Sur les réseaux sociaux, des parents lèvent le tabou de la trisomie 21

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« Ils n’ont plus honte. Leur enfant est beau, leur vie est belle. » Clotilde Noël résume un phénomène qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années : la présence de nombreux parents d’enfants trisomiques sur les réseaux sociaux… et le large intérêt qu’ils suscitent. Elle-même mère adoptive d’une petite fille porteuse de trisomie 21, auteure de plusieurs livres sur le sujet dont le dernier s’intitule Risquer l’infini (Salvator), elle anime la page Facebook Tombée du nid, « une communauté pour changer le regard sur le handicap et soutenir les familles de nos petits poussins », forte de ses 54.000 abonnés. Portées par la tendance à la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux, ces familles pourraient bien briser le tabou qui entoure la trisomie 21, et plus largement, le handicap mental.


Comme un cri du cœur


La plupart de ces histoires débutent aux alentours de 2015, à un moment où les réseaux sociaux, bien ancrés dans le paysage mental des Français, ne sont plus l’apanage des seuls adolescents. Souvent, elles commencent comme un cri du cœur, celui d’une mère blessée par le regard biaisé que l’on pose sur son enfant. C’est ainsi qu’un jour de juin, Caroline Boudet publie une photo de sa fille sur sa page Facebook avec un texte qui commence par ces mots : « Elle, c’est ma fille. Louise. Qui a quatre mois, deux bras, deux jambes, des bonnes grosses joues et un chromosome en plus. »


« Ma femme entendait beaucoup de remarques qui “essentialisaient” Louise, la réduisaient à sa trisomie 21, raconte aujourd’hui son mari Rémy Bellet. Avant d’être un bébé “avec” une trisomie 21, c’était “une” trisomique. Ce ne sont pas des phrases malveillantes, mais extrêmement blessantes. » Par exemple : « C’est votre bébé malgré tout », « Ils sont gentils » et le classique : « Ça n’a pas été dépisté pendant la grossesse ? » Ce « coup de gueule/coup de larmes » est un buzz mondial. Pour continuer à donner des nouvelles de Louise, Caroline Boudet et son mari créent la page ExtraLouise, qui compte aujourd’hui 46.000 abonnés sur Facebook.


Au-delà du buzz, les parents sentent qu’ils ont les moyens de modifier le regard que portent les gens sur la trisomie 21 et le handicap en général. « On a bien compris que le premier handicap de Louise allait surtout être le regard des autres, explique Rémy Bellet. Dans cette optique, on montre suffisamment de notre famille pour donner un éclairage qui casse les stéréotypes et en même temps qui ne mente pas. » Les joies et les peines sont donc partagées au même titre. La joie d’un premier cours de danse comme la colère face au manque de moyens dans l’Éducation nationale pour scolariser leur fille dans de bonnes conditions. « Notre société est une société de l’image, indique Rémy Bellet, donc il est important d’être visible sur les réseaux sociaux, à la télé, dans les magazines. »


Nous ne changerons pas les choses par des grandes phrases, mais par ce que les gens verront de ces enfants.

– Clotilde Noël, mère d’une petite fille porteuse de trisomie 21


On trouve les mêmes ressorts chez Carole Deschamps, mère de l’Extraordinaire Marcel. Ce petit garçon compte aujourd’hui 52.000 abonnés sur Instagram et sur Facebook. « J’étais fière de mon fils – une fierté mal placée de maman ! – et j’avais envie que tout le monde le voie », raconte cette jeune femme de la région de Rennes qui ne connaissait rien à Instagram. Le 6 mars 2016, quatre mois après la naissance de Marcel, elle crée le compte l’Extraordinaire Marcel sur Facebook et y partage un texte à l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21. « Le lendemain, il y avait 1.000 ou 2.000 abonnés », se souvient Carole Deschamps. Elle se mue peu à peu en community manager, et affine sa communication en ajoutant des photos de son fils et de sa famille. Quelques mois plus tard elle bascule sur Instagram, un réseau consacré au partage d’images et de vidéos. « On a un message à faire passer mais si on ne l’illustre pas, l’impact n’est pas le même », explique-t-elle. Une intuition partagée par Clotilde Noël : « Nous ne changerons pas les choses par des grandes phrases, mais par ce que les gens verront de ces enfants. »


De la politique au retour d’expérience


Si « changer les choses » fait partie intégrante de la démarche de ces parents, certains se questionnent sur leur rapport au militantisme : faut-il se lancer dans des campagnes plus politiques ? Au cœur de l’été, l’Assemblée nationale vote en seconde lecture le projet de loi bioéthique avec en son sein un amendement prévoyant l’élargissement du diagnostic pré-implantatoire dans le cadre d’une procréation médicalement assistée…

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