“Mon compagnon de 72 ans va régulièrement voir des vidéos pornos“

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« Mon compagnon de 72 ans va régulièrement voir des vidéos pornos…Nous avons déjà eu une discussion en début d’année, je ne lui avais pas dit franchement que j’avais vu sur sa tablette dans l’historique des vidéos pornos, je ne voulais qu’il sache que je “fouillais”. Mais j’avais dit mon point de vue là-dessus. Il m’avait répondu, je suis un homme ! mais des femmes regardent aussi …Quand parfois le sujet vient là-dessus, il me dit ne plus y aller… mensonge ! J’ai laissé et je n’ai plus “espionné” sa tablette, voulant croire ce qu’il avait dit. Une fois ou deux j’ai regardé malgré tout mais plus de trace. Donc j’ai pensé qu’il n’y allait plus. Erreur ….Il est absent pour le boulot, et ce matin j’ai regardé sa tablette, pas pour espionner, mais juste pour aller voir les photos et vidéos que nous avions pris récemment au cours de nos balades. Ce qui me fait le plus mal c’est qu’il choisit bien évidemment des jours ou moments où je suis absente de la maison. La première j’étais à la maison mais couchée tôt le soir car malade ! L’autre je m’étais absentée pour une cérémonie du souvenir pour ma mère décédée. Pendant que moi je suis en train de “pleurer” pour ma mère, lui… !!!! ça ne passe pas ….Je veux bien que ces messieurs aient certains besoins… Alors le fait-il juste pour regarder et s’inspirer ? ou va t’il jusqu’au bout ? Pourtant nous avons à nos âges une relation plus que satisfaisante inventive et assez diverse. Je pense lui donner ce qu’il aime. Mais du coup je me pose des questions…Donc étant tombée par hasard sur ces vidéos je suis allée voir un peu plus dans ses fichiers… et me suis aperçu que c’est souvent qu’il va voir. Je ne sais comment réagir … ne rien dire et laisser, penser que c’est son jardin secret …Lui dire que je sais, et ce que j’éprouve à ce sujet, pourtant il le sait. Chaque fois que je vais m’absenter, je vais avoir le doute sur ce qu’il fait. Voilà … si vous pouviez me dire ce que vous pensez et comment réagir. Ou alors je vais lui montrer que moi aussi je vais voir et voir sa réaction ! Je sais qu’il m’aime il me le dit souvent, il est très affectueux et attentionné. Mais moi ça me perturbe.»


> La réponse de Jacques Arènes


C’est le « danger » d’internet. Tomber par mégarde, ou pas complètement par mégarde, sur les traces laissées par le conjoint. Et vous entrez dans un jardin secret qui ne l’est plus tellement. Un jardin qui est aussi vénéneux, puisqu’il est rempli des fantasmes de votre ami. Avec le doute lancinant sur vos capacités à le « satisfaire ». S’agit-il en effet seulement de « besoins » ou d’une « satisfaction » impossible avec vous. Le plaisir solitaire, si c’est le cas, puisque vous ne savez pas s’il va justement « au bout », est caractérisé évidemment par la solitude. Ne pensez pas qu’il profite seulement de votre absence pour se donner du plaisir. 


Peut-être qu’aussi l’absence, la solitude envahissent ces moments dans lesquels votre compagnon s’y confronte comme il peut. La masturbation de l’adolescent – autant employer le mot – est ainsi marquée par cette dimension de solitude, et de difficultés de sortir de soi. C’est parfois aussi vrai de l’homme marié, même plutôt âgé, que d’avoir du mal à gérer les temps où il est seul. Confronté à la tension, parfois à l’angoisse, et même dans ces moments de tristesse qui sont les vôtres mais peut-être les siens.


 Faire l’amour avec une compagne, c’est certes prendre du plaisir, mais c’est aussi partager cette jouissance, se donner l’un à l’autre etc. d’où votre sentiment heureux d’une relation avec un homme attentionné et affectueux, qui vous donne du plaisir autant que de la tendresse. Faire l’amour « avec soi » n’est évidemment pas faire l’amour. C’est se donner un plaisir, mais c’est aussi décharger une tension par les voies du plaisir. Tension d’angoisse, tension d’images de désir qui occupent l’esprit, angoisse d’abandon que l’on cherche à remplir : je n’affirme pas que tout cela existe dans ces moments pour lui, mais c’est possible.


Aller le coincer en lui assénant une « vérité », ou ce que vous pouvez en interpréter, c’est ouvrir une porte qui ne mérite sans doute pas de l’être. Vous pouvez délicatement aborder la question en général, et souligner que vous imaginez que, si cette compulsion existe pour lui, elle est probablement difficile à gérer. Vous pouvez aussi dire combien ce que vous avez découvert par hasard, ou presque, vous a troublée, à propos d’aspects de lui que vous ne deviniez pas. La question qui vous est posée est celle de continuer ou non d’aller sur l’historique de sa tablette.


 Cela n’est pas comme s’il avait une maîtresse, mais simplement un « truc » avec lui-même dont il ne sait probablement que faire. N’entrez plus par effraction dans ce jardin-là. D’autant que vous risquez d’être vous aussi fascinée par ce qui s’y passe. Et c’est alors vous qui ne savez qu’en faire. Laissez-lui en revanche la porte ouverte pour qu’il l’évoque la question s’il le souhaite. N’oubliez pas que ce qu’il vous montre d’attention et de tendresse n’est pas faux. Le reste est entre lui et lui, même si vous lui faites comprendre qu’il peut s’appuyer sur la qualité de votre lien pour se libérer – si c’est le cas – d’une habitude qui serait devenu une dépendance.  


 


Posez vos questions à Jacques Arènes


Donner du sens à une épreuve, poser des choix délicats, comprendre une période de la vie… Vous avez des questions existentielles ou spirituelles ?
Adressez-les à Jacques Arènes, psychologue et psychanalyste :


> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr

> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.

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Questions de vie