Voie lactée : une spectaculaire image… invisible

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Au cœur de notre galaxie, la Voie lactée, des volutes de gaz et de poussières flottent dans un cosmos en apparence presque vide d'étoiles...Cette photographie mosaïque est un composite d'images prises par le télescope millimétrique Apex, à 870 micromètres de longueur d'onde et par le télescope spatial millimétrique Planck, à 850 micromètres, en rouge, et par le télescope infrarouge Spitzer, entre 3,6 et 8 micromètres de longueur d'onde, en bleu. Photos ESO/Nasa/ESA.

Au cœur de notre galaxie, la Voie lactée, des volutes de gaz et de poussières flottent dans un cosmos en apparence presque vide d’étoiles…Cette photographie mosaïque est un composite d’images prises par le télescope millimétrique Apex, à 870 micromètres de longueur d’onde et par le télescope spatial millimétrique Planck, à 850 micromètres, en rouge, et par le télescope infrarouge Spitzer, entre 3,6 et 8 micromètres de longueur d’onde, en bleu. Photos ESO/Nasa/ESA.

Cette spectaculaire image de la Voie lactée montre notre galaxie telle que nos yeux ne la contempleront jamais… En effet, il s’agit d’une image composite, dans laquelle ont été fusionnées les données prises par les télescopes spatiaux Planck et Spitzer et par le télescope submillimétrique Apex…
Une image qui montre un cosmos froid, fait de gaz et de poussières, et où les étoiles ne jouent que de très pâles seconds rôles, quand les photos classiques de la Voie lactée révèlent un extraordinaire, vertigineux poudroiement d’étoiles…
Paradoxalement, la galaxie spirale dans laquelle nous sommes plongés était pour les astronomes, jusqu’à ces dernières années, l’une des plus difficiles à observer et étudier… Ce disque immense d’environ cent mille années-lumière de diamètre est riche de près de deux cents milliards d’étoiles, et son plan de rotation est empli de gaz et de poussières interstellaires.
Infiniment peu denses, vides ou presque, ces nuées, quand elles s’accumulent sur des dizaines, des centaines d’années-lumière, deviennent opaques comme le plus ténébreux brouillard. Au point de nous cacher le visage de la Galaxie, de nous voiler sa probable gracile et élégante silhouette en double spirale, lancée dans un ballet infiniment lent dans le cosmos…

L'image mosaïque de la Voie lactée prise par Apex, Planck et Spitzer mesure 140 degrés de longueur sur 3 degrés de hauteur.ESO/Nasa/ESA.

L’image mosaïque de la Voie lactée prise par Apex, Planck et Spitzer mesure 140 degrés de longueur sur 3 degrés de hauteur.ESO/Nasa/ESA.

Pour percer le véritable mur d’étoiles et de poussières du disque galactique, les astronomes ont changé le curseur de leur vision nocturne. Nos yeux, comme les caméras électroniques des télescopes optiques classiques, sont sensibles au rayonnement électromagnétique visible – la lumière – entre 0,4 et 0,8 micromètres de longueur d’onde environ, soit un peu moins d’un millième de millimètre. Mais le spectre électromagnétique est bien plus large que l’étroite vision humaine, réglée précisément par l’évolution sur le rayonnement émis majoritairement par notre étoile, le Soleil. En deçà de la lumière visible, il existe des rayonnements invisibles – et dangereux par l’énergie énorme qu’il peuvent transporter – l’ultraviolet, le rayonnement X et le rayonnement gamma. Au delà, du visible, bien moins énergétiques, les rayonnements infrarouge, millimétrique, décimétrique, métrique… Pour des raisons historiques, liées aux récepteurs inventés pour les détecter, ces grandes longueurs d’ondes sont qualifiées ensemble de « rayonnement radio » mais leur nature est identique à l’infrarouge, la lumière visible ou l’ultraviolet…
Le dernier domaine électromagnétique ouvert par les astronomes, voici une décennie environ, prolonge l’infrarouge : les ondes submillimétriques et millimétriques sont principalement émises par les milieux très froids, comme les cocons gazeux qui donnent naissance aux étoiles. Les milliards d’étoiles de la Voie lactée sont pratiquement invisibles dans ces rayonnements et notre galaxie est donc, pour les télescopes submillimétriques et millimétriques, presque transparente…

