Des écrans et des enfants, le hic du numérique

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Apéros Zoom, réunions professionnelles en visioconférence, cours en live, jeux, films, séries… Le temps passé sur écran pendant le confinement s’est accru. D’après « Covid-Écrans en famille », étude menée par Catherine Dessinges et Orélie Desfriches Doria, enseignantes des universités Lyon-III et Paris-VIII, les enfants âgés de 6 à 12 ans y ont passé 7 heures par jour, contre trois heures en temps normal !


Rentrée scolaire : l’école au-delà de l’écran


La crise sanitaire a fait basculer l’économie et l’activité humaine dans la transformation numérique. D’ordinaire à l’école, quelque 8% des élèves utilisent les technologies de l’information et de la communication à des fins d’apprentissage – ce chiffre varie de 4% en Allemagne à 81% au Danemark. Par ailleurs, environ 25% y ont recours en dehors du cadre scolaire, pour différents usages, selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Éducation nationale : recherches (73%), travail collectif en ligne (21%), exercices (32%). L’école est donc entrée de plain-pied dans l’ère Internet : espace de travail, classe virtuelle, vidéos, QCM en ligne, cahier de liaison, etc. Souvent, l’immersion enfantine fut progressive : connexion à la tablette familiale pour regarder les devoirs, clics sur les liens des vidéos recommandées par l’Éducation nationale, détour par YouTube pour écouter de la musique, inscription sur Instagram, Snapchat et Tiktok (réseaux sociaux officiellement interdits aux moins de 13 ans), connexion à des jeux en ligne gratuits, et voilà l’enfant dans le grand bain où il n’a plus pied…


Des parents qui s’adaptent


« Moi-même, j’ai lâché prise, reconnaît Marie-Alix Le Roy, qui travaille dans une agence de publicité. L’urgence était le télétravail. » Cette mère de deux enfants a créé le collectif Parents unis contre les Smartphones avant 15 ans, qui fédère 9700 membres sur Facebook, pour alerter parents et pouvoirs publics sur ses dangers : exposition aux ondes et à du contenu inapproprié, problèmes oculaires, risque d’addictions, etc.


« Nous vivons dans un monde numérique. Plutôt que d’interdire, mieux vaut accompagner, définir une règle et s’y tenir », souligne Natacha Didier, mère de trois enfants, qui vient de publier le jeu éducatif la Boîte à limites, à l’intention des 3-11 ans. Sous son toit, comme pour beaucoup, la gestion des écrans cristallisait bien des conflits. Le système de minuteur qu’elle a imaginé donne un cadre, responsabilise l’enfant et lui permet de prendre conscience du temps passé. L’Union nationale des associations familiales (Unaf) a dénoncé quant à elle, le 10 juillet, le fait qu’« un recours excessif aux écrans soulève des risques en matière de protection des données personnelles des familles, de gestion des cookies dont la problématique est encore trop méconnue du grand public, mais aussi de protection des mineurs à l’accès à des contenus inadaptés ». Elle recommande une campagne de sensibilisation grand public aux usages des écrans des enfants et adolescents, dans la lignée de la campagne annuelle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Elle portera aussi auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et des pouvoirs publics des principes de gestion des cookies, ces traceurs qui collectent et exploitent les données de navigation de l’utilisateur à des fins publicitaires.


Rentrée scolaire et numérique : paroles de profs


Une école sans écrans


Les professeurs, quant à eux, sont plutôt réservés à l’égard de la pression numérique à l’école. Beaucoup pointent leur manque de formation sur les outils et sur leur utilité pédagogique. D’après Synlab, association qui accompagne les enseignants dans la transition éducative, seuls 12 % d’entre eux ont instauré une classe virtuelle lors du confinement. Marie-Alix Le Roy prône une école sans écrans, « contrairement aux lobbys qui financent généreusement son équipement, y voyant davantage leur intérêt que celui de nos enfants. Les enseignants doivent croire en leur supériorité sur la machine. Ce sont eux, les vraies ressources illimitées. Ce sont eux qui apprennent à nos enfants à analyser un document, à exercer leur esprit critique, à faire des recherches pertinentes, à synthétiser l’information collectée ». `


Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré le 26 juin : « La période de confinement que nous venons de vivre nous a obligés à travailler différemment. Elle a aussi changé des manières d’apprendre. Nous devons en tirer les leçons. » Aussi a-t-il lancé les états généraux du numérique, qui se tiendront les 4 et 5 novembre à Poitiers. Le ministre a esquissé plusieurs pistes : « Il y a certainement des outils à améliorer, des logiciels à développer, des bonnes pratiques à généraliser, des formations à réaliser. » Et fort à parier qu’avec ou sans reconfinement, l’école ne restera pas en mode avion.


À lire

Protégeons nos enfants des écrans, de Marie-Alix Le Roy, Mame, 9,90€.


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