Le “test de Turing” censé déceler l’intelligence d’une machine est vraiment faillible

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Le test de Turing pour déterminer l'intelligence d'une machine est-il faillible ? (Matt Chan via Flickr CC BY 2.0).

Le test de Turing pour déterminer l’intelligence d’une machine contient un bug fondamental (Matt Chan via Flickr CC BY 2.0).

Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

Mais deux spécialistes de l’IA viennent de publier un article dans le Journal of Experimental & Theoretical Artificial Intelligence révélant les limites de ce test, alors que les progrès et la diffusion de l’IA dans de nombreux secteurs dont la sécurité rend absolument nécessaire l’évaluation de leur niveau d’intelligence.

Une machine qui bugge peut donner l’illusion d’être intelligente

La trouvaille des auteurs n’est pas technique, et peut même sembler franchement anecdotique. Mais elle a l’avantage d’enterrer un peu plus ce test basé sur le jugement humain et non pas sur une définition scientifique de l’intelligence.

Les auteurs montrent en effet comment plusieurs systèmes IA ont gagné au test tout simplement en buggant et donc en ne répondant pas aux questions des évaluateurs.

Le test de Turing

Le “jeu de l’imitation”, comme l’a nommé Turing dans son article originel, est très simple. Il suffit d’enfermer dans une salle une personne (le “juge”) munie d’un terminal d’ordinateur en lui permettant de communiquer avec une autre personne et l’IA qu’on veut tester – aucun ne voit l’autre.

Animation représentant le fonctionnement du test de Turing (Holly Bellman via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Animation représentant le test de Turing (Holly Bellman via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Par des questions, le juge doit déterminer lequel est humain et lequel est une machine. Dans une version plus simple (ou “dégradée”) utilisée généralement, le juge fait face (caché) à un seul interlocuteur dont il ignore s’il est humain ou machine.

Pour une machine donnée, quand plus de 30% des juges ne peuvent décider si les réponses proviennent d’un humain ou d’une machine, alors la machine remporte le test – et elle est donc supposée avoir une intelligence comparable à la nôtre. CQFD

Des concours de tests de Turing peu concluants

Or l’un des auteurs de l’article, Kevin Warwick a co-organisé plusieurs concours de tests de Turing, notamment celui de 2014 à la Royal Society de Londres pour les 60 ans de la mort (par suicide) d’Alan Turing en 1954.

Et Warwick a observé que plusieurs cas de disfonctionnement des IA avaient conduit à un mauvais jugement : celles-ci ne répondaient plus au juge, lequel ne pouvait donc pas trancher. Or quand le juge ne peut trancher, a dit Turing, c’est que l’intelligence de la machine ne peut être distinguée de la nôtre.

Conversations buggées

Voici un exemple de test mené en 2008, présenté dans l’article :

  • [13:12:39] Juge: Avez-vous déjà écouté du mozrt ? Qu’avez-vous ressenti ?
    [13:13:11] Entité:
    [13:13:34] Juge: Avez-vous écrit quelque chose ? Je ne le vois pas ?
    [13:14:05] Entité:
    [13:14:50] Juge: Vous ne dites toujours rien, un problème d’ordinateur ?
    [13:15:22] Entité:

Après 5 minutes de ce dialogue de sourds, le juge n’a fait d’autre commentaires que : “incertain”. Du coup la machine a “remporté” cette manche. Les auteurs de l’article multiplient les exemples de ce type, montrant la faillibilité du test imaginé par Turing.

Une limite de la science ?

Les critiques au test de Turing sont légions depuis soixante ans. Mais l’inexistence d’une alternative – autre que trouver enfin une hypothétique définition exacte et technique de l’intelligence – a un moment où les IA débarquent rend le problème vraiment sérieux.

–Román Ikonicoff

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S&V TV - IA> Lire aussi :

> Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

  • Test : êtes-vous une machine ? S&V n°1028 (2003). Sur internet, un test vise à essayer de faire la différence entre une intelligence humaine et une artificielle. Comme l’avait imaginé le mathématicien Alan Turing en son temps.

S&V 1028 - test Turing IA

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Hubble observe une nébuleuse bien plus jeune que l’humanité

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Le télescope spatial Hubble a réalisé une nouvelle image du cœur de la nébuleuse du Crabe, dans la constellation du Taureau. Au centre de la nébuleuse, le vestige de l'étoile supergéante rouge qui a explosé s'éteint lentement, mais cette étoile à neutrons brille encore autant que notre Soleil ! Le champ de cette image mesure environ 3,3 années-lumière, les plus fins détails mesurent 1,5 milliard de kilomètres. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Le télescope spatial Hubble a réalisé une nouvelle image du cœur de la nébuleuse du Crabe, dans la constellation du Taureau. Au centre de la nébuleuse, le vestige de l’étoile supergéante rouge qui a explosé s’éteint lentement, mais cette étoile à neutrons brille encore autant que notre Soleil ! Le champ de cette image mesure environ 3,3 années-lumière, les plus fins détails mesurent 15 milliards de kilomètres. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Les astronomes de l’Institut du télescope spatial Hubble viennent de rendre publique une image prise avec le célébrissime instrument, satellisé en 1990, et qui ne cesse depuis un quart de siècle de nous offrir des images du ciel d’une sidérale netteté. La dernière image produite par Hubble nous conte une histoire récente, à l’échelle du cosmos, tellement récente que l’astre que le télescope a photographié est bien plus jeune que l’humanité…
Au matin du 4 juillet 1054, il y a 962 ans, une étoile apparut soudainement dans la constellation du Taureau. Visible en plein jour, cent fois plus lumineux que les étoiles les plus éclatantes de cette région du ciel, Aldébaran, Capella, Procyon, Bételgeuse et Rigel, cet astre extraordinaire était plus brillant que la planète Vénus ou un croissant de Lune ! Cet événement marqua profondément l’humanité en ce début de second millénaire et les chroniqueurs, en Asie et en Europe, le rapportèrent dans leurs mémoires. Quelques mois plus tard, l’astre disparut, la constellation du Taureau reprit son aspect habituel, et « l’étoile invitée » fut oubliée…
Oubliée presque mille ans. C’est en 1950 que les astronomes contemporains retrouvèrent dans les chroniques chinoises de la dynastie Song l’extraordinaire phénomène céleste de juillet 1054 et firent le rapprochement avec un objet énigmatique, appelé nébuleuse du Crabe, se trouvant aujourd’hui dans la même région de la constellation du Taureau. Ils comprirent très vite, en étudiant la nébuleuse du Crabe, qu’il s’agissait des restes d’une étoile disparue : l’astre d’une luminosité inouïe observé en 1054 était une supernova, l’explosion signant la fin cataclysmique d’une étoile supergéante.

