Nuits des étoiles : Faut-il sanctuariser l’espace ?

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Pluie d’étoiles filantes, voie lactée, Mars… Chaque année, les nuits d’août offrent un spectacle d’une rare beauté à qui veut bien lever les yeux vers le ciel. A condition de sortir des zones éclairées, notamment les villes. Du 7 au 9 aout, l’Association française d’astronomie (Afa) propose sa 30e édition des « Nuits des étoiles » en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (Cnes). Au programme : 266 manifestations dans toute la France et un guide en ligne pour suivre la progression des planètes et des étoiles.


Cette année, les conditions s’annoncent parfaites. Outre le fait que le ciel est dégagé et que la nuit ne devrait pas être trop fraîche en raison de la canicule, la planète Mars sera particulièrement proche de la Terre et en même temps haut dans l’horizon – une combinaison qui ne se produit qu’une fois tous les 10 ou 15 ans selon les experts du Cnes. Sa lueur rougeâtre sera donc particulièrement visible à l’œil nu. Suivra, du 10 au 15 août, la pluie des Perséides, tant attendue des férus d’astronomie et autres campeurs à la belle étoile, également appelée « larmes de Saint Laurent » (du nom d’un martyr ayant subi un supplice particulièrement douloureux fêté le 10 août). Cette pluie annuelle d’étoiles filantes est due à un ensemble de débris de comètes qui s’enflamment en entrant dans l’atmosphère terrestre.


Objectif Mars : Et ça repart !


Des grappes de satellites


Malheureusement, plusieurs menaces pèsent sur ce patrimoine commun. En premier lieu, l’éclairage urbain, visible à des kilomètres à la ronde. Depuis longtemps, l’Afa mène des campagnes de sensibilisation contre cette « pollution lumineuse » terrestre, nuisible aux observateurs comme à la faune et la flore. Des « réserves de ciel étoilé » sont même créées depuis 2013 en France par l’International Dark-sky association (IDA).


Le parc national des Cévennes, la plus grande “réserve de ciel étoilé” d’Europe


Mais depuis 2019, une nouvelle menace inquiète les amateurs et les professionnels de l’observation du ciel : la multiplication des satellites en orbite basse et en particulier le projet Starlink. Il s’agit de l’envoi, par grappes de 60 environ, de plus de 40.000 satellites par la société d’Elon Musk, Space X, afin d’améliorer la couverture internet haut débit sur Terre à bas coût. Du jamais vu. Une centaine a déjà été envoyée. Par moments, on peut les apercevoir à l’œil nu : des dizaines de points lumineux à la queue leu leu traversant le ciel à vitesse constante.


« Est-ce que le ciel nocturne va être observable à long terme ? », se demande Clément Plantureux, coorganisateur des Nuits des étoiles à l’Afa. Plus d’un millier de satellites tournent déjà en orbite basse autour de la terre. Mais la cadence de lancement s’est fortement accélérée à partir de 2017, comme le note l’Union of concern scientist (UCS). « Si on ne fait rien, d’ici quelques années, lorsque nous lèverons les yeux vers le ciel nous verrons plus de points lumineux artificiels que d’étoiles ! », s’inquiétait l’astrophysicien Hubert Reeves dans une tribune au Point. 


Inquiétude des chercheurs


« Les astronomes professionnels sont extrêmement inquiets », indique Michel Viso, responsable de l’exobiologie au Cnes, qui évoque une « appropriation du ciel par Starlink ». « Ce sont des méga-constellations de satellites qui vont donc potentiellement occuper une partie importante du champ des télescopes », détaille-t-il. Rien à voir avec les lancements de dizaines de satellites distincts jusque là opérés par les agences spatiales nationales ou internationales. « Les objets célestes observés ont une luminosité très faible. Et à partir de ces observations, les astronomes font des mesures très précises comme le calcul du spectre d’une étoile. Ce travail risque d’être pollué par le spectre de lumière solaire réfléchi par les panneaux des satellites. » L’enjeu est aussi financier : « On est en train de construire au Chili un observatoire qui va couter des milliards d’euros, le Télescope géant européen (EELT, pour European Extremely Large Telescope)… C’est pour faire des observations, pas pour compter les satellites ! », lance Michel Viso.


Au niveau juridique, l’espace extra-atmosphérique, c’est-à-dire le ciel étoilé, est régulé par le traité de l’espace de 1967 qui interdit l’appropriation de cet espace par un État. Auquel s’ajoute, pour l’envoi de satellites, les conventions signées avec l’Union internationale des télécommunications qui gère l’attribution des fréquences des satellites. Et comme aucune réglementation ne donne de limite au nombre d’engins lancés dans l’espace, tout se joue donc au niveau de l’État qui autorise ou non le lancement des satellites. « Normalement les États contrôlent ce que font les entreprises privées, explique Michel Viso. Mais si un État donne des autorisations anormales, il faudrait que les autres États protestent par voie diplomatique. Or pour l’instant, rien ne se passe vraiment. »


Amer, l’astrophysicien Aurélien Barrau, également militant écologiste, ironisait dans une tribune au magazine de la fondation Goodplanet : « Réussir à souiller le ciel lui-même, qui semble donc bel et bien appartenir maintenant aux entreprises, ruiner son irremplaçable charge symbolique, est un “exploit” qui laisse rêveur. »


La conquête spatiale est-elle anti-écologique ?

