Études supérieures : et pourquoi pas à distance ?

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Pour imprimer cet article, vous devez être abonné


Après 10 années passées sur les planches à l’issue de son bac littéraire, Marie Radel a fini par renoncer à son rêve de théâtre, « un milieu trop compliqué et compétitif », admet-elle. Elle nourrit alors le projet de travailler dans l’archive cinématographique. Mais sans diplôme officiel, impossible de faire valoir son bagage culturel. À 28 ans, elle s’oriente vers une licence Humanités, lettres et sciences humaines à l’université Paris X-Nanterre. Un cursus qu’elle suit à distance, ce qui lui permet de travailler 18 heures par semaine comme vendeuse dans une papeterie à Paris.


Un diplôme reconnu


Selon l’enquête 2016 de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), 46% des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire. Pour la moitié d’entre eux, cette activité est même indispensable pour vivre. « Mais elle se fait au détriment de la réussite universitaire, pointe le syndicat étudiant Unef, diminuant d’autant le…

“Il veut être une fille“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« Aujourd’hui je reviens vers vous pour un sujet qui me préoccupe :

Notre fils Julien (40 ans) est marié depuis 10 ans à une charmante japonaise Natsumi (du même âge) et ils ont 2 fils : Satoshi (9 ans) et Yasahiro (juste 7 ans).

Depuis déjà 2 ans au moins Yasahiro dit vouloir être une fille ; il a même un jour crié « je suis une fille ».

C’est un enfant gai, très créatif (au moins pour dessiner son sujet préféré : des princesses), intelligent, volontiers autoritaire (il crie fort pour imposer son désir notamment à sa mère, parfois en tapant du talon puissamment).

Je rentre d’une visite chez eux ; en arrivant il était habillé avec une robe de sa maman, des collants noirs pailletés et des chaussures (en plastic vert) style à claquettes. Quand c’est ça je vois dans son regard une provocation (que vas-tu, dire grand-mère ?) et je fais à peine une remarque comme pour éviter « d’en faire un plat » …

A Noël ses parents ont cédé à son désir de lui offrir la robe de la Reine des Neiges dont il rêvait depuis longtemps. On passait alors 3 jours chez eux et, à vrai dire, il a à peine porté la robe 1 ou 2 fois quelques moments…

Dans sa chambre on ne voit que des jeux de filles (petite cuisinière, etc) mais je ne pense pas qu’il ait eu « officiellement » une poupée, sinon une marionnette en robe ou ce style de jouet.

Il ne joue jamais aux jeux « classiques » que son ainé adore (avions, voitures…) ou alors très exceptionnellement.

Entre les 2 frères l’entente est parfaite à savoir que l’ainé fait pas mal de concessions au second assez « filou » ; mais les disputes sont très rares.

Physiquement ils sont assez différents : Yasahiro très typé asiatique contrairement à son ainé. Yasahiro volontiers rond car il adore manger, aussi contrairement à son ainé. Yasahiro porte volontiers des cheveux coupés en « boule » avec une frange (à l’asiatique) alors que Satoshi, qui a des cheveux moins épais, les porte plus effilés.


Ça n’est pas facile d’évoquer ce sujet avec nos enfants. Notre fils a conscience que son fils aime cette approche féminine ; il nous a juste dit un jour « il sera ce qu’il sera » (laissant entendre qu’il sera peut-être homosexuel).


J’en parle de temps en temps avec ma belle-fille mais « sur la pointe des pieds » (dans la culture japonaise il ne faut jamais mettre l’autre en situation délicate…). Un jour je lui ai demandé si elle n’avait pas été déçue d’avoir un second garçon ; elle m’a répondu que, pas du tout, au contraire elle voulait que l’ainé ait un frère (ce que je mets en doute ; elle a dit à l’occasion que si elle pouvait être sûre d’avoir une petite fille, elle aurait aimé un 3ème enfant ; Julien trouve qu’il est content d’en avoir deux).


Quand Yasahiro est né, ses parents ont mis 2 ou 3 jours à le « reconnaître », exprimant avec leurs mots qu’ils étaient comme surpris par ce bébé là (en tout cas c’est ce qu’ils nous ont raconté plus tard et dont nous n’avons pas été témoins… c’est vrai que Yasahiro était un moins joli bébé à la naissance que Satoshi très mignon nouveau-né métissé.


A propos de ce mot « mignon » il fait partie intégrante de la culture contemporaine japonaise « kawaï » où on aime tout ce qui est « mignon » et ma belle-fille a souvent trouvé très « mignons » certains comportements de ses enfants, particulièrement de Yasahiro.