La nébuleuse du Crabe, vue à gauche par le Very Large Telescope européen, mesure une douzaine d'années-lumière et est distante de 6500 années-lumière environ. Les filaments de gaz issus de l'explosion de la supernova de l'an 1054 filent à mille kilomètres par seconde dans le cosmos. Dans quelques dizaines de milliers d'années, la nébuleuse, diluée et refroidie, se sera fondue dans le milieu interstellaire, qu'elle aura enrichie de ses éléments lourds, carbone, oxygène, silicium, fer, or... Photos ESO/Nasa/ESA/STSCI.

La nébuleuse du Crabe, vue à gauche par le Very Large Telescope européen, mesure une douzaine d’années-lumière et est distante de 6500 années-lumière environ. Les filaments de gaz issus de l’explosion de la supernova de l’an 1054 filent à mille kilomètres par seconde dans le cosmos. Dans quelques dizaines de milliers d’années, la nébuleuse, diluée et refroidie, se sera fondue dans le milieu interstellaire, qu’elle aura enrichie de ses éléments lourds, carbone, oxygène, silicium, fer, or… Photos ESO/Nasa/ESA/STSCI.

La nébuleuse du Crabe se trouve à 6500 années-lumière de la Terre. Cette coquille de gaz expulsée lors de l’explosion de la supernova de 1054 s’échappe à plus de mille kilomètres par seconde du lieu de l’explosion, c’est à dire cent fois plus vite qu’une fusée terrestre en partance pour l’espace ! En un peu moins de mille ans, ses filaments d’hydrogène, d’hélium, d’oxygène, d’azote ont déjà parcouru une demie douzaine d’années-lumière, soit plus de soixante mille milliards de kilomètres. La nébuleuse s’étend progressivement, s’agrandissant d’environ cinquante milliards de kilomètres par an. Sur les photographies prises depuis les années 1950, les astronomes peuvent suivre son évolution…
Il est très probable que l’étoile qui a explosé en 1054 était une supergéante rouge, ressemblant à Bételgeuse d’Orion ou Antarès du Scorpion. Cette supergéante, vue sa distance, devait être visible à l’œil nu mais briller modestement, comme ses voisines du Taureau, à l’exception de la brillante Aldébaran. Si l’explosion de 1054 a complètement détruit cette étoile, il demeure cependant, au centre de la nébuleuse du Crabe, un minuscule résidu, appelé étoile à neutrons par les astronomes. Il s’agit de l’ancien cœur nucléaire de la supergéante.
Cet astre dense et brûlant a des caractéristiques surréalistes, dignes d’un roman de Lewis Carroll. Il faut tenter d’imaginer une sphère parfaite, aveuglante, tournant trente fois par seconde sur elle-même. Cette sphère est constituée de neutrons presque collés les uns contre les autres, conférant à la sphère une solidité dix milliards de fois supérieure à celle de l’acier et une densité de l’ordre de un million de milliards : un dé à coudre de cette matière extraterrestre pèserait sur Terre un milliard de tonnes…
De fait, ce vestige de cœur d’étoile qui s’éteint lentement ne mesure qu’une vingtaine de kilomètres de diamètre, pour une masse environ deux fois supérieure à celle du Soleil !
Une extinction toute relative, cependant, car ce minuscule cœur stellaire dénué de réactions nucléaires est aujourd’hui toujours aussi brillant que le Soleil…

Serge Brunier

De quoi dépend l’indice UV ?

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soleil plage

L’indice UV, calculé par les météorologues, renseigne sur l’intensité des rayons ultraviolets du soleil qui parviennent au sol. – Ph. DiRavenna / Flickr / CC BY 2.0

Disons que vous passez vos vacances au Cap d’Agde. Le soleil brille et, ce jour-là, le bulletin météo prévoit un indice UV de 6, autrement dit un “risque fort” pour la peau. Or, à quelques dizaines de kilomètres de là, à La Grande-Motte, le même jour et à la même heure, l’indice UV n’est que de 4 ! Le risque n’est plus que “modéré”. Pourtant, le soleil brille tout autant. Comment est-ce possible ? Simple : si l’indice UV décrit l’intensité du rayonnement ultraviolet émis par le soleil et le risque qu’il représente pour la santé, il n’est pas une donnée immuable. Bien d’autres paramètres entrent en jeu.

Les nuages, par exemple : selon leur épaisseur, leur couleur, leur forme et leur altitude, ils filtrent plus ou moins les ultraviolets, faisant chuter ou grimper localement l’indice UV. Mais si le ciel est pareillement bleu à La Grande-Motte et au Cap d’Agde ? Alors, ce sont peut-être les aérosols : très nombreux dans l’air en cas de pollution, ils peuvent filtrer 30 à 40 % du rayonnement ! Ce n’est pas tout : la nature du sol modifie aussi la dose d’UV à laquelle nous sommes exposés.

Le soleil tape plus fort à la mer, qui réfléchit les rayons

Ainsi, le sable réfléchit 15 % des UV, l’eau 25 %, un paramètre appelé albédo. La dose de rayons reçue est donc plus forte en mer que sur la plage et bien moindre dans les terres. Par ailleurs, à l’échelle du globe, la couche d’ozone n’est pas sans effet : l’exposition aux rayons ultraviolets augmente là où elle est la plus mince, c’est-à-dire aux pôles, ainsi qu’à l’équateur et en altitude, où le Soleil est le plus proche de la Terre. C’est pour toutes ces raisons que l’indice UV peut varier d’un site à l’autre, même s’ils ne sont pas très éloignés. Il n’est pas un simple indice météorologique. Ce qui donne une idée du travail de Météo France qui, chaque jour, le recalcule à partir de tous les facteurs qui influent sur l’intensité du rayonnement ultraviolet.

En été, chaque jour, l’indice UV varie (sur une échelle de 1 à 11) en fonction des nuages, de l’épaisseur de la couche d’ozone et de la pollution. Météo France pondère cet indice en fonction du type d’UV (A, B ou C) en présence. Des informations qui permettent d’adapter sa protection solaire. - © S&V (2015)

En été, chaque jour, l’indice UV varie (sur une échelle
de 1 à 11) en fonction des nuages, de l’épaisseur
de la couche d’ozone et de la pollution. Météo France
pondère cet indice en fonction du type d’UV (A, B ou C)
en présence. Des informations qui permettent d’adapter
sa protection solaire. – © S&V (2015)

L’indice UV est une échelle de 0 à 11

Inventé en 1992, cet indice est devenu une référence pour l’Organisation météorologique mondiale et l’Organisation mondiale de la santé. Il s’étale sur une échelle linéaire de 0 à 11. A chaque échelon, la densité de puissance des rayons solaires qui frappent un mètre carré de sol augmente de 25 mégawatts. L’indice est par ailleurs pondéré pour prendre davantage en compte l’intensité des rayons dont la longueur d’onde est inférieure à 315 nanomètres, c’est-à-dire les UVB.