Nuits des étoiles : Faut-il sanctuariser l’espace ?

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Pluie d’étoiles filantes, voie lactée, Mars… Chaque année, les nuits d’août offrent un spectacle d’une rare beauté à qui veut bien lever les yeux vers le ciel. A condition de sortir des zones éclairées, notamment les villes. Du 7 au 9 aout, l’Association française d’astronomie (Afa) propose sa 30e édition des « Nuits des étoiles » en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (Cnes). Au programme : 266 manifestations dans toute la France et un guide en ligne pour suivre la progression des planètes et des étoiles.


Cette année, les conditions s’annoncent parfaites. Outre le fait que le ciel est dégagé et que la nuit ne devrait pas être trop fraîche en raison de la canicule, la planète Mars sera particulièrement proche de la Terre et en même temps haut dans l’horizon – une combinaison qui ne se produit qu’une fois tous les 10 ou 15 ans selon les experts du Cnes. Sa lueur rougeâtre sera donc particulièrement visible à l’œil nu. Suivra, du 10 au 15 août, la pluie des Perséides, tant attendue des férus d’astronomie et autres campeurs à la belle étoile, également appelée « larmes de Saint Laurent » (du nom d’un martyr ayant subi un supplice particulièrement douloureux fêté le 10 août). Cette pluie annuelle d’étoiles filantes est due à un ensemble de débris de comètes qui s’enflamment en entrant dans l’atmosphère terrestre.


Objectif Mars : Et ça repart !


Des grappes de satellites


Malheureusement, plusieurs menaces pèsent sur ce patrimoine commun. En premier lieu, l’éclairage urbain, visible à des kilomètres à la ronde. Depuis longtemps, l’Afa mène des campagnes de sensibilisation contre cette « pollution lumineuse » terrestre, nuisible aux observateurs comme à la faune et la flore. Des « réserves de ciel étoilé » sont même créées depuis 2013 en France par l’International Dark-sky association (IDA).


Le parc national des Cévennes, la plus grande “réserve de ciel étoilé” d’Europe


Mais depuis 2019, une nouvelle menace inquiète les amateurs et les professionnels de l’observation du ciel : la multiplication des satellites en orbite basse et en particulier le projet Starlink. Il s’agit de l’envoi, par grappes de 60 environ, de plus de 40.000 satellites par la société d’Elon Musk, Space X, afin d’améliorer la couverture internet haut débit sur Terre à bas coût. Du jamais vu. Une centaine a déjà été envoyée. Par moments, on peut les apercevoir à l’œil nu : des dizaines de points lumineux à la queue leu leu traversant le ciel à vitesse constante.


« Est-ce que le ciel nocturne va être observable à long terme ? », se demande Clément Plantureux, coorganisateur des Nuits des étoiles à l’Afa. Plus d’un millier de satellites tournent déjà en orbite basse autour de la terre. Mais la cadence de lancement s’est fortement accélérée à partir de 2017, comme le note l’Union of concern scientist (UCS). « Si on ne fait rien, d’ici quelques années, lorsque nous lèverons les yeux vers le ciel nous verrons plus de points lumineux artificiels que d’étoiles ! », s’inquiétait l’astrophysicien Hubert Reeves dans une tribune au Point. 


Inquiétude des chercheurs


« Les astronomes professionnels sont extrêmement inquiets », indique Michel Viso, responsable de l’exobiologie au Cnes, qui évoque une « appropriation du ciel par Starlink ». « Ce sont des méga-constellations de satellites qui vont donc potentiellement occuper une partie importante du champ des télescopes », détaille-t-il. Rien à voir avec les lancements de dizaines de satellites distincts jusque là opérés par les agences spatiales nationales ou internationales. « Les objets célestes observés ont une luminosité très faible. Et à partir de ces observations, les astronomes font des mesures très précises comme le calcul du spectre d’une étoile. Ce travail risque d’être pollué par le spectre de lumière solaire réfléchi par les panneaux des satellites. » L’enjeu est aussi financier : « On est en train de construire au Chili un observatoire qui va couter des milliards d’euros, le Télescope géant européen (EELT, pour European Extremely Large Telescope)… C’est pour faire des observations, pas pour compter les satellites ! », lance Michel Viso.


