Photographier le ciel du mois de juillet

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Ciel de Juillet 2015Année après année, les appareils photographiques numériques deviennent de plus en plus sensibles. Leurs capteurs d’images, un CCD (Charged Coupled Device) ou un CMOS (Complementary Metal Oxide Semi conductor) sont désormais capables, avec leur sensibilité ISO croissante, d’offrir des images de bonne qualité dans la pénombre, au crépuscule, et même… la nuit. Dans un précédent billet, j’expliquais comment photographier facilement des paysages nocturnes, simplement éclairés par la Lune ou les étoiles… C’était en 2010, et depuis, les boîtiers numériques ont tellement progressé qu’il est désormais possible de photographier directement, sans télescope, étoiles, nébuleuses et galaxies…

Les images illustrant cet article ont été réalisées avec un boîtier Nikon D 4 et un objectif de 300 mm de focale, ouvert à F/4. L'ensemble était monté sur un pied photo, et l'utilisation de l'intervallomètre intégré au boîtier a facilité les prises de vue. Photo S.Brunier.

Les images illustrant cet article ont été réalisées avec un boîtier Nikon D 4 et un objectif de 300 mm de focale, ouvert à F/4. L’ensemble était monté sur un pied photo, et l’utilisation de l’intervallomètre intégré au boîtier a facilité les prises de vue. Photo S.Brunier.

Bien sûr, il n’est pas question d’affirmer ici que les astronomes, amateurs ou professionnels, n’ont plus besoin de la fabuleuse puissance des télescopes pour explorer l’Univers, mais simplement que cet été, si vous passez vos vacances à la campagne ou à la montagne, sous un ciel pur, suffisamment éloigné de la pollution lumineuse des agglomérations, vous pourrez facilement enregistrer la lumière d’étoiles, de nébuleuses et de galaxies invisibles…
La photographie astronomique, depuis ses débuts voici plus d’un siècle et demi, est confrontée à une double injonction contradictoire : d’une part, les astres brillent d’un très faible éclat, d’autre part le ciel bouge… Or le seul moyen pour un photographe d’enregistrer l’image d’un objet faiblement lumineux consiste à allonger le temps de pose. Comment faire, si l’objet photographié est en mouvement ?

Cette photographie de l'amas d'étoiles M 13 d'Hercule a été réalisée dans la campagne française, avec un boîtier 24 x 36 réglé à 12 800 ISO et son objectif de 300 mm de focale fermé à 5,6. Cette image résulte de l'addition de 300 poses de 1 seconde chacune. L'addition a été réalisée avec le logiciel Deep Sky Stacker, et l'image finale a été traitée avec Photoshop. L'amas d'Hercule se situe à vingt deux mille années-lumière de la Terre. A gauche de l'amas, apparaît la galaxie NGC 6207, distante de cinquante millions d'années-lumière... Photo S.Brunier.

Cette photographie de l’amas d’étoiles M 13 d’Hercule a été réalisée dans la campagne française, avec un boîtier 24 x 36 réglé à 12 800 ISO et son objectif de 300 mm de focale fermé à 5,6. Cette image résulte de l’addition de 300 poses de 1 seconde chacune. L’addition a été réalisée avec le logiciel Deep Sky Stacker, et l’image finale a été traitée avec Photoshop. L’amas d’Hercule se situe à vingt deux mille années-lumière de la Terre. A gauche de l’amas, apparaît la galaxie NGC 6207, distante de cinquante millions d’années-lumière… Photo S.Brunier.

Ce mouvement n’est qu’apparent, bien sûr : il s’agit de la rotation apparente du ciel, en 24 heures, due à la rotation de la Terre sur elle-même. Pour corriger ce mouvement apparent – un degré toutes les quatre minutes – les astronomes ont inventé au début du XIX e siècle la monture équatoriale, un mouvement d’horlogerie mécanique tournant en sens inverse de la rotation terrestre, et permettant, à condition qu’elle soit bien réglée, c’est à dire que son axe de rotation soit parallèle à l’axe de rotation de la Terre, de suivre plus ou moins précisément l’astre observé…
C’est cette technique qui a vu l’explosion de la photographie astronomique, au début du XX e siècle, et les premières images de nébuleuses et de galaxies…

Ce montage montre l'effet de l'addition de nombreuses images dans le domaine de la photographie astronomique. A gauche, une pose de 1 seconde, à 12 800 ISO, de l'amas d'Hercule. A droite, l'addition de 300 poses de 1 seconde. L'image de droite montre plus d'étoiles, et révèle la galaxie NGC 6207, distante de cinquante millions d'années-lumière. La magnitude, c'est à dire l'éclat, de quelques étoiles est indiqué. Photos S.Brunier.

