Filles et garçons : l’égalité dans la différence

Standard

L’égalité homme-femme, on en parle en France avec le texte de loi présenté   lundi 20 janvier au Parlement et le dispositif ABCD de l’égalité visant à « déconstruire les stéréotypes femmes-hommes » dès la maternelle que Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale et Najat Vallaud‐Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte‐parole du Gouvernement, ont officiellement présenté lundi 13 janvier.

C’est dans ce contexte que sort en librairie un ouvrage du Dr Leonard Sax intitulé Pourquoi les garçons perdent pied et les filles se mettent en danger (Ed. Lattès). Un livre qui a suscité la polémique aux Etats-Unis.

Pour parvenir à une réussite scolaire équivalente entre garçons et filles, ce médecin américain, diplômé en biologie et docteur en psychologie, montre qu’il est vain de nier les différences entre les deux sexes, cette attitude renforçant même les stéréotypes. S’appuyant sur des études scientifiques, il répète que l’égalité ne signifie pas l’uniformité, et conseille plutôt de s’appuyer sur les modes d’apprentissage propres à chaque sexe, afin de proposer une pédagogie différenciée.

Du point de vue pédagogique, il est convenu de gommer les différences entre garçons et filles. En avançant le contraire, vous relancez la polémique. Ne craignez vous pas de passer pour un réactionnaire ?

Tout le monde est d’accord pour dire qu’il n’y a aucune différence entre les facultés intellectuelles, les capacités d’apprentissage, des filles et des garçons. Mais dans le domaine de la motivation, il en va différemment.

Des recherches scientifiques font observer des différences comportementales chez les singes et les chimpanzés : les petits singes mâles préfèrent nettement jouer avec des camions plutôt qu’avec des poupées, les petits singes femelles marquent une légère préférence pour les poupées, par rapport aux camions. Ces différences sont encore plus marquées chez les enfants humains, à un âge où ils n’ont pas encore conscience du sexe auquel ils appartiennent. De la même façon, les modes d’apprentissage chez les filles et les garçons ne sont pas similaires. La culture et la construction sociale du genre, si elles amplifient la biologie, ne peuvent être les seules responsables de ces différences. Or nous éduquons nos enfants comme si ces différences n’existaient pas.

Vous écrivez qu’une telle attitude contribue même à renforcer les stéréotypes. Comment ?

En ignorant les différences entre les filles et les garçons, les enseignants contribuent (sans le vouloir) au renforcement des stéréotypes de genre. Il ne s’agit pas de mettre en place des cursus différenciés, mais d’adopter des pédagogies différenciées sur des cursus identiques. En d’autres termes, ce n’est pas le contenu de l’enseignement qui pose problème, mais la manière de l’enseigner.

Face au désengagement, à la démotivation, de l’un ou de l’autre sexe dans une matière donnée, continuer à ne rien faire, c’est contribuer au renforcement de choix de carrières stéréotypés. La meilleure façon d’intéresser les garçons à programmer un ordinateur est très différente de celle qui poussera les filles à s’y mettre. Motiver des garçons pour qu’ils aiment écrire des dissertations ou tenir leur journal intime ne se fait pas de la même manière que pour des filles.

Ainsi, une professeure de physique australienne a pris en compte les différences reconnues par les chercheurs entre le système visuel des filles (plutôt sensible à la couleur et à la texture) et le système visuel des garçons (plutôt attiré par le mouvement). En adaptant l’ordre dans lequel elle enseigne sa matière, elle parvient à motiver les filles à étudier la physique jusqu’au bac. Ce n’est pas un meilleur cursus : il est strictement identique à celui enseigné partout ailleurs en Australie. C’est juste une pédagogie différente, adaptée aux points forts de chaque sexe.

Transmettre est-il plus difficile aujourd’hui, à l’heure où les écrans se multiplient ?

Nos enfants sont confrontés aujourd’hui à des sollicitations très différentes de celles contre lesquelles nos parents nous ont protégés. Lorsque nous étions enfants, le danger était dehors, hors des murs de notre foyer. Si nous étions dans notre chambre à 20 h, ils avaient fait du bon boulot. Aujourd’hui, c’est différent. Que se passe-t-il derrière la porte de la chambre de votre fille après 20 h ? À qui parle-t-elle ? Que trafique-t-elle sur Photoshop ? Pourquoi ? Pendant ce temps là, que fait son frère ? Quels sites consulte-t-il ? Pourquoi n’arrive-t-il pas à sortir de son jeu vidéo avant minuit ?