Au niveau juridique, l’espace extra-atmosphérique, c’est-à-dire le ciel étoilé, est régulé par le traité de l’espace de 1967 qui interdit l’appropriation de cet espace par un État. Auquel s’ajoute, pour l’envoi de satellites, les conventions signées avec l’Union internationale des télécommunications qui gère l’attribution des fréquences des satellites. Et comme aucune réglementation ne donne de limite au nombre d’engins lancés dans l’espace, tout se joue donc au niveau de l’État qui autorise ou non le lancement des satellites. « Normalement les États contrôlent ce que font les entreprises privées, explique Michel Viso. Mais si un État donne des autorisations anormales, il faudrait que les autres États protestent par voie diplomatique. Or pour l’instant, rien ne se passe vraiment. »


Amer, l’astrophysicien Aurélien Barrau, également militant écologiste, ironisait dans une tribune au magazine de la fondation Goodplanet : « Réussir à souiller le ciel lui-même, qui semble donc bel et bien appartenir maintenant aux entreprises, ruiner son irremplaçable charge symbolique, est un “exploit” qui laisse rêveur. »


La conquête spatiale est-elle anti-écologique ?

Un été en Haute-Loire : dans la “vallée de Dieu”

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« C‘est le pays où l’Allier coule tantôt en enfer, tantôt en paradis, ici dans la fraîcheur d’un pâturage ; ailleurs dans l’ardent cailloutis, calciné par le feu central, au pied des roches fulgurées, couleur d’airain en fusion », écrit Henri Vincenot pour dépeindre cette partie de l’Auvergne dans les Voyages du professeur Lorgnon (1983). À Lavoûte-Chilhac, à 20 km de Brioude, l’Allier coule bien en paradis. Dans les plis de coteaux jadis couverts de vigne, il trace une boucle, qui a donné son nom – « Lavoûte » vient de « volte » – et sa forme au village, un promontoire entouré d’eau. 


Juste avant l’an 1000, Odilon de Mercoeur voit le jour à quelques centaines de mètres de là, à Saint-Cirgues, dans une famille qui possède de nombreuses terres. Il entre à l’abbaye de Cluny dont il devient le cinquième abbé. Il étend l’empire clunisien jusqu’au-delà des Pyrénées et du Rhin, mais aussi sur ses terres natales où il fonde, en…

De la Savoie aux États-Unis, leurs cloches sonnent 

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La couleur orange du métal en fusion se reflète dans leur visière de protection. Quatre fondeurs en combinaisons ignifuges s’activent autour d’un énorme four dans lequel le bronze est chauffé à 1200°C. Bientôt, ce torrent de lumière est versé dans un moule. Une flamme en jaillit, signe que le gaz s’échappe pour laisser place au métal. Une cloche naît. Chaque jeudi, dans le hangar de l’entreprise Paccard, installée à Sevrier, sur les rives du lac d’Annecy (Haute-Savoie), a lieu la coulée. Ce jour-là sont fabriquées cinq cloches, de 92 à 1850 kg.


	Née du métal en fusion, la cloche deviendra instrument. Yannick Perrin pour...


Née du métal en fusion, la cloche deviendra instrument. Yannick Perrin pour La Vie



Avant cette étape spectaculaire, qui attire de…

Une quête spirituelle à bicyclette dans les Alpes

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L’itinéraire est ficelé. Plusieurs centaines de kilomètres dans la Chartreuse et les Bauges, en passant par le centre Saint-Hugues de Biviers (38) et les abbayes de Tamié (73) et de Hautecombe (73), à raison de cinq à six heures quotidiennes de pédalage. « C’est un défi physique, car l’idée est vraiment de ne pas faire fonctionner que le mental et l’intellect », expose Anne-France Jeanjean, l’une des deux organisatrices du projet. À ses côtés, une autre laïque, Virginie Duval, et Xavier Behaegel, prêtre et responsable de la pastorale des jeunes de Lille. Au maximum, le groupe pourra compter jusqu’à 14 participants, âgés de 20 à 30 ans.


Chaque jour, un thème spirituel


Barthélemy, 27 ans, a été séduit par la double couleur du circuit. « J’avais envie de m’investir dans un projet qui allie l’énergie et le sport à la prière et un côté plus spirituel. » Son dernier voyage à vélo remonte à 10 ans, lors d’un camp scout itinérant. « Dans ce défi, ce qui me plaît, c’est la quête, l’idée de mouvement inhérente au vélo. C’est une démarche personnelle : on est seul sur son vélo, mais jamais statique, il faut toujours avancer », poursuit le jeune homme, qui participe aussi à l’organisation. Tous les matins, les accompagnatrices proposeront un thème pour la journée, suivi, lors de la pause-déjeuner, de textes à lire. « Il s’agira de pistes de réflexion à mener en silence sur son vélo. L’objectif est de faire résonner les paroles au coeur de ce que l’on vit sur le vélo, mais aussi dans la vie quotidienne et dans notre vie de foi », détaille Anne-France Jeanjean, grande adepte des retraites à deux-roues. L’une des thématiques s’intitule par exemple « Sortir la tête du guidon – vie bien remplie – prendre le temps de contempler ». « La mobilité extérieure permet la mobilité intérieure, la démarche relève de la spiritualité ignatienne d’unification du corps, du coeur et de l’esprit, et c’est ce que l’on veut faire découvrir aux jeunes », complète Virginie Duval. Pour autant, aucun prérequis religieux n’est demandé aux participants. « Il faut simplement croire en Dieu et se sentir ouvert à quelque chose de nouveau ! », abonde Anne-France Jeanjean. Des temps de discussion et un accompagnement spirituel seront proposés en soirée à ceux qui le souhaitent.


