Procès autour de la ferme des mille vaches : quel est l’intérêt de la méthanisation ?

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Des vaches laitières dans une ferme industrielle. La ferme des mille vaches en contiendra jusqu'à 500. / Ph. Stéphane Mignon via Flickr - CC BY 2.0

Des vaches laitières dans une ferme industrielle. La ferme des mille vaches en contiendra jusqu’à 500. / Ph. Stéphane Mignon via Flickr – CC BY 2.0

Des centaines de manifestants sont réunis depuis ce matin devant le Palais de justice d’Amiens. Neuf agriculteurs, membres de la Confédération paysanne, sont jugés au tribunal correctionnel pour des dégradations commises en septembre 2013 et mai 2014 sur le chantier de la « ferme des mille vaches ». Cette usine laitière inaugurée en septembre dans la campagne de la Somme est à l’origine d’une vague de contestations depuis sa conception il y a trois ans.

Le concept ? Élever dans une seule exploitation agricole un millier de vaches laitières ainsi que leurs petits (veaux et génisses) pour produire du lait, et dans le même temps récupérer leurs excréments pour produire de l’énergie électrique. Cette dernière est obtenue à partir du gaz qui se dégage du fumier et du lisier, via un processus appelé « méthanisation ».

Les bénéfices d’une telle ferme sont doubles : le coût de production du lait est faible (30 % moins cher que la moyenne) et l’énergie électrique ainsi produite est rachetée par EDF à un prix très avantageux (deux fois le prix du kilowatt-heure normal). Depuis le Grenelle de l’environnement en 2011, la méthanisation jouit en effet de fortes subventions en France, qui seront maintenues par la loi de transition énergétique.

Quel est l’intérêt écologique de la méthanisation ?

La méthanisation a pour objectif de réduire l’émission de gaz à effet de serre (GES) des élevages, qui constitue 20 % du total des émissions de la planète, en réutilisant les gaz dégagés par le lisier et le fumier. Et par la même occasion, de produire de l’énergie électrique « verte », et du matériel d’épandage naturel pour fertiliser les champs.

Pour ce faire, de la biomasse (d’origine animale ou végétale) est entreposée dans une cuve (le méthaniseur), à une température comprise entre 30 et 40 °C, où par un processus chimique de digestion anaérobie elle produit du biogaz (un mélange de méthane et de gaz carbonique). Celui-ci peut ensuite être employé pour générer de l’énergie électrique, comme c’est le cas à la ferme des mille vaches.

En France, les méthaniseurs déjà présents dans les campagnes produisent en moyenne 0,2 mégawatt. Celui de la ferme des mille vaches devait être sept fois plus puissant que cela (1,4 MW), mais suite aux contestations, l’autorisation préfectorale a finalement plafonné cette valeur à 0,6 MW. Pour fonctionner à plein régime, un méthaniseur de cette taille nécessite d’un apport de biomasse supplémentaire en plus des excréments des vaches élevées sur place.

Déchets agricoles, ménagers ou hospitaliers, voire boues industrielles ou chutes de graisse animale provenant des abattoirs… cette biomasse a doit être transportée sur place, ce qui se fait par camion. Ainsi, plus elle vient de loin, plus les émissions de gaz à effet de serre augmentent. Et s’il est vrai qu’à défaut d’être méthanisés ces déchets serait incinérés ou mis en décharge (deux traitements plus polluants), une analyse menée l’année dernière par l’Irstea a montré que lorsqu’ils sont méthanisés, ils produisent un digestat (produit final) deux à trois fois plus émetteur d’azote par rapport à la méthanisation du lisier seul. Or, l’azote est un polluant des eaux et de l’air bien connu.

Les agriculteurs et écologistes s’opposent surtout au gigantisme de la ferme des mille vaches

De leur côté, les agriculteurs et les écologistes mobilisés contre la ferme des mille vaches dénoncent surtout la taille impressionnante de la ferme des mille vaches. Ce genre d’exploitations d’élevage intensif transforme d’après eux les fermes en usines. Ce qui pose aussi des problèmes sur le plan du bien-être animal, puisque les vaches ne sortiront jamais des hangars pour brouter l’herbe.

Finalement, la ferme de toutes les polémiques a ouvert discrètement en septembre dernier. Elle n’est autorisée qu’à contenir 500 vaches laitières, plus leurs petits, pour un cheptel total de 800 animaux.

F.G.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1163 méthanisation

  • Il est temps de réduire les gaz du bétail - S&V n°1095. Véritable usine à gaz, une vache peut émettre, en ruminant, plus de 100 kg de méthane ! Intervenir sur leurs gènes, leurs écosystèmes gastriques, leur alimentation… Voici les pistes envisagées pour réduire ces « fuites » peu écologiques.

S&V 1095 émissions méthane bétail

  • Mort aux vaches ! - S&V n°907. La « sauterelle à sabots » : ainsi l’écologiste américain Jeremy Rifkin qualifie-t-il la vache, qu’il considère comme l’ennemi n° de l’homme dans son ouvrage Beyond Beef.

S&V 907 vaches Rifkin

  • Effet de serre : les vaches plus que l’industrie – S&V n°876. L’effet de serre est un phénomène tout ce qu’il y a de plus naturel. Mais dans la part des activités humaines, l’accent est mis sur l’industrie, et on fait l’impasse sur l’agriculture… Or les élevages tout comme les rizières sont fortement émettrices de GES, surtout si elles sont intensives !

S&V 876 effet de serre vaches

 

 

 

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