Le divorce pourra-t-il se passer du juge ?

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Vendredi 10 janvier, le débat sur la Justice en France s’est ouvert à l’Unesco, à la demande de la garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Christiane Taubira. L’objectif : dégager les axes d’une réforme qui devra permettre à la justice de s’adapter aux besoins du monde moderne. 

C’est dans ce cadre que quatre groupes de travail ont formulé 268 recommandations. Le rapport final du deuxième groupe de réflexion, placé sous l’égide de Pierre Delmas-Goyon, Conseiller à la Cour de Cassation, a formulé 57 propositions. Plusieurs concernent les affaires familiales. Il préconise ainsi le règlement des litiges par des « modes négociés », en particulier par le recours à la médiation familiale (Propositions 18 et 19). Il suggère aussi d’instaurer un entretien confié au greffier afin de « permettre une écoute initiale, visant à appréhender dans toutes ses dimensions la réalité du conflit familial et à rechercher les possibilités de règlement négocié » avant le passage devant le juge aux affaires familiales (Proposition 20).

Mais c’est la question du “divorce sans juge” qui suscite le plus de réactions. Le rapport propose en effet de transférer plusieurs compétences au greffier juridictionnel, notamment celle de prononcé du divorce par consentement mutuel, sans distinction « de la présence d’enfants ou de la consistance du patrimoine » (Proposition 49). Seul un recours devant le juge demeure envisagé, en cas de refus d’homologation. 80% de l’activité des tribunaux est en effet accaparé par les affaires familiales, dont le contentieux majeur reste celui du ­divorce. Simplifier la procédure de divorce dans les cas de consentement mutuel permettrait de désengorger les tribunaux.

Cette proposition a soulevé de nombreuses contestations. La procédure de divorce par consentement mutuel concerne aujourd’hui 54 % des 128 371 divorces en 2012 en France. Syndicats, magistrats et avocats s’opposent à cette mesure. Sur RTL, le président de l’Union syndicale de la magistrature (USM), principal syndicat de magistrats, s’est inquiété d’« une logique purement financière et comptable » : « Le risque principal c’est en réalité que l’un des époux, le plus faible économiquement se trouve dans une situation de faiblesse qui ne sera constatée par personne », affirme-t-il.

Dans une tribune, le socialiste André Vallini, sénateur de l’Isère, avocat de formation et conseiller pour la justice de François Hollande pendant la campagne présidentielle, estime lui aussi que le divorce sans juge serait « dangereux » et lui préfère la « médiation ». A droite, l’avocat Erwan Le Morhedec rappelle que « la convention (…) soumise au juge cache bien des litiges potentiels et (que) le consentement est soumis à bien des influences. Or, précisément, l’office du juge est de vérifier ces points. C’est l’article 232 du code civil. Plus de juge pour opérer ce contrôle minimum, déjà réduit comme peau de chagrin. Plus de juge, plus de “procès“. » 

Dans un communiqué intitulé « Simplifier le divorce, c’est affaiblir le mariage », les Associations familiales Catholiques (AFC) s’inquiètent pour leur part d’une possible banalisation du divorce : « le mariage, union d’un homme et d’une femme dans la durée, reposant sur leur engagement public, sert le bien commun et favorise la protection du plus faible au sein du couple. Simplifier davantage sa rupture en effaçant le formalisme du divorce affaiblirait et fragiliserait encore plus le mariage. »

La ministre de la Famille, Dominique Bertinotti s’est déclarée favorable au principe du divorce sans juge, tandis que Najat Vallaud-Belkacem a calmé le jeu en rappelant que cette idée n’était « qu’une proposition parmi près de 200 », et qu’un « processus de concertation » allait s’ouvrir pour discuter de cette question « sereinement ».

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