Contemplation, écologie intégrale


Pour le gîte, le groupe sera hébergé chaque nuit dans des paroisses ou des presbytères. Mais, au-delà de cet accueil, le cadre global de la retraite itinérante est propice à la contemplation. Le trajet vise en effet des cols montagneux pour redescendre sur les lacs d’Annecy et d’Aix-les-Bains. Le groupe compte par ailleurs privilégier une alimentation locale issue de l’agriculture raisonnée. « On se place dans une démarche d’écologie intégrale. Comment je prends soin de la nature, de sa beauté, c’est aussi une façon de retourner à l’essentiel », appuie Virginie Duval. L’argument a achevé de convaincre Barthélemy. Né à Grenoble, il reconnaît ne jamais avoir vraiment prêté attention aux sommets alentour. « Même si ce qui compte le plus pour moi, c’est la démarche et les gens qui m’accompagnent, j’ai envie de comprendre la particularité du lieu, me laisser surprendre par l’expérience. » Sur le plan physique, une condition est toutefois requise : être capable de pédaler 40 à 60 km par jour, avec un dénivelé pouvant atteindre 1 000 m. Les bagages et le ravitaillement, quant à eux, seront acheminés en camion.


À savoir

Prévoir un vélo de route, VTC ou vélo à assistance électrique. Pour tout renseignement et si vous n’avez pas de vélo, contactez Virginie au 07 84 19 58 90. Tarif étudiant : 206€ ; jeune pro : 306€ www.sainthugues.fr




Méditer, un vrai soutien pendant la pandémie

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De passage à Bordeaux il y a huit ans, Lucie a découvert le livre de la psychothérapeute Jeanne Siaud-Facchin, qu’elle connaissait : Comment la méditation a changé ma vie… et pourrait bien changer la vôtre ! (Odile Jacob, 2012). Elle l’a lu, et d’autres aussi, et la prophétie s’est réalisée. À 55 ans, cette kinésithérapeute en long congé a désormais besoin de sa séance quotidienne de 40 minutes. « Je m’arrête parfois pendant un mois, mais après je dois reprendre : je ne peux plus m’en passer, dit-elle. La méditation me rend plus consciente, et je suis moins engloutie par le tourbillon. »


Matthieu Ricard : “Le bonheur en cinq points et trois semaines, cela n’existe pas”


Quand elle médite, elle a besoin d’être guidée, soit par sa professeure de yoga, en petit groupe, soit chez elle par des CD. Depuis deux ans, elle est abonnée à l’application Petit Bambou. Elle aime ses programmes variés, les voix du psychiatre Christophe André ou de Mathilde Farcy-Mossard, apaisantes. Les exercices de cohérence cardiaque lui apportent moins que la méditation, qui l’amène « à respirer lentement, fait baisser la pression et (l’)aide à progresser dans le lâcher-prise ». Pendant le confinement, elle l’a pratiquée le matin, le coeur plutôt léger malgré le contexte. Sur son profil, Petit Bambou a compté 165 séances et 44 heures de pratique ! Quand elle est moins assidue, des messages l’incitent à « s’accorder un moment à soi », et Lucie apprécie leur ton bienveillant : « Vous nous manquez ! »


Une explosion de connexions


La méditation a la cote. Avec la crise sanitaire, l’engouement, évident depuis cinq ans, explose. L’obligation de rester chez soi a poussé les confinés à se tourner vers leur intériorité. Reclus, moins soumis aux sollicitations, les Français, citadins et ruraux, se sont passionnés pour cette activité censée équilibrer leur mental, antidote à l’angoisse liée à la pandémie. Notamment – paradoxe – via leur Smartphone ! Créée en 2014 par Ludovic Dujardin et Benjamin Blasco, l’application Petit Bambou, qui promet gestion du stress et meilleur sommeil, séduit en masse. « Le succès de notre application s’est accéléré pendant le confinement. Il y a d’abord eu de la sidération. Mais, très vite, nous sommes passés de 5000 utilisateurs par jour à 15.000 : 5,3 millions de personnes sont inscrites sur notre site, contre 2 millions en 2018. Nous avons triplé le nombre de séances quotidiennes en ligne, y compris gratuites. Notre rendez-vous mensuel en Facebook live est devenu quotidien, avec 50.000 connexions ! », expose Benjamin Blasco, un polytechnicien au départ « hyperstressé », selon son acolyte.