Hier alors que j’étais chez eux (en l’absence de notre fils très occupé par sa vie professionnelle et peu présent la semaine au quotidien, mais qui aime beaucoup ses enfants), Yasahiro s’est habillé comme toujours avec un collant hyper serré qu’il adore au point qu’il soit troué. A ma remarque en tête à tête avec ma belle-fille un peu plus tard, elle m’a répondu qu’il était comme ça, qu’elle ne pouvait pas lui faire accepter de porter des pantalons. A ma question du « pourquoi ce besoin chez Yasahiro ? » elle m’a parlé de « confort »… De mon point de vue on dirait que cet enfant cherche à s’émasculer en portant des tenues si serrées… !!! J’ai demandé à ma belle-fille comment ça se passait à l’école : Yasahiro n’a aucun ami garçon et plein de copines.


Au printemps dernier, nos 2 petits fils ont passé 3 mois avec leur maman chez leurs grands-parents au Japon pour aller à l’école. Ça s’est très bien passé pour l’ainé mais très mal pour Yasahiro : d’après ma belle-fille, c’est parce qu’il ne se sentait pas compris comme il l’est à l’école en France par ses camarades de classe, ne trouvant pas de petite fille pour partager ses jeux de filles. Ça a été au point qu’un jour il a voulu s’échapper de l’école si bien que notre belle fille a été obligée de passer ses matinées dans un coin de la classe (en lisant) pour qu’il accepte de rester…


Pour revenir à l’école : à ma question de savoir comment ça se passe pour Yasahiro en France (petite école primaire de quartier à Angers) elle me dit qu’il n’a que des copines et que parfois des petits gars viennent lui faire des remarques sur ses tenues vestimentaires ; et qu’au lieu de se défendre Yasahiro va se plaindre auprès de la maitresse.


Car il faut que je précise ici un point important : Notre belle fille achète pour Yasahiro des vêtements vendus au rayon fille : il porte la plupart du temps des tee shirts décorés de paillettes, toujours ces bas très collants (en général épais, voire pour certains avec des couleurs et motifs de jeans, comme des fausses poches…). Cet hiver il portait des sortes de baskets montantes argentées en éprouvant le besoin de me préciser « ce sont des chaussures de fille » Cette tenue est complétée en ce moment par un gilet en fausse fourrure noire. Natsumi m’a dit un jour qu’elle était heureuse de la créativité de Yasahiro qui lui faisait voir la vie « en couleur » (dans les jours de nostalgie par rapport à son pays et sa famille).


D’une façon générale, je trouve ma belle-fille à la fois ferme et très affectueuse avec ses enfants qui l’adorent ; mais je trouve aussi qu’elle passe beaucoup de choses à Yasahiro qui a, depuis longtemps, obtenu qu’elle se plie à ses désirs grâce à ses « crises »… Quant à moi, même si j’aime énormément ces deux petits (j’avoue un faible pour l’ainé qui a été notre tout premier petit fils), je suis d’autant plus gênée qu’une de mes amies vit ce que je juge comme une énorme épreuve familiale : leur fils, marié et père de 2 enfants, est en cours de traitement hormonal pour changer de sexe. J’ai vu quelques photos de son évolution et entendu les propos de mon amie qui, avec son mari, sont à mon avis très accueillants. Il y a quelques mois j’étais autant troublée par les changements de cet homme-femme vu au fil de photos qu’elle m’a montrées que par la façon dont, apparemment, son mari et elle acceptent la chose. Depuis, j’ai cherché quelques informations, vu notamment le (beau) film « the Danish Girl » (je sais que vous êtes amateur de cinéma). J’ai lu aussi récemment un article dans je ne sais plus quel magazine féminin disant qu’il y avait maintenant à Paris un service spécialisé dans un hôpital, service d’écoute et d’accueil des familles et de leurs enfants qui parfois ont à peine 6 ou 7 ans !!! Il était précisé dans l’article que bien sûr certains enfants et parents avaient simplement besoin d’être écoutés et rassurés ; mais aussi qu’on propose à certains adolescents une prise en charge progressive vers un changement de sexe.


Je termine cette lettre en précisant que je choisis de ne pas reprendre mes propos ni d’en changer l’ordre et de laisser mon texte tel que je l’ai rédigé au fil de ma pensée : le psychanalyste que vous êtes en trouvera le fil à suivre… Mais, après avoir relu, j’ajoute qu’il y a un net « partage » éducatif entre le père et la mère et leurs fils, à savoir que souvent Julien a des activités « entre hommes » avec Satoshi. 2exemples :

- Julien va bientôt emmener l’ainé faire un petit voyage en Allemagne pour voir des voitures ou des trains ou je ne sais quel musée d’aéronautique.

- il y a quelques mois à Paris, Natsumi a emmené par exemple Yasahiro voir le musée Rodin pendant que Julien allait aux Invalides avec Satoshi. Ceci dit il arrive aussi que Natsumi aille voir « le lac des cygnes » avec l’ainé qui adore ce type de musique.


