Pour mieux comprendre les autres, lisez des livres

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Et si les romans favorisaient notre capacité à comprendre les émotions éprouvées par les autres ? C’est en tout cas ce qu’affirme une étude publiée le 3 octobre 2013 dans la revue Science, sous le titre « Reading Literary Fiction Improves Theory of Mind ».

Comment les auteurs de cette étude sont-ils parvenus à ce résultat ? Grâce à une expérience impliquant quatre groupes de volontaires, qui ont eu pour mission de lire des extraits de livres ou d’articles.

Dans un premier temps de l’expérience, le psychologue américain David Kidd  a demandé aux deux premiers groupes de lire un extrait de roman : le premier des deux groupes a lu des extraits de romans généralement considérés comme appartenant à la « grande littérature » (livres de Anton Tchekov, Don De Lillo…), tandis que les lectures proposées au deuxième groupe appartenaient plutôt au champ de la littérature dite « populaire », comme les livres de Danielle Steel par exemple. Concernant le troisième groupe, sa mission a consisté à lire des contenus non fictionnels (des articles de la presse écrite). Quant au dernier groupe, aucune lecture ne lui a été proposée.

Puis, une fois toutes les séances de lecture terminées, les volontaires ont été soumis à deux types de tests permettant d’évaluer leur aptitude à deviner les émotions éprouvées par autrui. Le premier test a consisté à regarder un visage durant deux secondes seulement, puis à dire si la personne était heureuse, en colère, effrayée ou triste. Quant au deuxième test, les volontaires ne voyaient qu’une petite partie du visage et devaient deviner l’émotion éprouvée par le visage.

Résultat ? Les deux premiers groupes (c’est-à-dire ce dont la mission a consisté à lire des extraits de romans) ont obtenu des résultats nettement supérieurs aux deux groupes qui n’avaient pas lu de fictions.

Selon les auteurs de cette étude, ce résultat s’explique par le fait que la lecture de fictions mobilise fortement notre aptitude à reconnaître les émotions ressenties par les personnages de ces romans, ce qui nous permet de deviner et comprendre leurs intentions et les raisons de leurs actes. Cette disposition, appelée Théorie de l’esprit  par les chercheurs en sciences cognitives, est fortement liée à l’empathie, cette faculté qui nous permet de comprendre les émotions éprouvées par l’autre… en les ressentant par nous-mêmes.

Le conte des mille et une exoplanètes…

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996, 997, 998, 999, 1000 ! Voilà, c’est fait ; en ce début d’automne 2013, dix huit ans après la découverte de la « toute première » planète située en dehors de notre système solaire, les astronomes viennent de franchir la barre symbolique des mille découvertes. Quel progrès ! Voici vingt ans encore, personne ne savait si les planètes étaient des objets rares autour des étoiles, comment elles se formaient, quelles étaient leurs caractéristiques… Aujourd’hui, la masse de données concernant ces autres mondes croît à une vitesse exponentielle. Alors, cette fameuse millième exoplanète, où est-elle, à quoi ressemble t-elle ? Eh bien en réalité… personne n’en a la moindre idée, car personne ne sait vraiment combien d’exoplanètes ont été vraiment dénichées là-haut, parmi les constellations…
En fait, 99 % des planètes jusqu’ici découvertes l’ont été par des méthodes d’observation indirectes. Ici, c’est l’affaiblissement périodique de l’éclat d’une étoile qui laisse penser au passage d’une planète devant elle, là, c’est le mouvement réflexe périodique d’une étoile qui permet d’imaginer qu’une ou des planètes tournent autour d’elle… Mais ces techniques, au demeurant très imaginatives et subtiles, ne sont pas complètement fiables. Une grande partie des « candidates exoplanètes » sont des « faux positifs », que les scientifiques traquent systématiquement. Ici, c’est le passage répété d’une tache stellaire qui a fait croire à une planète, là, c’est l’optimisme démesuré d’une équipe enthousiaste qui lui a fait imaginer un trop grand nombre de planètes dans un système, là encore c’est le mode d’analyse statistique des données qui a trompé l’équipe de bonne foi… Même les images directes ne sont pas sûres… Comment affirmer que cette tache jaune ou rouge est une planète géante, et pas une minuscule étoile ?
Bref, l’observation des exoplanètes est difficile, et, souvent, elle se situe à la limite des possibilités instrumentales des chercheurs. Alors, cette fameuse millième planète ? Nous saurons qui elle est dans quelques années, ou décennies, quand les 999 premières auront été définitivement confirmées. D’ici là, la valse des découvertes et des démentis continuera… Comme la belle planète géante de Pollux, par exemple, ma préférée, parce qu’elle avait été trouvée deux ans avant la « première exoplanète », qui est, selon la légende officielle, 51 Peg b, découverte par Michel Mayor et Didier Queloz, à l’observatoire de Haute-Provence. Eh bien, l’existence de Pollux b est maintenant mise en cause… Il s’agirait – peut-être – d’une gigantesque tache, persistante, tournant dans l’atmosphère de l’étoile géante…
Bien, à ce niveau du récit, le lecteur attentif, aura remarqué que j’écris « première exoplanète » entre guillemets… Pourquoi ? Eh bien, ce n’est pas faire injure aux deux excellents astronomes suisses qui ont trouvé 51 Peg b, que de rappeler, au moment où l’on s’interroge sur la millième exoplanète et sur l’existence réelle ou imaginaire d’une partie de ces autres mondes, qu’ils ne sont probablement pas les premiers à avoir observé une planète au delà de notre système solaire… Dès 1992, trois ans avant la « première », donc, l’astronome polonais Alexander Wolszczan avait détecté, à l’aide du radiotélescope d’Arecibo, un système planétaire autour de PSR B1257+12. Sauf que… cet astre est une étoile à neutrons, le vestige d’une étoile morte…