Le patron de la start-up dit aimer un métier « qui a du sens ». « On a perçu une grande détresse psychologique », note-t-il. Les usagers ? Des hommes surtout, et beaucoup de débutants, désemparés par le confinement. Sur le site, les messages de remerciement foisonnent. Tel celui de Daniel, 72 ans, devenu accro, lui qui s’est « pourtant toujours fui, bien loin du “ici et maintenant” ». « C’est le moment où jamais de s’y mettre ! », s’exclame Frédéric Lenoir, dans une vidéo d’Émergences. Créée en 2014, l’association d’Ilios Kotsou, forte de 40 instructeurs, a aussi multiplié les rendez-vous de méditation en ligne, séances de groupe ou dialogue entre Ilios Kotsou et des sommités de la discipline, de Fabrice Midal à Marie de Hennezel.


Le désir de connaissance de soi est ancien : en Grèce, il y a 2000 ans, Socrate professait déjà “Connais-toi toi-même”.

– Caroline Lesire, instructrice de méditation


Dans sa maison bruxelloise, un havre avec jardin partagé avec sa fillette et sa femme, Caroline Lesire, instructrice de méditation, le docteur en psychologie nous explique cet essor, plus net depuis le Covid-19. « En Occident, la question du bien-être préoccupe. La méditation, sans être la panacée, apporte une réponse. Dans une société où tout va vite, où l’on souffre de solitude, elle correspond à un besoin de revenir à sa vie intérieure, de se reconnecter à son soi profond. La pandémie a fait prendre conscience de sa vulnérabilité dans un contexte mondialisé. Mais la crise est propice à l’apprentissage. Et le désir de connaissance de soi est ancien : en Grèce, il y a 2000 ans, Socrate professait déjà “Connais-toi toi-même”. » À chacun de retrouver sa sensibilité, sans succomber à la « tyrannie des émotions », formule chère à Ilios Kotsou, 47 ans, qui a perdu ses parents (une mère allemande et un père grec) très jeune. Dans quel but ? Pour être plus apaisé. Moins prisonnier de ses automatismes. Plus lucide, plus créatif, plus engagé. « Les gens heureux sont plus généreux », estime-t-il. Émergences ne finance-t-elle pas, à hauteur de 80.000€ par an, des cours de méditation en prison, le Samu social belge et Karuna-Shechen, l’association humanitaire népalaise de Matthieu Ricard, son parrain ?


Une science de la patience et de la répétition


Mais pourquoi le goût pour la méditation devient-il si contagieux ? On dit pourtant que cette science contemplative, désignée par le mot gom (« se familiariser ») en tibétain ou bhâvana (« cultiver l’attention ») en sanskrit, nécessite patience et répétition. Car comment s’y prend-on ? Méditer, c’est porter attention au va-et-vient de son souffle. Mieux habiter sa vie et l’instant présent. Cultiver la sérénité. Accepter de se frotter à ses difficultés. Le titre de l’article du Monde paru pendant la crise a fait grincer les connaisseurs : « Méditation, la grande évasion ». « Il induit une idée fausse : c’est plutôt chiant de méditer, ce n’est pas une distraction », réfute Fabrice Midal.


« La méditation ne pousse pas à s’évader du monde, mais à mieux l’accueillir dans sa réalité », énonce Christophe André, pour lequel nous sommes tous « des intermittents du bonheur ». Même des députés, à l’initiative du Breton Gaël Le Bohec (La République en marche), s’y adonnent par cycles, à distance pendant le confinement, et sur leurs deniers. Niche porteuse, le secteur devient concurrentiel. Or, le succès des applications mobiles, de Petit Bambou à Mind en passant par l’américain Headspace, fait l’objet de critiques ! Comme si, pour les puristes et les gardiens du temple, celles-ci avaient à voir avec une mode new age ou un business bobo… Créateur de l’École occidentale de méditation, Fabrice Midal, auteur de livres à succès tel Foutez-vous la paix ! Et commencez à vivre (Flammarion, 2017), redoute une vision trop utilitariste de la discipline ou une perte de profondeur.


« On fait le vide dans sa tête comme on vide son ordinateur, pour être plus efficace et ne plus avoir d’état d’âme. On veut gérer son capital bonheur comme un compte en banque (…) Il faut en réalité se laisser toucher par la crise pour transformer sa peur en compassion », estime le philosophe, qui propose aussi des séances de méditation sur la Toile, depuis que la pandémie a banni le « présentiel ». En mai, il a donné des cours en ligne sur les sources chrétiennes de la méditation qui ont rencontré un public : 300 auditeurs par séance ! Selon lui, approcher son chagrin apaise. « Méditer, c’est toucher à quelque chose de plus profond. Pour les chrétiens, la présence de Dieu en soi », note-t-il.


S’initier ou renforcer sa pratique


À chacun sa voie pour progresser. Certains ont saisi l’occasion de la crise pour s’initier. D’autres, hier pionniers, ont renforcé leur pratique. Cadre bancaire sous pression, Éric est devenu enseignant quand il a frôlé le burn-out, il y a 20 ans. La méditation a accompagné son changement de vie. Récemment, la pandémie lui a donné l’occasion d’approfondir sa pratique. À 67 ans, formateur en anglais en Île-de-France, il s’impose chaque jour une séance de 15 à 40 minutes, en suivant sur CD les leçons de Christophe André, Jon Kabat-Zinn ou Thich Nhat Hanh. « Avant, même si je savais que c’était bon pour moi, je remettais parfois au lendemain. Avec le confinement puis le télétravail, le temps gagné sur les transports, je n’y déroge plus. Les résultats me motivent. Car méditer me déstresse. Cela m’aide à prendre du recul et à mieux me connaître, à être plus conscient, à éviter que des problèmes deviennent envahissants. La méditation développe la jubilation et l’altruisme », analyse-t-il.


