Des particules accélérées 10 trillards (10^22) de fois dans un tube de 9 cm

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Le tube de 9 cm dans lequel les électrons ont été accélérés (Image : Roy Kaltschmidt)

Le tube de 9 cm dans lequel les électrons ont été accélérés (Image : Roy Kaltschmidt)

Des chercheurs américains viennent de pulvériser le record mondial d’accélération de particules, des électrons, à l’aide d’un accélérateur « de poche » de 9 cm de long. En chiffres, cette accélération est de l’ordre de 10^22 G, G étant le sigle officiel de l’accélération mesurée par rapport à un solide en chute libre à la surface de la Terre, un G vaut 9,8 m/s². Si on compare, le corps humain ne supporte pas plus de 46 G d’accélération, un ballon de foot atteint rarement les 300 G et la balle du plus puissant révolver (un Parabellum) reçoit 190 000 G. Mais l’expérience menée au Laboratoire national Lawrence Berkeley (LBNL) sert surtout à démontrer la puissance de ce nouveau type d’accélérateur de particules compact, dits à laser-plasma, face aux immenses accélérateurs « traditionnels » comme le Large Hadrons Collider (LHC) du CERN.

C’est donc dans un tube de 9 cm de long qu’un nuage d’électrons a reçu une poussée fulgurante délivrée par un laser « pétawatt » (10^15 watts) le plus puissant construit à ce jour, en activité depuis seulement un an. Durant ce court trajet, les électrons ont été accélérés jusqu’à une valeur d’énergie de 4,25 GeV, soit 4,25 milliards d’électronvolts. En d’autres termes, les électrons ont acquis de la vitesse 1000 fois plus vite que dans un accélérateur de type LHC, un peu comme un nouveau modèle de F1 qui atteindrait les 100 km/h mille fois plus vite que les modèles concurrents.

L’accélérateur de particules « de poche » le plus puissant au monde

En gardant la métaphore de la F1, cela ne signifie pas que le nouveau bolide va au final dépasser en vitesse les autres car tout en les grillant au démarrage il peut ensuite se faire coiffer au poteau : ce n’est donc pas un record de vitesse mais bien un record d’accélération (qui mesure le taux d’augmentation de la vitesse par seconde). Cette accélération se compte en énergie, des électronvolts, et non pas en vitesse car aucune particule de matière ne peut atteindre la limite absolue de la vitesse de la lumière (c = 299 792 km/s),dixit la théorie de la relativité d’Einstein depuis plus d’un siècle. Si toutes les particules sont forcées de plafonner, à environ 99,99999 % de c, l’accélération qui leur est transmise se transforme en énergie « de masse », non plafonnée.

Simulation informatique du champ d'accélération dans le plasma (LBNL)

Simulation informatique du champ d’accélération dans le plasma (LBNL)

Accélérer une particule revient finalement à augmenter sa force d’impact ou inertie plutôt que sa vitesse réelle. Or dans les grands accélérateurs, l’accélération des particules persiste sur une distance supérieure à 9 cm : les anneaux du LHC font 27 km ! La particule a le temps d’acquérir une vitesse-énergie des centaines de fois supérieure à l’électron du tube des chercheurs de Berkeley – dès le printemps prochain les particules du LHC frôleront les 7 TeV d’énergie, soit 7 000 milliards d’électronvolts, presque 2000 fois plus qu’à Berkeley (les tests sont en cours).

Les ingénieurs et techniciens du LHC préparent l'accélérateur de nouvelle génération (LHC/CERN)

Les ingénieurs et techniciens du LHC préparent l’accélérateur de nouvelle génération (LHC/CERN)

Néanmoins, cette subtilité entre record d’accélération et record de vitesse ne gâche en rien l’intérêt de ces nouveaux accélérateurs de poche, car en physique des particules l’accélération est aussi utile que la vitesse : ça servirait à fabriquer des lasers à électrons pouvant projeter des faisceaux de rayons X voire gamma – du jamais vu : un nouveau laser extraordinaire et… redoutable. Sans parler des applications innovantes en médecine, pour la radiothérapie contre le cancer, en chimie et en biologie.

Román Ikonicoff

 

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