1 % seulement des mille exoplanètes découvertes jusqu'ici par les astronomes ont été photographiées. Aujourd'hui, les télescopes peuvent seulement voir les planètes tout à la fois jeunes et géantes, qui sont extrêmement chaudes et rayonnent dans l'infrarouge. Observer directement une planète de type terrestre ne sera probablement pas possible avant plusieurs décennies. Photos Nasa/ESA/STSCI/ESO/NOAO.

1 % seulement des mille exoplanètes découvertes jusqu’ici par les astronomes ont été photographiées. Aujourd’hui, les télescopes peuvent seulement voir les planètes tout à la fois jeunes et géantes, qui sont extrêmement chaudes et rayonnent dans l’infrarouge. Observer directement une planète de type terrestre ne sera probablement pas possible avant plusieurs décennies. Photos Nasa/ESA/STSCI/ESO/NOAO.

L’imaginaire collectif a littéralement effacé cette vraie première exoplanète découverte, tant le terme planète est associé à la vie. La planète de Mayor et Queloz, tournant autour d’un « vrai » Soleil, est donc devenue quasi officiellement, et contre la vérité historique, la « première exoplanète découverte ». Bon, 51 Peg b, qui est un corps brûlant, chauffé à près de 1000 °C, collé à son étoile, n’est pas vraiment un havre de paix, de calme, de luxe, de volupté, mais c’est ainsi. Ah ! A propos de vie, où en est-on dans la quête d’exo-plantes, d’exo-animaux, d’exo-civilisations ? Les travaux avancent… doucement. Les chercheurs, parmi les mille planètes découvertes, et statistiquement, parmi les mille milliards de planètes existant sans doute dans la Galaxie, cherchent celles qui sont… habitables. Vaste programme, puisqu’ils projettent dans le ciel les caractéristiques de la seule planète habitée du système solaire – la Terre, une planète ni trop chaude ni trop froide, où l’eau liquide peut exister. On s’en doute, s’interroger sur l’habitabilité d’astres si difficiles à seulement détecter est… osé, mais bon, les scientifiques sont des explorateurs de l’impossible, et, peut-être poussés par les services de communication des instituts pour lesquels ils travaillent, ils n’omettent jamais d’écrire le mot « habitabilité » dans l’annonce de leur découverte. Sans ce mot, la planète est oubliée, avec ce terme, elle a une chance d’intéresser les médias, qui oublieront par la suite de mentionner que la planète « habitable » n’existait pas, finalement, ou qu’il fait peut-être -220 °C à sa surface…
Ce qui ressort de cette millième (environ) découverte, c’est l’extraordinaire diversité des systèmes planétaires… Planètes supergéantes, planètes orbitant près de leur étoile, ou loin, ou sur des orbites improbables… Planètes exotiques, enfin, que les astronomes appellent « super Terre », terme évidemment infiniment plus chargé symboliquement que celui de «  mini Neptune »…
Et des vraies « Terre », alors, il y en a combien ? Statistiquement, beaucoup, énormément, des dizaines, des centaines de milliards dans la Voie lactée, peut-être. Officiellement, aucune, les télescopes ne sont aujourd’hui pas assez sensibles pour détecter des corps aussi petits. Cela viendra… Quant à les caractériser, savoir si, comme la Terre, ses « sœurs » ou ses « cousines » célestes ont une atmosphère, une température tempérée, une tectonique des plaques, de l’eau, une Lune, tous éléments qui ont favorisé l’émergence de la vie et son évolution, ce sera pour après demain, ou après après demain… C’est, en passant, l’une des surprises de l’avalanche de découvertes actuelle. Sur les mille planètes environ trouvées aujourd’hui, aucune n’a révélé de satellite. Cette découverte est attendue depuis quelques années, et les observatoires ont résonné l’an dernier de rumeurs concernant une telle découverte, mais jusqu’ici, rien. Affaire à suivre…
