C’était la galette des vacances

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La cloche de l’école, le bord du trottoir en équilibre, ce n’étaient pas encore les vacances. Le goûter, les images du chocolat Poulain, la préparation des sandwiches, ce n’étaient pas tout à fait les vacances non plus. Évidemment, le savoir-faire millimétré du chargement de voiture y ressemblait déjà un peu plus, mais c’était plus une promesse qu’un accomplissement. Le front posé sur la vitre, les phares des voitures en face, les péages, une chanson de variété assourdie par le bruit du moteur, et de temps en temps le tic-tac d’un clignotant, ce n’étaient toujours pas les vacances mais nous approchions du but. Encore un effort ; garder les paupières hautes. Un pont, puis un autre, venait ensuite l’ombre d’une abbaye, la forêt, le cimetière, encore un dernier pont. Tic-tac, tic-tac. Le véhicule entrait dans la cour, on découvrait la maison picarde, une unique fenêtre éclairée. Mais même le craquement de la porte d’entrée, ce n’était pas encore cela. Le seul vrai signal que les vacances débutaient, c’était une phrase faussement détachée et religieusement rituelle : « Bertil, il y a de la galette. »


Un moment hors du temps


Il est admis par tous que c’était celle de mon père. Peut-être parce que son allergie aux œufs lui interdisait les meringues (autre spécialité de sa belle-mère), peut-être simplement parce qu’il était souvent le premier à la réclamer. Mais tout le monde y avait droit, en arrivant à la ferme après quelques heures de route. « Quand quelqu’un venait, on faisait une galette », a résumé ma grand-mère des années plus tard, ponctuant ce constat de son expression favorite, presque sa philosophie de vie : « C’est comme ça. » Sur la table, toujours la même nappe à fleurs et toujours les verres Duralex sur leur plateau. Un jus de fruit ? un verre de cidre ? On s’embrassait, on se disputait les fauteuils, on inspectait discrètement les cartes postales récemment ajoutées autour du miroir. Souvenirs interstitiels, qu’aucune photo n’aura jamais figés. Qui aurait l’idée saugrenue d’immortaliser un moment hors du temps ?


Et la galette, donc. Sans effets, sans secrets : juste de la farine, du sucre, du beurre. Du sable à crumble étalé dans un plat, en somme. Une simplicité qui n’exonère pourtant pas d’un engagement total lors de la préparation : y aller à pleines mains, impossible de faire autrement. La seule vraie malice de la recette réside dans sa cuisson. La galette trop hâlée est rancunière ; elle a beau ne dissimuler aucune fève, on y perdrait facilement une couronne… Mais celui qui a l’art de la tirer du four à bois au bon moment, quand les bords commencent juste à dorer, la trouve moelleuse en son cœur et couverte d’une fine pellicule sablonneuse et sucrée qui fond délicieusement sur la langue, tandis que vers l’extérieur elle croque sous la dent.


L’origine de la recette s’est perdue, tout juste sait-on avec certitude que mon arrière-grand-mère la pratiquait déjà. Y a-t-il dans le minimalisme des ingrédients la mémoire d’un temps de guerre où il fallait faire simple et efficace ? Hypothèses tardives. La vérité, c’est que personne n’a jamais spécialement « pensé » la galette. Elle était la récompense des voyages, la parenthèse qui ouvrait des jours heureux et proprets à la Marcel Pagnol, aussi sûrement que les embrassades humides dans l’escalier signaient le retour à un quotidien d’école ou de travail.


Aventures et confidences


Une fois calés, on montait les valises dans les chambres en échafaudant des plans d’extension des cabanes, de courses de vélos rapiécés autour de la cour ou de chasses aux rats dans le jardin. Pendant ce temps, deux générations de mères refaisaient le monde « en bas ». Mon grand-père, ses fils et ses gendres faisaient volontiers un tour dehors, et je crois que le mur derrière l’étable, celui bordé de rhubarbe et de fraisiers, fut plus d’une fois baptisé dans la fraîcheur du soir…


Dans ce corps de ferme, mille aventures d’enfance ont été vécues, mille confidences échangées, et le goût de la galette fait partie du décor, au même titre que la couleur sang des briques picardes et le son de l’eau dans le déversoir derrière la maison.