Pour finir, si j’avais une question principale à vous poser à ce jour, ça serait d’abord de savoir si je dois oser exprimer un peu plus mes doutes et inquiétudes de façon plus à nos enfants (déjà mon propre époux le vit mal quand, comme hier soir, je rentre en lui racontant ce que j’ai constaté… ) au risque soit de les perturber outre mesure, soit peut-être aussi de créer une tension entre nous et qu’ensuite ils se « méfient » dans nos échanges ou dans la confiance qu’ils nous accordent quand ils nous laissent leurs enfants (Au passage je précise que quand les garçons passent quelques jours avec nous, on ne ressent pas chez Yasahiro un tel besoin d’imposer son « style »… )


Vous devez trouver que je m’étale beaucoup tant il y aurait à dire … j’ajoute donc une dernière pièce au « puzzle » pour aujourd’hui en précisant qu’une de nos 4 filles (jumelle, 30 ans) est homosexuelle et qu’elle est en conflit avec son frère Julien qui, apparemment lui aurait dit des mots très durs montrant qu’il accepte mal cette réalité.


Je vous remercie déjà infiniment de m’avoir lu (ou « lue » ? !) et vous assure de mon très cordial souvenir,


Geneviève »


> La réponse de Jacques Arènes :


Je vous remercie de ce mail plein de finesse et d’attention pour la réalité complexe de la famille créée par votre fils et votre belle fille. Je l’ai gardé entier, car il a valeur de témoignage, tout en gommant des détails trop personnels. S’y entremêlent en fait plusieurs thèmes qui se répondent et s’influencent. Parce que la construction de l’identité de genre est multifactorielle et parce que les regards – voire les attitudes – des parents ou des grands parents sur cette identité ne sont pas neutres. Ils ne sont pas seulement observateurs de cette construction, mais y participent plus ou moins, à leur corps défendant, si je puis dire. Vous avez d’ailleurs la délicatesse de repérer comment vos observations un peu inquiètes pourraient interférer avec l’attitude de votre petit fils, et comment, par moment, il cherche à vous provoquer.


Le sexe est une donnée biologique, le plus souvent facile à déterminer à la naissance. Le genre est évidemment plus complexe, lié à la fois à la problématique personnelle de chacun et aux attentes sociales. Qu’est ce qui fait que, tout en ayant un sexe « biologique », je puisse me percevoir du côté du masculin ou du féminin ? Cela dépend du sexe de naissance, mais aussi de paramètres qui sont propres au cheminement de chaque enfant, ainsi que des attentes et des désirs de l’entourage proche. Il y a, de plus, ce que l’on appelle les stéréotypes de genre, c’est-à-dire ce que la société attend communément d’un garçon ou d’une fille. Aujourd’hui, dans le monde occidental, on lutte contre ces formes sociales du genre, qui seraient porteuses d’une discrimination et d’une sorte d’enfermement. Jouer à des « jeux de garçons » ou des « jeux de filles » fait partie de ces formes, et Yasahiro a tendance à aller du côté du groupe des filles, étant plus à l’aise avec elles, et adoptant par moments, non sans jubilation, les caractéristiques vestimentaires « mythiques » de ce groupe (le fameux costume de la « la Reine des Neiges »).


Ce « jeu » avec le genre fait partie de tout psychisme humain, même s’il est plus marqué chez Yasahiro. En son principe, le genre se joue d’abord singulièrement au cœur du psychisme des sujets, mais il est aussi tissé dans l’intersubjectivité, et en interaction avec la culture ambiante. D’autant que vous relatez comment le cheminement identitaire de cet enfant se nourrit de la rencontre, et d’une forme de tension, entre deux cultures et deux continents, jusque dans leurs types physiques et leur corporéité. Le genre, quant à lui, ne peut pas se penser de manière substantielle, mais comme un champ de forces complexe, se déployant dans et entre les personnes, tissé et tendu par de multiples liens et différences. On peut chercher à le comprendre de multiples manières, qui ont chacune leur part de vérité. Les théories physiques concernant la lumière permettent de la modéliser de deux façons différentes, aussi bien comme un faisceau de corpuscules, que comme une onde, plus fluide. Les physiciens n’ont pas choisi entre les deux modèles : ils sont utilisés selon les besoins. Il en est de même du genre : dans certaines manifestations psychiques ou relationnelles, il est perçu d’une manière binaire. Chacun de nous a des moments dichotomiques du rapport au masculin et au féminin, les cultures elles aussi. Les sociétés plus traditionnelles – dans lesquelles les catégories et hiérarchies familiales sont explicites et fortement imposées – ont souvent une vision clivée du genre1. Notre culture est plus fluide. D’où une liberté plus forte pour un enfant comme Yasahiro d’« adopter », d’une manière plus ou moins profonde et plus ou moins extérieure à lui-même, des attitudes et des comportements qu’il a pioché du côté des filles, en tous cas de ce que les sociétés attendaient traditionnellement d’elles.