Et maintenant que le cap symbolique des mille planètes a été passé, que peut-on attendre des futures recherches ? D’abord, si la mission Gaia est menée à bien – le satellite européen doit décoller fin décembre – on peut s’attendre à ce que le cap des dix mille découvertes soit passé d’ici cinq ans seulement ! Ensuite, le temps d’observation des planètes augmentant au fil des ans, des planètes ressemblant plus ou moins à la Terre finiront par être détectées avec certitude. Montrer que ces planètes sont recouvertes d’eau, comme la nôtre, voire qu’elles sont habitées par des organismes vivants, sera probablement une tâche infiniment plus ardue… Il faudrait, d’abord, savoir si le phénomène vie est, ou pas, fréquent dans l’Univers. En l’absence d’une définition claire de ce qu’est la vie, d’une part, et en n’ayant qu’un seul échantillon sous la main, cela ne sera pas facile… La Terre, avec son satellite géant, sa tectonique, sa place dans un système planétaire atypique, est peut-être un objet céleste rarissime, nous n’en savons rien aujourd’hui. Les exobiologistes, aujourd’hui, ne savent évidemment rien des conditions d’apparition de la vie ailleurs, il faudrait déjà qu’ils comprennent comment elle est apparue ici… Voici quelques années, ils étaient pris de vertige à l’idée que des centaines de milliards de planètes rocheuses existent autour des étoiles naines rouges. Ces astres étaient considérés comme de très bons candidats à la recherche de la vie. Sauf que des chercheurs se demandent aujourd’hui si ces planètes possèdent de l’eau, l’environnement des naines rouges semblant, au moment de leur formation, extrêmement sec !
Seule solution : observer, chercher. Mais analyser des planètes terrestres à dix, cent ou mille années-lumière d’ici exigera des télescopes gigantesques, ou de grands télescopes spatiaux. Les supergéants, comme le E-ELT et ses 40 mètres de diamètre, ne sont pas attendus avant une douzaine d’années, et on est pas même sûr qu’ils seront assez puissants pour observer correctement des « Terre » lointaines… Quant aux télescopes spatiaux géants, ils n’existent que dans l’imagination des astronomes… Je prédis que nous devons nous préparer à une longue période frustrante, de plusieurs décennies, durant laquelle les annonces de découvertes de planètes habitables ou habitées seront quotidiennes, mais impossible à confirmer, les bio marqueurs, c’est à dire les traces d’une possible activité biologique à leur surface, pouvant être des faux positifs… A plus long terme, encore, à l’échelle du siècle ou du millénaire, l’astronome Jean Schneider est encore plus pessimiste. Dans un article écrit avec une douzaine de chercheurs, The far futur of exoplanet direct characterisation, ce grand encyclopédiste galactique explique que, si un jour nous pensons avoir détecté une planète habitée, ses formes de vie demeureront quasiment inobservables : la taille – des centaines de milliers, des millions de kilomètres – des télescopes nécessaires pour observer des formes de vie aussi lointaines dépassant l’imagination la plus fertile des opticiens. Quant à envoyer des sondes sur place… Pour Jean Schneider, le milieu interstellaire, qui n’est pas complètement vide, serait une menace mortelle pour des sondes spatiales se déplaçant à très grande vitesse, le moindre impact avec une minuscule poussière les détruirait instantanément.
Nous sommes condamnés, peut-être pour bien longtemps, à l’excitation de la découverte de milliers, de millions de planètes dans le cosmos, et simultanément à la frustration de ne pouvoir vraiment les dévoiler. Mais notre imaginaire peuplera cette infinité ou presque de mondes, de clairs de lunes, de couchers de soleils, de nuages, de brouillards et de brumes, de rivages, de récifs,  de montagnes, d’êtres fantastiques et de civilisations prodigieuses. Le ciel a toujours été le bienveillant réceptacle des espoirs et des rêves de l’humanité.

