Mariage en Inde : à la vie, à la mort 

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Il faut bien avouer que la cérémonie du mariage en Inde est splendide. Les cérémonies du pitthi et du mehndi où les époux sont recouverts de tatouages au henné ; le sari rouge et or que portent les femmes le jour J ; l’arrivée du marié à dos de cheval ou d’éléphant ; les somptueux buffets qu’on dévore dans de grands jardins ; ou encore les festivités qui s’étendent sur plusieurs jours… Mais il serait dommage de réduire à de beaux vêtements et des paillettes une cérémonie qui engage à vie deux jeunes individus qui, dans la majorité des cas, viennent à peine de se rencontrer. Le mariage Bollywoodien est, en effet, à la fois une vitrine sociale pour les familles prêtes à se ruiner pour afficher leur rang dans la société et un rite de passage. Pour les jeunes femmes, le mariage est aussi synonyme d’une nouvelle réalité : elles deviennent dépendantes de leur mari, gardien légal de leur épouse.


Bien souvent chassées de leur domicile, c’est-à-dire la demeure de leurs belles familles, les veuves sont renvoyées au ban de la société. 


Or quand il disparaît, elles perdent leur place dans la société. On compterait en Inde près de 33 millions de veuves. Bien souvent chassées de leur domicile, c’est-à-dire la demeure de leurs belles familles, elles sont renvoyées au ban de la société. La diversité des croyances et des superstitions en Inde est propre à chaque région, allant des totems pour éloigner le mauvais œil à de plus sérieux cas comme l’idée répandue que les veuves sont signe de mauvais présage. Près de 20.000 vivent en mendiant sur les bords du Gange dans la ville sainte de Vrindavan, communément appelée “la cité des veuves”. C’est ici, au sein de l’ONG Maitriindia, que nous avons posé nos valises quelques jours. Sarla , Shanti, et Basani, veuves, y vivent et ont pris le temps de se confier à nous.

© Brice Blanc / Asie à Deux
© Brice Blanc / Asie à Deux


Dans le dortoir, six femmes partagent leur quotidien. Chacune possède un lit, une commode d’acier grisâtre décorée à sa guise, et un réchaud. À 98 ans, Sarla est la doyenne des veuves de l’ashram. La peau brune et ridée, le sourire communicatif, elle voue désormais sa vie au dieu Krisna. Dans un fou rire, elle s’exclame : « Mon histoire ! Je n’ai pas d’histoire ! Ma vie est ici, c’est Krisna ! » Rejetée par ses propres enfants, elle fut recueillie par l’association il y a quatre ans. Comme bon nombre de femmes, elle a fait le choix d’oublier son passé. Pas question d’y revenir, parfois même impossible : ce temps-là est trop loin, trop flou pour être décrit.


D’autre cependant portent encore leurs souvenirs. C’est le cas de Shanti. Retirée sur le haut de son lit, elle est un petit bout de femme tout en rondeur. Ses yeux clairs nous dévisagent : « J’ai 75 ans et je suis ici depuis quatre mois. La vie est dure mais ici, c’est un peu mieux. » Notre regard interrogateur rencontre un immense cadre en bois trônant sur la commode. Après un instant d’hésitation, elle s’en saisit. Dessus, le portrait d’un militaire a vieilli. Le serrant de tout son être, elle raconte : « Mon père m’a vendue à cet homme alors que je n’avais que 14 ans. C’était un homme d’âge mur, j’avais peur et je ne savais pas ce qu’allait être ma vie après ça. Mais j’ai eu une chance incroyable. Cet homme m’a offert beaucoup. Il m’a respecté et avec lui, j’ai pu étudier. Il m’a même emmené à Paris et à Londres ! J’ai beaucoup aimé mon mari… » Enchaînant timidement les mots, elle nous conte le décès inattendu de cet homme, mort au combat il y a près de 50 ans. Après quelques années, elle a cependant été rejetée par sa belle-famille. Oubliée, elle a retrouvé la misère et la violence des années durant. Le souvenir est dur, elle tient fermement notre main, ses larmes nous traversent, l’accolade se prolonge. Finalement, le sourire aux lèvres, elle se relève.


Leur identité se réduit à ce petit bout de « chez soi » qu’elles tentent de créer au chevet de leur lit. 


Soudain, un hurlement. Basani, quelques lits plus loin, s’accroche à un poster de Krisna. Le poster est vieilli et déchiré, les murs vont être repeints, il est temps de faire propre et de le jeter, explique un membre de l’association. Comme si on lui dérobait un trésor, Basani sanglote et s’épuise à jurer. Le souffle coupé, elle s’endort finalement entourée de ses sœurs. La vie de ses femmes est fragile. Leur identité se réduit à ce petit bout de « chez soi » qu’elles tentent de créer au chevet de leur lit. Une chapelle intime que nul ne devrait souiller. Plus tard, nous échangeons quelques mots avec elle. A la dureté de ses mots contre tous, contre sa situation, on sent que la colère l’habite entièrement. Elle avoue ne trouver de repos que dans la foi : « Elle ne m’abandonne pas ». Mais rien ne l’amène à remettre en cause ce rejet des « veuves » : à la question que nous lui posons – « Ne voulez-vous pas que votre fille, veuve et errante depuis 4 ans, vous rejoigne ici ? » – elle répond froidement : « Non, je ne veux pas d’elle ici. »


La superstition en Inde est une question sociale et un problème national. Être veuve est un statut présenté comme une tare abjecte qui conduit des femmes à une vie d’errance et de misère, développe en elle un sentiment de culpabilité, de perte d’identité et/ou de colère. Dans un pays où la femme est encore considérée comme la « propriété » d’un homme (père, mari, frère, cousin), le chemin à faire pour accéder à l’égalité de statut que lui reconnaît la Constitution – mais que lui dénie encore très souvent la société – est encore long.

Comment vivre l’amour toujours ?

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Le couple, fragile et complexe, est en constante évolution. Alors que le nombre de séparations est en augmentation, Philippe Brenot, psychiatre, sexologue et anthropologue, directeur de l’enseignement de sexologie à l’université Paris-Descartes et président de l’Observatoire international du couple, s’interroge sur ce que ce dernier est vraiment, sur ses récentes exigences en matière de sexualité et sur la manière de le faire durer.


La notion de couple est-elle aussi vieille que le monde, comme le mythe d’Adam et Ève semble le suggérer ?


L’invention du couple, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, c’est-à-dire un couple amoureux, est récente. Elle date seulement d’une cinquantaine d’années. Avant, c’était un « couple famille » qui prévalait… Et aux débuts de l’humanité, cette notion n’existait tout simplement pas ! Comme pour 99% des mammifères aujourd’hui, il n’y avait pas de monogamie. D’ailleurs, nos lointains ancêtres les chimpanzés…