Ce montage montre l’effet de l’addition de nombreuses images dans le domaine de la photographie astronomique. A gauche, une pose de 1 seconde, à 12 800 ISO, de l’amas d’Hercule. A droite, l’addition de 300 poses de 1 seconde. L’image de droite montre plus d’étoiles, et révèle la galaxie NGC 6207, distante de cinquante millions d’années-lumière. La magnitude, c’est à dire l’éclat, de quelques étoiles est indiqué. Photos S.Brunier.

Jusqu’au début du XXI e siècle, il était impossible de photographier le ciel nocturne sans être astronome amateur, et sans disposer d’une complexe et coûteuse monture équatoriale. Bien sûr, les astronomes continuent à utiliser ces montures, qui, très sophistiquées aujourd’hui, permettent de pointer automatiquement les astres, et de les suivre avec une grande précision : les astronomes amateurs réalisent aujourd’hui des photographies bien meilleures que celles des plus puissants télescopes du monde dans les années 1970…
Mais les progrès des appareils photographiques permettent aujourd’hui de se lancer dans l’exploration du cosmos sans télescope, sans monture équatoriale, avec le plus simple matériel : l’appareil et un pied photo.
Cela signifie t-il qu’en prenant une photographie du ciel avec votre appareil, celui-ci révélera des nébuleuses, des galaxies ? Pas tout à fait… Ces astres sont vraiment très pâles, ils brillent cent, mille, un million de fois moins que la moins brillante étoile visible à l’œil nu… Et, encore une fois, comme le ciel tourne, il est impossible de laisser l’obturateur de l’appareil ouvert trop longtemps.

Cette photographie de la constellation de la Grande Ourse montre plus d'une douzaine de galaxies, certaines lointaines et minuscules, dont le célèbre couple M 81 M 82, en bas et à droite de l'image. Ces deux galaxies sont situées à douze millions d'années-lumière environ. Cette image est un composite de 300 photographies, posées chacune 3 secondes, avec l'objectif de 300 mm ouvert à F/4. 12 800 ISO. Plus un astre est situé près du pôle, plus le temps de pose peut être long, l'arc de cercle parcouru en un temps donné dans le ciel diminuant. A l'équateur céleste, le temps de pose maximal avec l'objectif de 300 mm est de 1 seconde, près du pôle, de 3 secondes. Photos S.Brunier.

Cette photographie de la constellation de la Grande Ourse montre plus d’une douzaine de galaxies, certaines lointaines et minuscules, dont le célèbre couple M 81 M 82, en bas et à droite de l’image. Ces deux galaxies sont situées à douze millions d’années-lumière environ. Cette image est un composite de 300 photographies, posées chacune 3 secondes, avec l’objectif de 300 mm ouvert à F/4. 12 800 ISO. Plus un astre est situé près du pôle, plus le temps de pose peut être long, l’arc de cercle parcouru en un temps donné dans le ciel diminuant. A l’équateur céleste, le temps de pose maximal avec l’objectif de 300 mm est de 1 seconde, près du pôle, de 3 secondes. Photos S.Brunier.

Pour dépasser ce problème en apparence insoluble, j’ai voici quelques années initié une technique dite de « la monture équatoriale virtuelle ». Il s’agit de prendre un grand nombre de photographies à court temps de pose de l’astre convoité, puis d’utiliser un logiciel spécialisé de traitement d’images astronomiques, lequel recale automatiquement les images enregistrées. Résultat ? L’accumulation des photographies augmente ce que les astrophotographes appellent le signal, c’est à dire l’astre photographié, tout en diminuant ce qu’ils appellent le bruit, c’est à dire le « grain », les défauts, les artefacts électroniques de chaque image individuelle. Cette technique – utilisée par les astronomes amateurs et professionnels pour obtenir des temps de pose de plusieurs heures ou plusieurs dizaines d’heures à l’aide de dizaines de prises de vue – donne des résultats spectaculaires.

Montage de la photographie de la Grande Ourse. A gauche, une pose individuelle montre les étoiles jusqu'à la magnitude 12, à l'extrême limite. A droite, l'addition de 300 images révèle la structure spirale de la galaxie M 81, et montre les étoiles jusqu'à la magnitude 16,5 environ. Une étoile de magnitude 16 est plus de dix mille fois plus pâle que la plus faible étoile visible à l’œil nu... Photos S.Brunier.