Car les UV, dont la longueur d’onde est comprise entre 100 et 400 nanomètres, juste avant les rayons X, se divisent en trois catégories : les UVA, les UVB et les UVC. Et ce sont les UVB qui sont les plus agressifs pour la peau. Bien qu’ils ne représentent que 5 % des rayons, ils provoquent le plus de dégâts à court terme : des coups de soleil, bien visibles, aux mutations de l’ADN, plus sournoises. Les UVA sont absorbés plus profondément par la peau et provoquent des dégâts moins visibles, mais tout aussi dangereux à long terme. Et ce, même si la peau est déjà bronzée. La mélanine qui la pigmente a beau absorber 90 % des rayons (dont tous les UVB), les 10 % qu’elle laisse passer suffisent à provoquer des dommages.

Se mettre à l’ombre dès un indice 3

Pour se prémunir contre ces rayons, il faut se mettre à l’ombre à l’heure où le soleil frappe le plus fort, dès que l’indice UV atteint le niveau 3 (“modéré”). A partir de 6 (“fort”), enduisez-vous de crème solaire, portez un chapeau, des lunettes de soleil et mettez-vous à l’ombre durant les trois heures les plus ensoleillées de la journée ; de 8 à 10 (“très fort”), ajoutez une chemise à manches longues et ne vous attardez pas au soleil. Au niveau “extrême”, tout le corps devrait être couvert. Si un indice UV de 8 ou 9 est courant sur les plages françaises, il passe rarement la barre des 10-11. Dans les Andes boliviennes, sur le volcan Licancabur (5 916 m d’altitude), c’est une autre affaire. En raison des effets combinés d’une couche d’ozone naturellement plus mince dans la région, de tempêtes, de plusieurs incendies et d’une éruption solaire survenue quelques semaines avant les mesures, les chercheurs ont enregistré en 2004 le plus fort indice UV jamais mesuré à la surface de la Terre : 43 !

—F.G.

D’après S&V Questions-Réponses n°16

 

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> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

S&V1150

  • Les UV et la vie S&V n°896 (1992). Les rayons ultraviolets du Soleil parviennent sur la Terre en plus grande quantité du fait du trou dans la couche d’ozone. Avec quelles conséquences pour le vivant ?

S&V 896 - uv vivant

 

Voici le “Top 5” des meilleures illusions d’optique de 2016

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Des tubes rectangulaires qui, reflétées dans un miroir, semblent cylindriques... voici l'une des illusions d'optique primées cette année (capture d'écran).

Des tubes rectangulaires qui, reflétées dans un miroir, semblent cylindriques… voici l’une des illusions d’optique primées cette année (capture d’écran).

Les illusions d’optique sont à cheval entre le ludique et le sérieux. Ludique car il est toujours impressionnant de voir comment notre cerveau est berné malgré nous, sérieux car c’est une base de travail pour les chercheurs en neurologie de la vision : à l’instar des pathologies visuelles liées à des lésions cérébrales, les illusions révèlent des secrets du fonctionnement cognitif de la vision.

C’est pourquoi, tous les ans, la Neural Correlate Society, une association américaine créée et dirigée par des chercheurs en neurologie et sciences cognitives, organise un concours des meilleures illusions d’optique. Elle permet aussi bien d’alimenter la recherche que de faire profiter le public de ces trouvailles étranges. Voici donc 5 finalistes de cette année 2016 (sur un total de 10).

Les meilleures illusions d’optique de l’année 2016

  • Illusion n° 1

Voici le carré qui tourne sans tourner, conçu par Mathew T. Harrison et Gideon P. Caplovitz de l’université du Nevada à Reno (USA) – en cliquant sur le lien vous aurez les explications (en anglais).

 

  • Illusion n° 2

Les cylindres ambigus, conçus par Kokichi Sugihara de l’université Meiji au Japon.

 

  • Illusion n° 3

Une silhouette zootrope conçue par Christine Veras de l’université technologique Nanyang à Singapour.

 

  • Illusion n° 4

Les bulles de couleur (il faut fixer la croix au centre de l’image), de Mark Vergeer, Stuart Anstis et Rob van Lier (universités de Liège, de Nijmegen et de Californie à San Diego).

 

  • Illusion n° 5

L’effet contrôle à distance. Selon qu’on rapproche ou éloigne les barres entre elles (ou qu’on les rallonge), les deux barres clignotantes semblent battre en phase ou au contraire en opposition de phase. Arthur G. Shapiro de l’American University, USA.

 

Pour les autres illusions, vous pouvez les voir directement sur le site. Également, vous y trouverez les finalistes 2015, 2014, etc.

–Román Ikonicoff

 

> Lire également

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Votre cerveau vous trompe – S&V n°1044 – 2004 – Notre cerveau présente des failles : mémoire trompeuse, fausses perceptions, raisonnements biaisés… Comment l’univers de la publicité en exploitent certaines (+ 20 expériences qui vous feront douter de vous-même).

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  • Libre arbitre : notre cerveau décide avant nous – S&V n°1057 – 2005 – L’un des grands apprentissages issues des sciences cognitives est l’importance des mécanismes inconscients et hyper-rapides dans notre être au monde. Au point de questionner notre libre arbitre.

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  • La formule qui décrypte le monde – S&V n°1142 – 2012 – Depuis quelques années, la recherche en sciences cognitives s’est affinée. Outre les recherches expérimentales sur la plasticité cérébrale et la volatilité des représentations mentales du corps, des modèles théoriques émergent, en particulier autour d’une formule, la célèbre formule de Bayes, qui semble consubstantielle à tout traitement par le cerveau des informations provenant de la réalité extérieure.

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Le Very Large Telescope plonge au cœur d’Orion

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Le Very Large Telescope (VLT) européen a pris cette image infrarouge spectaculaire de la nébuleuse d'Orion. Photo ESO.

Le Very Large Telescope (VLT) européen a pris cette image infrarouge spectaculaire de la nébuleuse d’Orion. Photo ESO.

