L’arboretum de Chèvreloup, joyau de biodiversité

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Des cerisiers déjà en fleur, des bourgeons qui éclatent un peu partout, un air printanier qui embaume et attire… « C’est incroyable : depuis ce matin 10 heures, une dizaine de personnes sont déjà venues en caisse ! » Frédéric Achille, responsable scientifique des collections végétales de plein air des jardins botaniques du Muséum national d’histoire naturelle, n’en revient pas de voir qu’en ce 1er avril, jour de réouverture au public de l’arboretum de Versailles-Chèvreloup, les plus fidèles amateurs de biodiversité sont déjà au rendez-vous. « En ouvrant, pour la première fois l’année dernière, la totalité de ces 200 hectares au public (contre 50 auparavant), le Muséum avait pris le risque de briser quelques habitudes poussiéreuses », rappelle-t-il. Mais le résultat est probant : 23.700 visiteurs (dont 1850 abonnements) en 2018, contre 15.000 en 2017, soit une hausse de la fréquentation de 58% ! « Il faut dire qu’ici il y a du potentiel », dit-il en embrassant du regard la vaste plaine paysagère de l’Arboretum. 


Coincé entre le parc du château de Versailles, surfréquenté, le centre commercial Parly 2 et le grondement de l’autoroute de Normandie, cet arboretum encore méconnu vaut pourtant le détour. On y trouve en effet 2500 espèces d’arbres venus du monde entier (Himalaya, Caucase, Japon, Amérique, Europe, etc.), répartis dans une nature mi-ordonnée, mi-sauvage. « Cette alternance entre la conception traditionnelle du parc à la française et d’autres endroits plus naturels fait tout l’intérêt de l’arboretum de Chèvreloup, souligne Frédéric Achille. Son histoire n’a pas été linéaire, et c’est la succession de périodes fastes et d’épisodes de relatif abandon qui lui donne tout son charme et son intérêt en matière de biodiversité. » 


Jadis réserve de chasse de Louis XIV, devenue ensuite ferme horticole, cette parcelle située à 20 kilomètres de Paris a été acquise par le Muséum en 1922, car le Jardin des Plantes, au coeur de la capitale, était devenu trop petit. « Sous l’inspiration d’un plan élaboré par l’architecte et paysagiste François-Benjamin Chaussemiche, le but était d’en faire le plus grand jardin botanique du monde, pour détrôner les Kew Gardens de Londres », informe notre guide, coauteur d’un livre historique et botanique passionnant sur l’arboretum (voir page 67). Malheureusement, la crise économique de 1929 et la Seconde Guerre mondiale ont fait revoir ces ambitions à la baisse. Il faut attendre les années 1960 pour que le Muséum, sous l’impulsion de l’ingénieur horticole Georges Callen, s’intéresse de nouveau à Chèvreloup. Jusqu’à son ouverture totale au public, en 2018.


Bosquets et étangs, faune et flore


Répartie en quatre zones - asiatique, américaine, horticole et européenne -, la nature s’observe ici sur 200 hectares. Bien sûr, des étiquettes affichant les noms latins des espèces renseignent sur l’origine de chaque arbre, mais l’essentiel réside dans le principe de libre déambulation qui permet au visiteur de croiser, au détour d’un bosquet ou près d’un étang, une flore et une faune diversifiées – faisans, hérons, cormorans, chevreuils, etc. « Notre idée est la suivante, explique Frédéric Achille : pour enseigner au grand public le respect de la biodiversité, il ne faut pas que ce soit uniquement savant, mais également agréable, joli d’un point de vue esthétique. En un mot, paysager. » 


Les « stars » de Chèvreloup sont nombreuses : selon les saisons, on admire la grande allée de cèdres bleus de l’Atlas (800 mètres de long), les fragiles cerisiers du Japon, la collection fleurie et multicolore de rhododendrons, les feuilles piquantes de l’araucaria du Chili, surnommé « le désespoir des singes », ou encore les écorces sensibles des érables, dont l’érable cannelle - un arbre qu’affectionne Frédéric Achille pour « son toucher et son feuillage d’été et d’automne » -, ou encore les séquoias géants des Amériques. 


Pourtant, l’endroit que notre guide préfère est le modeste bois de l’ancienne pépinière, qui jouxte le domaine historique de Trianon. « C’est un endroit un peu abandonné, né autour d’arbres de pépiniéristes qui n’ont pas été transplantés. Cela donne une petite forêt qui semble naturelle, sauf qu’elle est constituée d’espèces à la fois ordinaires et plus exotiques. » Un magnolia surgit ainsi à côté d’un conifère, tandis qu’un cerisier grandit entre deux chênes. « Pour nous, scientifiques et jardiniers du Muséum, tous les arbres de Chèvreloup sont des passerelles. Ils doivent nous introduire à la nature, à la science, à la pédagogie, à l’esthétique. Car s’émerveiller, c’est le début de la protection de la nature. »


Au milieu de chênes centenaires


Pour les responsables de l’arboretum, pas question de s’endormir sur leurs récents lauriers ! « Pour 2019, nous avons ouvert plusieurs nouveaux sentiers de randonnée afin d’aider le visiteur à cheminer au milieu de nos 10.000 arbres », informe Frédéric Achille.Outre un parcours sportif de 12 kilomètres destiné aux randonneurs aguerris, notre guide est particulièrement fier de nous faire découvrir le parcours « Île-de-France », chemin enherbé d’un kilomètre de long qui se termine au milieu de chênes centenaires, après avoir serpenté dans une biodiversité ordinaire et sauvage : aubépiniers, sorbiers des oiseaux, aulnes glutineux, mais aussi ronces, tapis de fleurs sciaphiles (qui se développent à l’ombre), bois mort… « C’est une démarche plus écologique, qui vise un public plus large que les seuls férus de botanique. » De même, un champ de fleurs mellifères semées sur les deux hectares de l’ancien réservoir de Chèvreloup, qui date de l’époque de Louis XIV, sera observable dès cet été. Quand le Roi-Soleil se fait Roi-Biodiversité…


Pratique


Préparer sa visite


30 route de Versailles, Rocquencourt (78). Tél. : 01 39 55 53 80. Ouvert tous les jours (sauf le 1er mai) jusqu’au 15 novembre, de 10 heures à 18 heures. Entrée : 7 EUR ; tarif réduit 5 EUR ; billet famille 20 EUR.


Comment y aller ?


En voiture : au départ de Paris, autoroute A13, sortie Versailles-Notre-Dame-Saint-Germain. En bus : au départ de Versailles, ligne B ou H jusqu’à l’arrêt Centre commercial Parly 2.


Sur place


Parking (voitures et vélos), accès handicapés partiel, tables de pique-nique, parcours de randonnée fléchés et visites guidées thématiques. Toutes les infos sur www.arboretumdeversailles chevreloup.fr


À lire 


Arboretum de Versailles-Chèvreloup, de Frédéric Achille, Snezana Gerbault et Gabriela Lamy, Rouergue/MNHN, 2017, 25 €. Certaines des photos de ce livre seront exposées au pavillon d’accueil de l’arboretum à partir du 17 mai.

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