À la rencontre des baleines…
Les baleines, cela se mérite… Cela faisait plus de 2 165 miles nautiques (soit environ 4000 kilomètres) que nous étions partis de Reykjavik, la capitale islandaise, à bord du M/S Astoria, un bateau de 500 places, un peu « vintage » car construit en 1948, bâtant pavillon portugais et affrété par Rivages du Monde, le voyagiste choisi par le groupe La Vie/le Monde pour emmener plus de 170 lecteurs dans ce grand Nord affecté par le changement climatique. A son bord, en effet, non seulement le commandant Filipe Sousa, un officier portugais, mais surtout le climatalogue Jean Jouzel, ancien vice-président du comité scientifique du Giec. Depuis le début de la croisière, je n’avais pourtant fait que des « mauvais choix ».
Ainsi, trois jours après notre départ, faisant escale à Akureyi, une petite ville portuaire du Nord de l’Islande, blottie au fond du fjord Eyjajörour, j’avais opté pour une excursion « Les visages du volcanisme » à la place d’ «Observation des baleines ». Mauvaise pioche. Certes j’ai pu observer des paysages et des ambiances inoubliables – lacs de cratère, sources de lave bouillonnante, fumerolles de souffre, ombres des nuages sur des volcans éteints, moutons éparpillés dans des prairies escarpées – mais les nombreuses vidéos de baleines ramenées le soir par mes autres compagnons de croisière, me donneront un goût de regret. D’autant plus que quelques jours plus tard, arrivé à Nuuk, la capitale du Groenland, ayant choisi cette fois une sortie appelée « Observation des baleines », je n’en verrais … aucune ! Re-mauvaise pioche. Car je devrais me « contenter » de l’observation d’une cascade de plus de quatre vingt mètres de hauteur et de tourner autour d’icebergs d’un bleu translucide. On devient vite difficile dans une croisière au bout du monde…
pénétrant dans l’unique boutique d’artisanat tenue par une jeune islandaise. On peut y regarder, assis sur un canapé et buvant un café offert, un documentaire de 5 minutes intitulé « Waiting for the storm » (en attendant la tempête). Impressionnant. Tout n’est qu’intempéries, froid, glace, maisons isolées, routes coupées, mer démontée, hurlement du vent… Sans solidarité villageoise, il y a probablement longtemps qu’ Isafjordur, soumis comme tous les Westfjords à des hivers souvent terribles, aurait disparue de la carte.
Cela commence à tanguer. Entre l’Islande et le Groenland, il y a, en effet, 622 miles nautiques (soit 1I52 kilomètres) à parcourir. Un officier de navigation islandais, spécialiste des icebergs est, comme l’exige le règlement maritime, monté à bord. pour assister le commandant portugais de l’Astoria dans ses manœuvres. Depuis le Titanic, on n’est jamais trop prudent… Mais, en fait, c’est plutôt la houle (la météo annonce des vagues de 3,50 mètres) que l’Astoria doit affronter.
Mais déjà d’autres tentations apparaissent. Sur la façade d’une maison rouge et neuve, à proximité de l’hôtel de ville de Narsaq, une enseigne intrigue « Greenland: minerals and energy », le nom d’une compagnie australienne … La fonte de la banquise attire, en effet, de nombreuses convoitises. Les prospections vont désormais bon train dans cette région du monde qui abriteraient 13 % des réserves de pétrole au niveau mondial et 30 % du gaz. Sans parler des terres rares et aussi de l’uranium, double objet des recherches de Greenland. Un enjeu qui divise profondément la société groenlandaise. Ainsi, dans le cadre de son statut d’autonomie renforcée vis à vis du Danemark, l’ancienne puissance coloniale, le Groenland a obtenu en 2010 le droit de gérer ses propres ressources et a abrogé en 2013 l’interdiction d’extraction des matières radioactives, à l’issue d’un vote au parlement local, avec une seule voix d’écart … L’indépendance du Groenland passe-t-elle par la manne de l’uranium – le pays posséderait le tiers des réserves dans le monde – mais au prix de risques considérables pour son environnement ?