Il y avait toujours des restes, et même des réserves empilées dans un grand ­Tupperware, entre des feuilles d’aluminium. La galette accompagnait les compotes et salades de fruits pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que les souris aient raison des dernières parts. « Les parts !, s’exclame ma grand-mère avant de raccrocher le téléphone. N’oublie pas d’écrire qu’il faut couper les parts dès qu’on sort la galette du four, surtout ! Parce qu’après, on n’y arrive plus sans la casser… » Certains souvenirs, pourtant, sont comme les galettes sablées : ils ont beau durcir et s’effriter, ils sont encore meilleurs quand on revient les grignoter en douce.

C'était la galette des vacances
© Gérard Dubois pour La Vie



La recette :



Ingrédients, pour une galette :

200 g de farine

100 g de sucre

100 g de beurre


Préparation : 10 min
Cuisson : 20-25 min


Laissez ramollir le beurre avant de commencer (attention : il doit être mou, pas fondu).

Préchauffez le four à 180° C.

Mélangez la farine et le sucre dans un récipient, puis ajoutez le beurre mou et malaxez l’ensemble jusqu’à obtenir une pâte bien sablonneuse.

Étalez-la à la main dans un moule à tarte pour former une surface uniforme.

Laissez cuire environ 20-25 minutes, en surveillant attentivement. Quand la galette blondit et dore légèrement sur les bords, tirez-la du four.

Disposez-la dans un plat… et coupez immédiatement les parts.

C’était la galette des vacances

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La cloche de l’école, le bord du trottoir en équilibre, ce n’étaient pas encore les vacances. Le goûter, les images du chocolat Poulain, la préparation des sandwiches, ce n’étaient pas tout à fait les vacances non plus. Évidemment, le savoir-faire millimétré du chargement de voiture y ressemblait déjà un peu plus, mais c’était plus une promesse qu’un accomplissement. Le front posé sur la vitre, les phares des voitures en face, les péages, une chanson de variété assourdie par le bruit du moteur, et de temps en temps le tic-tac d’un clignotant, ce n’étaient toujours pas les vacances mais nous approchions du but. Encore un effort ; garder les paupières hautes. Un pont, puis un autre, venait ensuite l’ombre d’une abbaye, la forêt, le cimetière, encore un dernier pont. Tic-tac, tic-tac. Le véhicule entrait dans la cour, on découvrait la maison picarde, une unique fenêtre éclairée. Mais même le craquement de la porte d’entrée, ce n’était pas encore cela. Le seul vrai signal que les vacances débutaient, c’était une phrase faussement détachée et religieusement rituelle : « Bertil, il y a de la galette. »


Un moment hors du temps


Il est admis par tous que c’était celle de mon père. Peut-être parce que son allergie aux œufs lui interdisait les meringues (autre spécialité de sa belle-mère), peut-être simplement parce qu’il était souvent le premier à la réclamer. Mais tout le monde y avait droit, en arrivant à la ferme après quelques heures de route. « Quand quelqu’un venait, on faisait une galette », a résumé ma grand-mère des années plus tard, ponctuant ce constat de son expression favorite, presque sa philosophie de vie : « C’est comme ça. » Sur la table, toujours la même nappe à fleurs et toujours les verres Duralex sur leur plateau. Un jus de fruit ? un verre de cidre ? On s’embrassait, on se disputait les fauteuils, on inspectait discrètement les cartes postales récemment ajoutées autour du miroir. Souvenirs interstitiels, qu’aucune photo n’aura jamais figés. Qui aurait l’idée saugrenue d’immortaliser un moment hors du temps ?


