Un senseur de champ magnétique découvert dans la tête d’un ver de terre

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C'est chez le ver C. elegans que les chercheurs ont trouvé la première boussole biologique (Crédit : Marumaya)

C’est chez le ver C. elegans que les chercheurs ont trouvé la première boussole biologique (Crédit : Marumaya)

Cela faisait des décennies qu’on le cherchait. Quoi ? Le senseur de champ magnétique terrestre censé orienter certains animaux, comme l’oie, la tortue, le loup, le pigeon. Et il a été découvert dans… la tête d’un ver. Une double surprise pour les biologistes de l’université du Texas à Austin, qui déterrent ainsi la première boussole biologique.

Si la découverte devrait grandement éclaircir la manière dont certains êtres vivants s’orientent géo-spatialement selon les lignes du champ magnétique terrestre, les chercheurs pensent déjà à des applications plus terre à terre, dans l’agriculture par exemple.

Le champ magnétique au bout du neurone

C’est un neurone nommé AFD dont la terminaison a une drôle de forme – entre l’antenne radio et un aigle en ombre chinoise – qui rendrait les vers C. elegans capables de s’orienter alors qu’ils sont enfouis sous la terre. De fait les vers qui cherchent de la nourriture ont tendance à s’enfoncer dans la terre vers le bas. Mais les chercheurs ont réussi à berner les vers : ils en ont fait venir au laboratoire d’Hawaii, d’Angleterre et Australie, et ont constaté que selon leur lieu de provenance ils ne suivaient pas nécessairement le chemin descendant : par exemple, des vers transportés depuis l’Australie cherchaient même à “creuser” la terre… vers le haut.

Le neurone senseur de champ magnétique de C. elegans (Crédit : Andrés Vidal-Gadea)

Le neurone senseur de champ magnétique de C. elegans (Crédit : Andrés Vidal-Gadea)

En revanche, comparés aux lignes de champ magnétique local de leur région d’origine, leur orientation de creusement était bien dirigée vers le bas. Aussi, les chercheurs ont conclu que chaque ver syntonise son capteur de champ magnétique en fonction de son lieu d’habitation afin de toujours creuser vers le bas. Les chercheurs ont également modifiés génétiquement certains individus afin de désactiver le neurone AFD : ceux-ci étaient alors incapables de s’orienter normalement.

Le mariage du mécanique et du biologique

A l’instar de l’horloge biologique dont nous avons parlé ici même, la “boussole intérieure” passionne les chercheurs d’autant qu’aucun dispositif de ce type n’avait jusqu’ici été identifié clairement. De fait, les dispositifs biomécaniques forgés par les lois statistiques de l’évolution, soit la sélection naturelle des organismes qui se multiplient le mieux, attirent particulièrement les scientifiques car ils réalisent mieux que les ingénieurs le mariage entre le mécanique et le vivant – qui pourrait inspirer les ingénieurs.

Dessin représentant la forme du neuro-senseur de champ magnétique (à droite, son aspect avec produits de contraste)

Dessin représentant la forme du neurone senseur de champ magnétique (à droite, son aspect avec produits de contraste)

Dans tous les cas, la découverte de cette première boussole biomécanique ouvre la voie à l’identification des mécanismes d’orientation magnétique dans les autres espèces. Sans compter que les chercheurs voient également dans leur découverte une application bien plus terre-à-terre : la protection des terres agricoles contre des animaux ravageurs à l’aide de champs magnétiques artificiels qui les désorienteraient…

Román Ikonicoff

 

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