Méditer me déstresse. Cela m’aide à prendre du recul.

– Éric


En disciple de Matthieu Ricard, Éric, bénévole aux Restaurants du coeur, ne s’en vante pas mais distribue chaque dimanche soir des repas aux démunis. Son épouse, Rose, pratique aussi désormais. Sans doute convaincue des bienfaits de la méthode grâce aux résultats observés sur son mari. « S’il y a un business, c’est qu’il existe une attente réelle », note-t-il. Photographe doué et bienveillant, Christophe Boisvieux entretient aussi un rapport ancien à la méditation. Il pratique quotidiennement depuis 30 ans, car la discipline nourrit son désir profond de spiritualité, lui qui a perdu sa mère jeune. Parce qu’il a eu la chance de goûter au grand frisson nommé kundalini (de kundala, « boucle d’oreille, bracelet, entouré en spirale » en sanskrit), qui remonte depuis le sacrum par la colonne vertébrale, il sait que méditation peut rimer avec mystère et qualité de présence exceptionnelle.


Mais, le plus souvent, « il ne se passe rien ». Pas d’état de conscience modifiée ! « Au début, j’avais l’impression de perdre mon temps », avoue-t-il. Longtemps installé à Paris, il vit depuis peu dans sa maison familiale du Tarn. Un cadre rural approprié où méditer une demi-heure avec un minuteur qui, sur son téléphone, indique par un gong début et fin de séance. « Les chants d’oiseaux me ramènent à moi-même. Des douleurs au dos m’empêchent de m’asseoir par terre en lotus, la position royale, alors je reste sur une chaise. La crise n’a rien changé à ma pratique. Je médite le matin, et ce moment colore et ordonne ma journée. La méditation est un outil précieux pour prendre de la distance par rapport aux émotions, cela aide à mieux les accueillir. Mais, parfois, cela ne marche pas ! », se moque-t-il.


Un bar à méditation


L’injonction au bien-être tient parfois du vœu pieux. La méditation a beau être « une science de l’esprit vieille de plus de 2 500 ans », née avec l’hindouisme puis le bouddhisme, elle ne va pas de soi. « Tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre », énonçait le philosophe Pascal au XVIIe siècle. Le confinement a pu susciter des angoisses et réactiver des maladies psychiatriques. Or, la méditation est déconseillée pour les gens très déprimés, schizophrènes ou en état de stress posttraumatique, car elle peut précipiter l’épisode dépressif, le délire, le trouble dissociatif. « Ces techniques augmentent parfois la vulnérabilité », met en garde la psychiatre Yasmine Liénard, qui dit par ailleurs beaucoup de bien de la méditation comme mode de soins psychiatriques.


À la Maison de l’inspir, la méditation se vit à la campagne


En 2017, sa consœur Christine Barois a créé à Paris un bar à méditation. Pour offrir aux cadres stressés une pause relaxante. Mais l’expérience a échoué. Peut-être faudra-t-il la renouveler, maintenant que la crise a révélé une demande plus forte. « La méditation n’est pas une mode, elle va durer, comme le yoga s’est enraciné. Je médite moi-même tous les matins une demi-heure depuis 15 ans, parce que cela fait un bien fou. On domestique son esprit. On choisit ses combats quand il a acquis plus de clarté », dit la praticienne. Auteure de Pas besoin d’être tibétain pour méditer (Solar, 2014), elle anime sur Zoom des séances en petits groupes, « On cherche un bonheur idéalisé, une vie sans souffrance, des émotions seulement positives », explique encore Ilios Kotsou, qui « pleure plus facilement » depuis qu’il pratique. Son association Émergences initie aussi en huit semaines à la technique la plus rodée, qui suit un protocole précis : la pleine conscience.


Le programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction, réduction du stress basée sur la pleine conscience), créé en 1979 par le biologiste Jon Kabat-Zinn à l’université du Massachusetts, mêle traditions orientales et science occidentale. Un entraînement intensif, pour répondre plus efficacement au stress, à la douleur et à la maladie. Méditant depuis 10 ans, Ilios Kotsou espère que la vogue « participe d’un changement de culture ». Plus qu’une gym cérébrale, elle propose « une autre manière de vivre » avec sagesse, interdépendance et compassion, buts de tout pratiquant authentique. « En période de crise, la méditation acquiert un sens plus profond », note encore Fabrice Midal, pour qui « méditer, c’est aller à la rencontre d’une altérité en soi », en ayant à coeur une dimension éthique. Méditer pour se changer et changer le monde.