Serge Brunier

Les plantes à fleurs seraient apparues plus tôt que prévu

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Des plantes à fleurs

Au cours de forages effectués en Suisse, deux paléontologues ont mis au jour les plus vieux fossiles connus à ce jour de grains de pollen, issus des ancêtres des plantes à fleurs que nous connaissons aujourd’hui.

En effet, en étudiant deux carottes issues de ces forages, Peter Hochuli et Susanne Feist-Burkhardt (Université de Zurich, Suisse) ont découvert des fossiles de grains de pollen particulièrement bien préservés, datés de 240 millions d’années environ. Une découverte importante car jusqu’ici, les scientifiques pensaient que les plantes à fleurs étaient apparues il y a 140 millions d’années environ, soit plus de 100 millions d’années plus tard.

Au cours de leurs analyses, effectuées à l’aide d’un microscope confocal à balayage laser  (ce dispositif, qui utilise un laser comme source lumineuse, permet d’obtenir des images en 3D), les deux paléontologues suisses ont pu mettre au jour six types différent de pollen.

Signalons que pour retracer l’histoire évolutive des plantes à fleurs, les paléontologues ont l’habitude d’étudier non pas les fossiles de fleurs eux-mêmes, dont on imagine bien qu’ils sont très rares, mais les grains de pollen issus de ces plantes à fleurs, dont la fossilisation est bien plus aisée.

Ce résultat a été publié le 1er octobre 2013 dans la revue en accès ouvert Frontiers in Plant Science, sous le titre « Angiosperm-like pollen and Afropollis from the Middle Triassic (Anisian) of the Germanic Basin (Northern Switzerland) »

Hypatia : cette pierre est-elle le premier fragment de comète découvert sur Terre ?

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Un échantillon de verre libyque

Un échantillon de verre libyque

Un petit caillou de couleur noire, découvert dans le désert de Libye en 1996 (Egypte), serait un fragment de comète. C’est en tout cas ce qu’affirment une équipe internationale de scientifique, dans un article à paraître dans l’édition du 15 novembre de la revue Earth and Planetary Science  Letters.

Selon ces chercheurs, cette comète aurait explosé dans le ciel de l’actuelle Égypte il y a 28 millions d’années, chauffant le sable à une température de 2000 °C, et répandant des bouts de verre de silice jaune sur plusieurs kilomètres carrés.

Un résultat très loin d’être anodin. En effet, s’il venait à être validé, alors cette petite pierre, baptisée Hypatia par les auteurs de l’étude, deviendrait ni plus ni moins le premier morceau de comète jamais découvert sur Terre.

Quels sont les éléments qui incitent les auteurs de l’étude à penser que Hypatia, cette petite pierre découverte en Égypte, est un fragment de comète ? Sa composition. En effet, en analysant ce minéral, le géologue sud-africain Jan D. Kramers (Université de Johannesburg, Afrique du Sud) et ses collègues ont découvert des valeurs qui correspondent non pas à celles que l’on retrouve dans les minéraux terrestres, mais dans les… matériaux présolaires (matériaux antérieurs à la formation du soleil). C’est notamment le cas des valeurs concernant les gaz xénon, néon et krypton.

Autre valeur surprenante détectée dans Hypatia : le rapport entre deux isotopes du gaz argon, l’argon 36 et l’argon 40 (le gaz argon est un constituant important de l’atmosphère terrestre). En effet, ce rapport est extrêmement différent de celui habituellement observé, pour les deux mêmes isotopes, dans l’atmosphère terrestre. Un résultat qui suggère que l’argon présent dans Hypatia est le produit d’un mélange d’argon terrestre et d’argon… extraterrestre.

Enfin, le rapport carbone 12-carbone 13 exclut que cette petite pierre soit le produit des conditions de température et de pression exceptionnelles auxquelles cette zone désertique de l’ouest de l’Égypte a été soumise lors de la chute des morceaux de comète.

Ces travaux seront publiés dans l’édition du 15 novembre 2013 de la revue Earth and Planetary Science Letters, sous le titre « Unique chemistry of a diamond-bearing pebble from the Libyan Desert Glass strewnfield, SW Egypt: Evidence for a shocked comet fragment ».

