Le blog de Mathieu Grousson : « La particule X pourrait être le signe que l’espace compte plus de trois dimensions », Steeve Giddings, théoricien

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Les espaces de Calabi Yau donnent à voir ce que serait un univers doté de dimensions d’espace supplémentaires (ph. Wikipedia, Jbourjai).

 

Alors que le LHC, le grand accélérateur de particules basé près de Genève accumule des données à une cadence sans précédent, le suspens demeure entier. A ce jour, nul n’est en mesure d’affirmer si l’excès rendu public le 15 décembre dernier constitue la première manifestation d’une particule inconnue ou bien une simple fluctuation statistique. Pour autant, la déferlante de travaux théoriques visant à donner du corps à cette manifestation inattendue est sans précédent.

Aujourd’hui, nous donnons la parole à Steve Giddings, au département de physique de l’université de Californie, à Santa Barbara. Ses travaux les plus récents explorent la possibilité que la particule X soit l’expression de l’existence de dimensions supplémentaires.

 

Steve Giddins, physicien théoricien au département de physique de l’université de Californie, à Santa Barbara (ph. : Sonia Fernandez)

Steve Giddins, physicien théoricien au département de physique de l’université de Californie, à Santa Barbara (ph. : Sonia Fernandez)

 

Science & Vie : Vous explorez la possibilité que le X soit un signe que notre univers compte plus de trois dimensions d’espace. Quel est votre point de départ ?

Steve Giddings : Ce travail s’inscrit dans le cadre des scénarios dits de « compactifications gauchis » (« warped compactifications ») qui offrent une possibilité d’expliquer pourquoi la gravitation est si faible en comparaison des trois autres interactions fondamentales. Concrètement, ces modèles considèrent que l’Univers compte des dimensions d’espace supplémentaires en plus des trois que nous connaissons, dimensions possédant la propriété d’être extrêmement courbées. Ces dimensions additionnelles, qui pourraient être minuscules, sont invisibles dans la mesure où les particules – de même que les interactions électromagnétique, faible et forte – sont contraintes de se propager exclusivement dans trois dimensions. A l’inverse, la gravitation peut également se propager dans les dimensions supplémentaires dans lesquelles elle est, par conséquent, en partie diluée.

 

Science & Vie : Quel est le lien avec la particule X ?

Steve Giddings : Lors de ses incursions dans les dimensions supplémentaires, la particule médiatrice de l’interaction gravitationnelle, le graviton, est susceptible de vibrer. Or, les calculs montrent que ces vibrations se manifestent dans les trois dimensions ordinaires sous la forme d’une particule additionnelle qui ressemble au graviton, mais dotée d’une masse (à l’inverse le graviton est de masse nulle). Au stade où nous en sommes, ce que nous savons du X est compatible avec un tel graviton massif.

 

Science & Vie : Cela semble une interprétation particulièrement radicale, non ?

Steve Giddings : De très nombreux modèles ont été proposés ces derniers mois pour rendre compte de l’excès observé au LHC. La plupart d’entre eux sont un peu tirés par les cheveux. A l’inverse, les scénarios à bases de dimensions supplémentaires possèdent une très grande simplicité intrinsèque.

 

Science & Vie : Comment savoir si le X est bien un graviton massif ?

Steve Giddings : Dans la version la plus simple de cette approche, nous devrions continuer à voir le X se désintégrer en deux photons, mais également en paires de deux leptons, par exemple une paire électron/positon ou bien muon/anti-muon. Par ailleurs, si le X est un graviton massif, son spin (la grandeur qui mesure l’équivalent d’une sorte de mouvement de rotation sur lui-même) devrait être égal à deux. Pour l’heure, les données expérimentales sont compatibles avec une particule de spin égale à 0 ou 2.

 

Science & Vie : Ce serait une révolution ?

Steve Giddings : Un graviton massif serait un signal clair que l’espace possède plus de trois dimensions, ce qui serait à l’évidence une découverte d’une très grande profondeur. Mais évidemment, tout dépend pour l’instant de savoir si l’excès observé est un véritable signal ou une simple fluctuation ! Et dans le meilleur des cas, de ce qui sera découvert ensuite…

 

Propos recueillis par Mathieu Grousson

 

Mathieu Grousson est un journaliste collaborateur de Science & Vie spécialiste de la physique fondamentale. Suivez son blog “Particule X” :

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