Emmanuel Pierrat, l’avocat qui pratique en laïc

Hyperactif toujours sur la brèche, Me Emmanuel Pierrat a appris la méditation en Inde il y a 20 ans avec un maître de yoga. Depuis, il a pris l’habitude de méditer le matin, comme « une hygiène de vie », après avoir regardé ses dossiers du jour pour s’organiser. Durant le confinement, il a continué de se rendre à son cabinet. Sa séance quotidienne de 20 minutes, dans son appartement parisien, lui est devenue « vraiment indispensable ». « Même avec un esprit cartésien, la situation était anxiogène, confie-t-il. Plus que d’habitude, méditer m’a aidé à préparer des journées complexes : il fallait travailler avec des gens inquiets pour leur vie. Dans nos existences tourbillonnantes où le temps s’accélère, la méditation permet de ralentir… peut-être pour mieux absorber la vitesse qui suit. » Mais pas question pour cet homme fâché avec la religion, qui a publié en juin Je crois en l’athéisme (Cerf), d’y accorder un sens spirituel : « Je n’ai pas quitté l’Église catholique pour rejoindre le bouddhisme : méditer pour moi, c’est une pratique laïque. »


Anne Filippuci, l’enseignante déjà accro

Dans sa maison de Seine-et-Marne, Anne Filippuci, 51 ans, professeure des écoles, a profité du confinement pour s’initier. Entrée dans un groupe Whatsapp grâce à une amie, elle a suivi un programme pendant 21 jours : réflexion sur un thème, la prospérité, puis séance matinale d’une vingtaine de minutes, dans une position confortable. En répétant un mantra si besoin, quand « l’esprit était parasité par des pensées », ou en fixant une bougie, à l’écoute d’une voix masculine, traduite de l’anglais. Mais sans adhérer au contenu « plutôt mystique » des messages. « C’est difficile de ne penser à rien, de se concentrer seulement sur sa respiration et ses sensations corporelles », dit-elle. Elle y a pris goût. Depuis, chaque jour, sans horaires fixes, Anne Filippuci médite sur son canapé ou dans son potager. Elle constate les effets bénéfiques : mise à distance, pensées positives, meilleure gestion de ses émotions. Elle se sent moins dans la confusion face à des situations compliquées, « plus lucide ». Elle sait maintenant que le travail, qui « prend tant de place », n’est pas la priorité !


Des bienfaits reconnus par la science

La pratique séduit aussi parce que, depuis 20 ans, ses effets sont validés scientifiquement. On sait, notamment grâce aux expériences menées sur le cerveau de Matthieu Ricard, que la méditation, de plus en plus utilisée à l’hôpital, modifie le fonctionnement et la structure du cerveau. C’est la neuroplasticité : le cerveau change grâce à l’expérience vécue. Le dalaï-lama s’est toujours montré favorable à ces études, initiées avec l’institut Mind and Life de Francisco Varela. La méditation active des zones qui commandent l’attention, les émotions, la présence au monde. Grâce aux IRM, on remarque une augmentation des ondes gamma, qui boostent les communications neuronales. Le tissu préfrontal du cortex cérébral gauche s’épaissit. Mieux, les phénomènes inflammatoires et le vieillissement cellulaire ralentissent avec la pratique. En France, des laboratoires de recherche mènent des études poussées sur les effets positifs de la méditation. Notamment à Caen et à Lyon, où des équipes de l’Inserm, dont le chercheur en neurosciences cognitives Antoine Lutz, travaillent sur le ralentissement du vieillissement, ou à Strasbourg, sur une moindre récidive du cancer du sein.

Un été dans la Manche : à la pointe de la Hague

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« Un article sur le Cotentin ? Oui… mais n’en parlez pas trop ! » À rebours de la carte postale normande, avec ses vergers de pommiers et ses chaumières, au-delà des plages du Débarquement, existe un autre monde. Gris minéral et bleu changeant, avec ses landes de bruyères parcourues par les vents, ses dunes semées d’orchidées sauvages et ses caps rocheux défiant la tempête. Une nature brute aux couleurs d’Irlande, un pays comme une île, dont on garde jalousement le secret. 


C’est au jardin botanique de Vauville que nous rencontrons notre guide, au pied d’hectares de tourbières semés du jaune des genêts, du vert des fougères et plongeant dans la mer. Silhouette longiligne au regard bleu, Éric Pellerin, 37 ans, est le petit fils du fondateur. Il vient au domaine depuis l’enfance et en connaît toutes les subtilités climatiques. « Avec un petit fond frais permanent, on est exposé à tous les vents, mais aussi au soleil qui…

Profiter des vacances pour approfondir sa spiritualité : les conseils d’Anselm Grün

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Autrefois, lorsque presque tous les hommes travaillaient aux champs, il n’y avait pas de vacances. Il y avait seulement l’hiver, durant lequel on travaillait moins. Aujourd’hui, prendre des vacances est presque devenu comme un besoin essentiel pour chacun. Nous aussi, moines de l’abbaye de Münsterschwarzach, nous avons trois semaines de vacances. C’est à ce moment-là que nous visitons nos familles. Nous ne vivons alors plus selon le rythme bien réglé du cloître. Beaucoup de personnes suivant un chemin spirituel et méditant régulièrement se retrouvent alors face à une question : comment mettre à profit le temps des vacances pour approfondir notre spiritualité ?


