se sont juste adaptés à leur temps. Et ce temps-là ne peut plus mettre la valeur travail sur un piédestal.


Je me questionne sur mon travail et mon temps 


Guillaume Medale, 24 ans, développeur informatique


« Dès le bac, je savais ce que je voulais faire comme métier. Plutôt qu’une formation théorique qui n’aboutirait que tardivement au métier, j’ai préféré un DUT informatique, plus professionnalisant. Je pouvais tenter de grandes écoles d’ingénieurs, mais j’ai préféré me diriger vers une école privée de niveau bac +5 où l’on effectue beaucoup de stages. Actuellement, je suis en CDI dans l’entreprise où j’ai réalisé mon stage de fin d’études, à Toulouse. J’y suis resté pour le travail. Les études privées, c’est un luxe. On ne nous apprend pas les choses, on nous donne les moyens d’apprendre par nous-mêmes. Cela m’a offert une vraie liberté dans mon travail. J’étais compétent, alors je pliais rapidement les cours, et je me donnais à fond sur les projets. Pouvoir étudier par moi-même, à mon rythme et avec mes méthodes à la fin de mes études m’a été très bénéfique.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Je ne vois pas mon travail dans l’informatique comme une fin, davantage comme une place confortable : j’ai du travail, je gagne de l’argent. Et le monde de l’entreprise est toxique. On fait de plus en plus mal les choses pour plus de profit. On se sent dépossédé de son travail. On devient des employés de bureau. Mon métier a déjà perdu de sa substance : le développement à la main va se raréfier, on nous demande de plus en plus de management, de gestion de projets. Faire ce métier toute sa vie, c’est du stress permanent, l’impossibilité de déconnecter, même en vacances, les semaines avec des nuits de quatre heures pour tenir la gestion du projet. Donc je me questionne beaucoup sur le sens et les valeurs de mon travail et de mon temps. Heureusement, il y a la philosophie. C’est une passion qui m’aide. ça reste primordial d’en faire, même en informatique. La philosophie me paraît plus urgente que n’importe quel progrès technologique. Je pense de plus en plus à une reconversion, peut-être me spécialiser sur les questions d’éthique de l’informatique. J’ai déjà beaucoup de mal à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pour l’instant, j’épargne de l’argent, ce qui va me donner de la liberté, dans un avenir totalement incertain où tout le mode de vie de notre civilisation va être remis en question par l’impératif écologique. »


Il y a cinq ans, je ne connaissais pas la valeur des choses 


Estelle Fray, 23 ans, responsable dans l’hôtellerie de luxe


« À 18 ans, j’étais très ambitieuse. Pourtant, j’ai choisi une formation en gestion et management, plutôt par pragmatisme que par envie. J’étais bien trop immature pour avoir un projet abouti. J’étais douée en langues, et je voulais partir au plus vite à l’étranger, faire des stages. Je voulais tout quitter et me construire ailleurs. Mes stages ont révélé ma vocation : l’hôtellerie de luxe. J’ai décroché un job à Tenerife, dans les îles Canaries, où j’ai compris que j’aimais ce métier. Je trouvais cela magique de pouvoir créer des souvenirs pour les autres. Le credo de l’hôtel où je travaillais, c’était « rendre les séjours de nos clients uniques et mémorables ». J’ai organisé un pique-nique romantique sur un volcan, un baptême de plongée, des demandes en mariage les plus folles. L’entreprise me donnait les moyens de le faire. Grâce à moi, les gens obtenaient ce qu’ils désiraient.

Un an plus tard, tout a changé. Des problèmes personnels m’ont mise au plus bas. Je me suis rendu compte que le travail que j’aimais tant, que j’idéalisais et qui me comblait quand tout allait bien ne pouvait pas être un réconfort quand tout allait mal. J’ai pris conscience qu’on n’a qu’une seule vie, et que dans les moments les plus durs, c’est ta famille, et elle seule, qui te soutiendra jusqu’au bout. J’ai dû rentrer en France. J’ai travaillé dans le Var, puis à Bordeaux. En février dernier, je suis rentrée dans mon département d’origine, le Lot-et-Garonne. Aujourd’hui, j’habite à côté de mes grands-parents, à quelques kilomètres de mes parents et pas très loin de ma nièce. Je suis retournée habiter dans la maison de mon enfance. Pour moi, elle représente les meilleures années de ma vie. C’était l’époque où ma famille était encore unie. Y habiter, c’est ma façon de dire à ma famille à quel point elle est importante pour moi.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Il y a cinq ans, je ne connaissais pas la valeur des choses. J’ai compris depuis que c’est par les épreuves que l’on avance, pas forcément par les succès. Ma vision du travail reste inchangée : travailler, c’est se mettre au service de l’entreprise pour la faire fructifier. Mais ma vision de la vie a évolué. Il y a une seule chose dont je suis sûre : je ne sais pas de quoi demain sera fait. »


