Suppression des cotisations familiales, qu’est-ce que ça change ?

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1. Les cotisations familiales, qu’est-ce que c’est ?

Lorsqu’un employeur paie un salaire, il doit également s’acquitter de charges patronales. Dans les faits, un employeur paie pour son salarié environ 1,4 fois plus que le salaire brut. Sur cette somme, 5,4% sont des cotisations familiales. Ces ressources sont utilisées pour financer plus de 60% des prestations familiales : allocations familiales, complément familial versé sous conditions de ressources aux parents de trois enfants et plus, allocation de soutien pour familles monoparentales, allocation de rentrée scolaire, prestations d’accueil du jeune enfant telles que prime à la naissance ou complément de mode de garde, complément de libre choix d’activité pour les congés parentaux…

Les autres ressources de la branche famille sont de type fiscal : la contribution sociale généralisée (qui pèse notamment sur les salaires) représente 19% du financement de la branche. Le restant provient principalement de divers impôts et taxes (droits sur le tabac et les alcools, contribution sur les primes d’assurance automobile, taxe sur les salaires, prélèvement sur les revenus du capital).

2.  Quel impact aura cette suppression de charge pour les entreprises ?

En supprimant, d’ici 2017, les cotisations familiales pour les entreprises et les travailleurs indépendants, l’objectif affiché du président de la République est de « poursuivre l’allègement du coût du travail » et de favoriser l’investissement et l’embauche des entreprises. Il souhaite alléger leurs charges patronales, afin qu’elles disposent de plus d’argent pour employer plus de personnes ou investir dans de nouveaux moyens de production. François Hollande a chiffré ces diminutions de charges à 30 milliards d’euros, « en contrepartie des emplois qui seront créés ». Pour les entreprises, c’est évidemment une excellente nouvelle. Elles pourront restaurer leur taux de marge, dont « tout le monde sait qu’il est le plus bas de son histoire », a dit le président, avant de rajouter que c’est ce taux « qui permet de financer l’investissement ». Pour rappel, chaque employeur a à sa charge des cotisations familiales de 5,4%. Des économies pour l’entreprise, donc, pour l’inciter à embaucher, mais pas de gain supplémentaire pour le salarié.

3. La baisse du coût du travail permettra-t-elle de créer des emplois ?

La mesure pourrait générer un million d’embauches selon Pierre Gattaz, le patron du Medef, qui la réclamait depuis longtemps. Rien n’est moins sûr. Que ce soit les allègements dits Fillon, qui prévoient des baisses de charges dégressives sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic ou les crédits d’impôt en faveur de la recherche ou de la compétitivité et de l’emploi, aucun chiffrage sérieux des emplois créés grâce à ces dispositifs n’a été réalisé. Pour les entreprises, toujours dans l’incertitude quant aux perspectives de demande, la tentation reste d’utiliser ces baisses du coût du travail pour reconstituer leurs marges plutôt que pour embaucher.

4.  Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il ciblé les cotisations familiales ?

Pour François Hollande, il n’est plus possible que les ressources de la branche famille proviennent aux deux tiers des cotisations des employeurs alors que les prestations familiales profitent à tous les enfants, que les parents soient salariés d’entreprises cotisantes ou non. Il s’agit pour lui d’une « nouvelle méthode » : « Plutôt que de faire des coupes budgétaires aveugles, indifférenciées et donc injustes, je propose de mener des réformes structurelles et de redéfinir les principales missions de l’État, de revoir nos mécanismes de redistribution pour les rendre plus justes, plus écologiques et plus efficaces ».

5. Comment cette baisse va-t-elle s’organiser ?

Dans son propos liminaire, le chef de l’Etat a rappelé que ce processus avait été engagé en novembre 2012 avec le Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice) qui se traduira cette année déjà par une baisse de charges représentant 4% de la masse salariale, et 6% en 2015.

Le chiffre de 30 milliards annoncé par François Hollande inclut donc ce Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), qui permet déjà d’économiser 20 milliards par an. Or, le Cice est censé prendre fin en 2015, et des discussions avec les partenaires sociaux permettront – ou pas – de le renouveler. En cas de renouvellement du Cice, il y aura donc bien un allègement de 30 milliards (20 milliards imputables au crédit d’impôt, plus 10 milliards de cotisations). Si le Cice n’est pas renouvelé, l’allègement pourrait n’être plus que de 10 milliards.

6. Qui va payer pour la branche famille ?

Interrogé à plusieurs reprises lors de sa conférence de presse sur le financement, François Hollande a martelé : « Il n’y a aucun risque pour les droits sociaux. » Il n’est pas question pour François Hollande de supprimer les prestations familiales. Il va donc falloir trouver de l’argent pour combler ce manque à gagner. Oo alors tailler quelque part. Là-dessus, le chef de l’Etat est resté on ne peut plus flou. La baisse sera compensée par des économies réalisées sur la dépense publique. On se dirigerait donc vers une nouvelle diminution des dépenses qu’il va falloir cibler. Le nouveau Conseil stratégique de la dépense, dont la création a été annoncée au cours de cette même conférence de presse, sera chargé de trouver les postes de réduction.

Autre piste annoncée par François Hollande : engager une réflexion non plus seulement sur la branche famille, mais sur « le mode de financement de la protection sociale » dans sa totalité. En tout état de cause, une hausse des impôts semble exclue pour le moment, tout comme comme un relèvement de la CSG ou de la TVA. François Hollande a assuré qu’il n’y aura pas de « transfert de charges des entreprises vers les ménages » sans toutefois détailler sa feuille de route. En revanche, la baisse des cotisations devrait augmenter le résultat imposable des entreprises, débouchant sur un surcroit d’impôt sur les sociétés.

7. Comment réagissent les associations familiales ?

Mal, très mal. Certaines s’inquiètent de la pérennité du nouveau système, d’autres sont franchement en colère. Dans un communiqué publié le 15 janvier, l’Union nationale des associations familiales (Unaf) se demande « comment seront compensés les milliards de perte de recettes pour la branche famille, déjà en déficit », estimant que « les entreprises bénéficient de la politique familiale » qui « permet aux salariés de mieux concilier leur activité professionnelle avec leur vie familiale ».

Pour l’Union des familles laïques (Ufal), « cette décision sans précédent comporte des risques économiques et politiques considérables (…) Cet allègement devra être compensé par un nouveau mouvement d’économies drastiques sur les dépenses sociales qui affecteront les familles déjà fortement fragilisées par la crise. » Très sévère, le Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal) estime que le Président de la République dilapide l’héritage du Conseil national de la résistance, le financement de la branche famille ayant été mis en place après la Guerre comme une sorte de « salaire différé ».

C’est aussi l’avis des Associations familiales catholiques (AFC), pour qui « les annonces faites par le président de la République perpétuent une vision de la politique familiale comme une charge pour les entreprises, et remettent en cause le principe d’universalité des allocations familiales. »

8. Quel est le calendrier de cette mesure ?

A la suite des vœux de François Hollande aux partenaires sociaux mardi prochain, patrons et syndicats seront reçus par le Premier ministre. Le Haut conseil du financement de la protection sociale rendra ensuite un premier rapport à la fin du mois de février et un définitif au mois de mai. « Une loi de programmation de nos finances publiques et sociales sur la période 2015-2017 » sera votée à l’automne. Elle sera en cohérence avec ce qui sera décidé dans le cadre du pacte de responsabilité, officiellement lancé le 21 janvier, mais aussi de la remise à plat de la fiscalité promise par Jean-Marc Ayrault.