"Mère célibataire, je me sens incapable"

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« Maman célibataire d’un petit garçon de 13 mois, je me sens dépassée, et j’ai peur de ne pas lui donner la bonne éducation. Ma famille me critique sur tout ce que je fais ; je n’arrive pas à gérer les colères, et les caprices de mon fils, j’ai l’impression d’être incapable. Je n’ai pas d’amis car j’ai déménagé. Sur le plan financier, j’ai eu de gros soucis car mon employeur a mis deux mois à me payer. J’ai dû aller au “Restos du cœur”, et je suis allée voir une assistante sociale qui n’a pas pu grand-chose pour moi. Je ne sais plus quoi faire, j’essaie de tout faire  pour qu’il soit heureux, mais ses crises et les critiques me plongent dans un désarroi. J’aime mon fils et le désirais même si depuis le début je suis seule. Alizée » 

 

> La réponse de Jacques Arènes : 

C’est une drôle de solitude que d’être seule avec un enfant. On a quelqu’un dont on doit s’occuper, quelqu’un qu’on aime, et vous dites que vous l’avez désiré, ce petit garçon. Il est donc aimé, très aimé, mais vous vous sentez débordée. Vous êtes donc bien occupée, Alizée, mais vous êtes seule, d’une autre solitude ; vous êtes en manque du lien avec d’autres adultes qui seraient soutenants et accueillants, et ne fonctionneraient pas avec vous sur le seul registre de la critique. Vous « ramez » donc en faisant comme vous pouvez. Je ne sais pas si votre famille est proche ou lointaine (en termes de distance, mais aussi en termes affectifs), mais peut-être faut-il leur dire simplement que vous avez plus besoin d’aide que de discours vous indiquant comment il faut vous comporter. Il faut sans doute essayer de comprendre les raisons de cette critique familiale.

D’où vient-elle d’ailleurs, cette critique ? Pour une part de votre mère, j’imagine. Il est possible qu’elle soit inquiète pour vous, inquiète de voir sa « petite » fille seule et déjà maman. Certaines personnes expriment leur angoisse sur le mode de la récrimination. Il est possible aussi qu’elle vous en veuille d’avoir gardé cette enfant, qui vous « oblige » si jeune à avoir une vie difficile. Dans tous les cas, il s’agit pour vous d’aborder la question en vérité avec elle et avec eux, en leur exprimant à la fois votre désir de vous battre pour ce petit, et votre souffrance de l’hostilité qu’elle et ils manifestent.

Rassurez-vous en revanche sur le problème de ces crises de votre fils que vous n’arrivez pas à « gérer ». C’est assez courant qu’un parent seul avec un jeune enfant – souvent une « maman » – aient du mal à gérer la relation, à contenir les colères du petit, et à se montrer assez ferme quand il fait un caprice. Vous êtes sûrement très « compétente » pour élever un enfant ! Mais, c’est plus facile quand il y a un tiers, un autre parent qui aide à prendre de la distance avec les situations, et à être ferme quand il le faut. En face à face avec un gamin, on est forcément plus « collé » à lui, et c’est alors difficile de se dégager de la proximité pour le limiter dans ses impulsions, le contenir, et lui refuser des demandes excessives. D’autant qu’à 18 mois, il commence à vouloir se différencier de vous dans l’opposition.

Vous arriverez précisément, avec le temps, à réguler tout cela, d’abord parce que votre fils va grandir, et ensuite parce que vous allez prendre confiance en vous. Il vous faut d’abord trouver des « trucs » pour arriver à changer de rôle : passer rapidement, quand il fait un caprice, de la position de la maman qui console à celle de l’adulte qui tient bon devant les scènes du petit, même si celui-ci se roule par terre pour réclamer des bonbons. Pour y « arriver », c’est important d’y croire : croire que c’est bien pour lui, dans certains cas, de lui dire non. Cela l’aide à se construire. Au début il continuera à faire des scènes ! – vous pouvez, s’il en rajoute, l’isoler pendant quelques temps – et progressivement il comprendra que cela ne marche plus.

Essayez aussi d’analyser les raisons pour lesquelles vous peinez à « contenir » votre enfant : est-ce, par exemple, une forme de culpabilité vis-à-vis de lui ? Si vous vous en voulez de l’avoir fait naître dans ces conditions un peu difficiles, il est possible que vous cherchiez inconsciemment à vous racheter en étant pas assez ferme avec lui. Avec le temps, tout cela se mettra donc en place. En attendant, il y a cette solitude et cette précarité qui sont lourdes à porter. Vous avez déjà essayé de vous faire accompagner par une assistante sociale, vous pouvez aussi demander de l’aide à des associations comme le Secours Catholique qui peuvent vous accompagner matériellement, et vous soutenir dans vos démarches. Dans certaines villes, il existe des structures qui accueillent ou conseillent des mères seules avec leurs enfants. Il existe aussi des « maisons des familles », dans lesquelles les parents se rencontrent, et rencontrent des professionnels et des bénévoles les guidant dans leur parentalité… J’espère Alizée que vous tisserez peu à peu cela.

J’ai déjà répondu sur ce site à des mamans seules avec enfant. J’y donne d’autres indications qui pourraient vous être utiles. Si vous ne les trouvez pas, je vous enverrai ces témoignages et mes réponses. En attendant, j’entends bien, votre vie est lourde à porter. Je fais le vœu que vous rencontriez des personnes et des structures qui vous allègeront le fardeau. Et je vous souhaite du courage… et de la joie avec votre fils, et plus tard peut-être un conjoint.

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