 

Un mécanisme immunitaire inconnu chez les mammifères découvert chez la souris

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La protéine DICER

La protéine DICER

Deux études publiées cette semaine dans la revue Science suggère l’existence chez les mammifères d’un mécanisme immunitaire dont la présence n’était jusqu’ici avérée que pour les plantes, les champignons et les invertébrés. Des travaux qui suscitent toutefois le scepticisme d’une partie de la communauté scientifique.

En menant des travaux sur des souris, deux équipes de biologistes viennent de découvrir l’existence d’un mécanisme immunitaire qui n’avait jusqu’ici jamais été observé chez les mammifères. Appelé « Interférence ARN », ce mécanisme immunitaire est présent chez les plantes, les champignons et les invertébrés.

Or, un tel résultat constitue une véritable surprise. En effet, les biologistes pensaient que ce mécanisme immunitaire avait disparu au cours de l’évolution des mammifères, pour être remplacé par le recours aux interférons, ces protéines naturellement produites par l’organisme des mammifères en réponse à la présence de cellules étrangères, et qui constituent une défense très efficace contre les virus.

Ce résultat passionne d’autant plus les scientifiques, qu’ils savent depuis longtemps que l’efficacité de l’Interférence ARN contre les virus est tout bonnement… redoutable. Et de fait, grâce aux travaux menés en 2001 par le biologiste allemand Thomas Tuschl (pour en savoir plus sur ces travaux, lire l’article « Extinction de l’expression de gènes par les siRNA : la découverte »), le dispositif de l’interférence ARN, si efficace chez les plantes et les invertébrés, a d’ores et déjà pu être « détourné » au profit de l’homme afin de mettre au point des traitements contre diverses pathologies, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge, ou certaines pathologies virales comme le virus syncytial respiratoire. Des traitements qui en sont toutefois encore au stade des essais cliniques.

Evidemment, s’il était avéré que l’organisme humain est bel et bien doté de façon innée de ce mécanisme de l’interférence ARN, alors cela changerait complètement la donne, et laisserait entrevoir la possibilité de mettre au point de nouveaux traitements et vaccins contre les virus.

Comment fonctionne le mécanisme de l’Interférence ARN ? De façon très simple, en réalité. Le mécanisme de l’interférence ARN repose sur le fait que les virus copient leur ARN (l’ARN est une copie partielle de l’ADN, qui permet de transmettre ses instructions, notamment en ce qui concerne la production des protéines) quand ils se dupliquent : lorsque les cellules envahies reconnaissent cet ARN viral, la protéine DICER va générer de petits morceaux d’ARN (cet ARN est dit « interférent ») qui vont être envoyés vers l’ARN du virus afin qu’ils se lient à ce dernier. L’objectif ? Perturber la duplication du virus, et d’entraîner in fine son activation.

Au cours de ces dernières années, plusieurs laboratoires ont tenté de détecter les traces de l’existence de ce mécanisme de l’interférence ARN chez les mammifères. Mais jusqu’ici, force est de constater que cette quête est demeurée vaine. Ce qui a incité la communauté scientifique à penser que ce mécanisme immunitaire ancestral avait bel et bien été totalement remplacé chez les mammifères par le recours aux interférons.

Pourtant, les biologistes Olivier Voinnet (Institut Fédéral de Technologie de Zurich, Suisse) et Shou-Wei Ding  (Université de Californie à Riverside, États-Unis), qui ont mené les deux études publiées dans l’édition du 11 octobre de la revue Science dont il est question ici, demeuraient convaincus que ce mécanisme immunitaire de l’interférence ARN n’avait pas disparu chez les mammifères. Une conviction que les résultats de leurs derniers travaux sont venus considérablement renforcer.

Quels sont les travaux qui ont permis à ces deux équipes de parvenir à la conclusion que le mécanisme de l’interférence ARN était présent chez la souris ? Commençons par l’étude menée par l’équipe de Olivier Voinnet. Ces scientifiques ont travaillé sur les cellules souches embryonnaires de la souris (un choix guidé par le fait que ces cellules ne produisent pas des interférons), des cellules qu’ils ont volontairement exposées à un virus. Après l’exposition à ce virus, les scientifiques ont découvert la présence… de petits morceaux d’ARN interférents. Or, ces morceaux d’ARN semblent avoir été produits par la protéine DICER (qui rappelons-le, joue un rôle clé dans le mécanisme de l’interférence ARN), puisque une fois celle-ci inactivée, les petits fragments d’ARN n’étaient plus présents.