Prendre conscience de la nature


Il n’est pas nécessaire que nous nous tenions à notre programme régulier de méditation ou de prière. Les vacances offrent d’autres possibilités de nourrir notre spiritualité. Je vais par exemple toujours volontiers faire de la randonnée avec mes frères et…

Un été dans le Maine-et-Loire : dans l’ancien couvent de la Baumette

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C’est un majestueux roc de schiste ardoisier qui domine la Maine. Des terrasses de ce rocher sculpté par les hommes, on aperçoit le château des ducs d’Anjou au loin, dans la cité. Depuis six siècles, l’ancien couvent de la Baumette se dresse, fière sentinelle, aux portes d’Angers. Joyau patrimonial, exploit architectural, carrefour de l’Histoire, l’endroit appelle à la méditation et à la communion avec la nature. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, ce site enchanteur est cependant méconnu, même des Angevins ! 


Depuis la gare, il n’est qu’à trois petits kilomètres… et pourtant, on croirait être arrivé au bout du monde. Le temps s’y est arrêté, comme suspendu au cours de la rivière qui coule, paisible. Si on lève les yeux, on aperçoit un cygne poursuivant sa route, ses ailes immaculées déployées. 


Les Angevins venaient de la ville s’y faire soigner. Il était tenu par des frères convers.

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À la Maison de Marthe et Marie, l’accueil et l’écoute des jeunes mères en difficulté

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Tous les mardis soir, c’est dîner des colocs dans les maisons Marthe et Marie. Dans l’antenne de Paris, Domitille a préparé le repas pour ses sept colocataires : deux jeunes mères, une femme enceinte et quatre volontaires, toutes âgées de 25 à 35 ans. Dans les bras des unes et des autres : Brayden, Khaylia et Kamelia, trois enfants nés au cours des derniers mois. « Le choix de la vie en collectivité permet à ces femmes enceintes ou avec leur enfant jusqu’à un an, en situation d’isolement et de précarité, de se reconstruire, explique Anne-Laure Penchenat, responsable des deux colocations parisiennes. L’entraide vécue au quotidien les soutient et les guide dans leur parentalité. »


Ambiance familiale


Imaginé par une sage-femme en 2008, le projet de l’association la Maison de Marthe et Marie répond aux carences de solutions d’hébergement pour des femmes dont la grossesse imprévue leur a fait perdre leur logement, les acculant souvent aux hébergements d’urgence. L’autre intuition forte du projet réside dans la vie en colocation avec des volontaires du même âge, inspirée des maisons Lazare, partagées avec des personnes de la rue. « Ce mode de vie permet de recréer une ambiance familiale et rassurante pour des jeunes femmes avec un parcours de vie souvent difficile », souligne la responsable. Les rendez-vous avec le personnel médico-social ont toujours lieu à l’extérieur, afin de préserver cette atmosphère intime.


Respect de la différence


Au sein des colocations au loyer modeste (300€ par personne en régions, 425€ à Paris), certaines règles sont fixées afin de vivre ensemble : engagement dans la vie de la maison, répartition des tâches domestiques, respect de la différence, notamment dans l’éducation des enfants. « Il y a parfois des moments tendus, raconte Hélène, volontaire de 25 ans et psychomotricienne, mais c’est aussi une énorme richesse : on discute beaucoup et on tisse de vrais liens. » Pour les volontaires, l’engagement de un an minimum s’inscrit dans une démarche chrétienne. Elles prient ensemble les laudes chaque jour à 7 heures et assistent à la messe hebdomadaire. « On ne peut pas être à l’autre sans vie de prière : c’est le moteur de la mission », confie Hélène.


Les mères, elles, sont athée, musulmane et bouddhiste. Elles connaissent le projet spirituel, même si l’espace partagé reste laïc et la parole, libre. « Ça me fait du bien de ne pas être seule et d’avoir d’autres personnes qui m’écoutent », livre Ketvadee, jeune mère de 20 ans. Lors de son accouchement, c’est à une volontaire, devenue marraine de sa fille, Kamélia, qu’elle a demandé d’être présente pour l’assister. Elle quittera la colocation cet été, ayant trouvé un logement et un emploi stables. « On s’attache aux mamans et aux enfants, poursuit Hélène, mais, à un moment, elles ont besoin de prendre leur envol. » Depuis 2011, une centaine de mères sont passées par les six colocations situées à Paris, Lyon, Nantes, Strasbourg et Lille ; d’autres antennes sont en cours de création. Le centième bébé devrait prochainement voir le jour dans une des maisons : l’occasion de célébrer les fruits de ce projet, en continuant, comme le souhaite Hélène, à « essayer d’être aussi active que Marthe et aussi disponible que Marie ».


À savoir

Maison de Marthe et Marie : martheetmarie.fr