La médecine fait-elle dégénérer l’espèce humaine ?

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La médecine moderne est bénéfique pour l'individu. L'est-elle pour l'espèce ? (Ph. Robert Couse-Baker via Flickr CC BY 2.0)

La médecine moderne est bénéfique pour l’individu. L’est-elle pour l’espèce ? (Ph. Robert Couse-Baker via Flickr CC BY 2.0)

Difficile, dans la question, de ne pas entrevoir le spectre de l’eugénisme, cette idéologie qui estime qu’au lieu d’alourdir le “fardeau génétique” de l’humanité par des soins qui aident les “inaptes” à se reproduire, on ferait mieux de les stériliser. Mais d’un point de vue évolutionniste, la question est pertinente. En soignant les personnes malades, par définition moins adaptées que les autres à leur environnement, s’oppose-t-on à la sélection naturelle qui veut que seuls les plus aptes survivent ?

La réponse la plus honnête est oui, convient Steve Jones, généticien à l’University College de Londres. Mais cela n’a aucune importance”. Car un “mauvais” gène n’est problématique que dans un environnement donné.

La médecine modifie la sélection naturelle

A la préhistoire, ma myopie m’aurait empêché de chasser. Aujourd’hui, elle n’est pas handicapante. On ne vit plus dans la nature”, souligne-t-il. Et heureusement : renvoyés à l’âge de pierre, nous ne survivrions pas longtemps. Pour preuve, les animaux élevés en captivité sur des générations résistent mal à une réintroduction en milieu naturel : ils accumulent des mutations qui n’ont aucun impact en captivité mais sont délétères en milieu sauvage.

En fait, la médecine ne supprime pas la sélection naturelle, elle la modifie”, indique Michel Raymond, de l’Institut des sciences de l’évolution (Montpellier). Là où le choléra sévit, les individus sans gènes de résistance à l’infection sont défavorisés. Mais là où elle a disparu, ces gènes n’ont plus d’intérêt. Ainsi, le matériel génétique qui “compte” pour notre survie varie avec l’environnement. Impossible de dire si les gènes que l’on juge défectueux aujourd’hui seront un problème demain ! En outre, selon plusieurs généticiens, les qualités physiques qui favorisaient nos ancêtres sont désormais moins discriminantes que nos capacités intellectuelles.

Pour faire le bilan il faudra attendre quelques milliers d’années

Néanmoins, l’espèce humaine est de plus en plus tributaire de la médecine et certains le perçoivent comme une régression. “Si les césariennes se généralisent, les nouveau-nés pourront être plus gros et on ne pourra plus accoucher sans césarienne”, explique Michel Raymond. Nous ne pourrons quantifier l’influence de la médecine sur notre génome avant des milliers d’années. Mais puisque la médecine existe, rien ne peut justifier que l’on sacrifie des individus pour le bien hypothétique du génome de la population.

M.Co.

D’après S&V n°1102

 

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  • Les Grandes Archives de S&V : l’évolution. Formulée par Darwin au milieu du XIX° siècle, la théorie de l’évolution décrit l’histoire du vivant à partir de deux principes : la descendance avec transformation et la sélection naturelle. Les espèces qui vivent aujourd’hui sur terre partagent donc toutes des ancêtres communs. Celles qui ont disparu n’était plus adaptées à leur milieu.

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

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  • L’irrésistible extension de la théorie de l’évolution – S&V n°1159 – 2014 – Si Darwin a basé sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle sur l’étude de la morphologie des espèces, depuis 155 ans la théorie s’est enrichie, notamment elle a intégré la génétique (Théorie synthétique de l’évolution) dans les années 1930. Mais depuis quelques années, les principes découverts par Darwin s’appliquent également dans d’autres domaines, comme la psychologie, la médecine, la culture voire même la cosmologie et la physique quantique.

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