Et la galette, donc. Sans effets, sans secrets : juste de la farine, du sucre, du beurre. Du sable à crumble étalé dans un plat, en somme. Une simplicité qui n’exonère pourtant pas d’un engagement total lors de la préparation : y aller à pleines mains, impossible de faire autrement. La seule vraie malice de la recette réside dans sa cuisson. La galette trop hâlée est rancunière ; elle a beau ne dissimuler aucune fève, on y perdrait facilement une couronne… Mais celui qui a l’art de la tirer du four à bois au bon moment, quand les bords commencent juste à dorer, la trouve moelleuse en son cœur et couverte d’une fine pellicule sablonneuse et sucrée qui fond délicieusement sur la langue, tandis que vers l’extérieur elle croque sous la dent.


L’origine de la recette s’est perdue, tout juste sait-on avec certitude que mon arrière-grand-mère la pratiquait déjà. Y a-t-il dans le minimalisme des ingrédients la mémoire d’un temps de guerre où il fallait faire simple et efficace ? Hypothèses tardives. La vérité, c’est que personne n’a jamais spécialement « pensé » la galette. Elle était la récompense des voyages, la parenthèse qui ouvrait des jours heureux et proprets à la Marcel Pagnol, aussi sûrement que les embrassades humides dans l’escalier signaient le retour à un quotidien d’école ou de travail.


Aventures et confidences


Une fois calés, on montait les valises dans les chambres en échafaudant des plans d’extension des cabanes, de courses de vélos rapiécés autour de la cour ou de chasses aux rats dans le jardin. Pendant ce temps, deux générations de mères refaisaient le monde « en bas ». Mon grand-père, ses fils et ses gendres faisaient volontiers un tour dehors, et je crois que le mur derrière l’étable, celui bordé de rhubarbe et de fraisiers, fut plus d’une fois baptisé dans la fraîcheur du soir…


Dans ce corps de ferme, mille aventures d’enfance ont été vécues, mille confidences échangées, et le goût de la galette fait partie du décor, au même titre que la couleur sang des briques picardes et le son de l’eau dans le déversoir derrière la maison.


Il y avait toujours des restes, et même des réserves empilées dans un grand ­Tupperware, entre des feuilles d’aluminium. La galette accompagnait les compotes et salades de fruits pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que les souris aient raison des dernières parts. « Les parts !, s’exclame ma grand-mère avant de raccrocher le téléphone. N’oublie pas d’écrire qu’il faut couper les parts dès qu’on sort la galette du four, surtout ! Parce qu’après, on n’y arrive plus sans la casser… » Certains souvenirs, pourtant, sont comme les galettes sablées : ils ont beau durcir et s’effriter, ils sont encore meilleurs quand on revient les grignoter en douce.

C'était la galette des vacances
© Gérard Dubois pour La Vie



La recette :



Ingrédients, pour une galette :

200 g de farine

100 g de sucre

100 g de beurre


Préparation : 10 min
Cuisson : 20-25 min


Laissez ramollir le beurre avant de commencer (attention : il doit être mou, pas fondu).

Préchauffez le four à 180° C.

Mélangez la farine et le sucre dans un récipient, puis ajoutez le beurre mou et malaxez l’ensemble jusqu’à obtenir une pâte bien sablonneuse.

Étalez-la à la main dans un moule à tarte pour former une surface uniforme.

Laissez cuire environ 20-25 minutes, en surveillant attentivement. Quand la galette blondit et dore légèrement sur les bords, tirez-la du four.

Disposez-la dans un plat… et coupez immédiatement les parts.

En couple, aimez et… comptez en toute clarté

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« Je gagne trois fois plus que Marion, ma compagne », annonce Florent, futur marié. Une différence qui a soulevé des discussions au sein du couple lors des prémices de leur relation. Ne souhaitant pas dépendre de son petit ami, la jeune femme tenait à payer sa part au restaurant. « Mais, au fil du temps, ma vision a évolué, notamment avec l’arrivée de notre fils, Arthur, pointe la jeune maman, sa tête délicatement nichée contre l’épaule de son compagnon. J’ai compris que l’on formait un seul et même foyer, et nous avons recréé un modèle qui nous convenait à tous les deux. »