Votre questionnement se situe aussi à un autre niveau. Faut-il prendre attention à ce que cherche à montrer ou à dire Yasahiro? Le filagramme de votre lettre comporte la question d’une différenciation souhaitée plus ou moins consciemment par cet enfant, qui cherche à exister d’une manière originale face à son ainé. Ces parents feraient comme si cela ne regardait que lui, alors que justement cela les « regarde » eux aussi, puisque cela leur est manifesté. D’autant qu’ils ont, quant à eux, des attentes et des désirs vis-à-vis de chacun de leurs enfants. Au cœur de la scène que vous brossez, le personnage central est pour vous votre belle fille et ses aspirations. Vous cherchez à l’approcher et à la comprendre, et à saisir en quoi cet enfant est objet d’attention, voire d’identification pour elle. Et là, c’est très piégé. Vous ne pouvez pas vous aventurer sur ce terrain sans la faire fuir, et vous le faites donc à pas très mesurés. Cet enfant fait partie, d’une certaine manière, de son cercle de nostalgie, elle-même étant séparée durablement de la terre maternelle.


Ne vous projetez pas trop dans les suppositions autour du devenir « genré » de Yasahiro (ainsi que sur sa future orientation sexuelle qui n’est pas nécessairement reliée à la question du genre) mais cherchez autant que possible à aider Natsumi à trouver en France des liens plus charnels, plus « maternels ». Vous pourrez, avec le temps et en gardant votre délicatesse, créer une trame de confiance avec elle, et ainsi l’accompagner dans une mise en « couleur » de sa vie qui ne dépende pas seulement de son fils. Sans rentrer précisément dans la considération de ce qu’il faudrait faire et de qui il faudrait consulter, votre position de grands-parents, et la relation que vous avez avec lui, peuvent donner à cet enfant des degrés de liberté, et l’aider peut-être à ne pas trop prendre sur lui la « colorisation » de la vie de sa mère. 

“J’ai 65 ans et je n’attends plus rien de la vie“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« J’ai 65 ans je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie.

Je n’ai goût à rien.

Je viens de rompre avec un compagnon que je connais depuis 3 ans. Trop possessif et cette relation était toxique pour moi.

Il est en déprime et je ne compte pas changer d’avis.

Je me sens minable et surtout un monstre.

Je viens de garder mes petits enfants pendant 10 jours et ne ressens rien.

J’ai l’impression de jouer un rôle.

Je n’attends plus rien de la vie.

Merci de m’avoir lue.

Cordialement »


> La réponse de Jacques Arènes :


Trop loin, trop près. Trop près de lui, celui qui partageait votre vie, au point qu’il était possessif et que c’était toxique. Trop loin de vos petits-enfants, et vous avez l’impression de ne rien sentir, d’être dans un rôle. Pas étonnant de demeurer dans cet étrange sentiment si vous n’attendez rien. Quoiqu’il y ait diverses manières de ne rien attendre. Dans votre absence d’attente, on entend : « rien ne peut plus advenir de bon, rien ne peut plus m’étonner ». Cette « non attente » ne sera jamais surprise, parce que le meilleur n’est jamais à venir. C’est assez compréhensible, puisque c’est un des symptômes de la dépression ce surplace de la temporalité. Comme aussi le sentiment de culpabilité, plus ou moins justifié. Ici, vous le justifiez, puisque vous êtes un « monstre » d’avoir abandonné votre conjoint.


Il y a une autre manière de ne pas attendre – elle n’est pas la vôtre – qui est plus difficile à mettre en œuvre. S’agit-il d’ailleurs de « mettre en œuvre » ? C’est plutôt « habiter » qu’il faudrait dire. Habiter ce second type de « non attente », ce serait ne pas présager d’aucune manière. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur non plus, certes, et vous n’avez pas à maîtriser ce qui peut arriver. En bien comme en mal. Etre ouverte donc, au pire peut-être, mais aussi au meilleur. Avec vos petits-enfants, comme avec d’autres, n’essayez donc pas de ressentir quelque chose, mais simplement de vivre, et d’être ouverte à ce qui se passe. Souvent c’est la même chose, les mêmes rituels, les mêmes sourires et les mêmes pleurs. Mais pas toujours. C’est dans le « pas toujours » que se joue notre liberté. Laissez alors vous faire par elle. Et surtout, ne vous faites pas avoir par les grandes idées de ce que serait une vie bonne – forcément celle des autres –, et vivez au jour le jour sans attendre.