Quand les deux plus puissants télescopes du monde observent la plus belle des nébuleuses du ciel avec des regards différents, l’image qu’ils en offrent est forcément stupéfiante de beauté… En 2006, c’est le télescope spatial Hubble qui s’est tourné vers la grande nébuleuse d’Orion, ce nuage de gaz d’une beauté sidérale qui flotte à 1300 années-lumière d’ici.
Portrait en majesté classique, cadré, figuratif : l’image de Hubble a été prise dans le domaine visible du spectre électromagnétique, la partie du spectre visible par l’œil humain, entre 0,4 et 0,8 micromètre de longueur d’onde.
En 2016, le Very Large Telescope européen a été à son tour orienté vers Orion par l’équipe de Holger Drass et Amelia Bayo. Trois heures de temps de pose, avec un télescope de 8,2 m de diamètre, mais, cette fois, entre 1,25 et 2,15 micromètres de longueur d’onde, c’est à dire dans l’infrarouge. Là encore, l’image, figurative mais impressionniste, est vertigineusement belle… Bien sûr, sur les deux images, on reconnaît les deux ailes déployées de l’immense alcyon céleste, qui s’étendent sur une dizaine d’années-lumière.
Mais l’image infrarouge montre bien plus que celle de Hubble, parce qu’elle permet de voir à l’intérieur des nuages de poussières et de gaz de la nébuleuse et parce qu’elle permet de détecter des astres froids dans ce champ d’Orion…

A gauche, la nébuleuse d'Orion vue en infrarouge par le VLT. A droite, la même nébuleuse vue par le télescope spatial Hubble dans le domaine visible. Photos ESO/Nasa/ESA.

A gauche, la nébuleuse d’Orion vue en infrarouge par le VLT. A droite, la même nébuleuse vue par le télescope spatial Hubble dans le domaine visible. Photos ESO/Nasa/ESA.

La nébuleuse d’Orion est un vaste nuage de gaz qui donne depuis quelques millions d’années naissance à un grand nombre d’étoiles. Elle est illuminée, chauffée, ionisée pour être exact, par quelques dizaines d’étoiles supergéantes extrêmement jeunes et lumineuses. Et, derrière ces voiles gazeux, elle cache des milliers de jeunes étoiles plus légères et moins brillantes. Jusqu’ici, les astronomes pensaient que la population la plus importante de cette jeune nébuleuse, c’était de petites étoiles, environ quatre fois moins massives et dix fois moins brillantes que le Soleil. Mais l’équipe de Holger Drass et Amelia Bayo a découvert une nouvelle population, plus nombreuse et bien plus discrète encore, dans la nébuleuse d’Orion… Il s’agit, tout d’abord de près de huit cents naines brunes, ces mini étoiles trop peu massives pour connaître des réactions nucléaires en leur cœur. Plus étonnant, cent soixante objets bien plus petits encore, entre cent et mille fois moins massifs que le Soleil, c’est à dire d’une masse supérieure ou égale à celle de Jupiter, ont été découverts dans la nébuleuse… Ces véritables « planètes flottantes », mondes obscurs et étranges, ont sans doute été expulsés de leurs étoiles durant la formation des systèmes stellaires dans l’environnement dense, chaotique et violent de la nébuleuse.

Gros plan sur la nébuleuse d'Orion. Le Very Large Telescope européen révèle un grand nombre d'astres invisibles sur l'image prise par le télescope spatial Hubble. Photos ESO/Nasa/ESA.

Gros plan sur la nébuleuse d’Orion. Le Very Large Telescope européen révèle un grand nombre d’astres invisibles sur l’image prise par le télescope spatial Hubble. Photos ESO/Nasa/ESA.

Une violence et un chaos tout relatifs, en tout cas à l’échelle humaine. Depuis qu’elle est observée par les astronomes, il y a plusieurs centaines d’années, la nébuleuse d’Orion semble figée, inchangée et hiératique, comme une immense tempête interstellaire immobile, éternelle.
Serge Brunier

Particule X : dans les pas du boson de Higgs – Le blog de Mathieu Grousson

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En 2012, le boson de Higgs s’est d’abord manifesté - ici dans le détecteur CMS - sous la forme de deux photons, fruits de sa désintégration. Si elle est confirmée, la découverte du X empruntera le même canal.

En 2012, le boson de Higgs s’est d’abord manifesté – ici dans le détecteur CMS – sous la forme de deux photons, fruits de sa désintégration. Si elle est confirmée, la découverte du X empruntera le même canal.

Il y a un peu plus de 4 ans, précisément le 4 juillet 2012, dans le grand amphithéâtre du Cern, près de Genève, les physiciens du LHC annonçaient au monde la découverte du boson de Higgs. A priori, rien de commun avec le X, cette particule dont les premiers signes ont peut-être été observés fin 2015, et dont l’existence pourrait être confirmée tout prochainement. D’une part, le Higgs était attendu depuis des décennies, quand le « petit excès » rendu public le 15 décembre dernier a fait l’effet d’une véritable surprise. D’autre part si le premier signifiait que le modèle standard, l’actuelle théorie de l’univers élémentaire, était enfin complet, le second ouvrirait une nouvelle ère de l’exploration de l’infiniment petit.

Le cousin “obèse” du boson de Higgs ?

Et pourtant… Tout d’abord, selon certains théoriciens, si X il y a, celui-ci pourrait bien constituer une sorte de cousin obèse du boson de Higgs, cette particule qui, au sein du modèle standard, confère leur masse à toutes les autres.

Plus précisément, dans les années Soixante, une poignée de théoriciens parvient à fusionner sur le papier deux des quatre forces fondamentales : l’électromagnétique et l’interaction faible. Pour autant, contrairement au photon – la particule vectrice de l’électromagnétisme – les bosons W et Z, qui transmettent l’interaction faible, sont extrêmement massifs. Or cet embonpoint est incompatible avec une symétrie mathématique fondamentale (dite symétrie de jauge) sur laquelle la théorie électrofaible est fondée, au point de réduire cette dernière à un fatras d’incohérences mathématiques. Jusqu’à l’introduction d’une particule supplémentaire dans l’édifice, le boson de Higgs, dont l’effet dans les équations est de rendre compatible la symétrie de jauge avec la masse des W et Z.

La particule X pourrait être l’un des cinq bosons de Higgs prévus par certaines théories

Au-delà, les physiciens constatent que l’interaction de ces particules avec le Higgs revient à les affubler d’une masse. Ainsi, le “Higgs” ne rend pas seulement compatible les symétries de la théorie électrofaible avec le fait que le W et le Z ont une masse, il donne une raison à l’existence même de ces masses. Mieux encore : on se rendra compte par la suite qu’il explique de la même manière la masse des particules de matière, les quarks et les leptons.

