“Ma famille est toxique“

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« Depuis 4 ans maintenant, je fais silence radio avec ma mère qui a 80 ans, ma sœur, mon beau-frère, mon frère, ma tante, sœur de ma mère…. Et ma fille a voulu rompre ce silence depuis 1an, car elle avait besoin de réponses à des questions qu’a priori il n’y avait que moi qui pouvait lui apporter…

Pourquoi ce silence ? Pour plusieurs raisons : la première, ma tante (porte-paroles de ma sœur et ma mère) a accusé mon époux actuel de voyeurisme à l’encontre de ma fille… c’est pure calomnie ; la deuxième, après avoir signé une donation-partage, ma mère souhaitait me faire signer une donation transgénérationnelle pour le déshériter… chose que j’ai refusée.

Je vous épargne les coups-bas de ma sœur.

Plusieurs précisions pour connaître le contexte. Depuis que j’ai divorcé avec le père de ma fille, ma famille a bien voulu m’aider matériellement parlant (aide que j’ai acceptée, à contrecœur, et à mon grand désarroi). J’ai commencé la boisson à cette période jusqu’en 2008, je suis abstinente depuis 9 ans. J’ai pris de la distance avec cette famille qui régentait ma vie ; je n’ai jamais eu ma place de cadette dans cette famille, j’ai été mise de côté plusieurs fois, etc.

Comment est-ce possible de renouer avec ma famille alors que, depuis un moment, j’ai compris que c’était des personnes toxiques dans tous les domaines de ma vie ? Et pourtant ce n’est pas facile tous les jours de vivre avec cette idée. C’est un combat permanent. Même ma fille m’a dit que sa grand-mère parle souvent de moi et qu’elle souhaitait que je renoue contact avec elle… Je lui ai répondu que, pour sauver ma santé mentale, cela m’était impossible.

Je crois bien que pour moi la famille c’est fini…

Désolée pour la longueur de ce message et merci de m’aider à trouver une solution, si tenté qu’il y en ait une…

Bien cordialement à vous,

Anne

P.S. Mon père était alcoolique ma sœur et mon beau-frère sont dans alcoolisme… »


> La réponse de Jacques Arènes :


C’est clair, votre mari n’est pas bien accepté. J’ai une question : êtes-vous sûre que, vis-à-vis de lui, tout est pure calomnie ? Qu’en pense, par exemple, votre fille, la première concernée par l’accusation qui est faite ?


Vous répétez comme un leitmotiv que cela n’est pas possible, que c’est fini, que votre famille est toxique… Personne ne vous oblige à renouer avec eux, et vous dites non de toute votre force. Mais, au fond de vous, cela résiste. Et c’est aussi la voix de votre fille qui vous fait douter, et redouble la petite voix intérieure qui y croit encore. Parce que votre fille tient à ce que vous repreniez le contact. Elle semble se cacher – à moins que cela ne soit vous – derrière la demande de sa grand-mère, et d’autres encore (je n’ai pas cité toute le courriel). Mais c’est aussi elle qui vous le demande, sans pourvoir le formuler à la première personne. Personne ne vous oblige, mais ces deux petites voix, intérieure et extérieure, ne vous laissent pas tranquille. Et vous poussent au moins à y réfléchir. Et peut-être à vous décentrer de votre opinion.


Le lecteur est intrigué par la toxicité, réelle ou virtuelle, qui circule dans la famille, l’alcool, la médisance ou la calomnie, comme si c’était un destin. Vous soulignez d’ailleurs, en guise de postscriptum, votre « hérédité » en termes d’alcool. Comment se débarrasser de ce qui colle à la peau et à l’âme ? Vous y êtes pourtant arrivée pour la dépendance à l’alcool. Pour ce qui concerne les paroles fielleuses, et votre « dépendance » à une famille « toxique », c’est plus difficile. Cela « colle » encore plus à l’être que n’importe quelle addiction. C’est vrai qu’il existe des groupes où les langues ne savent pas se tenir.


C’est alors très courageux de ne pas se laisser prendre par une ambiance générale où les personnes sont trop proches et où, en même temps, la bienveillance n’est pas au rendez-vous. C’est pourtant la première chose à faire ou plutôt à ne pas faire ; ne pas consentir à la toxicité qui s’insinue partout. Vous avez le pouvoir – c’est le seul que vous avez – que tout cela ne passe pas par vous. Vous avez exercé jusqu’ici ce pouvoir en vous retirant du jeu. Ne plus les voir, c’est ne plus risquer de blesser ou d’être blessée. Est-ce possible autrement ? C’est la question risquée que vous pose votre fille. Vous n’êtes plus dépendante à l’alcool, il s’agit alors de ne plus vous montrer dépendante vis-à-vis de votre mère, de votre sœur, comme vous l’étiez auparavant, financièrement sans doute, mais aussi affectivement. L’autonomie la plus achevée n’est pas de complètement couper les ponts, mais de trouver une juste distance, et de ne pas avoir besoin constamment du regard et de la reconnaissance de l’autre pour avancer.


Si vous en êtes arrivée là, il est peut-être possible de renouer, non pas comme si de rien n’était, mais simplement pour que le lien existe, sans non plus être dévorée par lui. Votre mère et votre sœur n’ont peut-être pas changé. Vous si. Pour cette raison votre fille devenue adulte vous pose la question du lien. Répondez-y sans vous presser, et prenez le temps de discerner si vous êtes assez forte pour cela. Un paramètre est important : votre mère n’est pas éternelle. Vous avez du temps, mais vous n’avez pas tout le temps.