Ce témoignage est donné face à une petite assemblée : cinq autres couples assistent, en ce vendredi soir, à une session de travail pour futurs époux, à Paris, dans le XIe arrondissement. Assis dans le salon de deux animateurs des Centres de préparation au mariage (CPM), Florent et Marion, Théo et Anne, Quentin et…

C’était la galette des vacances

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La cloche de l’école, le bord du trottoir en équilibre, ce n’étaient pas encore les vacances. Le goûter, les images du chocolat Poulain, la préparation des sandwiches, ce n’étaient pas tout à fait les vacances non plus. Évidemment, le savoir-faire millimétré du chargement de voiture y ressemblait déjà un peu plus, mais c’était plus une promesse qu’un accomplissement. Le front posé sur la vitre, les phares des voitures en face, les péages, une chanson de variété assourdie par le bruit du moteur, et de temps en temps le tic-tac d’un clignotant, ce n’étaient toujours pas les vacances mais nous approchions du but. Encore un effort ; garder les paupières hautes. Un pont, puis un autre, venait ensuite l’ombre d’une abbaye, la forêt, le cimetière, encore un dernier pont. Tic-tac, tic-tac. Le véhicule entrait dans la cour, on découvrait la maison picarde, une unique fenêtre éclairée. Mais même le craquement de la porte d’entrée, ce n’était pas encore cela. Le seul vrai signal que les vacances débutaient, c’était une phrase faussement détachée et religieusement rituelle : « Bertil, il y a de la galette. »


Un moment hors du temps


Il est admis par tous que c’était celle de mon père. Peut-être parce que son allergie aux œufs lui interdisait les meringues (autre spécialité de sa belle-mère), peut-être simplement parce qu’il était souvent le premier à la réclamer. Mais tout le monde y avait droit, en arrivant à la ferme après quelques heures de route. « Quand quelqu’un venait, on faisait une galette », a résumé ma grand-mère des années plus tard, ponctuant ce constat de son expression favorite, presque sa philosophie de vie : « C’est comme ça. » Sur la table, toujours la même nappe à fleurs et toujours les verres Duralex sur leur plateau. Un jus de fruit ? un verre de cidre ? On s’embrassait, on se disputait les fauteuils, on inspectait discrètement les cartes postales récemment ajoutées autour du miroir. Souvenirs interstitiels, qu’aucune photo n’aura jamais figés. Qui aurait l’idée saugrenue d’immortaliser un moment hors du temps ?


Et la galette, donc. Sans effets, sans secrets : juste de la farine, du sucre, du beurre. Du sable à crumble étalé dans un plat, en somme. Une simplicité qui n’exonère pourtant pas d’un engagement total lors de la préparation : y aller à pleines mains, impossible de faire autrement. La seule vraie malice de la recette réside dans sa cuisson. La galette trop hâlée est rancunière ; elle a beau ne dissimuler aucune fève, on y perdrait facilement une couronne… Mais celui qui a l’art de la tirer du four à bois au bon moment, quand les bords commencent juste à dorer, la trouve moelleuse en son cœur et couverte d’une fine pellicule sablonneuse et sucrée qui fond délicieusement sur la langue, tandis que vers l’extérieur elle croque sous la dent.


L’origine de la recette s’est perdue, tout juste sait-on avec certitude que mon arrière-grand-mère la pratiquait déjà. Y a-t-il dans le minimalisme des ingrédients la mémoire d’un temps de guerre où il fallait faire simple et efficace ? Hypothèses tardives. La vérité, c’est que personne n’a jamais spécialement « pensé » la galette. Elle était la récompense des voyages, la parenthèse qui ouvrait des jours heureux et proprets à la Marcel Pagnol, aussi sûrement que les embrassades humides dans l’escalier signaient le retour à un quotidien d’école ou de travail.