Dans le cadre du modèle standard, une seule particule suffit pour remplir ce rôle. En revanche, plusieurs de ses extensions supersymétriques prévoient l’existence non pas d’un unique boson de Higgs, mais de cinq. Or selon plusieurs théoriciens, la particule X pourrait tout à fait constituer l’un d’entre eux.

Les premiers signes de la particule X ressemblent à ceux du boson de Higgs

Mais le lien entre les deux particules va au-delà. Ainsi, le signal naissant observé fin 2015 consiste en un petit excès de photons à l’origine d’une petite bosse dans les graphiques résumant les résultats expérimentaux. Or fin 2011, c’est exactement de la même manière que le boson de Higgs a commencé à se manifester. Et de même qu’aujourd’hui, il était alors impossible de dire si ces quelques particules de lumière surnuméraires constituaient les produits de désintégration d’une poignée de bosons de Higgs, ou bien une simple fluctuation des données. Ce n’est qu’à l’issue d’une prise de données supplémentaire que l’excès initial s’est transformé en un signal incontestable.

Faut-il y voir le signe que l’histoire est en train de se répéter, et que d’ici quelques semaines le X va finir de prendre corps dans le creuset de l’accélérateur géant ? « Il est impossible de nier qu’il y a une vraie proximité entre les deux observations, confirme un expérimentateur. D’où en partie l’excitation dans laquelle nous sommes depuis plusieurs mois. » Et dont tout le monde espère qu’elle explosera en apothéose dans le grand amphithéâtre du Cern avant la fin de l’été…

—Mathieu Grousson

 

Mathieu Grousson est un journaliste collaborateur de Science & Vie spécialiste de la physique fondamentale. Suivez son blog “Particule X” :

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S&V 1152 - LHC boson de Higgs

  • Pourquoi le boson de Higgs n’est pas la fin de l’histoireS&V n°1147 (2013) – Après la découverte du boson de Higgs, qui est venu compléter et confirmer le modèle standard des particules, certains s’interrogeaient sur la suite : est-ce la fin de la recherche en physique des particules ? Que non !

S&V1147

  • La matière va enfin parler S&V n°1129 (2011). Moment clou : tout le monde a les yeux rivés sur le LHC, qui confirmera enfin l’existence du boson de Higgs, des décennies après sa théorisation.

S&V 1129 - boson de Higgs LHC

> Lire également :

 

Nous partageons nos aptitudes sociales avec les abeilles, affirme une étude

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La communication verbale des humains et celle par phéromones des abeilles pourraient provenir d'une même source génétique (Lestat via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

La communication verbale des humains et celle par phéromones des abeilles pourraient provenir d’une même source génétique (Lestat via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Se pourrait-il que les aptitudes sociales des humains, notamment la communication verbale, aient les mêmes fondements génétiques que celles des insectes dits sociaux, comme les abeilles ?

Alors que le dernier ancêtre commun entre insectes et mammifères (dont Homo sapiens) a vécu il y a 670 millions d’années, une étude met en lumière pour la première fois un groupe de gènes communs entre ces deux branches du vivant qui, chez les humains, serait impliqué dans le développement du langage.

Une structure partagée entre insectes et mammifères

En vérité, cette étude de “génomique sociale” (social genomics) ne concerne pas seulement les humains mais des dizaines d’espèces, aussi bien d’insectes sociaux et non sociaux que de mammifères (dont les humains), toutes comparées aux abeilles (Apis mellifera), prises comme espèce de référence.

De plus, le résultat est un peu plus subtil qu’annoncé ci-dessus : il s’agit non pas à proprement parler d’un réseau de gènes identiques partagés par les abeilles et les mammifères, mais d’un motif commun de “régulation” entre gènes – les gènes eux-mêmes étant assez différents, car ils ont varié d’espèce en espèce au cours du temps.

Phéromones et fonctions cérébrales

Plus précisément, les abeilles et les mammifères partageraient un même type de dynamique biochimique entre des gènes intervenants, pour les premiers, dans la production et l’émission de phéromones spécifiques (phéromones d’alerte), pour les autres dans les structures cérébrales liées à des fonctions de communication avec leurs semblables.

Les chercheurs en ont déduit d’abord que les aptitudes sociales observées chez les insectes sociaux et chez les mammifères proviennent de leur dernier ancêtre commun – contrairement à l’hypothèse qu’elles se seraient développées indépendamment après la scission entre ces deux grandes branches (évolution convergente).

Entre abeilles et humains, un héritage commun ?

C’est ensuite, en guise de conclusion, que les chercheurs ont émis l’hypothèse osée d’un lien entre cet héritage génétique et le développement du langage chez les humains.

Une hypothèse basée sur une analyse de la nature de ce groupe de régulation génétique, mettant en jeu quelque 25 gènes, notamment son implication dans le développement de certains circuits cérébraux.

Les circuits sous-tendant le langage chimiques des abeilles à miel et le langage verbal humain pourraient être des analogues génétiques” disent les chercheurs. Il reste à transformer cette hypothèse en certitude (ou à la contredire).

–Román Ikonicoff

 

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  • Les Grandes Archives de S&V : l’évolution. Formulée par Darwin au milieu du XIX° siècle, la théorie de l’évolution décrit l’histoire du vivant à partir de deux principes : la descendance avec transformation et la sélection naturelle. Les espèces qui vivent aujourd’hui sur terre partagent donc toutes des ancêtres communs. Celles qui ont disparu n’était plus adaptées à leur milieu.

 

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

1145bis

  • A quoi pensent les invertébrés – S&V n°1144 – 2013. Ils éprouvent des émotions, sont sensibles à la douleur, voire ont une vie intérieur… Qui donc ? Les invertébrés.

S&V 1444 invertébrés

 

 

Quel est le secret d’un bon coup franc au football ?

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Un coup franc de Saint-Etienne contre Nantes dans un match de football en 2006. - Ph. MCanevet / Flickr / CC BY SA 2.0

Un coup franc de Saint-Etienne contre Nantes dans un match de football en 2006. – Ph. MCanevet / Flickr / CC BY SA 2.0

Un ballon bien brossé ! On ne parle pas ici d’un ballon propre, mais d’un coup franc imprimant un effet de courbure à la trajectoire de celui-ci… qui le fait rentrer dans le goal au dernier instant alors qu’il semblait partir à côté.

Un exemple ? 1997, coup franc du Brésilien Roberto Carlos contre les Bleus : un modèle du genre ! Alors que le ballon semble se diriger hors de la cage, il bifurque violemment vers le poteau pour, finalement, entrer dans le but, à la grande surprise du gardien Fabien Barthez.