J’ai bien entendu votre déprime. Elle est réelle. Prenez-là au sérieux et faites vous aider. Mais ça, vous le savez. Le vieillissement est une réelle épreuve, et il y a une prévalence plus forte de la dépression chez les plus âgés que chez les jeunes. Mais, personne ne le dit, et pourtant c’est la réalité. Prendre au sérieux cette épreuve, c’est nommer les dangers de votre époque de vie. Le psychanalyste américain Erik a fait la théorie des différentes crises à surmonter au cours des âges de la vie. On connaît surtout ses travaux sur l’adolescence, mais on méconnaît qu’il a aussi travaillé sur le reste du cycle d’existence. Le danger de votre période de vie est, selon Erikson, celui d’un bilan douloureux, et donc, au pire, du désespoir. A l’inverse, ce qui serait à construire serait pour vous une forme de « sagesse » et « d’intégrité », construction difficile tant les démons de l’auto-accusation sont présents. Vous n’avez pas à vous mettre la tête dans le sable, et à vous persuader que votre vie a été parfaite. Mais vous n’avez pas non plus à vous convaincre du contraire. Et à tenter simplement de continuer à avancer avec votre trajectoire telle qu’elle fut, avec ses ombres et ses lumières. Et, peut-être, ne plus attendre des événements idéaux. Etre simplement ouverte à ce qui arrive. Attentive à ce qui se passe dans la tête de vos petits-enfants. Et à tout le reste. Votre âge a quand même une « chance » : vous êtes moins obligée de prouver constamment que vous êtes quelqu’un de bien, et les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont moins intenses. Essayez donc d’être vous-même, sans attendre une quelconque réussite. Un projet de « sagesse »…


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

Retrouvez toutes ses réponses passées dans notre rubrique
Questions de vie

“J’ai 65 ans et je n’attends plus rien de la vie“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« J’ai 65 ans je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie.

Je n’ai goût à rien.

Je viens de rompre avec un compagnon que je connais depuis 3 ans. Trop possessif et cette relation était toxique pour moi.

Il est en déprime et je ne compte pas changer d’avis.

Je me sens minable et surtout un monstre.

Je viens de garder mes petits enfants pendant 10 jours et ne ressens rien.

J’ai l’impression de jouer un rôle.

Je n’attends plus rien de la vie.

Merci de m’avoir lue.

Cordialement »


> La réponse de Jacques Arènes :


Trop loin, trop près. Trop près de lui, celui qui partageait votre vie, au point qu’il était possessif et que c’était toxique. Trop loin de vos petits-enfants, et vous avez l’impression de ne rien sentir, d’être dans un rôle. Pas étonnant de demeurer dans cet étrange sentiment si vous n’attendez rien. Quoiqu’il y ait diverses manières de ne rien attendre. Dans votre absence d’attente, on entend : « rien ne peut plus advenir de bon, rien ne peut plus m’étonner ». Cette « non attente » ne sera jamais surprise, parce que le meilleur n’est jamais à venir. C’est assez compréhensible, puisque c’est un des symptômes de la dépression ce surplace de la temporalité. Comme aussi le sentiment de culpabilité, plus ou moins justifié. Ici, vous le justifiez, puisque vous êtes un « monstre » d’avoir abandonné votre conjoint.


Il y a une autre manière de ne pas attendre – elle n’est pas la vôtre – qui est plus difficile à mettre en œuvre. S’agit-il d’ailleurs de « mettre en œuvre » ? C’est plutôt « habiter » qu’il faudrait dire. Habiter ce second type de « non attente », ce serait ne pas présager d’aucune manière. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur non plus, certes, et vous n’avez pas à maîtriser ce qui peut arriver. En bien comme en mal. Etre ouverte donc, au pire peut-être, mais aussi au meilleur. Avec vos petits-enfants, comme avec d’autres, n’essayez donc pas de ressentir quelque chose, mais simplement de vivre, et d’être ouverte à ce qui se passe. Souvent c’est la même chose, les mêmes rituels, les mêmes sourires et les mêmes pleurs. Mais pas toujours. C’est dans le « pas toujours » que se joue notre liberté. Laissez alors vous faire par elle. Et surtout, ne vous faites pas avoir par les grandes idées de ce que serait une vie bonne – forcément celle des autres –, et vivez au jour le jour sans attendre.