Quant aux travaux de Shou-Wei Ding, ils reposent sur l’hypothèse que les virus qui attaquent les mammifères désactivent le mécanisme de l’interférence ARN. Ce qui explique pourquoi la présence de ce dernier ne peut pas être détectée. Pour le prouver, Shou-Wei Ding a exposé des souris à un virus peu connu appelé Nodamura. Rapidement, les souris sont mortes. Puis Shou-Wei Ding  a exposé  un deuxième groupe de souris à une nouvelle version du virus Nodamura. La nouvelle version de ce virus avait été dépossédée d’une protéine appelée B2, car suspectée d’être la responsable de la désactivation du mécanisme d’interférence ARN chez la souris. Résultat ? Les souris ont survécu à l’infection, validant ainsi l’hypothèse de Shou-Wei Ding.

Il est toutefois à noter que de nombreux travaux précédents étaient parvenus à des résultats opposés à ceux présentés par ces deux nouvelles études. Ce qui provoque la suspicion de plusieurs biologistes, reprochant notamment à Shou-Wei Ding d’avoir surinterprété les résultats obtenus avec ses souris exposées au virus Nodamura.

Sources :

 

Des robots cubiques capables de s’auto-assembler

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Des robots cubes qui s'assemblent

Créer des robots modulaires, capables de reconfigurer leur structure selon l’environnement dans lequel ils évoluent, est devenu un champ de recherche important en robotique et en intelligence artificielle.

Dans cette quête, un jeune scientifique vient certainement de marquer des points précieux. En effet, John Romanishin, du Laboratoire d’Informatique et d’Intelligence Artificielle (Massachusetts Institute of Technology, États-Unis) a créé les M-Blocks : ces robots de forme cubique sont capables de se regrouper et de modifier en permanence leur position les uns par rapport aux autres. Assemblés les uns aux autres, ces cubes forment ainsi une sorte d’essaim dont la structure évolue en permanence au gré des déplacements de chaque cube.

Comment les cubes parviennent-ils à se déplacer, voire même à sauter d’un point à un autre, alors qu’ils ne disposent pas de « membres » externes leur permettant de prendre des appuis ou de se propulser ? Grâce des petits volants d’inertie implémentés dans chaque cube, dont la vitesse de révolution peut atteindre les 20 000 tours par minute.

Qu’est-ce qu’un volant d’inertie ? Il s’agit d’un dispositif consistant à emmagasiner de l’énergie grâce à la rotation d’un objet (une roue, un cylindre…), pour ensuite restituer cette énergie en inversant brusquement le mécanisme. Un exemple de volant d’inertie que nous connaissons tous se trouve dans les petites voitures à friction tant prisées par les enfants : en leur imprimant un mouvement de marche arrière puis en les relâchant, ces petites voitures bondissent alors brusquement vers l’avant et traversent la pièce en un clin d’oeil.

Autre procédé utilisé pour faire fonctionner ces cubes robotisés : des aimants, situé sur les arêtes des cubes, dont les pôles s’inversent selon le mouvement qui est effectué par le cube en déplacement (ce qui permet alors soit de solidariser l’arrête d’un cube avec l’arrête d’un autre cube, soit au contraire de la désolidariser).

Les applications des M-Blocks ? Une fois miniaturisés, ils pourraient permettre d’effectuer des tâches à l’intérieur du corps humain, comme par exemple se rendre en un point précis de l’organisme pour y délivrer un médicament. Autre application envisagée par John Romanishin : la création d’échafaudages capables de s’adapter à n’importe quel environnement.

Les travaux de John Romanishin seront présentés lors de la conférence internationale sur les Robots et Systèmes Intelligents (IEEE/RSJ), qui se déroulera du 3 au 8 novembre à Tokyo (Japon).

Plongée sur les anneaux de Saturne

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Une véritable image de science-fiction… Les astronomes nous avaient habitués aux impressionnantes images qu’ils prennent régulièrement de la plus belle des planètes, auréolée de ses brillants anneaux. Mais le portrait de Saturne que vient de réaliser la sonde américaine Cassini est tout à fait inédit. En effet, généralement, nous voyons Saturne depuis la Terre, ou depuis l’orbite terrestre, c’est à dire depuis le plan moyen du système solaire. Mais ici, Cassini surplombe littéralement la planète, révélant l’ensemble du système d’anneaux, et la spectaculaire ombre que projette sur ceux-ci l’immense globe de Saturne…

La mission Cassini constitue l’un des plus grands succès de l’histoire de la conquête spatiale en général et de celle de la Nasa en particulier. La sonde américaine a quitté la Terre en 1997 et tourne autour de Saturne depuis 2004. Se déroulant parfaitement, sa mission est régulièrement reconduite par l’agence spatiale américaine. Cassini a révolutionné notre regard sur le système de Saturne, qu’elle étudie littéralement sous tous les angles. La sonde nous a révélé la complexité des relations entre la soixantaine de satellites de Saturne et ses anneaux, la météorologie de la planète géante comme celle de son satellite Titan, le volcanisme de glace d’Encelade, les étranges paysages désertiques de Japet, Rhéa ou Mimas.

