“Mon fils fuit ses responsabilités et refuse mon aide“

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« Je suis un Papa séparé depuis Septembre 2016 avec 2 enfants de 18 et 20 ans, Liam et Dylan. Dylan le plus âgé, est en Fac de Philo après avoir terminé un Bac pro photo – il affirme ne plus être intéressé – et cumule avec ses études une soit disant activité culturelle mais qui semble être fausse.

Avec ma femme, nous avons décidé de nous séparer physiquement, et elle vit pour l’instant chez une amie en colocation, jusqu’à la vente de la maison qui nous permettra d’avancer. La situation financière, bien qu’elle ne soit pas catastrophique, nous cantonne à un style de vie très simple et sans possibilité de superflus.

Les 2 enfants vivent avec moi dans la maison familiale, en vente.

Le sujet du problème est lié à mon fils Dylan de 19 ans, qui a un comportement grave avec plusieurs démarches qui font de lui un menteur compulsif sur les sujets les plus simples liés à ses attitudes, travail ou vie quotidienne autant que sur les gros problèmes auquel nous le confrontons souvent.

Il nous vole souvent de l’argent, cela depuis plusieurs années de façon de plus en plus importante, 4 ou 5 ans, entre les vols de carte bleu, de porte-monnaie des parents, et hélas de nos proches, amis et famille. Nous n’avons pas de preuves filmées, mais les autres preuves, comportements et conséquences ne font aucun doute. Par ailleurs, certains de nos amis commence finalement à admettre qu’ils ont eu des “épisodes” lors de la présence de Dylan chez eux, mais qui n’ont jamais rien dit “pour ne pas causer de soucis”.

Au-delà de ces vols, il existe une consommation de cannabis et tabac, soit disant “à cheval” des amis car il n’a pas de moyens d’acheter (ni nous de lui financer). Il y a quelques semaines, sa maman me fait part de l’aveu de mon fils d’un épisode de cocaïne. Cela semble s’être passé lors de l’annonce de notre séparation.

Les vols se sont également manifestés au cours d’un stage. Je lui ai trouvé occasionnellement des emplois saisonniers ou à mi-temps, qu’il n’a jamais réussi a garder en raison de son constant état d’esprit de détachement de tout, matériel et personnes, sauf certains amis.

Il traine depuis quelques temps un historique de dettes, entre autres des découverts bancaires importants, des amendes SNCF à plus de 800 euros pour fraude sans billet, des amis que j’ai vus sur les réseaux sociaux qui exigent “qu’il paye ce qu’il doit”, bref voilà.

Globalement, son détachement de tout semble être une forme de fuite de ses soucis, foncer sans regarder et sans aucun jugement de ses actes.

Le tout est encore aggravé par quelques épisodes d’automutilation, coupures, cigarettes, etc. qu’il qualifie de jeux, mais qui s’affirment comme ce que c’est, notamment par des documents que j’ai trouvés il y a quelques jours de l’hôpital qui l’on gardé une nuit pour coupure sur bras, il était ivre et coupé.

Il estime en tant qu’adulte qu’il a peu de compte à rendre, même vivant sous mon toit, et que ses aller-retour ou absences de plusieurs jours n’ont pas à être annoncés, et beaucoup de nos échanges commencent par là, du fait que je me fais du souci car je ne sais plus où il est ou ce qu’il fait.

Il est évident qu’en tant que majeur il va devoir commencer à assumer ses actes, mais l’amour que je lui porte essaie tant bien que mal d’être présent dans sa vie, de continuer à lui ouvrir la porte et l’avoir avec moi en l’aidant, en étant à l’écoute, mais il ne communique pas, se renferme et ne sort aucun mot.

J’ai essayé de lui conseiller une aide psychologique, des centres de suivi pour la drogue ou alcool, mais il a repoussé toute forme d’aide, disant qu’il n’en a pas besoin.

Je suis coincé, la situation n’est pas facile pour personne, lui non plus j’imagine, mais je suis à bout d’espoir et dans la totale déprime. »


> La réponse de Jacques Arènes :


Je suis désolé de répondre si tardivement à votre courriel. J’espère qu’il vous trouvera, d’une manière ou d’une autre, sur internet. Il sera, en tous cas, utile à bien d’autres qui quêtent sur le Web des réponses à leur souffrance singulière. Vous êtes, comme tant d’entre nous, un père démuni, réduit à être observateur de la souffrance de son enfant, avec le sentiment de ne pas pouvoir faire grand-chose.


