Qu’appelle-t-on une température ressentie ?

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En hiver, avec du vent, la température ressentie est souvent inférieure à ce qu'affiche le thermomètre ( Ph. Anthony Quintano via Flickr CC BY 2.0)

En hiver, avec du vent, la température ressentie est souvent inférieure à ce qu’affiche le thermomètre ( Ph. Anthony Quintano via Flickr CC BY 2.0)

Lors d’une vague de froid, l’expression “température ressentie” est souvent entendue. Mais ce n’est pas à proprement parler une tempéra­ture. “Il vaudrait mieux parler d’indice”, selon Etienne Kapikian, ingénieur à Météo-­France. Sous ce terme se cache en effet une équation ­complexe obtenue en calibrant des modèles d’échanges thermiques avec des données expérimentales acquises auprès de volontaires. Elle modélise ce que ressentirait un individu moyen exposé à la température mesurée en tenant compte de la vitesse du vent et de l’humidité.

Car nous l’avons tous éprouvé, un vent fort accentue la sensation de froid. En cause : les échanges de chaleur entre notre corps et l’air. Quand la température extérieure est inférieure à la nôtre, la chaleur s’échappe de notre corps ; la couche d’air située à la surface de la peau est donc plus chaude que l’air ambiant. Et le vent, en balayant cette couche d’air, ­accélère les déperditions d’énergie. La température ressentie, appelée aussi “indice de refroidissement éolien”, rend compte de cette perception.

L’été aussi il y a des températures ressenties

Ainsi, une température de –10 °C avec un vent de 30 km/h donne un indice de –20 : l’impression de froid en plein vent étant la même que celle ressentie à l’abri par –20 °C. L’été, la température ressentie est donnée par l’indice humidex. Un air très ­humide renforce la sensation de chaleur en rendant moins efficace l’évaporation de la sueur, et donc la régulation de la température corporelle.

Si le ressenti varie selon les individus, il reste un outil pédagogique et un indicateur utile pour activer la ­vigilance “grand froid”. Mais attention : de cet hiver, on retiendra peut-être que le mercure est descendu sous les –20 °C en France, en oubliant que c’était une “température ressentie”.

V.E.

 

> Voir également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • L’homme peut-il faire la pluie et beau temps ? – S&V n°1109 – 2010 – Depuis les années 1950, la science explore la possibilité de contrôler la météo en provoquant la formation de nuages et de pluie ou, au contraire, en l’évitant. Si quelques techniques existent déjà, elles restent très aléatoires.
  • 1109

S&V 1139 défenses immunitaires

  • Et voici le froid qui vient du son – S&V n°1072 – 2007. Une lacune existe : nous ne disposons pas d’un équivalent des fours à micro-ondes pour le froid : un appareil capable de refroidir à grande vitesse des objets autrement que par échanges thermiques. Cela pourrait peut-être changer grâce à la découverte d’un phénomène lié aux ondes sonores.

1072

 

 

 

Le satellite Planck livre enfin sa plus belle vision de l’après Big bang

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Zoom sur une région de l'espace montrant la polarisation des la lumière du Big bang (Credits: ESA and the Planck Collaboration)

Zoom sur une région de l’espace montrant la polarisation de la lumière à peine 380 000 ans après le Big bang (Credits: ESA and the Planck Collaboration)

 

De nouvelles images des observations du satellite européen Planck commencent à tomber comme une pluie de météorites ! Depuis hier en effet, plusieurs articles publiés par la revue Astronomy & Astrophysics (ou en préparation) dévoilent sous un jour nouveau l’Univers primordial mais aussi notre galaxie, la Voie Lactée, comme nous vous l’avions annoncé il y a deux mois. Parmi les nouveautés théoriques, la principale – pour l’instant – est un changement substantiel de la chronologie des évènements cosmiques qui ont suivi le Big bang.

Pour ressentir l’enchantement, il faut regarder les détails des images livrées par Planck : c’est là que se niche la beauté endiablée du Cosmos et de la cosmologie. En particulier dans la carte de l’Univers tout entier. Vue de loin, elle ressemble à ce que l’on connaissant déjà : un œuf couché dont la coquille est bariolé des couleurs bleu, jaune, turquoise, orange et rouge qui représentent des différences de températures des rayonnements émanant de l’époque du Big bang voici quelque 13,77 milliards d’années (Rayonnement cosmologique diffus ou Rayonnement fossile ou encore CMB).

Planck dévoile la chevelure du Big bang

Mais Planck s’en est « approché » comme jamais aucun autre télescope ! Un zoom sur une région quelconque de cette peinture abstraite révèle pour la première fois la très fine chevelure de ce rayonnement. Ces vagues représentent non pas les différences de température de la lumière (les fréquences de ses photons) que l’Univers a libérée à peine 380 000 ans après sa naissance, et qui sont, elles, matérialisées par les couleurs. Elles représentent l’orientation de cette lumière, ou « polarisation » et renseignent sur les évènements ayant suivi cette libération.