Saturne, vue par la sonde Cassini, en haut, et par le télescope spatial Hubble, en bas. L'image prise par Hubble montre la planète Saturne selon son inclinaison maximale, lorsqu'elle est vue depuis la Terre. Photos Nasa/JPL/STSCI.

Saturne, vue par la sonde Cassini, en haut, et par le télescope spatial Hubble, en bas. L’image prise par Hubble montre la planète Saturne selon son inclinaison maximale, lorsqu’elle est vue depuis la Terre. Photos Nasa/JPL/STSCI.

La Nasa a programmé la fin de la mission Cassini pour 2017. Avant de plonger dans l’atmosphère de la planète géante et y être consumée, Cassini frôlera les anneaux à quelques milliers de kilomètres de distance seulement. Les images qu’elle prendra alors, révélant des détails de quelques mètres seulement, pourraient, pour la toute première fois, nous montrer les innombrables blocs de glace qui constituent les anneaux de Saturne. Une véritable apothéose pour les astronomes qui se rappelleront alors que l’anneau de Saturne a été découvert par Galilée, voici plus de quatre cents ans…

Serge Brunier

Les koalas vont-ils disparaître ?

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La raréfaction des arbres à feuillage dense constituerait une menace pour les koalas, ces marsupiaux qui présentent la spécificité d’habiter exclusivement sur le continent australien.

 

Un résultat issu d’une étude publiée le 2 octobre 2013 dans la revue Ecography par des biologistes australiens de l’Université de Sydney (Australie).

Selon ces chercheurs, c’est la raréfaction des arbres à feuillage dense qui serait susceptible de menacer les koalas. En effet, l’ombre  procurée par ce type de végétation leur est précieuse lors des périodes de sécheresse et de grandes chaleurs.

De fait, en période de canicule, la mortalité des koalas peut connaître des pics importants. Le biologiste australien Matthew Crowther, auteur principal de l’étude, révèle ainsi que lors de la canicule de 2009, près de 25 % des koalas qui étaient suivis par son équipe sont morts à cause de la déshydratation.

Jusqu’ici, les actions menées en faveur de la protection du koala, un animal inscrit depuis longtemps dans la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, consistaient surtout à favoriser leur accès à la nourriture. En effet, ces animaux se nourrissent presque exclusivement d’eucalyptus. Il était donc nécessaire de leur assurer un accès permanent à cette plante, sous peine de les voir disparaître

Pour parvenir à ce constat, Matthew Crowther et ses collègues ont réalisé le suivi de 40 koalas sur une durée de trois ans. Au cours de ce minutieux travail, les scientifiques australiens ont ainsi pu découvrir que lors des heures les plus chaudes de la journée, les koalas consacraient toute leur énergie à trouver des arbres dotés d’un feuillage dense afin de se protéger du soleil.

Parmi les arbres les plus appréciés des koalas pour leur ombre, les chercheurs ont découvert que deux espèces étaient particulièrement appréciées par les marsupiaux : le Kurrajong, un arbre capable de résister efficacement à la sécheresse grâce à sa faculté de stocker des quantités importantes d’eau, et le Casuarina cristata, plus connu en Australie sous le nom de Belah, un arbre dont les branches tombantes rappellent celles du saule pleureur.

Pour remédier à la raréfaction de ces arbres pourvoyeurs d’ombres, dont la diminution est causée par les nombreuses périodes de sécheresse ayant récemment frappé l’Australie, Matthew Crowther et ses collègues préconisent donc de mettre en place une politique de replantation mixte. Une stratégie qui consisterait non seulement à poursuivre les plantations d’eucalyptus (nécessaire à l’alimentation des koalas), mais aussi à développer une politique de replantation des arbres à feuillage dense comme le Kurrajong et le Belah.

Ces travaux ont été publiés le 2 octobre 2013 dans la revue Ecography, sous le titre « Climate-mediated habitat selection in an arboreal folivore »

 

Photo par  Summi : Koala à Healsville Sanctuary, Australie

Des supervolcans sur Mars ?