 

 

“La première explication de la déflexion latérale d’un objet tournant sur lui-même est due au physicien allemand Gustav Magnus, en 1852, expliquent Take Asai et Takao Akatsuka, chercheurs à l’université Yamagata, au Japon. A l’époque, il s’intéressait surtout aux trajectoires des obus et des balles, mais les mécanismes fondamentaux sont les mêmes en football, ainsi qu’en base-ball, en golf, ou encore en tennis.”

Effet Magnus : la différence de vitesse de l’air “brosse” le ballon

Le principe de l’effet Magnus ? Un ballon qui tourne sur lui-même entraîne l’air de son voisinage de façon dissymétrique : au point de la surface du ballon qui tourne dans le sens inverse à sa trajectoire, l’air alentour est accéléré par le mouvement du ballon, alors qu’au point opposé, l’air est ralenti (voir figure).

S&V 1024 - ballon brosse

Crédit : S&V (2003)

Or, d’après le principe de Bernoulli, formulé par le savant suisse en 1738, plus la vitesse d’un fluide est grande, moins forte est la pression qu’il exerce sur les corps. Pour le vérifier, il suffit de placer le bord d’une feuille de papier horizontalement devant son menton : si l’on souffle fort sur le dessus de celle-ci, la pression baisse et la feuille se soulève (“effet lifté”).

Football, tennis, golf… toutes les balles sont concernées

Dans le cas du ballon, la différence de vitesse de l’air crée un déséquilibre des forces latérales qui s’appliquent dessus : sa trajectoire s’incurve. Des expériences sur des balles de golf, menées en 1976 par Peter Bearman et ses collègues de l’Imperial College de Londres, ont montré que plus le projectile tourne vite sur lui-même et se déplace lentement, plus l’effet lifté est important.

“Au football, lors d’un shoot brossé, la vitesse de rotation reste à peu près constante, soulignent les chercheurs japonais. La courbe est donc de plus en plus prononcée vers la fin de sa trajectoire, lorsque la balle ralentit.”

Et le tir de Carlos de finir dans les filets…

—H.P.

D’après S&V n°1024 (2003)

 

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S&V 1161 - climat foot coupe du monde 2014 Bresil

  • La géométrie du footS&V n°970 (1998). Ce jeu haletant et si populaire repose sur une géométrie particulière qui dépend surtout… de la taille de la cage !

S&V 970 - geometrie terrain football

 

Ciel du mois : comment photographier le cosmos

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La nébuleuse de la Lyre, M 57, se trouve à un peu plus de deux mille années-lumière de la Terre. Cet anneau de fumée qui brille dans la nuit mesure dix mille milliards de kilomètres de diamètre. Au centre de la nébuleuse, l'étoile qui l'a expulsée et l'illumine s'éteint doucement... L'image a été prise en juillet 2016 dans le Limousin, avec un télescope de 150 mm de diamètre et 1800 mm de focale, et un boîtier Nikon D 4. La photographie résulte de la fusion avec le logiciel DeepSkyStacker de 400 images, posées chacune 5 secondes à 12 800 ISO. Photo S.Brunier.

La nébuleuse de la Lyre, M 57, se trouve à un peu plus de deux mille années-lumière de la Terre. Cet anneau de fumée qui brille dans la nuit mesure dix mille milliards de kilomètres de diamètre. Au centre de la nébuleuse, l’étoile qui l’a expulsée et l’illumine s’éteint doucement… L’image a été prise en juillet 2016 dans le Limousin, avec un télescope de 150 mm de diamètre et 1800 mm de focale, et un boîtier Nikon D 4. La photographie résulte de la fusion avec le logiciel DeepSkyStacker de 400 images, posées chacune 5 secondes à 12 800 ISO. Photo S.Brunier.

La photographie des planètes, des étoiles, des nébuleuses et galaxies, jadis réservée aux astronomes professionnels ou aux amateurs très éclairés, s’est démocratisée à un point tel que désormais, tout amateur, même débutant, peut tirer le portrait des astres les plus beaux du cosmos… Il y a une quarantaine d’années, seule une poignée d’amateurs, en France, maîtrisaient les télescopes, les appareils photos et les pellicules capables de donner de belles images du ciel. Aujourd’hui, ils sont des milliers ; ce mois-ci, je vous propose ici des techniques particulièrement simples pour vous initier à cette fascinante activité : la photographie de l’invisible…
Invisible ? Oui : les images du ciel prises au télescope révèlent évidemment des astres invisibles à l’œil nu mais, mieux encore, elles montrent aussi des astres invisibles dans les télescopes ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les appareils photo modernes sont plus sensibles que l’œil humain, et, aussi et surtout, que l’astrophotographe peut poser autant de temps qu’il le désire, quand l’œil « rafraîchit » les images qu’il observe environ vingt cinq fois par seconde…
Ce qui va vous permettre cet été de réaliser vos premières images télescopiques, ce sont les progrès des télescopes, des appareils photo et des logiciels de traitement d’images.

Pour prendre des photographies du ciel, il faut un télescope installé sur une monture équatoriale et un boîtier reflex numérique. C'est tout ! Ce petit télescope de 150 mm de diamètre et son boîtier photographique ont permis de réaliser les images qui illustrent cet article. Photo S.Brunier.

Pour prendre des photographies du ciel, il faut un télescope installé sur une monture équatoriale et un boîtier reflex numérique. C’est tout ! Ce petit télescope de 150 mm de diamètre et son boîtier photographique ont permis de réaliser les images qui illustrent cet article. Photo S.Brunier.

Avant de développer ces nouvelles pratiques astrophotographiques, voyons pourquoi, jusqu’à la fin du XX e siècle, seuls des astronomes amateurs quasi professionnels parvenaient à fixer l’image des nébuleuses et galaxies lointaines. D’abord, à l’époque, les télescopes devaient suivre le mouvement apparent des astres, du à la rotation de la Terre sur elle-même, de façon quasi parfaite. L’instrument devait être remarquablement réglé, en particulier sa « mise en station ». Cette mise en station était un véritable pensum, il s’agissait de rendre l’axe de rotation du télescope parallèle à l’axe de rotation de la Terre, une technique très longue et difficile à mettre en œuvre. De même, le photographe devait, l’œil à l’oculaire d’un instrument de guidage, suivre précisément le mouvement du télescope, et ceci pendant les dizaines de minutes nécessaires à la prise de vue… Un véritable challenge…

