Journée internationale de la non-violence éducative : Comment rester bienveillant avec ses enfants

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« L’autorité parentale s’exerce sans violence physique ou psychologique », énonce le texte de loi contre les violences éducatives ordinaires (VEO), plus connu sous le nom de « loi anti-fessée », ratifié le 11 juillet dernier. Promiscuité, gestion des émotions, déficit de liens sociaux… l’éducation non-violente se confronte à des obstacles inédits ces derniers temps.


De l’indulgence pour les parents


« Je suis très critique face à la façon dont certains conseils sont adressés aux parents, avec des listes de comportements à adopter ou à bannir : on est dans l’injonction, la culpabilisation, voire la menace », remarque Béatrice Kammerer, journaliste spécialisée en éducation. Pour des parents soucieux de bien faire, en effet, la culpabilité peut être grande quand ils n’y arrivent pas. Or, l’indulgence commence par soi, surtout par temps de crise.


Pour cette auteure de l’Éducation vraiment positive (Larousse, 2019), certaines méthodes donnant des techniques clés en main empêchent les parents d’exercer leur pensée critique et d’expérimenter, de créer, d’adapter des savoirs à leur contexte singulier. Elle cite ainsi la « mise à l’écart », pointée par certains comme violente, car elle provoque chez l’enfant une forme de sidération. Selon elle, l’interprétation est plus nuancée : « Si un enfant vient de taper son frère, il n’est pas pareil de le forcer à rester au coin, et de lui conseiller de prendre un moment dans un endroit rassurant pour retrouver son calme. On l’extrait de la famille dans les deux options, mais l’une est dans un contexte violent et l’autre non. »


La différence se situe aussi dans l’accompagnement que pourra proposer le parent à l’enfant : va-t-il lui intimer de ne revenir que quand il sera calme, ou va-t-il l’aider à s’apaiser ? « La question centrale est celle de l’intention et de l’état d’esprit de l’adulte : veut-il punir et humilier son enfant, ou trouver des solutions ? » résume-t-elle. Au cœur de l’éducation non-violente se trouve donc la question du regard de l’adulte sur l’enfant.


Repérer les facteurs déclencheurs


« Notre génération a un rôle de pionnière, ajoute David Dutarte, militant de l’éducation non-violente et fondateur de Familylab, le laboratoire des familles et des relations, un réseau de soutien à la parentalité. Nous aurons des moments de réussite, mais aussi de doute et d’échec. Une éducation non-violente à 100% n’existe pas. » L’important consiste à entamer une réflexion. Pour commencer, il s’agit de repérer les facteurs déclencheurs de violences ordinaires. Ces dernières peuvent être des gestes brusques, cris, soupirs, injonctions, menaces, mais pas seulement. « Quand on minimise les émotions des enfants ou qu’on se laisser absorber par son Smartphone, ils le vivent aussi comme une violence », alerte David Dutarte.


Ces réactions surviennent souvent lorsque les parents ont l’impression que leurs enfants font exprès d’adopter un comportement déplaisant ou de ne pas comprendre leurs besoins. « La croyance dans les intentions négatives de l’enfant est l’une des plus difficiles à combattre, mais c’est aussi l’enjeu central », assure David Dutarte. Or, un enfant ne cherche pas à « provoquer » ses parents. Il peut en revanche mal comprendre une consigne, surtout si elle n’est pas claire, être débordé par ses émotions, ne pas réussir à restreindre son envie de jouer, toucher, crier, etc.


Un enfant ne cherche pas à « provoquer » ses parents. Il peut en revanche mal comprendre une consigne.


Allier cadre et bienveillance


Pour qui veut élever ses enfants sans violence, le cheminement commence par essayer d’adopter une posture de respect permanent et inconditionnel. « Nous avons tous des comportements constructifs et des comportements destructeurs », précise David Dutarte. Identifier ces différents mouvements envers les enfants, ainsi que l’état d’esprit qui prédomine alors, permet de nourrir l’élaboration de relations plus respectueuses.


« Respecter l’intégrité de ses enfants, c’est aussi leur montrer l’exemple, pour qu’à leur tour, ils respectent les limites énoncées par leurs parents », ajoute-t-il. Car entendre et accueillir les émotions, les besoins, les envies et le ressenti des enfants ne veut pas dire les laisser tout faire à leur guise. « Pour grandir, un enfant a besoin d’un cadre sécurisant. Il doit pouvoir compter sur une figure d’attachement et d’autorité, dans le sens de ‘‘qui autorise’’ », complète-t-il. À l’inverse, quand l’enfant est mis en position de régir la vie familiale, il se retrouve en réalité avec une responsabilité trop lourde pour lui.


Revisiter ses valeurs


Pour déterminer les limites à poser, aucune famille ne peut ressembler à une autre : ce qui est important pour certains sera insignifiant pour leurs voisins. « L’éducation non-violente nous pousse à réfléchir à la légitimité des règles qu’on instaure, qui doivent permettre à tous de s’épanouir », poursuit Béatrice Kammerer. Pour parvenir à cet équilibre, David Dutarte propose de s’appuyer sur le concept d’« équidignité », promu par Jesper Juul, un pédagogue danois. « Si les enfants ne sont pas les égaux des adultes, ils ont pourtant droit au même respect de leur dignité, résume-t-il. Ce principe n’est pas très éloigné du précepte biblique “Aime ton prochain comme toi-même” : on ne peut pas demander le respect et en même temps ne pas respecter l’autre. »


Si les enfants ne sont pas les égaux des adultes, ils ont pourtant droit au même respect de leur dignité.
 – David Dutarte, militant de l’éducation non-violente


C’est donc en acceptant de sortir d’un rapport de domination, basé sur l’obéissance et la crainte, qu’on pourra développer des relations qui s’appuient sur la confiance, le sens partagé de la responsabilité individuelle et l’estime de soi. Un défi de taille, mais prometteur. Si la vie de famille est organisée par des principes d’ouverture à l’autre, d’écoute, de respect de soi-même et des autres, ce fonctionnement pourra se répéter dans d’autres domaines. Finalement, comme s’enthousiasme Béatrice Kammerer : « Ce projet concerne l’ensemble de la société. » Et pourrait bien la changer.


Quand le confinement décuple la maltraitance

Deux enfants meurent de maltraitance chaque semaine en France, le plus souvent dans un cadre familial. Pour ceux qui vivent dans un contexte violent, le confinement peut virer au cauchemar. Si les signalements de violences intrafamiliales ont augmenté de 20% au cours des trois premières semaines de mars et de 50% la première semaine d’avril, les associations craignent que de nombreuses petites victimes ne puissent demander de l’aide. Le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation afin d’inviter les témoins, même auditifs, à appeler le 119, un numéro gratuit et ouvert en permanence. Les victimes elles-mêmes qui, faute de pouvoir téléphoner en raison de la promiscuité, peuvent remplir le formulaire « besoin d’aide » sur le site gouvernemental www.allo119.gouv.fr. En cas de danger grave et immédiat, le 114 (numéro spécifique aux violences conjugales et intrafamiliales) peut également être contacté par SMS.

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