Aventures et confidences


Une fois calés, on montait les valises dans les chambres en échafaudant des plans d’extension des cabanes, de courses de vélos rapiécés autour de la cour ou de chasses aux rats dans le jardin. Pendant ce temps, deux générations de mères refaisaient le monde « en bas ». Mon grand-père, ses fils et ses gendres faisaient volontiers un tour dehors, et je crois que le mur derrière l’étable, celui bordé de rhubarbe et de fraisiers, fut plus d’une fois baptisé dans la fraîcheur du soir…


Dans ce corps de ferme, mille aventures d’enfance ont été vécues, mille confidences échangées, et le goût de la galette fait partie du décor, au même titre que la couleur sang des briques picardes et le son de l’eau dans le déversoir derrière la maison.


Il y avait toujours des restes, et même des réserves empilées dans un grand ­Tupperware, entre des feuilles d’aluminium. La galette accompagnait les compotes et salades de fruits pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que les souris aient raison des dernières parts. « Les parts !, s’exclame ma grand-mère avant de raccrocher le téléphone. N’oublie pas d’écrire qu’il faut couper les parts dès qu’on sort la galette du four, surtout ! Parce qu’après, on n’y arrive plus sans la casser… » Certains souvenirs, pourtant, sont comme les galettes sablées : ils ont beau durcir et s’effriter, ils sont encore meilleurs quand on revient les grignoter en douce.

C'était la galette des vacances
© Gérard Dubois pour La Vie



La recette :



Ingrédients, pour une galette :

200 g de farine

100 g de sucre

100 g de beurre


Préparation : 10 min
Cuisson : 20-25 min


Laissez ramollir le beurre avant de commencer (attention : il doit être mou, pas fondu).

Préchauffez le four à 180° C.

Mélangez la farine et le sucre dans un récipient, puis ajoutez le beurre mou et malaxez l’ensemble jusqu’à obtenir une pâte bien sablonneuse.

Étalez-la à la main dans un moule à tarte pour former une surface uniforme.

Laissez cuire environ 20-25 minutes, en surveillant attentivement. Quand la galette blondit et dore légèrement sur les bords, tirez-la du four.

Disposez-la dans un plat… et coupez immédiatement les parts.

De l’étincelle au feu d’artifice, pourquoi le feu fascine

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Ses mots sont ceux d’un dompteur qui aurait réussi à apprivoiser un animal sauvage, effarouché et peureux. « Quand on parvient à arracher une étincelle à la pyrite, et qu’elle reste vivante, capturée dans une poignée d’amadou, c’est extraordinaire ! » Joël Barral est l’un de ces hommes qui, à mains nues, parviennent à attraper le feu. Il le piège dans un guet-apens ensoleillé de brindilles frémissantes et d’écorces craquantes. « Il faut avoir vécu ce moment où la braise se transforme en flamme entre vos doigts. C’est magique ! » 


Ingénieur dans la construction ferroviaire, cet amateur de randonnées et d’expéditions chasse le feu depuis 2009. Cette année-là, en février, alors qu’il traversait avec une amie les Vosges en raquettes, en plein hiver, par une température de – 5°C à – 15°C, il s’aperçut après trois jours de marche que les allumettes étaient inutilisables, devenues friables, et que le papier était gorgé d’humidité….

De l’étincelle au feu d’artifice, pourquoi le feu fascine

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Ses mots sont ceux d’un dompteur qui aurait réussi à apprivoiser un animal sauvage, effarouché et peureux. « Quand on parvient à arracher une étincelle à la pyrite, et qu’elle reste vivante, capturée dans une poignée d’amadou, c’est extraordinaire ! » Joël Barral est l’un de ces hommes qui, à mains nues, parviennent à attraper le feu. Il le piège dans un guet-apens ensoleillé de brindilles frémissantes et d’écorces craquantes. « Il faut avoir vécu ce moment où la braise se transforme en flamme entre vos doigts. C’est magique ! » 


Ingénieur dans la construction ferroviaire, cet amateur de randonnées et d’expéditions chasse le feu depuis 2009. Cette année-là, en février, alors qu’il traversait avec une amie les Vosges en raquettes, en plein hiver, par une température de – 5°C à – 15°C, il s’aperçut après trois jours de marche que les allumettes étaient inutilisables, devenues friables, et que le papier était gorgé d’humidité….

