NGC 1399 : portrait d’une galaxie géante

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Au cœur de l'amas Fornax trône la galaxie géante NGC 1399. Cet amas de galaxies se trouve à 65 millions d'années-lumière de la Voie lactée. L'influence gravitationnelle de la galaxie géante sur ses voisines est énorme : un pont d'étoiles, invisible sur cette image, relie déjà la petite galaxie NGC 1387, à droite de l'image, à la galaxie géante. A terme, NGC 1399 absorbera complètement sa compagne. Photo ESO.

Au cœur de l’amas Fornax trône la galaxie géante NGC 1399. Cet amas de galaxies se trouve à 65 millions d’années-lumière de la Voie lactée. L’influence gravitationnelle de la galaxie géante sur ses voisines est énorme : un pont d’étoiles, invisible sur cette image, relie déjà la petite galaxie NGC 1387, à droite de l’image, à la galaxie géante. A terme, NGC 1399 absorbera complètement sa compagne. Photo ESO.

C’est une image spectaculaire, vertigineuse, que vient de réaliser le VST européen, depuis l’observatoire de Cerro Paranal, dans le désert d’Atacama, au Chili. VST ? Une coquille, sans doute, puisque l’acronyme du célèbre Very Large Telescope européen, est, bien sûr, VLT… Oui, mais non : cette image inédite de l’amas de galaxies du Fourneau a bel et bien été prise par le VST – VLT Survey Telescope – installé, comme ses quatre voisins géants, au sommet du Cerro Paranal. Moins connu que ses prestigieux et monumentaux voisins – le VLT est un système de quatre télescopes de 8,2 mètres de diamètre chacun – le VST est un « petit » télescope de 2,6 m de diamètre, conçu uniquement pour prendre des images à très grand champ, à l’aide de sa caméra Omega Cam de 256 millions de pixels. Si le VLT observe en détails nébuleuses et galaxies, le VST arpente d’immenses champs célestes, et peut enregistrer, sur une seule image, des millions d’étoiles et de galaxies. De fait, le VST et son clone infrarouge, Vista (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) sont deux télescopes « éclaireurs » du VLT, dédiés aux champs profonds et aux longs temps de pose, leurs images permettant de découvrir des cibles qui seront ensuite étudiées en détail par les télescopes géants ou le télescope spatial Hubble, par exemple.

Le télescope VST est équipé d'un miroir de 2,6 m de diamètre et d'une caméra de 256 millions de pixels, afin de pouvoir réaliser des images du ciel à très grand champ. Photo S.Brunier.

Le télescope VST est équipé d’un miroir de 2,6 m de diamètre et d’une caméra de 256 millions de pixels, afin de pouvoir réaliser des images du ciel à très grand champ. Photo S.Brunier.

Le télescope VST a donc réalisé une image en long temps de pose – sept heures – de l’amas du Fourneau, l’un des amas de galaxies les plus proches, avec celui de la Vierge. L’amas du Fourneau, ou amas Fornax, se trouve dans la constellation australe du Fourneau, à une distance de 65 millions d’années-lumière. Il compte plus de cent galaxies, dont quelques géantes, et parmi elles, la fascinante NGC 1399.
L’équipe européenne de Enrichetta Iodice a découvert, en analysant sa photographie de l’amas Fornax, que la galaxie elliptique géante NGC 1399 s’étendait sur plus de… un million d’années-lumière ! En tout, quelque mille milliards d’étoiles occupent ce volume immense. Si l’enveloppe externe de la galaxie géante est presque vide, les étoiles étant situées à des centaines d’années-lumière les unes des autres, au cœur de NGC 1399, la densité stellaire est prodigieuse : les étoiles se pressent – à l’échelle cosmique, du moins – les unes contre les autres. Quelques centaines de milliards de kilomètres les séparent, soit quelques jours-lumière seulement…

Zoom sur NGC 1399. Cette image prise par le VST en sept heures de pose est la meilleure jamais enregistrée de cette galaxie géante. Autour du cœur brillant de la galaxie, où se cache un trou noir de 500 millions de masses solaires, une nuée de petites taches floues apparaît : ce sont des milliers d'amas globulaires, comptant chacun quelques dizaines ou centaines de milliers d'étoiles, qui ont été capturés au fil des éons par la galaxie géante. Photo ESO.

Zoom sur NGC 1399. Cette image prise par le VST en sept heures de pose est la meilleure jamais enregistrée de cette galaxie géante. Autour du cœur brillant de la galaxie, où se cache un trou noir de 500 millions de masses solaires, une nuée de petites taches floues apparaît : ce sont des milliers d’amas globulaires, comptant chacun quelques dizaines ou centaines de milliers d’étoiles, qui ont été capturés au fil des éons par la galaxie géante. Photo ESO.

La galaxie elliptique géante NGC 1399 est peuplée de petites et vieilles étoiles, toutes âgées de plusieurs milliards d’années. Les flamboyantes supergéantes bleues, qui illuminent les bras des galaxies spirales, telle sa voisine, NGC 1365, ou la Voie lactée, par exemple, n’existent plus depuis longtemps dans cette vieille galaxie, dénuée de gaz et de poussière. Aucune étoile ne naît plus dans cet essaim stellaire immense depuis des milliards d’années.
Comme toutes les elliptiques géantes, comme la célèbre M 87 de la Vierge, ou NGC 4889 de Coma, NGC 1399, au cœur de son amas, s’est formée progressivement en absorbant d’autres galaxies. Ces fusions galactiques à répétition l’ont transformée en monstre cosmique, qui d’ailleurs s’apprête à avaler sa voisine, la galaxie NGC 1387. L’équipe européenne, sur l’image du VST, a détecté un véritable pont d’étoiles entre les deux galaxies.
La masse totale de NGC 1399 approche cent mille milliards de masses solaires, en tenant compte du mystérieux halo de matière noire qui auréole la galaxie. Mais ce halo, sans lumière et sans couleur, est invisible, même pour le VST, et sa nature demeure inconnue. Le portrait de la galaxie géante du Fourneau est toujours une esquisse, il manque encore au tableau à venir son peintre, et son regard nouveau sur le monde.
Serge Brunier

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