La dimension de la séparation avec votre épouse n’est pas anodine – vous le percevez vous-même en décrivant la situation – et donne un cadre douloureux à ce que vous vivez avec votre fils. Ce que vous expérimentez me fait penser à ce qu’écrit le grand romancier américain Richard Ford, qui a beaucoup évoqué la paternité blessée. Il décrit, dans son livre Indépendance (Éd. de l’Olivier), un homme divorcé confronté à la dérive de son fils ; le héros tente de se montrer présent à la galère de son jeune, mais il n’arrive pas à croire à la possibilité d’infléchir le « destin » de l’adolescent. Ce personnage résume à lui seul la difficulté actuelle de tant d’hommes à incarner leur paternité : « Mais durant nos brefs échanges, je me retrouve incapable de lui parler autrement que d’une manière fugace avant de battre en retraite, de crainte de me tromper, de le harceler ou de m’opposer à lui, de jouer au thérapeute au lieu d’être simplement son père [...] Me reste donc le pire de la paternité : être un adulte. Qui ne possède pas le langage adapté ; qui n’affronte pas les mêmes terreurs aléas et ratages ; qui en sait long, mais est condamné à rester planté comme un réverbère allumé, dans l’espoir que son fils en distinguera la lueur et se rapprochera pour profiter de la chaude lumière offerte en silence. » (p.28)


Je ne vous recommande pas de lire cet auteur : il alimenterait encore plus votre déprime actuelle ! Je le signale pour vous aider à saisir que vous n’êtes pas le seul à vivre ce type d’épreuve. Parce que vous la vivez au même titre que votre fils. Vous analysez finement ses problèmes et décrivez soigneusement ses comportements, mais je vous propose de vous attarder d’abord sur vous-même. Prenez donc du temps pour vous intéresser à vous. A ce sentiment d’être coincé, au fait que vous vous faites du souci, à cette impuissance qui est le cœur de votre déprime, comme elle est le centre de la blessure paternelle décrite par Richard Ford. Vous voyez votre Dylan aller et venir, vous êtes le témoin de ses souffrances, de ses dérapages, de ses hospitalisations. Vous examinez en douce ses dossiers médicaux et ses contacts sur internet. Vous êtes l’observateur de sa souffrance.


Vous avez raison : il faut sortir de cela. Il vaut mieux – c’est ce que je crois – risquer de commettre des erreurs que de ne rien faire. Votre fils n’a pas « besoin » d’un père déprimé. Il a « besoin » d’un adulte présent – écoutant certes, comme vous l’êtes, mais aussi exigeant – et donc qui intervienne. Vous ne pouvez certes pas le forcer à suivre une thérapie, mais vous pouvez, sans exagérer, lui rappeler le fait qu’il est majeur, et notamment que c’est à lui d’assumer ses actes. S’il affirme d’une manière péremptoire qu’il est adulte et que vous n’avez pas à le fliquer, il doit alors endosser complètement la panoplie de l’adulte et subvenir lui-même à ses besoins. Le contexte de séparation, je l’ai dit, n’est pas anodin, et il alimente peut-être votre mauvaise conscience, qui est souvent paralysante. Vous ne dites rien de ce qui s’est passé entre vous deux – les parents – et de la manière dont cela impacte la famille. Vous en parlez seulement au niveau des problèmes économiques que cela suscite, et dont votre fils s’affranchit pour une part en vous volant.


Là aussi, cela n’est pas un destin. Il s’agit de prendre des mesures rigoureuses et précises pour l’empêcher de continuer à vous voler. Le mettre devant ses responsabilités, cela sera aussi lui signifier en actes, que vous ne subviendrez pas ad vitam à ses attentes pécuniaires. Il ne s’agit pas de mettre en place brutalement ces nouvelles mesures, puisque la situation est installée, mais de prendre progressivement des décisions qui le poussent dans ce sens (quid de l’argent de poche, par exemple ?). En attendant, vous ne pourrez pas changer de positionnement subjectif vis-à-vis de lui sans vous occuper de vous-même. Si n’est pas pensable de le forcer à faire une psychothérapie, ou à vous exprimer ce qu’il vit, vous pouvez vous-même vous faire accompagner. Justement dans le but de (re)trouver un positionnement juste, solide, sans complaisance. Vous êtes le père courage dont l’amour « essaie tant bien que mal d’être présent dans la vie » de son fils. Je suis d’accord avec vous là-dessus, mais pas à n’importe quel prix…

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> Par e-mail en écrivant à j.arenes@lavie.fr
> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.

Chaque semaine, Jacques Arènes publie sa réponse à une des questions sur notre site internet.
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Questions de vie