J’ai bien entendu votre déprime. Elle est réelle. Prenez-là au sérieux et faites vous aider. Mais ça, vous le savez. Le vieillissement est une réelle épreuve, et il y a une prévalence plus forte de la dépression chez les plus âgés que chez les jeunes. Mais, personne ne le dit, et pourtant c’est la réalité. Prendre au sérieux cette épreuve, c’est nommer les dangers de votre époque de vie. Le psychanalyste américain Erik a fait la théorie des différentes crises à surmonter au cours des âges de la vie. On connaît surtout ses travaux sur l’adolescence, mais on méconnaît qu’il a aussi travaillé sur le reste du cycle d’existence. Le danger de votre période de vie est, selon Erikson, celui d’un bilan douloureux, et donc, au pire, du désespoir. A l’inverse, ce qui serait à construire serait pour vous une forme de « sagesse » et « d’intégrité », construction difficile tant les démons de l’auto-accusation sont présents. Vous n’avez pas à vous mettre la tête dans le sable, et à vous persuader que votre vie a été parfaite. Mais vous n’avez pas non plus à vous convaincre du contraire. Et à tenter simplement de continuer à avancer avec votre trajectoire telle qu’elle fut, avec ses ombres et ses lumières. Et, peut-être, ne plus attendre des événements idéaux. Etre simplement ouverte à ce qui arrive. Attentive à ce qui se passe dans la tête de vos petits-enfants. Et à tout le reste. Votre âge a quand même une « chance » : vous êtes moins obligée de prouver constamment que vous êtes quelqu’un de bien, et les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont moins intenses. Essayez donc d’être vous-même, sans attendre une quelconque réussite. Un projet de « sagesse »…


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

Retrouvez toutes ses réponses passées dans notre rubrique
Questions de vie

“J’ai 65 ans et je n’attends plus rien de la vie“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« J’ai 65 ans je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie.

Je n’ai goût à rien.

Je viens de rompre avec un compagnon que je connais depuis 3 ans. Trop possessif et cette relation était toxique pour moi.

Il est en déprime et je ne compte pas changer d’avis.

Je me sens minable et surtout un monstre.

Je viens de garder mes petits enfants pendant 10 jours et ne ressens rien.

J’ai l’impression de jouer un rôle.

Je n’attends plus rien de la vie.

Merci de m’avoir lue.

Cordialement »


> La réponse de Jacques Arènes :


Trop loin, trop près. Trop près de lui, celui qui partageait votre vie, au point qu’il était possessif et que c’était toxique. Trop loin de vos petits-enfants, et vous avez l’impression de ne rien sentir, d’être dans un rôle. Pas étonnant de demeurer dans cet étrange sentiment si vous n’attendez rien. Quoiqu’il y ait diverses manières de ne rien attendre. Dans votre absence d’attente, on entend : « rien ne peut plus advenir de bon, rien ne peut plus m’étonner ». Cette « non attente » ne sera jamais surprise, parce que le meilleur n’est jamais à venir. C’est assez compréhensible, puisque c’est un des symptômes de la dépression ce surplace de la temporalité. Comme aussi le sentiment de culpabilité, plus ou moins justifié. Ici, vous le justifiez, puisque vous êtes un « monstre » d’avoir abandonné votre conjoint.


Il y a une autre manière de ne pas attendre – elle n’est pas la vôtre – qui est plus difficile à mettre en œuvre. S’agit-il d’ailleurs de « mettre en œuvre » ? C’est plutôt « habiter » qu’il faudrait dire. Habiter ce second type de « non attente », ce serait ne pas présager d’aucune manière. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur non plus, certes, et vous n’avez pas à maîtriser ce qui peut arriver. En bien comme en mal. Etre ouverte donc, au pire peut-être, mais aussi au meilleur. Avec vos petits-enfants, comme avec d’autres, n’essayez donc pas de ressentir quelque chose, mais simplement de vivre, et d’être ouverte à ce qui se passe. Souvent c’est la même chose, les mêmes rituels, les mêmes sourires et les mêmes pleurs. Mais pas toujours. C’est dans le « pas toujours » que se joue notre liberté. Laissez alors vous faire par elle. Et surtout, ne vous faites pas avoir par les grandes idées de ce que serait une vie bonne – forcément celle des autres –, et vivez au jour le jour sans attendre.


J’ai bien entendu votre déprime. Elle est réelle. Prenez-là au sérieux et faites vous aider. Mais ça, vous le savez. Le vieillissement est une réelle épreuve, et il y a une prévalence plus forte de la dépression chez les plus âgés que chez les jeunes. Mais, personne ne le dit, et pourtant c’est la réalité. Prendre au sérieux cette épreuve, c’est nommer les dangers de votre époque de vie. Le psychanalyste américain Erik a fait la théorie des différentes crises à surmonter au cours des âges de la vie. On connaît surtout ses travaux sur l’adolescence, mais on méconnaît qu’il a aussi travaillé sur le reste du cycle d’existence. Le danger de votre période de vie est, selon Erikson, celui d’un bilan douloureux, et donc, au pire, du désespoir. A l’inverse, ce qui serait à construire serait pour vous une forme de « sagesse » et « d’intégrité », construction difficile tant les démons de l’auto-accusation sont présents. Vous n’avez pas à vous mettre la tête dans le sable, et à vous persuader que votre vie a été parfaite. Mais vous n’avez pas non plus à vous convaincre du contraire. Et à tenter simplement de continuer à avancer avec votre trajectoire telle qu’elle fut, avec ses ombres et ses lumières. Et, peut-être, ne plus attendre des événements idéaux. Etre simplement ouverte à ce qui arrive. Attentive à ce qui se passe dans la tête de vos petits-enfants. Et à tout le reste. Votre âge a quand même une « chance » : vous êtes moins obligée de prouver constamment que vous êtes quelqu’un de bien, et les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont moins intenses. Essayez donc d’être vous-même, sans attendre une quelconque réussite. Un projet de « sagesse »…