Montage de la photographie de la Grande Ourse. A gauche, une pose individuelle montre les étoiles jusqu’à la magnitude 12, à l’extrême limite. A droite, l’addition de 300 images révèle la structure spirale de la galaxie M 81, et montre les étoiles jusqu’à la magnitude 16,5 environ. Une étoile de magnitude 16 est plus de dix mille fois plus pâle que la plus faible étoile visible à l’œil nu… Photos S.Brunier.

Alors, comment faire ? D’abord, trouver un site d’observation où le ciel est le plus pur possible, et prendre ses images astronomiques lors de nuits sans Lune. Ensuite, bien sûr, choisir une cible… La carte du ciel du mois de juillet 2015 indique quelques amas, nébuleuses et galaxies célèbres, parmi les plus brillants du ciel. La plupart sont invisibles à l’œil nu, et seront, justement, rendus visibles par la magie de la photographie en longue pose… Ces astres, les nébuleuses M 8, M 20 du Sagittaire, M 27 du Petit Renard, les amas d’étoiles M 13 d’Hercule et NGC 869-884 de Persée, les galaxies M 31, M 51, M 81, M 82, M 101 sont environnés par des astres bien plus pâles et lointains, qu’il est possible d’enregistrer aussi…
Mais à la limite, point n’est besoin pour vos premiers tests de chercher une cible en particulier : en pointant votre appareil photo vers le zénith et dans la direction de la Voie lactée, vous êtes sûrs de découvrir des milliers d’étoiles, et parmi elles, probablement, un amas d’étoiles, une nébuleuse, une galaxie…
Je vous conseille de ne pas choisir d’objectifs à trop grand champ et de faible focale : la distorsion optique, pendant les prises de vue, rendra, pour le logiciel, le compositage des images difficile, voire impossible…
Utilisez donc, si possible, des objectifs de 50, 85, 135, 180, 200, 300 mm de focale…
Bien sûr, plus la focale sera grande, plus le champ sera réduit, et plus le temps de pose de chaque photographie devra être court, pour ne pas que le bougé du à la rotation du ciel soit sensible… Il suffit de faire des tests, en cherchant le temps de pose maximal durant lequel les étoiles demeurent ponctuelles et ne dessinent pas de petits traits lumineux. Dans tous les cas, ce temps de pose ne dépassera pas 10 secondes pour un objectif de 50 mm et 1 à 2 secondes pour un objectif de 300 mm…

Dans la Grande Ourse, un effet de perspective cosmique... En avant-plan, à deux mille années-lumière de la Terre, la nébuleuse M 97 luit de son bel éclat vert émeraude... Loin derrière elle, la galaxie spirale NGC 3556 apparaît. Elle est distante de plus de quarante millions d'années-lumière. Cette image montre les limites de la photographie du ciel sans télescope : le temps de pose unitaire de trois secondes est trop long, les étoiles ne sont plus ponctuelles, mais déformées. Photo S.Brunier.

Dans la Grande Ourse, un effet de perspective cosmique… En avant-plan, à deux mille années-lumière de la Terre, la nébuleuse M 97 luit de son bel éclat vert émeraude… Loin derrière elle, la galaxie spirale NGC 3556 apparaît. Elle est distante de plus de quarante millions d’années-lumière. Cette image montre les limites de la photographie du ciel sans télescope : le temps de pose unitaire de trois secondes est trop long, les étoiles ne sont plus ponctuelles, mais déformées. Photo S.Brunier.

Une fois ce test réalisé, réglez le diaphragme de l’objectif à une grande valeur d’ouverture, entre 1,8 et 4, choisissez une sensibilité ISO importante – 2000, 4000, 8000 ISO – et enregistrez vos images en fichier raw, si possible.
Reste la prise de vue : si votre appareil dispose d’un intervallomètre interne, ou si vous disposez d’un intervallomètre, réglez-le sur 25, 50, 100 poses, ou plus… Prendre les images à la main, une à une, est bien sûr possible, mais il est à craindre que l’appareil bouge pendant la pose, un déclencheur souple est alors souhaitable.
Reste à additionner les photographies prises… Des logiciels réalisent ce compositage automatiquement, comme Deep Sky Stacker ou Registax, par exemple, ou encore Iris ou Prism, très utilisés par les astronomes amateurs.
L’addition des images révélera une quantité d’astres surprenante sur votre photographie finale. Sous un beau ciel de campagne, l’addition de quelques centaines de poses permet facilement de révéler des étoiles dix à vingt mille fois plus faibles que la plus faible étoile que vous pourrez voir à l’œil nu, et des galaxies situées à des dizaines de millions d’années-lumière…
Serge Brunier

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