“Ma fille de 20 ans me tient tête“

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« Je m’appelle Nicolas, 46 ans et j’ai une fille qui va avoir 20 ans et a un petit copain.

Je ne comprends pas ma fille qui me tient tête, déjà étant petite, et cela devient de plus en accentué sur tous les sujets. Elle prétexte toujours qu’elle manque de liberté et elle a une façon bizarre de demander : elle va déclencher une dispute, puis profite alors de l’occasion pour faire sa demande. Je suis quelqu’un de calme et posé, et j’apprécie que l’on me demande lors d’une conversation posée, et elle ne procède pas ainsi. Nous avons un désaccord sur un sujet banal, et elle m’a défié jusqu’à que j’en arrive aux mains mais je ne l’ai pas giflée.

Quand je lui explique que je peux accepter toute divergence de point de vue, mais qu’elle doit l’exprimer calmement, elle sait que le problème est uniquement en elle et elle veut quitter la maison , soi disant pour résoudre le problème.

Je commence à en avoir assez de raisonner une fille en lui demandant d’être patiente jusqu’à son master – plus que 3 ans – puis de partir dans de bonnes conditions ; or elle est pressée de découvrir soi disant la vie. Elle souhaite que je lui paie un loyer dans son appartement d’étudiant, je n’en ai pas les moyens, elle ne comprends pas. Alors, je me sens blessé et je commence petit à petit à avoir de la haine pour elle, car cela tourne en boucle dans ma tête. Et j’ai envie de divorcer, de tout plaquer, je me sens trahi et fatigué par quelqu’un qui me fait du mal à chaque fois qu’elle parle. Je lui dis de faire attention à sa manière de communiquer, elle dit oui, puis c’est la même chose quelques jours après.

À chaque dispute, sa mère a tendance à être de son côté et cela me rend démotivé.

Je n’ai plus envie de la voir du tout, seulement de rayer tout le monde de ma vie et me retrouver seul.

Que me conseillez-vous, s’il vous plaît ? Dois-je prendre une décision et aller de l’avant ?

Merci. »


> La réponse de Jacques Arènes :


Merci surtout Nicolas pour votre belle lettre, emprunte de finesse et de tristesse. Vous êtes un homme sensible, désireux de bien faire, et vous avez l’impression d’avoir tout faux. Vous décrivez simplement ce sentiment de grand solitude où vous vous sentez assailli, accusé, malmené. Vous vous présentez comme une personne calme, et vous affrontez à chaque fois l’orage de la relation avec votre fille, dans lequel vous êtes ballotté, secoué, mis en accusation. Et vous n’avez qu’un seul désir : que la tempête cesse, et vous retrouver seul…


En fait, vous êtes déjà seul. Pourquoi cette solitude ? C’est cela qu’il faudrait examiner. Vous souhaitez le divorce, et ne percevez pas votre épouse comme solidaire. Vous êtes celui qu’il faut convaincre. Et vous vous percevez trahi, pas seulement par votre fille et mais aussi par votre compagne. Au fond, votre couple semble ne pas exister. En effet, qu’est-il arrivé à votre couple ? Le cœur de votre souffrance est là. Quand un conflit s’exacerbe avec un adolescent ou un jeune adulte, une des causes – pas la seule, mais une cause principale – est souvent ce qui est déjà en train de se tordre et de se déchirer entre les parents. Et le jeune souligne alors, et s’engouffre dans la faille, le manque de lien entre les parents. La révolte de votre fille n’est pas seulement la sienne, et elle est conjuguée à l’opposition de celle qui partage votre vie. Vous êtes seul, et vous vous percevez en charge des finances de la famille, peut-être êtes-vous celui qui ramène un salaire. Que ce soit le cas ou non, si l’argent n’est pas là, vous ne pouvez pas l’inventer. Mais, avant tout cela, il vous faut en parler entre parents, calmement et sans votre fille, et prendre une décision commune. Une décision réaliste qui corresponde à la réalité de vos finances familiales.


Est-ce cependant possible d’en parler avec votre épouse ? Tout se joue apparemment sur la scène familiale, en une forme de théâtre où vous vous voyez assailli. Il s’agit de remonter en amont à la source de votre couple, sans doute à la source de votre solitude. Et d’examiner la raison qui fait que lien se défait, que la solidarité vivante que vous aviez sans doute auparavant tissée se déchire… Si c’est possible, cela changera la communication avec votre fille. Peut-être avez-vous tort de vous penser comme un bastion assiégé, et peut-être est-il possible de renouer déjà avec la mère de votre fille. Peut-être aussi, ce que je ne souhaite pas, la situation est plus grave, et implique un différend plus profond. Ce conflit ne ferait alors que mettre en lumière un fossé déjà creusé. En tous cas, je ne vous accuse pas, alors que vous vous sentez accusé, ce que vous êtes probablement. Parce que je le sais et le sens trop souvent, les familles sont aujourd’hui des lieux de compétition entre les individus – à l’intérieur même du couple parental – où chacun cherche à faire valoir ses droits et où tous se sentent seuls. Vous aimez votre fille et vous ne savez pas quoi faire. Vous avez cependant la liberté de refuser absolument la violence de conversations qui dégénèrent tout de suite en colère et en cris, quitte à sortir de la pièce et à vous isoler.


Cela ne « sert » à rien, mais cela vous protégera. En attendant, sans nécessairement aller jusqu’au divorce, vous pouvez aussi plus souvent vous isoler, vous donner des moments à vous. Il vous faudrait une « bonne » solitude par laquelle vous réfléchissez et vous vous retrouvez vous-même. Ce serait alors une vraie solitude, et pas une solitude au milieu de la famille. Cela vous permettra de ne pas adhérer à la guerre des nerfs que l’on cherche à vous imposer… Votre courriel pose en fait la question de savoir comment prendre une décision (importante) quand les parents ne sont pas du tout d’accord. En tous cas, il ne faut pas trancher avant qu’il y ait une maturation d’un côté comme de l’autre. Un regard externe, une médiation familiale par exemple (il existe des spécialistes de ce domaine, et ce ne sont pas des « psys ») pourrait peut-être aider.


 


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> Par courrier postal en écrivant à Jacques Arènes, La Vie, 80 boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.


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