Le sexe, c’est de mon âge

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 On connaissait l’engagement de Marie de Hennezel en faveur des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie, ses rapports ministériels, ses essais sur la mort. La voilà de nouveau en librairie avec un livre sur le sexe… Le titre, un clin d’œil à la série new-yorkaise Sex and the City, récit des aventures de quatre croqueuses d’hommes sans tabou, a de quoi surprendre et amuser. Pas de barrière ni de manières dans ce Sex and sixty consacré à la vie amoureuse des seniors : la psychologue et auteure, experte sur les enjeux du vieillissement, s’interroge ainsi sur l’essence de notre « capacité érotique ». Elle interviewe des sexologues et nous livre le récit de son stage de tantrisme sur le même ton simple et direct. Toujours délicat aussi quand il s’agit de relayer les témoignages dont se nourrit cette enquête sur la relation de couple et le passage du temps. Car c’est bien de « l’avenir de l’intimité amoureuse » qu’il s’agit. Quel nouveau langage charnel et affectif développer pour ne pas vivre le vieillissement comme une simple perte ? Comment cultiver un art de la « rencontre » et une vie sensuelle, à rebours des images véhiculées par la société ? Quelle force de renouvellement puiser dans ces qualités qu’aiguise l’âge ? À rebours des auteures américaines à qui la psychologue reproche de tomber dans un jeunisme trompeur et l’illusion du « faire comme avant », Marie de Hennezel défend l’idée d’une mutation vers une sexualité plus tendre, mais aussi épanouissante. Rencontre avec une adepte du « vieillir heureux »…

Quels « types » de couples avez-vous rencontrés au cours de votre enquête ?

J’ai rencontré des couples de longue date et d’histoires récentes. Des couples qui ont réussi à transformer leur sexualité de façon « mature ». Tandis que d’autres, nombreux d’après les études, ont renoncé à y consacrer du temps et de l’énergie. Parmi ceux qui ont renoncé à toute sexualité, il y a des frustrations. Mais il y a aussi ceux qui sont « rassasiés » d’amour, et gardent un contact tendre avec l’autre, mais n’éprouvent plus le besoin d’une sexualité plus active. Non pas parce que le corps ne suit plus, mais parce qu’ils ont fait le plein et orientent aujourd’hui leur désir vers autre chose : leur vie sociale, des engagements, etc. Il y a aussi toutes les personnes restées seules après un veuvage ou une séparation. Certaines vivent une seconde adolescence, cherchant encore l’âme sœur avec qui partager la dernière partie de la vie. Elles fréquentent des sites de rencontres, sont prêtes à « essayer », à aller d’une histoire à l’autre avec une vitalité assez surprenante. À cet âge-là, il y a aussi des femmes seules qui rencontrent un homme qui n’est pas libre. Vingt ans plus tôt, elles auraient tout fait pour que l’homme quitte sa compagne avec qui il n’a plus de lien amoureux. À 65 ou 70 ans, elles acceptent souvent la situation, estimant que celle-ci n’enlève rien à ce qu’elles vivent avec cet homme et se refusant à fracasser la vie d’un autre.

Faut-il s’affranchir du discours ambiant, des normes sociales pour une sexualité épanouie après 60 ans ?

Les « normes actuelles » font beaucoup de mal. Les sexagénaires et plus doivent déjà se dégager de l’idée que sexualité égale jeunesse. Il faut ensuite oublier l’idée que sans érection ni pénétration il n’y a pas de sexe. C’est faux. Et cela conduit malheureusement de nombreuses personnes à courir après des prescriptions de Viagra, alors que ce n’est peut-être pas ce que leur partenaire attend, ou à renoncer à toute sexualité, considérant que « ce n’est plus de leur âge ». Le sexologue ­François Parpaix, que j’ai interviewé, plaide, lui, pour une vision plus large de la sexualité : pas seulement le coït, mais tout contact charnel tendre. Il y a beaucoup de couples âgés qui vivent cela avec un sentiment de plénitude et d’épanouissement. L’autre norme à combattre est celle qui consiste à réduire la jouissance à l’orgasme. La comédienne Macha Méril (voir plus bas) parle dans le livre d’une jouissance différente, mais infiniment plus forte à ses yeux. Elle dit qu’elle est devenue « pluriorgasmique », car c’est toute la rencontre avec son mari qui lui apporte un plaisir continu. Cette rencontre commence par la conversation à table et englobe toute forme d’intimité. C’est un plaisir qui comprend le corps bien sûr, mais qui est plus vaste que cela ! En vieillissant, on ne peut plus se « reposer » sur le corps, il faut miser sur le cœur, la compassion, la tendresse, gagner dans d’autres registres !

La capacité à s’abandonner est donc selon vous une des clés d’une sexualité heureuse…

Oui. Il faut absolument oublier la référence à ce que l’on connaît, au passé. En acceptant que ce n’est plus comme avant, on peut plonger dans la relation. À 82 ans, le compositeur Michel Legrand, le mari de Macha Méril, est capable de dire…

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