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

Retrouvez toutes ses réponses passées dans notre rubrique
Questions de vie

“J’ai 65 ans et je n’attends plus rien de la vie“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« J’ai 65 ans je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie.

Je n’ai goût à rien.

Je viens de rompre avec un compagnon que je connais depuis 3 ans. Trop possessif et cette relation était toxique pour moi.

Il est en déprime et je ne compte pas changer d’avis.

Je me sens minable et surtout un monstre.

Je viens de garder mes petits enfants pendant 10 jours et ne ressens rien.

J’ai l’impression de jouer un rôle.

Je n’attends plus rien de la vie.

Merci de m’avoir lue.

Cordialement »


> La réponse de Jacques Arènes :


Trop loin, trop près. Trop près de lui, celui qui partageait votre vie, au point qu’il était possessif et que c’était toxique. Trop loin de vos petits-enfants, et vous avez l’impression de ne rien sentir, d’être dans un rôle. Pas étonnant de demeurer dans cet étrange sentiment si vous n’attendez rien. Quoiqu’il y ait diverses manières de ne rien attendre. Dans votre absence d’attente, on entend : « rien ne peut plus advenir de bon, rien ne peut plus m’étonner ». Cette « non attente » ne sera jamais surprise, parce que le meilleur n’est jamais à venir. C’est assez compréhensible, puisque c’est un des symptômes de la dépression ce surplace de la temporalité. Comme aussi le sentiment de culpabilité, plus ou moins justifié. Ici, vous le justifiez, puisque vous êtes un « monstre » d’avoir abandonné votre conjoint.


Il y a une autre manière de ne pas attendre – elle n’est pas la vôtre – qui est plus difficile à mettre en œuvre. S’agit-il d’ailleurs de « mettre en œuvre » ? C’est plutôt « habiter » qu’il faudrait dire. Habiter ce second type de « non attente », ce serait ne pas présager d’aucune manière. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur non plus, certes, et vous n’avez pas à maîtriser ce qui peut arriver. En bien comme en mal. Etre ouverte donc, au pire peut-être, mais aussi au meilleur. Avec vos petits-enfants, comme avec d’autres, n’essayez donc pas de ressentir quelque chose, mais simplement de vivre, et d’être ouverte à ce qui se passe. Souvent c’est la même chose, les mêmes rituels, les mêmes sourires et les mêmes pleurs. Mais pas toujours. C’est dans le « pas toujours » que se joue notre liberté. Laissez alors vous faire par elle. Et surtout, ne vous faites pas avoir par les grandes idées de ce que serait une vie bonne – forcément celle des autres –, et vivez au jour le jour sans attendre.


J’ai bien entendu votre déprime. Elle est réelle. Prenez-là au sérieux et faites vous aider. Mais ça, vous le savez. Le vieillissement est une réelle épreuve, et il y a une prévalence plus forte de la dépression chez les plus âgés que chez les jeunes. Mais, personne ne le dit, et pourtant c’est la réalité. Prendre au sérieux cette épreuve, c’est nommer les dangers de votre époque de vie. Le psychanalyste américain Erik a fait la théorie des différentes crises à surmonter au cours des âges de la vie. On connaît surtout ses travaux sur l’adolescence, mais on méconnaît qu’il a aussi travaillé sur le reste du cycle d’existence. Le danger de votre période de vie est, selon Erikson, celui d’un bilan douloureux, et donc, au pire, du désespoir. A l’inverse, ce qui serait à construire serait pour vous une forme de « sagesse » et « d’intégrité », construction difficile tant les démons de l’auto-accusation sont présents. Vous n’avez pas à vous mettre la tête dans le sable, et à vous persuader que votre vie a été parfaite. Mais vous n’avez pas non plus à vous convaincre du contraire. Et à tenter simplement de continuer à avancer avec votre trajectoire telle qu’elle fut, avec ses ombres et ses lumières. Et, peut-être, ne plus attendre des événements idéaux. Etre simplement ouverte à ce qui arrive. Attentive à ce qui se passe dans la tête de vos petits-enfants. Et à tout le reste. Votre âge a quand même une « chance » : vous êtes moins obligée de prouver constamment que vous êtes quelqu’un de bien, et les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont moins intenses. Essayez donc d’être vous-même, sans attendre une quelconque réussite. Un projet de « sagesse »…


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

Retrouvez toutes ses réponses passées dans notre rubrique
Questions de vie

“J’ai 65 ans et je n’attends plus rien de la vie“

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable


« J’ai 65 ans je me demande ce que je vais faire du reste de ma vie.