Polarisation du rayonnement cosmologique fossile (crédit : ESA and the Planck Collaboration )

Image de la polarisation du rayonnement cosmologique fossile sur la totalité du ciel (crédit : ESA and the Planck Collaboration )

Concrètement, les photons, au cours de leur course dans un Univers en expansion, ont commencé à rencontrer des atomes de matière qui ont agi comme des filtres polarisateurs : ces derniers ont orienté les plans de vibration des photons – telle une corde à sauter dont on orienterait le plan de vibration en l’agitant tantôt de haut en bas, tantôt de droite à gauche. Résultat : les « mouvements » de cette chevelure disent comment la matière s’est organisée dans les premières centaines de millions d’années après le Big bang. Et là, surprise !

Les premières étoiles et galaxies formées bien plus tardivement que prévu

Interprétée à l’aune de modèles théoriques transformés en algorithmes de calcul, cette chevelure murmure aux astronomes le secret suivant (via un calcul de densité de la matière présente) : les premières étoiles sont apparues quelque 550 millions d’années après le Big bang, soit 100 millions d’années après ce qu’on estimait jusqu’ici (450 millions d’années). Et ce seul résultat résout une énigme qui hantait les spécialistes.

En effet, la polarisation des photons est liée à un phénomène nommé « réionisation » : alors que l’Univers était encore tout jeune, et les premières étoiles et galaxies encore en formation, des atomes déjà constitués et formant une sorte de brouillard cosmique (période dite d’Age sombre) ont à nouveau été divisés en leurs constituants élémentaires (électrons, protons, neutrons). Et ce, grâce aux rayonnement très forts émis par les premières étoiles et galaxies alors en formation. Le problème était que la réionisation, si elle avait démarré seulement 450 millions d’années après le Big bang, n’aurait pas pu être expliquée par le seul rayonnement des étoiles et galaxies.

La résolution d’une énigme

Car ces jeunes étoiles et galaxies n’étaient alors pas assez nombreuses, au regard de la forte densité d’atomes libres dans l’Univers, bloquant la diffusion de la lumière ionisante (Age sombre). C’est du moins ce qu’affirmaient les observations des galaxies les plus anciennes effectuées par le télescope Hubble. En déplaçant de 100 millions d’années ce phénomène, la densité de matière diffuse étant plus basse (à cause notamment de l’expansion et de l’agglomération de matière en îlots), la lumière émise par les étoiles et galaxies en formation suffit à expliquer en grande partie le processus de réionisation. Exit, donc, la question d’une autre source d’énergie – exotique – qui aurait contribué majoritairement à la réionisation.

Zoom sur la Voie Lactée et son champs magnétique (ESA

Zoom sur la Voie Lactée et son champ magnétique (ESA/collaboration Planck)

Mais Planck a fourni d’autres images fortes (image 1 et image 2), cette fois de la Voie lactée, notre galaxie, qui permettent de connaitre en détail son environnement magnétique, plus précisément la structure même de son champ magnétique (ainsi que le montrent les images suivantes) :

allsky_30ghz_bpcorrected_combined_with_commander_noptsrc_nside512_fwhm60_len100_nit5esa_planck_galacticdust_polarisationImages de la polarisation de la poussière interstellaire de notre Galaxie. Les couleurs indiquent l’intensité de l’émission (Crédits : ESA/collaboration Planck/M.-A. Miville-Deschênes/CNRS)

Si, pour connaître tous les premiers apports de la mission de Planck, il faut s’armer de patience en consultant les dizaines d’articles déjà en libre accès sur le site de l’ESA, la moisson va certainement se poursuivre longtemps. Déjà, on sait que l’annonce, faite en mars 2014 par la collaboration BICEP 2, de l’observation d’ondes gravitationnelles provenant du big bang – autrement dit de la trace laissée sur le ciel par l’Univers au moment de sa naissance – n’est pas confirmée par Planck. Et d’autres annonces suivront avec, à n’en pas douter, de nombreuses nouveautés percutantes – et d’autres plus silencieuses mais qui, par accumulation, sont en passe de changer les modèles du Cosmos… et notre façon de le voir.

Román Ikonicoff

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1134 Les premiers signes de l'au-delà

  • Qu’y avait-il avant le Big Bang ? – S&V n°1054. Remonter le temps avant le big bang : ce rêve d’astrophysicien n’est plus impossible grâce aux fabuleux télescopes spatiaux tels WMAP.

S&V 1054 Avant le Big Bang

  • Où sont les limites de l’Univers ? – S&V n°1009. Le tout dernier outil d’observation spatiale, Archeops, est français. Les astronomes repoussent de plus en plus le limites des connaissances sur l’Univers, une quête datant de l’origine de l’Homme lui-même.

S&V 1009 limites de l'univers

  • La carte des origines – S&V n°993. Une carte partielle des origines de l’Univers a été livrée par le ballon-sonde Boomerang en 2000.

S&V 993 La carte des origines