Un demi-siècle d’histoires avec l’École des loisirs

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C’était peut-être le préféré de vos enfants. Ou bien le vôtre. Vous l’avez rapporté un soir de l’école ou de la bibliothèque. Vous l’avez reçu en cadeau pour votre dixième anniversaire ou la naissance de votre premier enfant. Vous l’avez dévoré gamin ou plus grand, dans le silence de votre chambre. Vous l’avez offert à vos petits-enfants. Vous l’avez retrouvé il n’y a pas longtemps, chez vous ou dans votre librairie de quartier. Ce livre, c’est Chien bleu de Nadja, Bon appétit, Monsieur Lapin ! de Claude Boujon, Zou de Michel Gay, Max et les Maximonstres de Maurice Sendak, Loulou de Grégoire Solotareff, C’est moi le plus fort de Mario Ramos. Ce sont les histoires d’Olga de Geneviève Brisac ou le Journal d’un chat assassin d’Anne Fine, le chevalier qui cherchait ses chaussettes de Christian Oster, Trois Amies de Judy Blume, Je ne t’aime pas, Paulus, d’Agnès Desarthe… Peut-être un autre. Beaucoup d’autres même. Car voilà 50 ans que l’École des loisirs met son savoir-faire au service de la littérature et de l’imaginaire, avec aujourd’hui 250 nouveautés par an et un catalogue vivant, et sans cesse enrichi, de 5 000 titres (75 % de l’activité de la maison, qui se définit elle-même comme « éditeur durable », se fait ainsi sur le fonds) !

Aborder tous les thèmes

Quand, en 1965, Jean Delas, Jean Fabre et Arthur Hubschmid créent l’École des loisirs sur les fondations des Éditions de l’École – héritées du grand-père de Jean Delas et consacrées au livre scolaire -, ils imaginent un écrin pour la création, au croisement du divertissement et de la culture. « Arthur Hubschmid, qui était maquettiste, avait dans ses cartons des auteurs révolutionnaires comme Tomi Ungerer (les Trois Brigands) ou Leo Lionni (Petit-Bleu et Petit-Jaune), qui bousculaient les codes très conventionnels de l’album jeunesse. Ce sont aujourd’hui des classiques. Qu’ils aient tenu le renouvellement des générations signifie bien leur modernité pour l’époque ! », note Louis Delas, fils de Jean, codirecteur de la maison avec Jean-Louis Fabre.

Au catalogue, il y a le plaisir de raconter de belles histoires, bien écrites et illustrées, et la liberté d’aborder tous les thèmes, même les plus complexes. Ceux de la vie familiale : l’adoption, le divorce, la puberté… Mais aussi des sujets sociaux exigeants : esclavage, racisme, antisémitisme, histoire des Balkans, conflit israélo-palestinien, toxicomanie, handicap, violence sexuelle, etc. « Il n’y a pas de limite aux sujets traités, explique Geneviève Brisac, éditrice des collections « Mouche », « Neuf » et « Medium ». Pourvu, quand même, que l’on évite le désespoir, le cynisme et que l’on sache transmettre quelque chose de l’ordre de la lumière ! Aharon Appelfeld (Adam et Thomas) dit qu’un livre jeunesse doit à la fois distraire et enseigner. Et j’y souscris pleinement. »

Le lien nourri depuis les débuts de la maison avec l’école et les lieux d’éducation demeure une de ses forces. Aujourd’hui, 69 titres du fonds sont inscrits sur les listes de références de l’Éducation nationale pour la maternelle, 63 pour le CP-CE1-CE2, 59 pour le CM1-CM2 et la sixième et encore 70 pour le collège, l’éditeur mettant à disposition sur un site dédié des ressources pédagogiques (vidéos, questionnements possibles avec les élèves, liens vers des dossiers sur le genre littéraire, etc.). « Le livre est le meilleur moyen d’aider un enfant à forger sa personnalité et son libre arbitre. Et ce sont les enseignants, le personnel des crèches, les bibliothécaires qui peuvent le mettre dans les mains de l’enfant. Surtout lorsque le livre n’est pas présent dans son environnement familial, observe Louis Delas. Entre lecteur et électeur, il n’y a qu’une lettre de différence. Les événements du début de l’année nous renforcent encore dans la conviction que la lecture est une des clés majeures de notre avenir. »

Pour mener à bien sa « mission », l’École des loisirs a réuni, au fil des décennies, plus de 1 500 auteurs – tous siècles confondus ! – dans son catalogue. « Chaque année, nous découvrons et publions une quinzaine de nouveaux auteurs de grande qualité, notre ambition étant que leurs oeuvres deviennent des livres du fonds ! », explique Louis Delas, pour qui l’indépendance de la structure, toujours détenue et dirigée par les familles fondatrices, est la meilleure garantie du travail bien fait.

Liberté et confiance

Geneviève Brisac mène à l’École des loisirs la double vie d’éditrice et d’auteure. « Il faut du temps et de l’espace pour qu’une oeuvre se déploie. Quand je publie un nouvel auteur, je lui dis toujours : “Ça va compter.” Et même quand les ventes ne décollent pas, je suis comme le jardinier qui sait que la graine va devenir un magnifique rosier. C’est cet esprit de liberté et de confiance, que depuis 50 ans – 25 ans pour moi ! -, nous nous efforçons de perpétuer. »

En un demi-siècle, l’École des loisirs s’est régulièrement enrichie de nouvelles collections. La dernière arrivée, « Rue de Sèvres », a été lancée en 2013 par Louis Delas (passé par les éditions Glénat et la direction de Casterman) pour donner toute sa place à la bande dessinée. « On passe d’une collection à l’autre comme en ski d’une piste à l’autre : en s’entraînant, en pratiquant, observe Geneviève Brisac, qui pilote les collections « Mouche » (dès 7 ans), « Neuf » (dès 9 ans) et « Médium » (12 ans et plus). Mais savoir faire une noire ne gâche pas le plaisir de reprendre une bleue ! » L’éditrice-écrivaine plaide d’ailleurs pour une libre circulation entre les livres. « Je n’aime pas cataloguer trop précisément les livres. L’hypersegmentation crée des interdits inutiles. Le lecteur est quelqu’un de sauvage, qui n’a pas forcément envie de lire ce qui a été prévu pour lui ! Lire un livre seul, c’est posséder quelque chose à soi, évoluer dans un espace où l’on est libre, où l’on n’entend rien, poursuit-elle. Le livre est un lieu de sauvegarde, un abri. »

> Au programme

Pour connaître l’agenda des événements en France et à l’étranger, expositions, rencontres dédicaces, salons du livre, etc. : http://50ans.ecoledesloisirs.fr 

Du 15 au 17 mai : Festival Lire sur la vague à Hossegor. Trente auteurs et illustrateurs en dédicace, des rencontres, des spectacles et des films. 

Jusqu’au 29 août : L’incroyabilicieux anniversaire !, une grande exposition à la bibliothèque de la Part-Dieu à Lyon retrace l’histoire de l’École des loisirs à travers archives, croquis d’auteurs, dessins originaux, etc. 

Du 1er octobre 2015 au 6 février 2016 : exposition de créations originales au musée des Arts décoratifs

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