Je n’ai goût à rien.

Je viens de rompre avec un compagnon que je connais depuis 3 ans. Trop possessif et cette relation était toxique pour moi.

Il est en déprime et je ne compte pas changer d’avis.

Je me sens minable et surtout un monstre.

Je viens de garder mes petits enfants pendant 10 jours et ne ressens rien.

J’ai l’impression de jouer un rôle.

Je n’attends plus rien de la vie.

Merci de m’avoir lue.

Cordialement »


> La réponse de Jacques Arènes :


Trop loin, trop près. Trop près de lui, celui qui partageait votre vie, au point qu’il était possessif et que c’était toxique. Trop loin de vos petits-enfants, et vous avez l’impression de ne rien sentir, d’être dans un rôle. Pas étonnant de demeurer dans cet étrange sentiment si vous n’attendez rien. Quoiqu’il y ait diverses manières de ne rien attendre. Dans votre absence d’attente, on entend : « rien ne peut plus advenir de bon, rien ne peut plus m’étonner ». Cette « non attente » ne sera jamais surprise, parce que le meilleur n’est jamais à venir. C’est assez compréhensible, puisque c’est un des symptômes de la dépression ce surplace de la temporalité. Comme aussi le sentiment de culpabilité, plus ou moins justifié. Ici, vous le justifiez, puisque vous êtes un « monstre » d’avoir abandonné votre conjoint.


Il y a une autre manière de ne pas attendre – elle n’est pas la vôtre – qui est plus difficile à mettre en œuvre. S’agit-il d’ailleurs de « mettre en œuvre » ? C’est plutôt « habiter » qu’il faudrait dire. Habiter ce second type de « non attente », ce serait ne pas présager d’aucune manière. Le pire n’est jamais sûr. Le meilleur non plus, certes, et vous n’avez pas à maîtriser ce qui peut arriver. En bien comme en mal. Etre ouverte donc, au pire peut-être, mais aussi au meilleur. Avec vos petits-enfants, comme avec d’autres, n’essayez donc pas de ressentir quelque chose, mais simplement de vivre, et d’être ouverte à ce qui se passe. Souvent c’est la même chose, les mêmes rituels, les mêmes sourires et les mêmes pleurs. Mais pas toujours. C’est dans le « pas toujours » que se joue notre liberté. Laissez alors vous faire par elle. Et surtout, ne vous faites pas avoir par les grandes idées de ce que serait une vie bonne – forcément celle des autres –, et vivez au jour le jour sans attendre.


J’ai bien entendu votre déprime. Elle est réelle. Prenez-là au sérieux et faites vous aider. Mais ça, vous le savez. Le vieillissement est une réelle épreuve, et il y a une prévalence plus forte de la dépression chez les plus âgés que chez les jeunes. Mais, personne ne le dit, et pourtant c’est la réalité. Prendre au sérieux cette épreuve, c’est nommer les dangers de votre époque de vie. Le psychanalyste américain Erik a fait la théorie des différentes crises à surmonter au cours des âges de la vie. On connaît surtout ses travaux sur l’adolescence, mais on méconnaît qu’il a aussi travaillé sur le reste du cycle d’existence. Le danger de votre période de vie est, selon Erikson, celui d’un bilan douloureux, et donc, au pire, du désespoir. A l’inverse, ce qui serait à construire serait pour vous une forme de « sagesse » et « d’intégrité », construction difficile tant les démons de l’auto-accusation sont présents. Vous n’avez pas à vous mettre la tête dans le sable, et à vous persuader que votre vie a été parfaite. Mais vous n’avez pas non plus à vous convaincre du contraire. Et à tenter simplement de continuer à avancer avec votre trajectoire telle qu’elle fut, avec ses ombres et ses lumières. Et, peut-être, ne plus attendre des événements idéaux. Etre simplement ouverte à ce qui arrive. Attentive à ce qui se passe dans la tête de vos petits-enfants. Et à tout le reste. Votre âge a quand même une « chance » : vous êtes moins obligée de prouver constamment que vous êtes quelqu’un de bien, et les enjeux de pouvoir et de reconnaissance sont moins intenses. Essayez donc d’être vous-même, sans attendre une quelconque réussite. Un projet de « sagesse »…


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

Retrouvez toutes ses réponses passées dans notre rubrique
Questions de vie