La Saint-Nicolas, vue d’Allemagne

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« À la veille du 6 décembre, pensez à cirer vos chaussures et à les mettre devant votre porte d’entrée ou sous la cheminée », prévient Nadine Rieck, arrivée à Berlin en 2010, et qui vit depuis six ans à Kladow, une commune qui compte une majorité de protestants. Mère de famille franco-allemande, elle se tient prête pour honorer, ce prochain week-end, la tradition avec ses deux enfants.


Noël à Berlin


« Cette fête fait référence à un personnage historique, évêque de Myra en Asie Mineure, qui vécut au IIIe siècle de notre ère et dont on rapporta les reliques en Europe à la fin du Moyen-Âge. Ayant effectué différents miracles, il devint patron des marins, et surtout, des écoliers. On lui confia alors la charge de leur attribuer des récompenses. »


Du Schnaps contre des friandises


Ainsi depuis le XVIe siècle, chaque 6 décembre, l’excitation est grande chez les enfants allemands à l’idée de trouver des cadeaux (aujourd’hui cependant surtout distribués à Noël), des friandises ou des étrennes dans leurs chaussures. « Autrefois, il frappait à la porte des maisons, tenant à la main le grand livre du ciel de leurs péchés, il était toujours suivi du Knecht Ruprecht, un moine bourru vêtu de noir qui n’a pas le beau rôle puisqu’il menace de distribuer des coups de bâton aux enfants qui n’ont pas été sages ou de les emporter dans son sac », nous raconte-t- elle. Knecht Ruprecht n’est autre que le Père Fouettard, ce personnage sinistre dont la venue dans les écoles et les maisons a longtemps terrorisé, aussi en France, les enfants. Notamment en Lorraine où la légende était très vivace et racontait qu’il venait punir en effet les vilains garnements et même les fouetter !


Père Noël, évêque de Myre : qui est (vraiment) saint Nicolas ?


« De nombreuses écoles – surtout maternelles et primaires – le font venir dans les classes. En attendant qu’il arrive, les enfants chantent des comptines, la plus connue Laßt uns froh und munster sein. On peut rencontrer de nombreux Saint Nicolas à l’habit de fourrure et à la barbe blanche dans les rues et les magasins. Cependant la tradition la plus répandue veut que les enfants déposent la veille au soir leurs chaussures cirées ainsi que du Schnaps (pour saint Nicolas) et de la nourriture (pour son âne) devant la porte de leur maison. Le lendemain, le schnaps et la nourriture ont disparu et sont remplacés par des cadeaux et des friandises. Les enfants adorent cette pratique », observe Nadine Rieck.


Détrôné par Christkind


Le 24 décembre, c’est la nuit sainte, le Heiliger Abend. Les magasins sont fermés l’après-midi (c’est la loi) et les Allemands se rassemblent en famille pour célébrer la naissance du Christ. « Les cadeaux qui sont offerts ce jour-là sont amenés par le Weihnachtsmann – Père Noël en allemand – dans certaines régions et par le Christkind – instauré au 16e siècle par Martin Luther pour remplacer saint Nicolas puisque les protestants refusaient de vouer un culte aux saints. Christkind représente l’enfant Jésus, personnifié par une jeune fille toute de blanc vêtue et coiffée d’un voile ou de cheveux d’or. Il apparaît ainsi le soir de Noël dans le sud de l’Allemagne. Et à la différence du Père-Noël, Christkind ne passe pas par la cheminée mais par la fenêtre ! »


En souvenir des Nuits sacrées


Pour la petite histoire, la célébration de Noël en Allemagne s’appelle Weihnachten, en français « les nuits sacrées ». « C’est l’héritage des Germains, qui avant d’être christianisés célébraient pendant plusieurs nuits le solstice d’hiver. Avant la christianisation, toutes les nuits d’hiver étaient célébrées comme des nuits saintes. Lors du solstice d’hiver, une fête se tenait en l’honneur du Dieu Soleil auquel on sacrifiait ses animaux favoris, le cheval et le sanglier. “Die Weihnacht” (“la nuit sacrée”) était la nuit dévolue à Wotan, dieu de la guerre et de la foudre, qui prenait à cette occasion le titre de Sol invictus (“Dieu invaincu”) », termine de nous rappeler Nadine Rieck.


L’Église a ainsi intégré ses propres traditions à sa célébration de la naissance du Christ, et aujourd’hui le Noël allemand mêle les traditions catholiques et protestantes, et le souvenir des coutumes païennes.

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