J’ai envie de voyager, rencontrer d’autres cultures


Charlie Grenier, 24 ans, licencié en littérature


« J’ai enchaîné cinq années à la faculté. À la sortie du bac, je n’avais pas de projet bien défini, je voulais apprendre de nouvelles choses et surtout mieux me connaître. Alors j’ai décidé de faire deux années en faculté de psychologie. En troisième année, je me suis réorienté en anthropologie. En master 1, j’ai écrit un mémoire sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui m’a conduit à me mettre en route. Durant le pèlerinage, je me suis blessé. J’ai rendu mon mémoire trop tard, je n’ai pas validé le master. Considérant alors que l’anthropologie n’allait pas me donner du travail, j’ai quitté Toulouse pour Lille, pour rejoindre des amis chers dans une colocation. Je voulais vivre ailleurs, me mettre en difficulté. Mon goût pour l’écrit m’a fait me réorienter en licence de littérature. Je faisais un service civique en parallèle dans l’événementiel culturel, histoire de me professionnaliser, mais ça n’a pas été concluant. Cette année-là, j’ai appris énormément sur moi, sur la vie en communauté, j’ai beaucoup mûri. J’ai mené une vie plus adulte, je suis devenu responsable. Aujourd’hui, je compte revenir dans mon Sud-Ouest, pour respirer, faire des économies. Ce sera un tremplin pour découvrir encore de nouveaux horizons. Avec ma licence de littérature, je peux devenir professeur vacataire ou surveillant, pour gagner des sous et pouvoir voyager. J’aimerais rencontrer d’autres cultures, pourquoi pas enseigner le français à l’étranger. Avant, être professeur me faisait peur. Maintenant, il est temps que j’entre dans la vie active.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Le système des études supérieures est un gros gâchis : il y a un problème avec les enseignants-chercheurs, qui ne sont pas formés à la pédagogie. À la place des cours magistraux, on pourrait étudier chez soi, avec des livres. Des étudiants décrochent et ne trouvent pas leur voie.

Personnellement, je serais incapable de travailler dans un domaine qui me déplaît, mais le travail en lui-même ne suffit pas à combler ma vie. Je veux vivre en harmonie avec mes opinions, nuire le moins possible aux autres et à la nature, tout en étant libre, ne jamais être dépendant. Enseigner me paraît un métier idéal : être utile à des jeunes, leur faire découvrir et aimer de nouvelles choses. »


Mon enfant a donné du sens à ma vie


Séverine Hardouin, 23 ans, bac pro, employée dans un cinéma


« Il y a cinq ans, j’étais vraiment très intéressée par mon bac pro esthétique. Ce qui m’animait particulièrement, c’était les modelages, les massages. Après mon diplôme, je n’avais absolument pas envie de faire d’études. Ce qui comptait pour moi, c’était l’action, la pratique. Mais je n’ai pas trouvé de travail. Il fallait à chaque fois au moins un an d’expérience, ou poursuivre ses études. Je suis partie à Bordeaux, pour suivre mon copain, sans avoir de projet professionnel. Mais quand je ne travaille pas, je déprime. J’ai donc accepté un emploi de poissonnière sur un marché. J’ai tout de suite apprécié le rythme – c’est très physique, on est tout le temps dans l’action. J’étais tellement motivée que j’ai fini par devenir responsable. Sauf que je n’ai aucune autorité, et ça a été un échec. J’ai appris à ce moment-là que dans le monde professionnel il y a deux sortes d’employé : ceux qui s’investissent entièrement dans leur travail et ceux qui ne viennent que pour gagner de l’argent, qui ne font pas beaucoup d’efforts. Beaucoup de jeunes sont dans cette deuxième catégorie, hélas.

2013-2018 : que sont-ils devenus ?


Mon copain a trouvé un autre travail, dans le Lot-et-Garonne, et j’ai décidé de le suivre. J’ai travaillé comme employée dans un cinéma à mi-temps. Je me suis beaucoup ennuyée. Je suis tombée enceinte il y a deux ans, et ma vie a changé. Désormais, je ne travaille pas pour passer le temps, mais pour subvenir aux besoins de ma fille, surtout depuis que j’ai quitté son père et que je l’élève seule. Mon enfant a donné du sens à ma vie : je ne vis que pour elle. Elle me permet d’être sûre que je ne vaux pas rien. J’ai repris un poste en poissonnerie dans un supermarché, mais je l’ai finalement abandonné pour retourner travailler au cinéma, parce que ça me rapporte plus et que c’est plus tranquille. Aujourd’hui, je fais mes choix en fonction de ma vie familiale. Je me suis rapprochée géographiquement de la crèche et de ma mère.

Clairement, il y a eu un avant et un après la naissance de ma fille. Avant, je considérais ma vie sous l’angle du travail, aujourd’hui, c’est ma fille qui a tout remplacé. Elle m’a tout simplement donné un but. »

Une année pour partir à la reconquête de soi 

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18-25 ans : Comment choisir sa voie ?


Alyssa faisait une thèse en biologie. Elle se destine désormais à être professeure des écoles. Magdelaine a trouvé : elle sera psychomotricienne. Quant à Félicie, c’est la menuiserie qui lui tend les bras. Audrey, elle, s’est inscrite à une école d’informatique. Cette année, elles sont six filles à avoir tenté « l’année Théophile ». Elles ont ainsi rejoint le centre d’accueil de l’Hermitage de la communauté du Chemin neuf, à Chamalières, au-dessus de Clermont-Ferrand. L’endroit est propice à la méditation. Ici, les prairies, la végétation et les moutons remplacent goudron, béton et voitures. L’objectif : vivre pendant neuf mois loin du bruit, de ses proches et de toute pression. 


Âgées de 19 à 28 ans, elles ne se connaissaient pas en septembre…