Cette époque « aristocratique », qui réservait le cosmos aux initiés, est révolue… Certains télescopes achetés dans le commerce se règlent presque tout seuls, d’autres sont dotés d’instruments de mise en station très faciles à utiliser. Enfin, désormais, ni une mise en station très précise, ni un suivi des astres pendant la prise de vue ne sont nécessaires, grâce aux progrès des appareils numériques et aux logiciels de traitement d’images.
Alors comment faire ? D’abord, bien sûr, disposer d’un appareil photo numérique reflex, à objectifs interchangeables. Car le télescope, durant la prise de vue, remplacera l’objectif photo… Puis disposer d’un télescope ou d’une lunette astronomique. Les instruments d’initiation sont disponibles dans le commerce pour mille euros environ. Quel instrument faut-il choisir ? Le prix d’un instrument d’astronomie croit comme le diamètre de son optique, donc, en fonction de votre budget, vous opterez pour une lunette ou un télescope de 100 à 200 millimètres de diamètre. Mais, si votre but, c’est avant tout de réaliser des images dignes du télescope spatial Hubble ou presque, c’est surtout la monture de l’instrument qui guidera votre choix et votre dépense… Optez pour une monture équatoriale, c’est à dire une monture qui suivra automatiquement le mouvement des astres dans le ciel. La plupart de ces montures sont aujourd’hui proposées avec un « kit » de pointage et de guidage, ce qui signifie qu’elles ont en mémoire la plupart des objets célestes, et que moyennant la mise en station de la monture, votre instrument pourra s’orienter n’importe où dans l’Univers…

Les montures équatoriales permettent de suivre le mouvement apparent des astres dans le ciel. Pour cela, il faut pointer l'axe de la monture vers le Pôle céleste nord.

Les montures équatoriales permettent de suivre le mouvement apparent des astres dans le ciel. Pour cela, il faut pointer l’axe de la monture vers le Pôle céleste nord.

La mise en station, maintenant : c’est le « point dur », crucial, de vos débuts en astronomie…
Choisissez une monture équipée d’un « viseur polaire », c’est à dire d’une petite lunette qu’il suffit d’orienter vers l’Etoile Polaire pour que la monture soit sommairement mise en station. Avec un peu d’expérience, vous affinerez cette mise en station en pointant le Pôle céleste plus précisément ; avec un viseur polaire, c’est enfantin…
En résumé, pour devenir astrophotographe, il suffit de trouver l’Etoile Polaire dans le ciel ! Celle-ci est facile à observer, plein nord, bien sûr, avec les brillantes étoiles de la Grande Ourse qui lui tournent perpétuellement autour…

Le viseur polaire, qui permet de pointer directement le Pôle céleste nord, est indispensable lorsque l'on débute en astronomie...

Le viseur polaire, qui permet de pointer directement le Pôle céleste nord, est indispensable lorsque l’on débute en astronomie…

Une fois la mise en station, même sommaire, assurée, il suffit de pointer une cible de votre choix dans le ciel et de monter votre appareil photo sur le télescope. Des bagues de montage standard vous permettront de remplacer l’objectif de votre appareil par le télescope, qui se transformera comme par magie en super téléobjectif de 1000, 2000 ou 3000 millimètres de focale.

Le ciel du mois d'août 2016. L'Etoile polaire est facile à trouver, plein nord, et perpétuellement entourée des brillantes étoiles de la Grande Ourse.

Le ciel du mois d’août 2016. L’Etoile polaire est facile à trouver, plein nord, et perpétuellement entourée des brillantes étoiles de la Grande Ourse.

Prendre une photographie de la Lune est enfantin : il suffit de faire des tests de sensibilité et de temps de pose et de valider la bonne combinaison en regardant l’image obtenue sur l’écran du boîtier photographique… Afin d’éviter les effets du vent, de la turbulence atmosphérique, des vibrations instrumentales, optez pour un temps de pose court, de l’ordre du millième de seconde.

La Lune, photographiée en banlieue parisienne en mai 2016. Pour cette image prise avec un télescope de 150 mm de diamètre, le mode vidéo a été utilisé, la vidéo étant ensuite traitée avec le logiciel Autostakkert. Photo S.Brunier.

La Lune, photographiée en banlieue parisienne en mai 2016. Pour cette image prise avec un télescope de 150 mm de diamètre, le mode vidéo a été utilisé, la vidéo étant ensuite traitée avec le logiciel Autostakkert. Photo S.Brunier.

Quand vous maîtriserez cette technique simple, vous pourrez chercher à améliorer encore vos images, en additionnant de multiples poses pour augmenter le rapport signal sur bruit de vos images.
Puis vous utiliserez des logiciels spécialisés, comme Autostakkert ou Registax, par exemple, qui, dotés d’une véritable « intelligence artificielle », discriminent automatiquement vos meilleures prises de vue pour les sélectionner et les fusionner parfaitement… Si vous disposez d’une fonction « vidéo » sur votre appareil photo, ce seront des milliers d’images que le logiciel pourra analyser et sélectionner… Cette technique de vidéo photographie est plébiscitée désormais par tous les astronomes amateurs.
La photographie des étoiles, des nébuleuses et des galaxies exige des temps de pose bien supérieurs, pour qu’une image révèle des galaxies invisibles, distantes de plusieurs centaines de millions d’années-lumière, un temps de pose de 20, 30, 60 minutes, voire plus est indispensable.
Impossible de réaliser une image nette avec un tel temps de pose sans une monture équatoriale coûteuse et minutieusement réglée, et sans un système de guidage automatique – une caméra installée sur un petit télescope monté sur l’instrument photographique, et qui suit une étoile du champ – complexe et coûteux…
Il est pourtant possible d’obtenir de belles images avec un simple appareil photo monté sur un petit télescope, installé sur une modeste monture…

Le Grand amas d'Hercule compte plus de cinq cent mille étoiles, et brille à 22 000 années-lumière de la Terre, aux confins de la Voie lactée. Photo prise en juillet 2016 dans le Limousin, avec un télescope de 150 mm de diamètre et un boîtier Nikon D 4. La photographie résulte de la fusion avec le logiciel DeepSkyStacker de 500 images, posées chacune 5 secondes à 51200 ISO. Photo S.Brunier.

Le Grand amas d’Hercule compte plus de cinq cent mille étoiles, et brille à 22 000 années-lumière de la Terre, aux confins de la Voie lactée. Photo prise en juillet 2016 dans le Limousin, avec un télescope de 150 mm de diamètre et un boîtier Nikon D 4. La photographie résulte de la fusion avec le logiciel DeepSkyStacker de 500 images, posées chacune 5 secondes à 51200 ISO. Photo S.Brunier.