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Cliché d'Olympus Mons obtenu par la sonde Mars Global Surveyor. Il s'agit du plus haut volcan connu du Système solaire.

Cliché d’Olympus Mons obtenu par la sonde Mars Global Surveyor. Il s’agit du plus haut volcan connu du Système solaire.

Des cratères présents à la surface de Mars, dont les scientifiques pensaient jusqu’à présent qu’ils avaient été causés par des chutes de météorites, seraient en fait de gigantesques volcans.

Aujourd’hui éteints, ces « supervolcans » (un supervolcan est une structure capable d’expulser au moins 1000 km³ de roche lors d’une seule éruption) auraient été actifs il y a 3 ou 4 milliards d’années de cela. Quant à leurs éruptions, elles auraient bouleversé Mars, l’enterrant sous la cendre tout en appauvrissant son atmosphère et bouleversant son climat.

Cette hypothèse, avancée par le géologue Joseph Michalski (Institut des Sciences de la Terre de Tucson, États-Unis) et le volcanologue Jacob Bleacher (NASA Goddard Space Flight Center à Greenbelt, États-Unis), est le fruit de l’analyse d’images de la surface de Mars, capturées par plusieurs sondes spatiales (Mars Global Surveyor, Mars Odyssey, Mars Reconnaissance Orbiter et Mars Express). Des travaux publiés le 3 octobre 2013 dans la revue Nature, sous le titre « Supervolcanoes within an ancient volcanic province in Arabia Terra, Mars ».

Or, l’hypothèse de Joseph Michalski est loin d’être anodine. En effet, elle est à relier à deux autres études, publiées conjointement dans la revue Science en juillet 2013 par des scientifiques de la NASA, sur la base de mesures effectuées par Curiosity dans l’atmoshère de Mars. Lesquelles indiquaient qu’un bouleversement majeur s’était très probablement produit sur Mars il y a 4 milliards d’années environ (les auteurs de ces deux études faisaient déjà à l’époque hypothèse que ce bouleversement aurait pu avoir pour origine des éruptions volcaniques d’ampleur exceptionnelle), et qui aurait notamment entraîné une altération importante de l’atmosphère et du climat de Mars.

On comprend donc mieux pourquoi les travaux de Joseph R. Michalski et Jacob Bleacher publiés cette semaine dans Nature pourraient influer sur la compréhension de Mars. En effet, ces travaux suggèrent ni plus ni moins que la cause de ce possible bouleversement majeur survenu sur Mars il y a longtemps pourrait ni plus ni moins être ces supervolcans qu’ils pensent avoir localisés.

Les gigantesques cratères que les deux scientifiques américains croient avoir localisés sont présents dans une région située dans l’hémisphère nord de Mars appelée Arabia Terra, une zone qui s’est formée il y a 4 milliards d’années environ, et qui est bien connue des planétologues car elle est criblée de cratères d’impact (les cratères d’impacts sont causés par les météorites). À quoi ressemblent les gigantesques cratères repérés par les auteurs de cette étude ? À de gigantesques fosses circulaires, similaires aux caldeiras présentes sur Terre, ces dépressions circulaires ou ovales qui sont causées soit par une éruption volcanique, soit par un effondrement consécutif à une éruption volcanique.

Parmi les cratères repérés par les deux auteurs de l’étude, le plus emblématique est un cratère baptisé Eden Patera (voir image ci-dessus) : une dépression de 85 km de long, 55 km de large et 1,8 km de profondeur.

Au sein de Eden patera, les deux scientifiques américains ont identifié trois caldeiras distinctes. Par ailleurs, deux autres structures, renforçant également l’hypothèse de la présence d’un supervolcan à cet endroit, auraient été repérées : un lac de lave solidifié ainsi qu’un évent volcanique (un évent volcanique est un orifice secondaire par rapport au cratère principal, par lequel s’échappent du gaz ou de la lave).

Selon Joseph R. Michalski, une seule éruption de Eden patera aurait expulsé suffisamment de cendres pour recouvrir une grande partie de la surface de Mars.

Les structures repérées par Joseph R. Michalski et Jacob Bleacher sont-elles bel et bien des supervolcans ? Pour l’instant il est impossible de le confirmer. Sans compter que ces gigantesques dépressions pourraient tout aussi bien avoir été créées par la fonte de plaques de glace situées sous la surface de Mars, un phénomène bien connu des géologues. Même s’il est toutefois difficile d’imaginer que ce dernier phénomène ait pu causer des dépressions d’une taille aussi importante.