Ce montage montre le centre de notre galaxie, dans les constellations du Sagittaire et du Scorpion, vu dans divers domaines de longueur d'onde. En haut, Apex, à 870 micromètres, dans le domaine millimétrique, puis en infrarouge, avec le satellite Spitzer, entre 3,6 et 8 micromètres, puis par le télescope infrarouge Vista, entre 1,2 et 2,2 micromètres et enfin, dans le domaine de la lumière visible, entre 0,4 et 0,8 micromètres de longueur d'onde. Photos ESO/Nasa/ESA/S.Guisard.

Ce montage montre le centre de notre galaxie, dans les constellations du Sagittaire et du Scorpion, vu dans divers domaines de longueur d’onde. En haut, Apex, à 870 micromètres, dans le domaine millimétrique, puis en infrarouge, avec le satellite Spitzer, entre 3,6 et 8 micromètres, puis par le télescope infrarouge Vista, entre 1,2 et 2,2 micromètres et enfin, dans le domaine de la lumière visible, entre 0,4 et 0,8 micromètre de longueur d’onde. Photos ESO/Nasa/ESA/S.Guisard.

Le télescope millimétrique le plus puissant de la planète se trouve sur un plateau désolé situé dans la cordillère des Andes chiliennes, en bordure du désert d’Atacama, au Chili : Alma est un réseau de 66 antennes de 12 et 7 mètres de diamètre observant toutes ensemble. Cet engin géant, d’un coût de un milliard d’euros environ, a a été construit et est utilisé par l’Europe, les États-Unis et le Japon. Extrêmement puissant, Alma (Atacama Large Millimeter Array) est seulement limité par un champ de vision minuscule. Sur le plateau de Chajnantor, à plus de 5000 mètres d’altitude, ce télescope géant est secondé par un petit télescope de 12 mètres, Apex, qui a servi de banc d’essai à Alma…
Apex est doté d’une « caméra » à grand champ capable d’observer de grandes zones du ciel, et il sert d’éclaireur à Alma, en cartographiant de grands champs célestes dans le domaine submillimétrique…
Les astronomes européens viennent de scanner avec Apex et son instrument Laboca l’ensemble du disque galactique visible depuis l’hémisphère sud, un panorama de 140 degrés de large… Laboca (Large Bolometer Camera) est en réalité un thermomètre ultra sensible qui convertit les infimes variations de température qu’il détecte en une image de 300 pixels environ. L’instrument, sous vide, est refroidi à -272,85 °C, soit à peine plus que le zéro absolu, la température minimale possible, de -273,15 °C.
Cette nouvelle image panoramique de la Voie lactée va permettre aux astronomes de découvrir des cibles cosmiques intéressantes pour Alma, en particulier au cœur des plus jeunes nébuleuses, où se nichent des milliers d’étoiles naissantes et leurs planètes en devenir…
Serge Brunier

Le champ couvert par l'antenne de 12 mètres de diamètre Apex est immense : l'image panoramique de la Voie lactée mesure 140 x 3 degrés. La résolution de cette image, c'est à dire la précision de ses détails, avoisine 20 secondes d'arc. Par comparaison, le réseau Alma, dans un champ de quelques secondes d'arc seulement, offre une résolution de 0,02 seconde d'arc... Les images d'Alma sont donc cent fois plus nettes, ce qui est normal, puisque le réseau Alma est cent fois plus grand que le télescope Apex... Photo ESO/ESA.

Le champ couvert par l’antenne de 12 mètres de diamètre Apex est immense : l’image panoramique de la Voie lactée mesure 140 x 3 degrés. La résolution de cette image, c’est à dire la précision de ses détails, avoisine 20 secondes d’arc. Par comparaison, le réseau Alma, dans un champ de quelques secondes d’arc seulement, offre une résolution de 0,02 seconde d’arc… Les images d’Alma sont donc cent fois plus nettes, ce qui est normal, puisque le réseau Alma est cent fois plus grand que le télescope Apex… Photo ESO/ESA.

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