Les krouchtikis 
de Wanda

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Cela faisait quelques mois que ma mère et mon père se fréquentaient, sans jamais s’être invités chez l’un ou chez l’autre pour autant. Ils s’étaient rencontrés dans le bus qu’ils empruntaient tous les jours pour aller au travail, à Valenciennes (Nord), un salon de coiffure pour elle, une banque pour lui.


Les beignets de la rencontre


Un jour, mon père manqua à l’appel plusieurs jours de suite. L’affaire était d’autant plus inquiétante que c’était la veille de Noël. Et sa maison, cachée au fond d’une impasse de la cité Nervo, à Escaudain, n’était pas équipée du téléphone. Ma mère ne disposait que d’une adresse, crayonnée sur un petit carnet. Prenant le taureau par les cornes, elle décida, le soir du réveillon, de se rendre sur place, assistée par son père, mon grand-père Roger, qui l’accompagna en voiture. Elle fut d’abord étonnée par l’exiguïté du lieu et les cages à lapin attenantes à la petite maison. La porte s’ouvrit. En apercevant ma mère, les prunelles « wojtyliennes », bleu glacier, de Wanda, ma grand-mère paternelle, tournèrent au noir le plus orageux. Elle l’invita malgré tout à entrer, expliquant que mon père était cloué au lit par une mauvaise grippe. En attendant, elle avisa ma mère plus en détail et, le ciel de ses yeux s’étant éclairci, elle ouvrit les portes du placard pour en sortir un saladier de krouchtikis, des beignets de carnaval très populaires en Pologne, son pays d’origine…


Je n’ai pas connu Wanda, ma grand-mère polonaise, morte assez jeune du cancer. Pourtant, j’ai hérité de la rondeur de son visage et, selon mon père, de la malice de son regard. De son caractère entêté, aussi. D’elle, il ne me reste qu’un visage, dont elle m’a transmis quelques traits, et quelques photos, rares, en noir et blanc. Et puis le goût des krouchtikis.


Parce qu’ils voulaient que leurs trois fils réussissent, s’intègrent au mieux dans la société française, mes grands-parents polonais n’ont pas cherché coûte que coûte à les maintenir dans la culture de leur pays d’origine, qu’ils avaient pour ainsi dire fui à cause de la grande pauvreté, du manque de perspectives d’avenir et de la pression permanente que signifiait le fait de vivre sous l’Occupation. Ils venaient tous deux de la partie occupée par l’Autriche, prise en étau entre la part prussienne et la part soviétique. Il était officier dans l’armée polonaise, elle, actrice et chanteuse dans une petite troupe de théâtre. Arrivé en France à la fin des années 1920, il fut embauché dans la sidérurgie, en Lorraine, puis il migra dans le Nord, où ils se rencontrèrent et se marièrent, à Denain, en 1930.


Le témoin vivant du passé


Chez eux, on parlait la langue maternelle, mon père et ses deux frères allaient au catéchisme polonais, on écoutait l’orchestre Kubiak, formation familiale qui réchauffa les cœurs de milliers d’expatriés rassemblés dans les froides cités minières du Nord et de la Lorraine. On était pauvres, on mangeait du bortsch et des galettes de pomme de terre. Mais on se réjouissait que les enfants apprennent le français à l’école de la République, en espérant qu’ils cueillent un jour les fruits des sacrifices imposés par l’exil.