Pour cela, il suffit de choisir des temps de pose très courts, de 2 à 10 secondes, en réglant la sensibilité de l’appareil à son maximum, 6400, 12800, 25600 ISO par exemple, et de prendre des dizaines ou des centaines d’images à la suite… Pour réaliser ces rafales automatiquement, certains appareils sont équipés d’un intervallomètre, sinon, il faut en acheter un… Une fois les poses effectuées, un logiciel spécialisé, comme DeepSkyStacker, par exemple, analysera les centaines d’images, corrigera les défauts de mouvement de la monture, corrigera sa mise en station défaillante, recentrera précisément les images, et les fusionnera, afin de lisser complètement le bruit électronique du à la forte sensibilité utilisée, et de ne faire ressortir que les détails de l’image du ciel…
Les photographies qui illustrent cet article ont été réalisées en banlieue parisienne et dans le Limousin, en 2016, avec le matériel et les techniques décrites ici. A votre tour, maintenant, de vous lancer à la découverte de l’Univers et de connaître le plaisir et le vertige de la contemplation de l’invisible…
Serge Brunier

Cette photographie de la grande nébuleuse d'Orion a été prise en banlieue parisienne en janvier 2016. Télescope de 150 mm de diamètre et 1800 mm de focale, boîtier Nikon D4. 600 poses de quatre secondes ont été prises à 2500 ISO, le traitement de l'image a été réalisé avec le logiciel Iris par Frédéric Tapissier. Photo S.Brunier.

Cette photographie de la grande nébuleuse d’Orion a été prise en banlieue parisienne en janvier 2016. Télescope de 150 mm de diamètre et 1800 mm de focale, boîtier Nikon D4. 600 poses de quatre secondes ont été prises à 2500 ISO, le traitement de l’image a été réalisé avec le logiciel Iris par Frédéric Tapissier. Photo S.Brunier.

Les automobiles auraient évolué comme les espèces vivantes

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L'évolution de l'automobile pourrait être appréhendé sous un éclairage darwinien (Domaine public)

L’évolution de l’automobile pourrait être appréhendé sous un éclairage darwinien (Domaine public)

Sous la pression constante du “dernier modèle” – d’iPhone ou smartphone, d’ordinateur, de téléviseur, de voiture, de drone, et autres – nous perdons de vue parfois l’aspect étrange de la technologie, phénomène inconnu ailleurs dans le monde du vivant.

Or des chercheurs de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et l’université de Gothenberg en Suède ont tenté de caractériser l’évolution de ce phénomène (pensée et activité humaines autant qu’objet physique) afin de mieux le cerner et, si possible, prévoir vers quoi il nous amène. Leur cible : les voitures.

Un Darwin dans le moteur des automobiles

Ils ont ainsi analysé les 3 575 modèles développés par 172 constructeurs différents qui ont constitué l’histoire de l’automobile américaine depuis 1896 jusqu’à 2014, à la recherche de lois.

Et ils ont découvert quelques particularités qui, sans être absolument révolutionnaires, leur ont donné des outils théoriques pour prévoir l’avenir – du moins une version possible. Ils ont surtout validé l’utilisation de la théorie de l’évolution des espèces de Darwin (1859) comme moyen d’interprétation du phénomène-objet technologique.

La concurrence entre espèces Vs. les conditions de l’environnement

Ainsi, en considérant les dates d’apparition et de disparition d’un modèle (ou d’une “lignée” de modèles apparentés) comme s’il s’agissait d’une espèce vivante, les chercheurs ont observé les faits suivants :

1- Si les espèces ont tendance à se diversifier en période de croissance économique (et inversement en période de récession), et si elles sont également sensibles aux changements du prix du carburant, ces facteurs extérieurs jouent moins dans la diversification que la compétition entre espèces (ce qui revient à une compétition entre firmes).

Apparition d’espèces dominantes

2- En particulier, à partir de la Seconde Guerre Mondiale, la diversité a chuté drastiquement par rapport à la période précédente (1896-1939) par l’apparition de quelques espèces dominantes consommant toutes les ressources de l’environnement (c’est-à-dire le portefeuille des Américains).

Les auteurs expliquent la constance de ce phénomène par le fait que, lorsque que cette domination technologique s’est établie, il est devenu beaucoup plus économique pour les majors de poursuivre le développement des gammes existantes que d’investir sur des modèles (ou lignées de modèles) nouveaux.

Homogénéisation génétique

3- Depuis les années 1980, les espèces dominantes se sont homogénéisé – plus de grandes différences techniques entre les espèces-modèles – et le terrain de compétition s’est déplacé presque exclusivement sur les différences de prix.

4- Concernant les véhicules électriques et hybrides, qui représentent un changement technologique fondamental survenu ces dernières années, les chercheurs ont identifié un processus (naissant) de diversification semblable à celui des débuts de l’automobile à essence. Ce qui leur a permis d’extrapoler vers l’avenir.

Les voitures électriques et hybrides refont le monde

En effet, ils prévoient que dans les trois ou quatre décennies à venir, le marché de ces voitures connaître une grande diversité – avant que quelques espèces dominantes ne finissent par s’imposer.

Néanmoins, il nous semble que les rythmes des innovations technologiques entre la fin du XIXe siècle et ce début du XXIe n’étant pas du tout les mêmes, cela pourrait se résoudre bien plus vite. L’avenir le dira.

–Román Ikonicoff

 

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  • L’irrésistible extension de la théorie de l’évolution – S&V n°1159 – 2014 – Si Darwin a basé sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle sur l’étude de la morphologie des espèces, depuis 155 ans la théorie s’est enrichie, notamment elle a intégré la génétique (Théorie synthétique de l’évolution) dans les années 1930. Mais depuis quelques années, les principes découverts par Darwin s’appliquent également dans d’autres domaines, comme la technologie, la psychologie, la médecine, la culture voire même la cosmologie et la physique quantique.

1159

  • Et si on repensait toutes les machines – S&V n°1153 – 2013 – Achetez ce numéro en ligne. Un collectif a décidé de réinventer toutes les machines afin de refonder la technologie sur des bases plus claires et simples… et sortir du cercle de l’innovation et sophistication tout-azimut.

1153

  • “Objets connectés – Vers les interfaces gestuelles ?” – S&V n°1177 – 2015 – Achetez ce numéro en ligne. Les grandes firmes de la Toile, en particulier Google, se sont lancées dans les interfaces gestuelles, afin de dépasser le stade de l’écran tactile et de la souri-clavier. Ces technologies sont séduisantes, mais seront-elles adoptées par les utilisateurs ?

Capture interfaces