Décès d’Evaëlle : “Les encadrants scouts doivent repérer les signes de harcèlement”

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Victime de harcèlement dans son ancien collège, Evaëlle, une jeune-fille de onze ans, a mis fin à ses jours vendredi 21 juin. Guide au sein des Scouts et guides de France, son décès a bouleversé toute la communauté du scoutisme. Pour Marie Mullet-Abrassart, présidente des Scouts et guides de France, il est évident que les encadrants ont un rôle très important à jouer dans la lutte contre les situations d’isolement.


Des outils pour lutter contre le harcèlement sont-ils mis en place aux Scouts et guides de France ?


Bien sûr. Déjà dans la formation pour les chefs et cheftaines, il y a tout un module autour de la bientraitance, que ce soit des adultes envers les enfants, mais aussi qui apprend à déceler des comportements compliqués dans le groupe. Dans la méthode scoute, nous apprenons le vivre ensemble et la tolérance, notamment avec des personnes différentes : des gros et des moins gros, des couleurs de peau et des origines différentes, des enfants à la pointe de la mode, et d’autres moins. On met un point d’honneur à leur apprendre à ne pas adopter des comportements d’exclusion.


Nous avons également créé le réseau Santé qui a beaucoup travaillé sur la protection des mineurs. Depuis un an, le thème prioritaire est le harcèlement, et on va travailler de plus en plus sur le sujet ; notamment pour faire prendre conscience aux adultes que le gouvernement a mis en place de nombreux outils pour lutter contre le harcèlement et les inciter à y avoir recours avant qu’il ne soit trop tard.


Le décès d’Evaëlle a-t-il renforcé votre volonté de lutter contre la malveillance ?


Pour Evaëlle, nous ressentons un immense tristesse de ne pas avoir réussi à contrebalancer sa souffrance. Ça nous bouleverse et nous interroge : tout être humain confronté au suicide par pendaison d’une enfant de 11 ans se demande forcément ce qu’il aurait pu faire de plus pour éviter un tel drame. On sait aujourd’hui qu’il y a des choses à améliorer et ça nous questionne sur notre rôle d’éducateur. Si la question de la bientraitance est déjà au coeur de notre réflexion et de nos formations, il est certain que nous allons de plus en plus insister dessus. Nous allons par exemple rapidement parler du harcèlement et de ses solutions sur notre site Internet et dans nos newsletters afin que les encadrants et les parents s’imprègnent de cette problématique à la veille des camps d’été.


Y a-t-il de plus en plus de cas de harcèlement ?


Le phénomène n’est pas nouveau mais il est difficile de voir s’il est plus important qu’avant. Ce qu’on peut dire en revanche, c’est qu’on en parle plus. Et il est clair qu’avec l’introduction des réseaux sociaux, il y a un amplification du phénomène, d’autant plus lorsqu’il y a un effet de groupe. Dans le cas d’Evaëlle, l’ultra-connectivité a joué un rôle destructeur, c’est évident. Elle a été changée de collège une première fois, mais Internet permet aux harceleurs de poursuivre leur victime partout et tout le temps.


Comment déceler et gérer des situations de harcèlement chez des enfants ?


J’ai la perception que le harcèlement dans un groupe se repère assez facilement. Il y a des signes qui ne trompent pas : quand un enfant est sujet à des blagues à répétition, quand il est toujours isolé ou choisi en dernier lors des créations des équipes pour les jeux… Certes, la situation ne dégénère pas systématiquement, et heureusement, mais il faut que cela engendre une vigilance accrue de la part des adultes. Chez les Scouts et guides de France, si l’on repère de telles situations, nous cherchons des solutions. Elles ne sont pas évidentes à trouver car les parents ne sont pas toujours très réceptifs tant leur affect rentre en jeu. Nous tentons donc de leur expliquer que nous ne cherchons pas à condamner, mais à réparer. Cela peut passer par le changement de groupe pour l’enfant en souffrance, ou l’exclusion du groupe pour les enfants malveillants afin de les amener à réfléchir sur la notion de scoutisme.


Quel est le rôle et la responsabilité des adultes lorsqu’ils sont confronté à de la malveillance entre enfants ?


Les adultes ont un rôle très important à jouer. Les enfants de 8 à 14 ans reproduisent énormément ce qu’ils voient. Ainsi, leurs éducateurs doivent avoir un comportement exemplaire. Ils ne doivent surtout pas minimiser les actes malveillants, et ne pas laisser faire. Ils doivent être très attentifs pour repérer les signes et ouvrir des espaces de parole avec leurs enfants ou les jeunes qu’ils encadrent.


Il est difficile de trouver des solutions qui ne font pas empirer la situation. D’autant qu’il est rare qu’un parent dise à son enfant que ce qu’il fait s’appelle du harcèlement et que c’est mal. Nous devons, en tant que tiers, faire preuve d’une grande lucidité pour faire en sorte que toute la communauté éducative agisse et vienne en aide à l’enfant harcelé.

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