Au fil du temps, les racines se sont asséchées, et les souvenirs se sont effacés. De mon histoire familiale, il reste si peu de choses que le goût des krouchtikis n’en est que plus précieux. Il est pour ainsi dire la seule passerelle vers ce passé en forme de texte à trous. Car je sais que les mains de cette grand-mère inconnue ont pétri ce mélange de farine, de sucre, de vanille et de beurre, que, de la pointe d’un couteau, elle leur a donné cette forme rectangulaire avant de les nouer, de les jeter dans la friture, puis de les saupoudrer de sucre. Peut-être même a-t-elle, comme je le fais systématiquement, grignoté un petit morceau de pâte crue. Et je devine son plaisir, dans cette maison où l’on manquait du nécessaire, à confectionner ce superflu dans lequel viendraient piocher six petites mains ou les doigts impatients d’invités impromptus. Des doigts comme ceux de sa future belle-fille, qui, en acceptant ce krouchtiki dont elle garde encore un souvenir ému, scella, une nuit de Noël, une sorte de pacte silencieux dont je suis l’héritière.

Les krouchtikis ?de Wanda
© Gérard Dubois pour La Vie


La recette :



Ingrédients, 
pour 30 pièces :

300 g de farine

1 paquet de levure chimique

1 paquet de sucre vanillé

50 g de sucre semoule pour 
la pâte + 50 g pour le saupoudrage

1 pincée de sel

2 œufs

2 cuillères à soupe de lait

1 cuillère à soupe de rhum (facultatif)

100 g de beurre pommade

Huile pour friture


Préparation : 20 minutes

Cuisson : quelques minutes


Dans une jatte, mélangez la farine, la levure, le sucre, le sucre vanillé, le sel, les œufs, le lait (et le rhum).

Incorporez le beurre, pétrissez, puis étalez la pâte (1/2 cm d’épaisseur) sur une surface farinée.

Découpez des petits rectangles 
de 5 x 2,5 cm. Pratiquez une fente au milieu de chacun. Faites passer un des petits côtés par la fente de façon à obtenir un nœud papillon.

Faites chauffer l’huile de friture. 
Dès que la température est bonne, plongez-y les beignets, au fur et à mesure. Laissez-les dorer quelques minutes, puis égouttez-les et saupoudrez-les de sucre semoule.

Déposez-les ensuite dans un grand saladier tapissé d’un tissu. 

Pour les vacances, allez au vert !

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« On a déjà la tête aux vacances », s’exclament Anne-Sophie et Didier. Cet été, ces Angevins feront la Loire à vélo avec leurs cinq enfants. L’itinéraire est déjà affiché dans la cuisine. « Nous habitons dans le centre-ville d’Angers ; nous partirons donc à vélo de chez nous pour deux semaines, sans problème de bouchons… Et puis le vélo, c’est sympa à tous les âges. » Depuis plusieurs dimanches déjà, la famille est en selle et fait des sorties pour s’entraîner. Pour les vacances, cette famille recherche la nature, la cohésion et l’aventure. Les aînés ont prévu de mener l’enquête. Le petit dernier de 14 mois se fera promener. Les parents espèrent qu’il fera beau. 


Première étape : la tribu s’arrêtera dans un hébergement trouvé sur le site du mouvement Colibris. « On passera la nuit chez une actrice du tourisme responsable qui essaie de vivre en autosuffisance. Les deux grands ont leur questionnaire en poche »,…

Le secret des aubergines confites d’Esther

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Enfant, je vivais à quelques centaines de mètres d’une plage ombragée de pins, au bord de la ­Méditerranée. Ma mère, qui habite toujours dans cette maison côtière, était un cordon-bleu. Née au Maroc, elle cuisinait des plats aux saveurs exotiques. À table, nous voyagions de la Chine au Maghreb en passant par l’Europe de l’Est et l’Afrique. Mes parents ont vécu deux ans à Madagascar, où je suis née. Achards de citrons, sauce rougail, romazava : ces plats, propres à éveiller les papilles, ont aussi épicé mon enfance. Nous étions loin du steak-purée !


Par ailleurs, ma mère cuisinait des plats chers à mon père, un Provençal amateur de bonne chère : ragoût de morue aux olives, ragoût de mouton, aïoli, oreillettes au sucre glace. Entre mille divines spécialités, ma mère nous régalait de pizzas aux poivrons, de couscous aux raisins, de poulet au Porto, de brioches et de tartes à l’orange. Quand on la félicitait pour son talent, elle…