L’intrusion de l’extérieur dans l’intimité de la famille, parallèlement à la disparition de la notion même d’intimité pour nos adolescents, pose de nouveaux problèmes aux parents qui, eux, n’utilisent pas, la plupart du temps, la technologie comme un terrain de rencontre avec leurs enfants. Ils ne vont jamais sur leur page Facebook « par respect pour leur intimité ». Ils ne jouent pas aux jeux vidéo avec eux, « parce que c’est une perte de temps ».

« Tenir bon est notre job de parents », écrivez-vous. Oui mais comment ?

Tenir bon, c’est comprendre les enjeux des nouvelles technologies dans la construction d’une personnalité creuse, « de façade », pour les filles, ou dans un comportement addictif d’évitement (vers les jeux vidéo, la pornographie) pour les garçons. C’est dire non aux pressions auxquelles sont soumises nos filles pour se comporter comme des femmes sexuellement actives, de plus en plus tôt, alors qu’elles ne sont encore que des enfants. C’est dire non à la violence de certains jeux vidéo, car l’on sait désormais qu’elle renforce le passage à l’acte dans la vraie vie.

Tenir bon, c’est repenser l’éducation comme une étape préparant l’enfant à la vie et non à « toujours plus d’école », comme y incite le système scolaire français, qui focalise sur la performance. Pourquoi ne pas donner davantage de place à l’apprentissage expérimental, par exemple, comme le font les Allemands ?

Tenir bon, c’est aussi proposer à nos enfants des modèles d’adultes, femmes et hommes, autres que les stéréotypes offerts par la grosse caisse médiatique qui les matraque, en ligne et hors ligne, afin qu’ils « deviennent ce qu’ils sont » et trouvent un sens à leur existence.

Quels conseils donneriez-vous aux parents pour les aider en matière d’éducation ?

La parentalité est un art et non une science. Il est temps de s’intéresser aux différences entre les filles et les garçons pour casser définitivement le sexisme combattu depuis plusieurs décennies et aider nos enfants à trouver un sens à leur vie. Il ne s’agit pas de revendiquer ces différences et de construire un monde nouveau à partir d’elles – ce serait une régression. Mais il ne faut pas croire non plus que les différences entre les sexes n’existent pas et que tout n’est que construction sociale du genre. Comprenons les différences, célébrons-les, prenons appui sur elles pour que chacun, chacune, trouve un sens, son propre sens, à son existence. Lorsque notre fille, notre fils nous demandent « c’est quoi, devenir une femme ? C’est quoi, devenir un homme ? » préparons-nous à leur répondre autre chose que « c’est pareil. » Vive les différences !

Dans votre ouvrage, vous citez l’écrivain Robert Bly et la psychanalyste Marion Woodman, qui avancent qu’une suractivité des jeunes serait le résultat d’une quête spirituelle non assouvie. Pourquoi un chemin spirituel est-il si important, notamment pour les jeunes ? 

Nous vivons une époque technologique vouée à la performance. Il y est très facile, surtout pour les filles, de se construire une personnalité dédiée à l’apparence et à la performance, physique ou intellectuelle. Ces filles qui en apparence enchaînent les bons résultats, sont en fait fragiles. Les garçons, eux semblent plus solides, mais uniquement dans leur chambre, devant leur écran. Le reste ne les intéresse pas. Le sens que les jeunes donnent à leur vie est « programmé » par des sociétés à but lucratif !

Or nos enfants ont besoin de savoir pourquoi ils sont là. Pourquoi ? Parce que la vie est dure. Rien ne se passe jamais comme prévu. Et puis les gens qu’on aime meurent. À nous, parents, de créer l’espace nécessaire pour qu’ils répondent par eux-mêmes à ces questions : crois-tu en Dieu ? Si c’est le cas, quel genre de Dieu ? Qu’est- ce qui donne du sens à la vie ? À quoi sert la vie ? A-t-on une âme ? Que se passe-t-il quand on meurt ? En donnant le droit à nos enfants d’avoir une vie intérieure, une personnalité qui vient d’eux-mêmes, nous faisons notre boulot de parents et nous les éduquons à la vie.

Avec l’aimable collaboration d’Isabelle Crouzet, traductrice de l’ouvrage Pourquoi les garçons perdent pied et les filles se mettent en danger, Dr Leonard Sax, JC Lattès (20 €). Sortie le 15 janvier.

Leave a Reply