Première : des spermatozoïdes auraient été fabriqués in vitro

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Un brevet protège le procédé de la première spermatogénèse in vitro - Ph. © IMP/CNRS Photothèque/Cyril FRESILLON

Un brevet protège le procédé de la première spermatogénèse in vitro – Ph. © IMP/CNRS Photothèque/Cyril FRESILLON

Si elle est confirmée, c’est une première mondiale qui offre aux hommes infertiles un espoir de plus d’avoir des enfants un jour grâce à la médecine procréative. Pour la première fois, des spermatozoïdes humains complets auraient été obtenus en cultivant in vitro des cellules prélevées dans les testicules d’hommes incapables d’en produire naturellement.

Chez les hommes sains, ces cellules souches, appelées spermatogonies, produisent les gamètes masculins au bout d’un processus de différenciation qui prend 72 jours. Un processus, appelé spermatogénèse, que les biologistes tentent depuis une quinzaine d’années de reproduire en laboratoire.

Mais jusqu’ici, plutôt que des spermatozoïdes complets, ils n’avaient  réussi à obtenir que des gamètes de forme anormale, sans tête ou sans flagelle (la “queue” qui leur permet de nager jusqu’à l’ovule).

Un des spermatozoïdes humains développés in vitro à partir de spermatogonies prélevées chez un individu. - Ph. ©Kallistem/CNRS / Marie-Hélène PERRARD

Un des spermatozoïdes humains développés in vitro à partir de spermatogonies prélevées chez un individu. – Ph. ©Kallistem/CNRS / Marie-Hélène PERRARD

Une technique secrète de thérapie cellulaire a permis d’obtenir des spermatozoïdes complets

C’est à présent réussi ! En tous cas, c’est ce qu’a annoncé ce matin la start-up Kallistem, issue de l’institut de génomique fonctionnelle de Lyon. A l’origine de cet exploit biologique, les chercheurs Philippe Durand (directeur de Kallistem) et Marie-Hélène Perrard (CNRS et Kallistem), en collaboration avec l’ingénieur des matériaux polymères Laurent David (professeur à l’université Claude Bernard).

Comment y sont-ils parvenus ? Seules sont disponibles les informations livrées par l’entreprise, car aucune étude scientifique détaillant ces résultats n’a encore été publiée. Kallistem a mis au point un dispositif de thérapie cellulaire baptisé Artistem, protégé par un brevet depuis la fin juin.

Dans le bioréacteur, la spermatogénèse est reproduite comme dans le corps humain

Il s’agit d’un “bioréacteur”, un tube en polymère flexible d’un centimètre de diamètre environ, rempli d’un hydrogel à base d’eau et de chitosane — une substance obtenue à partir de la chitine, qui compose l’exosquelette des crustacés.

Préparation du bioréacteur de Kallistem. La solution de chitosane est extrudée de la seringue dans un bain basique. Au contact avec la base, la solution de chitosane va gélifier instantanément conservant ainsi la forme de la sortie de seringue : un tube. Le passage dans ce bain dure quelques minutes. - Ph. ©IMP/CNRS Photothèque/Cyril FRESILLON

Préparation du bioréacteur de Kallistem. La solution de chitosane est extrudée de la seringue dans un bain basique. Au contact avec la base, la solution de chitosane va gélifier instantanément conservant ainsi la forme de la sortie de seringue : un tube. Le passage dans ce bain dure quelques minutes. – Ph. ©IMP/CNRS Photothèque/Cyril FRESILLON

Dans ce bioréacteur, les biologistes insèrent des tissus prélevés dans les testicules, appelés tubes séminifères : c’est là que les spermatogonies se développent en spermatozoïdes. Pour reproduire ce processus naturel, on veille à ce que l’architecture des tubes séminifères, serrés les uns contre les autres, soit maintenue comme dans le corps humain.

Après 72 jours d’incubation à 33 °C et dans un milieu de culture approprié, à un pH de 7,2 à 7,4, la spermatogénèse est complète et des spermatozoïdes se sont formés.

De nombreux tests sont encore nécessaires

Mais attention : avant de crier victoire, il faudra prouver que les spermatozoïdes ainsi cultivés sont bien fonctionnels —qu’ils parviennent à féconder un ovule— et qu’ils permettent de générer des embryons et des bébés en bonne santé.

Des tests vont donc démarrer, d’abord sur les rongeurs, ensuite sur des gamètes humains, pour vérifier ces deux points cruciaux. Ensuite, l’entreprise entamera la recherche clinique par des essais avec des hommes souffrant d’infertilité.

Des spermatozoïdes de rat développés in vitro. - Ph. © Kallistem/CNRS / Marie-Hélène PERRARD

Des spermatozoïdes de rat développés in vitro. – Ph. © Kallistem/CNRS / Marie-Hélène PERRARD

La spermatogénèse in vitro serait une solution pour des cas d’infertilité jusqu’ici sans issue médicale

Si cette technique passe les tests, la spermatogénèse in vitro offrira une solution à tous les hommes incapables de concevoir par voie naturelle, mais qui possèdent des spermatogonies. Ils sont 120 000 de par le monde à être touchés par une infertilité que la technologie ne permet pas, pour l’instant, de résoudre.

De plus, cette technique pourrait venir en aide aux garçons qui doivent subir une chimiothérapie suite à un cancer avant l’âge de la puberté, donc avant que leurs testicules ne se développent. A partir des tissus de leurs testicules, des spermatozoïdes pourraient être cultivés, puis congelés pour réaliser des fécondations in vitro plus tard. Plus de 15 000 enfants dans le monde son concernés par une chimiothérapie qui endommage leurs testicules.

—Fiorenza Gracci

 

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